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I. INTRODUCTION

1.1 Origine de la mission

Le présent rapport est le résultat d'une mission qui s'est déroulée du 14 au 28 avril 1995 dans le cadre du Programme sectoriel pêche PNUD/FAO-MAG/92/004. Elle constitue le prolongement de deux précédentes missions accomplies aux mois d'avril1 et de novembre 19942. On rappellera simplement ici que la dernière en date avait essentiellement pour objet d'élaborer et de présenter aux autorités nationales une réglementation portant redéfinition de la structure et des pouvoirs de la Commission interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture, de proposer un arrêté relatif aux plans d'aménagement des pêcheries prévus par l'article 6 de l'ordonnance No 93-022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture, de réviser et de finaliser le texte portant fixation des redevances en matière de licences de pêche, et de rédiger une étude relative aux conditions d'octroi des licences et autorisations de pêche commerciale, en particulier pour la pêche crevettière.

1.2 Mandat de la consultation juridique

Dans le cadre de la présente consultation juridique prévue au titre du Programme sectoriel pêche PNUD/FAO-MAG/92/004, le mandat confié au consultant juriste était le suivant:

“…le consultant juriste devra:

  1. - finaliser, à la lumière des discussions avec les autorités nationales, les projets de textes législatifs rédigés dans le cadre des deux missions précédentes et proposés au Gouvernement;

  2. - rédiger un rapport comprenant les éléments suivants:

1 E. Canal-Forgues, Législation des pêches à Madagascar, Programme Sectoriel Pêche MAG/92/004-DO/2/94, Rome 1994.

2 ibid., MAG/92/004-DO/7/94, Rome 1994.

Dans la mesure où certains textes d'application préparés dans le cadre des missions précédentes ont été adoptés sans changement par le Gouvernement malgache, notamment le décret fixant les modalités de gestion du compte de commerce No 92–94 “Fonds de Développement Halieutique et Aquicole” (Décret No 94.701 du 08/11/94) et l'arrêté portant fixation des redevances en matière de licences de pêche (Arrêté interministériel No 408/95 du 03/02/95), le consultant n'a pas jugé utile de les joindre à nouveau au présent rapport. En revanche, on trouvera en annexe la version définitive des textes d'application non encore adoptés, à savoir le projet de décret instituant la Commission Interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture conformément à l'article 5 de l'ordonnance No93-022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture (Annexe I) et le projet d'arrêté relatif aux plans d'aménagement des pêcheries prévus par l'article 6 de l'ordonnance No93-022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture (Annexe II).

Le présent rapport contient également des recommandations actualisées sur un certain nombre d'actions futures éventuelles relatives à la réglementation qui devrait encore être élaborée à court ou moyen terme, en particulier les textes réglementaires déterminant les conditions d'octroi des concessions de pêche et d'aquaculture et ceux organisant la révision du régime général des concessions/amodiations en matière de pêche continentale; ou encore le texte d'habilitation des agents de contrôle à l'effet de mettre en place une police de la pêche ou la réglementation relative au contrôle de la salubrité des installations et équipements et de la qualité des produits conformément aux directives émanant de la Communauté Economique Européenne.

1.3 Autres activités

La Direction des Ressources Halieutiques a bien voulu porter à la connaissance du consultant deux textes en préparation (v. les annexes III et IV du présent rapport):

Au plan formel, deux remarques s'imposent. En premier lieu, c'est dans le cadre du nouveau Comité technique sur la mer constitué sous l'égide du Ministère des Affaires Etrangères en vue d'accompagner l'entrée en vigueur le 16 novembre 1994 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (dont Madagascar est signataire) que la révision de l'encadrement juridique des espaces maritimes malgaches est mené. En second lieu, le projet de loi fixant les limites des zones maritimes de la République de Madagascar abroge, notamment, les dispositions de l'Ordonnance No 73-060 du 28 septembre 1973 fixant les limites de la mer territoriale et du plateau continental de la République Malgache de même que celles de l'Ordonnance No 85-013 du 16 septembre 1985 fixant les limites des zones maritimes (mer territoriale, plateau continental et zone économique exclusive) de la République Démocratique de Madagascar.

Au plan substantiel, l'exposé des motifs du projet de loi précité indique clairement que le texte a pour objet de préparer la ratification de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et la possibilité de futurs accords de pêche avec les pays riverains. Cela passait nécessairement par la redéfinition des limites des zones maritimes malgaches, pour ce qui est, en particulier, de la ligne de base à partir de laquelle est mesurée la largeur des eaux intérieures, de la mer territoriale, de la zone contiguë et de la zone économique exclusive, et du plateau continental dont les données géodésiques permettent de fixer la limite extérieure. Un certain nombre de remarques s'imposent.

  1. Aucun changement n'est à noter depuis l'Ordonnance de 1985 en ce qui concerne la fixation de la largeur de la mer territoriale (12 milles marins), de la zone contiguë (24 milles marins) et de la zone économique exclusive ou Z.E.E (200 milles marins) (Art. 4, 5 et 6 du projet de loi). Cela est heureux dans la mesure où la législation précédente était déjà en accord avec les principes adoptés par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982. En effet, selon l'article 57 de la Convention de Montego Bay, la Z.E.E ne peut s'étendre au-delà de 200 milles des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale. En pratique, toutefois, l'étendue effective de la Z.E.E. reste toujours à déterminer soit “sur la base de la ligne d'équidistance entre les Etats concernés soit par voie d'accord” (Art. 6) dans les zones où elle empiète sur celles déclarées par d'autres Etats côtiers.

  2. Alors que les eaux intérieures étaient définies comme la zone comprise entre, au large, la ligne de base droite servant au calcul de la mer territoriale et, à terre, la laisse de haute mer, elles sont désormais constituées de “la partie de mer située endeça de la ligne de base stipulée à l'article précédent” (Art. 3). De là découle l'importance de la détermination précise de la ligne de base à partir de laquelle est mesurée l'étendue des eaux intérieures, des eaux territoriales et de la Z.E.E. Or on sait que, d'un point de vue juridique, l'acte de délimitation est un acte unilatéral, même si son opposabilité relève du droit international.

  3. Le Décret No 63-131 du 27 février 1963 fixant la limite de la mer territoriale de la République malgache a établi la ligne de base comme une série de lignes de base droites tracées entre un certain nombre d'emplacements géographiques fixes consécutifs autour du littoral malgache. Il est certain que ce type de tracé maximise l'extension des espaces placés sous emprise nationale. La Convention de Montego Bay de 1982, reprenant en cela les attendus de l'arrêt rendu par la C.I.J. le 18 décembre 1951 dans l'affaire des Pêcheries opposant le Royaume-Uni à la Norvège qui avait considéré que la délimitation norvégienne fondée sur la technique des lignes de base droites n'était pas “contraire au droit international”, prévoit d'ailleurs cette possibilité en son article 7, qui dispose que lorsque le littoral est profondément échancré et découpé, l'utilisation du principe des lignes de base droites peut être justifiée3.

    Il semble toutefois difficile de soutenir cette position au regard du littoral malgache4. Dès lors, le principe de la ligne de base droite (ou “ligne d'eau”) devrait normalement céder la place à celui de la ligne de base normale (ou “ligne de terre”) prévu à l'article 5 de la Convention de Montego Bay, c'est-à-dire la laisse de basse mer longeant la côte, qui est généralement entendue comme celle des marées basses de printemps, le niveau le plus bas en dessous duquel la marée descend rarement. Pourtant, l'art. 7 du projet de loi nouveau maintient l'optique initiale puisque la ligne de base est constituée par l'ensemble des droites reliant des points appropriés dont la liste est fixée par le projet de décret précité. La ligne de base entre deux points consécutifs est par conséquent la droite qui les réunit. Et on peut noter qu'en deux points seulement du littoral malgache, les points 31 (Sainte Luce) et 32 (Foulpointe), la ligne de base se confond avec la laisse de basse mer longeant la côte (Art. 2 du projet de décret).

  4. Les textes existants n'apportaient pas d'indications particulières s'agissant du plateau continental. Le plateau continental est désormais défini comme “le prolongement immergé du territoire terrestre jusqu'au rebord externe de la marge continentale” (Art.7 du projet de loi). En tout état de cause, la limite extérieure du plateau continental sur une dorsale sous-marine “ne dépasse pas une ligne tracée à 350 milles marins de la ligne de base” (ibid).

Le consultant a pu également prendre connaissance du décret No93-844 du 9 décembre 1993 relatif à l'hygiène et à la qualité des aliments et produits d'origine animale. Ce décret a pour objet général de sauvegarder la salubrité et la qualité des denrées alimentaires d'origine animale, y compris “les produits de la mer et d'eau douce” selon l'article 2, paragraphe 1, point 5). Il prévoit que le régime de l'importation et de l'exportation des denrées alimentaires d'origine animale, et notamment les certificats et attestations nécessaires à ces deux opérations, sera défini par arrêté du Ministre chargé de l'Elevage.

3 Toutefois, la Convention de Montego Bay reste muette sur le pont de savoir quelle est la distance maximum entre les lignes de base droites et la côte ainsi qu'entre les points joints par les lignes droites.

4 Voir, sur ce point, le rapport de P. Derham, Propositions pour une méthode optimisée de gestion de la pêche avec un système rentable de contrôle, de réglementation et de surveillance, Association thonière, Commission de l'Océan Indian, 1994

On fera observer, cependant, que l'ordonnance No93–022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture n'est pas expressément visée par le décret pourtant pris postérieurement. Surtout, il n'est tenu aucun compte de ses dispositions pertinentes, alors même que l'article 16 de ladite ordonnance dispose explicitement qu' “en étroite collaboration avec les autres administrations concernées, le Ministre chargé de la Pêche et de l'Aquaculture conjointement avec le Ministre chargé de l'Environnement adoptent par voie réglementaire et font appliquer des mesures de contrôle de la salubrité et de la qualité des produits de la pêche et des établissements de traitement, de conditionnement et de stockage.” De même, l'article 17 subordonne l'exportation des produits de la pêche ou de l'aquaculture malgaches à “l'obtention d'un certificat d'origine et de salubrité délivré par l'autorité habilitée à cette fin par la Direction chargée de la Pêche et de l'Aquaculture.”

Le texte réglementaire est donc, de ce point de vue, en complète contradiction avec l'ordonnance. Outre le fait qu'il donne la compétence de principe en matière de contrôle des produits de la mer et d'eau douce à la Direction de l'Elevage, et ce en violation des dispositions de l'ordonnance No 93–022, on peut également déplorer le fait qu'il ait été pris sans faire référence à l'ordonnance du 4 mai 1993, texte fondamental en matière de réglementation de la pêche et de l'aquaculture à Madagascar. Ensuite, la démarche indiquée par les articles 16 et 17 de l'ordonnance du 4 mai 1993 n'a pas été respectée: la collaboration des administrations concernées, et singulièrement celle de la Direction des Ressources Halieutiques, n'a pas été recherchée. De toute évidence, le Ministère chargé de l'environnement n'a pas non plus été consulté, alors qu'il aurait dû prendre une part active dans la préparation et dans l'adoption de ce texte.

Afin de rétablir une situation juridique claire et conforme à la législation en vigueur, il est impératif que les dispositions du décret No 93–844 soient au plus tôt rendues conformes à l'ordonnance en ce qui concerne les produits de la mer et d'eau douce.

RECOMMANDATION PRINCIPALE

Il est recommandé de préparer un décret modificatif énonçant que, par dérogation aux dispositions du décret No 93–844 du 16 novembre 1993 et conformément aux articles 16 et 17 de l'ordonnance No 93-022 du 9 mai 1993, l'autorité compétente en matière d'inspection sanitaire et qualitative des produits de la mer et d'eau douce est désormais la Direction chargée de la pêche et de l'aquaculture du Ministère chargé de la pêche et de l'aquaculture. C'est en effet au Ministère chargé de la pêche et de l'aquaculture conjointement avec le Ministère chargé de l'environnement, et en étroite collaboration avec les autres administrations intéressées qu'incombe la responsabilité d'établir le contrôle et d'en prévoir les modalités d'exécution. Et c'est à la Direction chargée de la pêche et de l'aquaculture elle-même qu'il revient d'habiliter l'autorité qui délivrera le certificat d'origine et de salubrité nécessaire à l'exportation des produits de la pêche et de l'aquaculture malgaches.

Le fait que le décret incriminé se fonde lui-même sur une loi, à savoir la loi No 91– 008 du 25 juillet 1991 relative à la vie des animaux, n'est pas pertinent. En matière de conflit de lois, le principe juridique applicable est que la loi spéciale l'emporte sur la loi générale, de même que la loi plus récente l'emporte sur la loi plus ancienne.

1.4 Remerciements

Au cours de sa mission, le consultant a bénéficié de l'appui constant et actif des divers départements et institutions concernés, et tout particulièrement de la Direction des Ressources Halieutiques du Ministère de l'Elevage et des Ressources Halieutiques, en particulier M. Rahehisora Frediss. La Représentation de la FAO, et tout particulièrement M. Stefano Bonezzi, le Conseiller technique principal du Programme sectoriel pêche PNUD/FAO-MAG/92/004, M. Dominique Gréboval, ainsi que le personnel du projet ont également fourni une assistance précieuse et continue. De manière plus générale, le consultant exprime ses remerciements et assure de sa gratitude toutes les personnes ayant directement ou indirectement apporté leur aide au programme cité en référence.

II. ASSISTANCE JURIDIQUE: UN PREMIER BILAN

2.1 Textes adoptés

  1. Ordonnance No 93-022 du 04/05/1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture;

    Note: texte législatif de base, l'Ordonnance tient compte de l'évolution du droit international en la matière, propose une approche dynamique de la conservation des stocks et de la gestion des pêcheries et définit les normes relatives à l'exploitation et à la gestion de l'aquaculture.

  2. Décret No 94–112 du 18/02/1994 portant Organisation générale des activités de pêche maritime;

    Note: ce texte constitue l'un des textes réglementaires majeurs en matière de pêche maritime. Il vise essentiellement à préciser certains principes et orientations fixés par l'Ordonnance No93-022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture (en particulier les catégories de pêche et les classes de navires), à définir le régime juridique des licences et autres autorisations de pêche et à organiser le régime juridique applicable aux navires de pêches étrangers.

  3. Décret No 94–701 du 08/11/1994 portant création du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole;

    Note: l'institution du Fonds permet désormais au Comité de gestion, créé pour l'administrer, d'affecter 75% du montant des recettes (redevances et amendes en particulier) au financement d'un programme de développement des activités de pêche et d'aquaculture.

  4. Arrêté interministériel No 408/95 du 03/02/1995 portant fixation des redevances en matière de licences de pêche;

    Note: l'adoption de cet arrêté constitue un élément essentiel de la politique de gestion et d'aménagement des pêcheries.

Recommandations particulières

  1. Lors de l'élaboration des arrêtés annuels ultérieurs, il serait judicieux de prévoir une modification des taux de redevances, en revoyant notamment la grille d'indexation et les classes de navires.

  2. Dans la mesure où la ressource est inégalement répartie dans le pays, la possibilité de fixer des taux de redevances par zones de pêche pourrait utilement être étudiée.

2.2 Textes qui restent à être adoptés

  1. Projet de décret instituant la Commission Interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture (CIPA) conformément à l'article 5 de l'Ordonnance du 04/05/1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture;

    Note: l'élaboration d'une nouvelle politique des pêches implique une redéfinition des institutions qui couvrent le secteur. A ce titre, la création d'une Commission interministérielle de la pêche et de l'aquaculture fait incontestablement partie des priorités. Une étude détaillée du dispositif juridique existant a permis de recenser les dispositions pertinentes en la matière. Quatre textes de nature et de portée diverses comportaient des indications utiles, mais parfois contradictoires, à savoir l'Ordonnance du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture, le Décret du 18 février 1994 portant Organisation générale des activités de pêche maritime, le Décret du 18 mai 1971 réglementant l'exercice de la pêche par chalutage dans la mer territoriale et, accessoirement, le Décret du 3 juillet 1962 portant création d'un Conseil supérieur de la protection de la nature.

    L'analyse de ces textes avait permis de noter que la structure de concertation existante en matière d'aménagement et de conservation des pêcheries n'était pas satisfaisante, dans la mesure où la Commission interministérielle des pêches maritimes ne reposait pas sur des bases juridiques solides. Ses compétences et sa composition nécessitaient par conséquent d'être revues.

    Dans la mesure du possible, on s'est efforcé d'étendre le champ de ses attributions à la pêche artisanale et à l'aquaculture par le biais d'un système de sous-commissions à composition restreinte et à compétence spécialisée. La composition de la Commission elle-même fait l'objet d'une réforme. Le rôle des institutions de recherche et d'enseignement spécialisées dans le domaine halieutique est renforcé. Il est également prévu la consultation des représentants de la profession (opérateurs de la pêche industrielle, de la pêche artisanale, de la pêche traditionnelle) dans le cadre des sous-commissions d'aménagement de la pêche maritime, continentale et de l'aquaculture.

  2. Projet d'arrêté relatif aux plans d'aménagement des pêcheries conformément à l'article 6 de l'Ordonnance du 04/05/1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture;

    Note: aux termes de l'article 6 de l'Ordonnance du 04/05/1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture, le Ministre chargé de la pêche et de l'aquaculture prépare et maintient à jour, en collaboration avec les ministères concernés, des plans d'aménagement des pêcheries et de la conservation des stocks. Il en arrête la durée, le contenu et les modalités d'élaboration. La nécessité de garantir une gestion adéquate des ressources halieutiques en vue d'en assurer la pérennisation ou la conservation, en exécutant notamment les objectifs des plans de gestion et d'aménagement des pêcheries, peut d'ailleurs conduire à une sanction, à savoir le refus, la suspension et même la révocation de la licence de pêche (art. 15 du Décret No 94–112 du 18 février 1994 portant Organisation générale des activités de pêche maritime).

RECOMMANDATIONS PRINCIPALES

  1. Le consultant souhaite attirer une nouvelle fois l'attention des autorités nationales sur la nécessité de faire passer au plus tôt ces deux textes, qui ont fait l'objet de discussions approfondies. On ne saurait en effet concevoir que la politique à suivre en matière de gestion et d'aménagement des pêcheries dans ses applications les plus variées et les plus importantes: avis en matière de délivrance de licences de pêche et de taux de redevances, orientations en matière de développement et de recherche, préparation des plans d'aménagement des pêcheries… continue à être définie par l'actuelle Commission interministérielle des pêches maritimes, dont il a été noté dans un précédent rapport qu'elle ne fonctionnait pas de manière satisfaisante.

  2. Il apparaît tout aussi indispensable que la procédure légale de préparation et de mise à jour, en collaboration avec les ministères concernés, des plans d'aménagement des pêcheries et de conservation des stocks qui fait l'objet du projet d'arrêté ci-dessus mentionné soit au plus tôt adoptée, si possible concomitamment. Est-il besoin de souligner que l'adoption de cette réglementation ne constitue que la simple mise en oeuvre des dispositions de l'Ordonnance du 04/05/1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture, et en l'absence de laquelle aucune véritable politique de gestion et d'aménagement des pêcheries ne peut être menée par les autorités nationales?

III. QUESTIONS D'ACTUALITE

3.1 Mise en oeuvre du Comité de Gestion du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole

L'institution récente du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole sous la forme du compte de commerce No 92-24 par décret No 94–701 du 8 novembre 1994 permet désormais au Comité de gestion créeé pour l'administrer d'affecter 75% du montant des recettes attribuées au Fonds au financement d'un programme cohérent de développement des activités de pêche et d'aquaculture (v. l'art. 6 du décret).

Depuis, l'arrêté No 1993–95 en date du 24 avril 1995 est venu nommer les membres du Comité de gestion. Outre le président (le Ministre chargé de la pêche ou de l'aquaculture ou toute personne par lui désignée), le Comité est composé de cinq représentants de l'administration et de trois représentants des opérateurs regroupés au sein du nouveau Groupement des Armateurs à la Pêche Crevettière de Madagascar (G.A.P.C.M). On ne peut que faire remarquer la prépondérance des représentants de l'administration au sein dudit comité et déplorer l'absence d'un représentant du secteur de l'aquaculture ou même d'un représentant des collecteurs, puisque le principe d'une redevance attachée aux autorisations de collecte et dont le produit est destiné à alimenter le Fonds est désormais acquis.

Il est recommandé la modification dudit arrêté dans un sens plus conforme aux objectifs du Fonds. Il est en particulier suggéré que le Ministre chargé de la pêche et de l'aquaculture désigne un représentant de l'aquaculture et un représentant des collecteurs, de telle sorte que la parité souhaitable entre représentants de l'administration et représentants des opérateurs au sein du Comité de Gestion soit, malgré la voix prépondérante du Président, respectée.

Dans le cadre d'un appui à la Direction des Ressources Halieutiques pour les modalités de fonctionnement du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole, ladite Direction a demandé qu'un cabinet de consultants juristes nationaux propose “les dispositions juridiques et réglementaires pour assurer la mise en oeuvre et le fonctionnement du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole.” Il était notamment indiqué dans les termes de référence fournis par la Direction des Ressources Halieutiques que le cabinet devait proposer les arrêtés d'application exigés par le décret constitutif du Fonds, à savoir la mise en place des structures (art. 8 du décret), la liste des personnes composant le Comité de gestion (art. 5 § 3 du décret) et le définition de l'origine et de la nature des recettes (art. 7 du décret). Plus précisément encore, le cabinet devait indiquer les “règles internes propres au fonctionnement de l'ensemble de la structure et des relations entre ses différentes composantes, tout en spécifiant les relations avec les tiers et les autres administrations.”

A l'occasion d'une réunion provoquée par la Direction des Ressources Halieutiques avec le cabinet de consultants juristes et le personnel du projet PNUD/FAO-MAG/92/004, en présence du rédacteur du présent rapport invité à participer aux travaux par la Direction des Ressources Halieutiques, une version préliminaire du rapport a pu être commentée. Au titre des structures organisationnelles, on peut noter la proposition de mise en place d'un organe délibératif d'une part composé du Président et des membres du Comité de gestion, et d'un organe exécutif d'autre part, avec à sa tête un coordinateur assisté d'un régisseur, d'un comptable, d'une secrétaire et de chefs de projet.

Parallèlement à la présentation de l'organigramme général, la première version d'un “Manuel de procédures” relatives au fonctionnement du Fonds a également été distribuée. Sont ainsi prévues les procédures de fonctionnement du Comité de gestion, celles de l'organe exécutif, les procédures de gestion des projets, celles relatives aux opérations financiéres, et enfin celles relatives aux activités de contrôle. De même, plusieurs règlements intérieurs applicables au Comité de Gestion, à l'organe exécutif, à l'administration du Fonds, aux règles de gestion, à la décentralisation administrative et aux dispositions juridiques (sic) ont été élaborés.

Sur l'ensemble, des éclaircissements ont été obtenus, des suggestions ont été faites, notamment quant à la possibilité de prévoir un assistant technique afin d'aider la tâche du coordinateur. Des remarques ont été formulées quant à l'architecture générale du règlement intérieur, jugée peu logique. Nonobstant, on ne peut que louer la cohérence et le sérieux de cette étude préliminaire, dont une version définitive doit être mise à disposition des autorités nationales dans les plus brefs délais.

Il n'en reste pas moins que la mise en oeuvre effective du Fonds requiert d'ores et déjà d'autres interventions. La mise en place des structures nécessite d'être précisément accompagnée. On ne saurait oublier, en effet, que les recettes affectées au Fonds de Développement Halieutique et Aquicole doivent représenter en moyenne 5 milliards de FMG par an (1 250 000 USD environ). Il s'avère donc particulièrement nécessaire, au moins pour ce qui est des premiers mois d'application du système, de prévoir un suivi particulièrement attentif non seulement du fonctionnement de la structure générale du Fonds mais aussi de la mise en oeuvre des activités projetées au titre du développement du secteur de la pêche et de l'aquaculture (par exemple le système de contrôle et de surveillance).

Afin d'accompagner la mise en place des structures du Fonds dans les tous prochains mois, il est recommandé que les autorités nationales prennent avantage de la possibilité de demander une assistance ponctuelle de la FAO à cet effet, et en particulier de son programme de coopération technique (PCT). Cela permettrait d'accorder à ces activités de démarrage l'appui technique, juridique et institutionnel qui est maintenant requis en priorité.

3.2 Problèmes posés par la pêche industrielle dans la zone des deux milles

La pêche la plus importante à Madagascar porte sur différentes espèces de crevettes, principalement sur la côte nord-ouest et sur la côte centre-ouest. A elle seule, la pêche à la crevette produit entre 6 et 8000 tonnes par an. Elle constitue désormais la première recette d'exportation du pays. Cette pêche est exploitée principalement par une flottille industrielle de crevettiers comprenant environ 60 bateaux de vingt mètres appartenant, pour l'essentiel, à trois grandes sociétés. Les pêcheurs traditionnels et artisanaux qui se livrent à ce type de pêche utilisent pour leur part des barrages de fascines ou “valakira” et des filets qu'ils placent en travers de l'embouchure de certains fleuves et estuaires, surtout au nord-ouest. D'après les études scientifiques effectuées, les fonds crevettiers malgaches sont situés, sauf rares exceptions, en deça de la ligne de base. De nombreuses plaintes ont été recensées contre les chalutiers de pêche industrielle intervenant dans la zone des deux milles et qui auraient détruit au cours de leurs opérations des filets maillantsutilisés pour la pêche artisanale. Inversement, la flotte industrielle se plaint de ce que les filets et “valakira” empêchent les crevettes de migrer vers la mer et occasionnent une mortalité accrue des espèces destinées à la reproduction.

En principe, la pêche industrielle est interdite à moins de deux milles des côtes. La réglementation en la matière remonte au début des années 1920 et, à notre connaissance, concerne seulement la pêche à la crevette. Mais les textes mêmes qui fondent le principe de cette interdiction sont relativement obscurs et peuvent prêter à diverses interprétations.

Le premier d'entre eux, le décret du 5 juin 1922 relatif à la pêche fluviale à Madagascar et à la pêche maritime côtière interdit en son article 10 le chalutage dans la zone des deux milles à compter de la côte. Par la suite, l'article 11 du décret No 71–238 du 18 mai 1971 règlementant l'exercice de la pêche par chalutage dans la mer territoriale vint disposer que “par dérogation à l'article 10 du décret du 5 juin 1922, les licences de pêche au chalut autorisent leurs détenteurs à pêcher la crevette dans la zone des deux milles à compter de la côte”. Enfin, l'article 11 du décret No 73–171 du 22 juin 1973 portant modification de certaines dispositions du décret No 71–238 du 18 mai 1971 est venu énoncer que “… les licences de pêche au chalut peuvent (c'est nous qui soulignons) autoriser leurs détenteurs à pêcher la crevette dans la zone des deux milles à compter de la côte”.

C'est de cette dernière formulation qu'on a généralement déduit l'interdiction de la pêche artisanale et industrielle par chalutage dans la zone des deux milles. A cela s'ajoute sans aucun doute l'imprécision de l'expression “la côte” employée par les décrets successifs. Il est certain aujourd'hui que l'expression de “ligne de base” par exemple, pour autant qu'elle puisse être déterminée avec précision (c'est l'objet du projet de décret de 1994 examiné plus haut), pourrait lui être heureusement substituée tant du point de vue scientifique que juridique. Pour la compréhension du problème posé, on posera que le mot de “côte” est ici considéré comme équivalent à celui de “ligne de base”. Dans ces conditions, cela signifie que le chalutage par les détenteurs de licences de pêche crevettière n'est autorisé, sans conditions particulières, qu'au delà de deux milles à partir des lignes de base dont la définition repose encore sur les dispositions du décret No 63–131 du 27 février 1963.

Pour autant, et en théorie, la rédaction du texte incriminé n'interdît pas totalement les activités de pêche des chalutiers de pêche artisanale ou industrielle dans la zone des deux milles. Celles-ci peuvent être autorisées lors de l'attribution de la licence de pêche au chalut. Toutefois, cette autorisation doit prendre la forme d'une autorisation expresse. En pratique, et selon les informations recueillies, celle-ci n'a jamais été délivrée. Devant le flou de la situation juridique actuelle, et compte tenu de l'impossibilité qu'il y aurait à faire respecter en pratique une interdicition de chalutage dans la zone des deux milles, il est suggéré, à titre de mesure préliminaire, d'abroger in toto le décret No 73–171 du 22 juin 1973. Il y aurait lieu, ensuite, de rechercher un accommodement entre les opérateurs de pêche industrielle et de pêche artisanale dans le cadre de la Commission Interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture (CIPA), dont l'avis sur la question pourrait permettre de jeter les bases d'un arrangement profitable pour tous.

Afin d'aider les travaux de la CIPA, ou ceux de la sous-commission pertinente saisie, il est également suggéré qu'une étude bio-économique du secteur crevettier soit menée au plus tôt dans le cadre de la préparation d'un plan d'aménagement et de conservation des stocks selon la démarche proposée par notre “Projet d'arrêté relatif aux plans d'aménagement des pêcheries” inclus en Annexe II du présent rapport. On sait, en effet, qu'au moins 60% des prises annuelles de crevettes sont effectuées à l'intérieur de la zone des deux milles et que l'on ne saurait interdire a priori la pêche industrielle et artisanale dans ladite zone sous peine de faire chuter gravement le taux de rentabilité de cette pêche pour de nombreuses entreprises. Ce sont plusieurs centaines de millions de dollars d'investissements qui seraient alors remis en cause.

3.3 Fixation des redevances attachées aux autorisations de collecte

Sur la côte sud-est de Madagascar, dans la région de Fort-Dauphin, il existe une importante pêche côtière à la langouste exploitée par le secteur traditionnel et artisanal. Jusqu'en 1985, une société d'Etat était seule autorisée à collecter les langoustes auprès des pêcheurs traditionnels et à les commercialiser, essentiellement en vue de l'exportation. Avec la fin du monopole, de nouveaux collecteurs-exportateurs sont intervenus sur le marché. Ce type de pêche s'est développé de manière importante. On a pu noter un accroissement spectaculaire des captures dans les années qui ont suivi la libéralisation de l'exploitation.

En l'état actuel de la réglementation, les collecteurs doivent être titulaires d'une autorisation de collecte délivrée par l'administration des pêches. Le texte pertinent en la matière est l'arrêté No 4796/90 en date du 16 août 1990 qui prévoit, en son article premier, que “toute personne physique ou morale… désirant créer ou exploiter soit un établissement de collecte et/ou de vente de crevettes, soit un établissement de pêche, et/ou de collecte, et/ou de vente de langoustes, et/ou de crabes, et/ou d'holothuries, et/ou d'algues ne peut le faire sans avoir, au préalable, l'autorisation écrite du Ministre” responsable, “et après avis du Président du Comité Exécutif du Faritany d'implantation.” L'article 8 précise que les pêcheurs individuels ne sont pas concernés par les dispositions du présent arrêté.

Le problème, aujourd'hui, se pose de savoir de quelle manière il convient de soumettre à redevance l'importante collecte de langoustes, mais aussi celle de crabes, d'holothuries et de crevettes. En effet, l'arrêté portant fixation des redevances en matière de licences de pêche ne touche que les navires de pêche, y compris les navires d'appui et de collecte. Partant, il apparaît essentiel qu'une redevance puisse être instituée lors de la délivrance des autorisations de collecte. Il est donc recommandé de préparer un arrêté ministériel à cet effet disposant que:

  1. la délivrance d'une autorisation de collecte donne lieu à la perception d'une redevance;

  2. la redevance devrait être calculée de manière différente selon les quatre espèces cibles principales, à savoir la langouste, la crevette, le crabe et l'holothurie;

  3. la redevance ne devrait pas frapper les petits pêcheurs, mais les collecteurs eux-même en fonction, vraisemblablement, du chiffre d'affaires réalisé à l'exportation. Afin d'éviter de frapper outrancièrement les petits collecteurs, il conviendrait peut-être de fixer un chiffre d'affaires minimum en deçà duquel les collecteurs ne seraient pas taxés;

  4. Pour les personnes physiques ou morales qui se livrent à la fois à des activités de collecte et de pêche, l'activité de collecte ne devrait être séparément taxée que si elle représente, par exemple, 20% du chiffre d'affaires global.

Le produit de ces redevances serait directement versé au Fonds de Développement Halieutique et Aquicole et affecté, en priorité, au développement des techniques de pêche, à l'amélioration des outils de travail, et à une meilleure organisation de la collecte elle-même, compte tenu des problèmes de logistique que posent le mauvais état des routes et l'irrégularité des frets maritimes et aériens.

3.4 Vers un système de contrôle et de surveillance des activités de pêche

De nombreuses allégations d'infraction directe à la législation existante sont périodiquement recensées: activités illégales de bateaux étrangers ou de navires nationaux, pêche sans licence, pêche avec licence mais dans des zones qui n'ont pas été autorisées lors de l'octroi de la licence, transbordement d'une partie des prises en mer, pêche pendant la saison de fermeture, irrégularités concernant la puissance réelle des moteurs …

L'introduction d'un système de surveillance et de contrôle efficace constitue par conséquent la prochaine priorité si l'on veut que les mesures d'aménagement des pêcheries et de conservation des stocks présentes et futures soient effectivement appliquées. De ce point de vue, la définition de la politique de l'administration en matière de contrôle et de police relève très clairement de la Direction des Ressources Halieutiques (DRH) dans le respect des textes existants, et notamment de l'Ordonnance No 93-022 du 4 mai 1993 qui énonce en ses Titres VI (articles 18 à 20) et VII (articles 21 à 29) les traits caractéristiques d'une police de la pêche et de l'aquaculture ainsi que l'échelle des infractions et pénalités applicables. Quant à la coordination des moyens à mettre en oeuvre pour assurer le succès de cette politique, elle est du ressort de la future Commission Interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture (CIPA).

Des travaux préliminaires ont été menés5, qui doivent être continués avant d'entreprendre l'élaboration d'un texte réglementaire habilitant les agents de contrôle. Auparavant, l'administration des pêches doit absolument définir les grandes orientations du système de contrôle et de surveillance des activités de pêche, principalement le type de contrôle, les moyens susceptibles d'être affectés au contrôle, les modalités de gestion du contrôle (formation juridique et technique d'un éventuel corps d'agents et d'officiers contrôleurs).

5 P. Derham, rapport précité ; voir également l'étude sectorielle de la pêche et de l'aquaculture à Madagascar réalisée en 1994 par Cofrepêche, l'Ifremer et l'Orstom à la demande de la Caisse Française de Développement.

Le nombre relativement limité d'opérateurs et de navires concernés par des opérations de contrôle et de surveillance devrait permettre la mise en place rapide d'un commencement de contrôle pour autant que l'administration fasse preuve d'une volonté forte et mette à la disposition de cet objectif essentiel une part non négligeable des redevances transférées au Fonds de Développement Halieutique et Aquicole. Les opérations de contrôle et de surveillance devront, en tout état de cause, être menées en étroite concertation avec les autres administrations intéressées (Douanes, Défense nationale). De même, le Groupement des Armateurs à la Pêche Crevettière de Madagascar (G.A.P.C.M) nouvellement créé et qui regroupe la majorité des opérateurs de la pêche crevettière constitue désormais un interlocuteur crédible de l'administration et devrait être associé à cette réflexion. L'Ecole Nationale d'Enseignement Maritime installée à Mahajunga, qui assure les principales formations “pêche” à l'image des écoles maritimes et aquacoles d'autres pays (capacitaire, lieutenant de pêche, patron de pêche et officier mécanicien), aura également un rôle très important à jouer dans la formation technique et juridique du futur corps de contrôleurs (agents et officiers) de la pêche et de l'aquaculture.

IV. ACTIONS FUTURES EVENTUELLES

On a pu souligner dans nos précédents rapports que l'adoption des textes principaux était indispensable à la mise en place d'un cadre juridique de la pêche et de l'aquaculture. Ce premier effort législatif ne saurait être considéré comme suffisant. Une réglementation d'accompagnement est encore nécessaire dans certains domaines (pêche continentale et aquaculture notamment). Les propositions suivantes ont simplement pour ambition de servir de guide à l'attention du Ministère en charge de la pêche et de l'aquaculture, et en particulier de la Direction des Ressources Halieutiques, étant bien entendu que l'ordre de leur réalisation pourra évoluer en fonction des priorités définies par l'administration elle-même et surtout en fonction des budgets disponibles.

L'assistance juridique et institutionnelle proposée dans le cadre du Programme sectoriel pêche PNUD/FAO-MAG/92/004 devrait pouvoir être continuée dans de bonnes conditions, notamment par la recherche de financements complémentaires afin de mener à bien les activités juridiques et institutionnelles présentées au point 4.2 ci-dessous, tant il est vrai qu'un suivi régulier de l'assistance technique fournie à un pays se révèle bien souvent un facteur essentiel de réussite des activités menées dans le cadre d'un programme global ou d'un projet particulier. A Madagascar, il n'en va pas autrement.

4.1 Rappel des textes adoptés ou qui restent à adopter

4.1.1 Textes adoptés

  1. Ordonnance No 93–022 du 04/05/1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture;

  2. Décret No 94–112 du 18/02/1994 portant Organisation générale des activités de pêche maritime;

  3. Décret No 94–701 du 08/11/1994 portant création du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole;

  4. Arrêté interministériel No 408/95 du 03/02/1995 portant fixation des redevances en matière de licences de pêche;

4.1.2 Textes qui restent à adopter

  1. Projet de décret instituant la Commission Interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture conformément à l'article 5 de l'Ordonnance du 04/05/1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture;

  2. Projet d'arrêté relatif aux plans d'aménagement des pêcheries conformément à l'article 6 de l'Ordonnance du 04/05/1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture;

4.2 Actions devant être menées à court ou à moyen terme

  1. Elaboration des textes réglementaires déterminant les conditions d'octroi des concessions de pêche et d'aquaculture. Une première réflexion a été menée, elle doit être poursuivie. L'idée principale ici serait que tout octroi d'un droit exclusif sur une ressource, sur une portion de terre ou d'eau (lac, fleuve ou mer) ne saurait être accordé que sous certaines conditions. Les deux volets concernés sont:

    Note: une consultation juridique est prévue sur ces deux points dans le cadre du Programme sectoriel pêche. Les autorités nationales attachent une grande importance à ces questions et sont disposées à recevoir cette mission dans les mois qui viennent.

  2. Appui à la mise en place et au fonctionnement effectifs du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole

    Note: la mise en oeuvre effective du Fonds requiert d'autres interventions. Le fonctionnement des structures et les propositions de dépenses qui doivent être affectées aux projets de développement de la pêche et de l'aquaculture nécessitent un appui particulier, au moins dans les premiers mois de l'application du système. Afin d'accompagner la mise en place des structures du Fonds dans les tous prochains mois, les activités de démarrage devraient pouvoir bénéficier à titre prioritaire d'un appui technique, juridique et institutionnel.

  3. Elaboration d'un décret d'habilitation des agents de contrôle. Il s'agira de définir les fonctionnaires et agents de l'administration des pêches compétents pour rechercher et constater les infractions à la législation des pêches. Le décret devra établir les pouvoirs respectifs des agents de police judiciaire (APJ) et des officiers de police judiciaire (OPJ), et ce en accord avec les dispositions pertinentes du Code de procédure pénale en vigueur à Madagascar. On notera avec intérêt que l'article 18 de l'Ordonnance No93-022 du 4 mai 1993 prévoit, au titre des agents habilités à rechercher et constater les infractions, la possibilité d'avoir recours à du personnel étranger pour effectuer cette tâche par le biais de la conclusion d'accords entre l'Etat malgache et des Etats tiers.

    Note: Avant même de proposer un décret d'habilitation des agents de contrôle, l'administration des pêches devra définir les grandes orientations du système de contrôle et de surveillance des activités de pêche, principalement le type sde contrôle, les moyens susceptibles d'être affectés au contrôle, les modalités de gestion du contrôle (formation juridique et technique d'un éventuel corps de contrôleurs). A cet égard, il paraît normal et conforme aux objectifs du Fonds de Développement Halieutique et Aquicole qu'une partie des recettes soit affectée à la mise en place d'un système de contrôle et de surveillance. Le Fonds Européen de Développement (FED) s'est également proposé pour participer au financement selon des modalités qui restent à déterminer.

    Une réflexion particulière devra être menée en fonction des deux types de contrôle envisageables: le contrôle en mer et le contrôle à terre. Le contrôle à terre, en particulier portuaire, présentant moins de difficultés d'application, il est recommandé d'orienter les premières réflexions sur ce type de contrôle. Un début de mise en oeuvre peut se faire par redistribution des moyens existants, à condition que les agents affectés au contrôle soient spécialement habilités et formés à cet effet.

    En revanche, l'exercise effectif par l'Etat malgache de ses pouvoirs de contrôle en mer nécessite la mise en oeuvre de moyens plus importants. Le principe est que les agents et les officiers de police judiciaire agissant conformément au code de procédure pénale, les commandants des bâtiments et embarcations de l'Etat malgache ainsi que toute autre personne mentionnée à l'article 18 de l'ordonnance No 93–022 du 9 mai 1993 et chargée de la surveillance en mer sont habilités à exercer et à faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international, la législation et la réglementation malgaches. Lesdites personnes peuvent, en particulier, procéder à la reconnaissance du navire, en invitant son capitaine à en faire connaître l'identité et la nationalité, ordonner une visite du navire…

    Les textes devront simplement préciser les agents habilités et les procédures applicables, en tenant compte du type de contrôle retenu (contrôle par zone de pêche par exemple) et des moyens qui pourront réellement y être affectés. En tout état de cause, et quel que soit le type ou le contenu du contrôle, certains principes de droit international, et non seulement de droit national, devront être respectés. Ainsi, le droit de poursuite d'un navire étranger devra être exercé dans les conditions prévues par le droit international. De même, les mesures prises à l'encontre des navires étrangers devront être notifiées à l'Etat du pavillon par la voie diplomatique. Quant à la juridiction compétente pour connaître d'un délit de pêche, elle est en principe celle du port ou de la position où le navire a été dérouté. Mais elle peut également être celle de la résidence administrative de l'agent qui a constaté l'infraction.

  4. Discussion et préparation éventuelle d'un projet de décret modifiant certaines dispositions du décret No94–112 du 18 février 1994 portant Organisation générale des activités de pêche maritime, en particulier:

    Note: l'idée principale qui traverse le décret No 94–112 en matière de licences et autorisations de pêche commerciale a trait au développement en priorité de la pêche nationale, qu'elle soit traditionnelle, artisanale ou industrielle, sans pour autant décourager l'intervention de navires étrangers dans les cas où (i) la flotte nationale n'est pas en mesure d'exploiter le stock, (ii) l'investisseur malgache ne dispose pas de moyens suffisants, (iii) l'investisseur étranger souhaite développer une nouvelle pêcherie basée sur l'exploitation des ressources peu ou pas exploitées. A la suite de la publication dudit décret, un certain nombre de questions restent en suspens et appellent une nouvelle réflexion, de même, sans doute, qu'une autre réglementation sur les trois aspects ci-dessus exposés.

    Il appartient aux autorités nationales de décider si elles souhaitent modifier le décret No 94–112 du 18 février 1994. Un autre décret devra alors être pris. Il est recommandé que ce nouveau texte énonce tout d'abord clairement les dispositions transitoires retenues aux fins de régler la situation des titulaires de licences de pêche obtenues pour la première fois sous l'empire du décret de 1971. Afin de respecter un principe général d'équité qui permette un traitement similaire de toutes les sociétés de pêche opérant à Madagascar, le même arrêté d'application devrait indiquer que les titulaires de licences de pêche selon les termes du décret de 1971 sont, de la même manière que les titulaires de licences de pêche obtenues en 1994, habilités, dès la prochaine campagne de pêche, à demander le renouvellement de leurs licences conformément aux dispositions de l'article 14 du décret de 1994. Cette mesure occasionnelle permettrait de clarifier la situation des titulaires de licences obtenues dans le cadre du décret de 1971. Il n'est pas certain, toutefois, qu'elle se révèle nécessaire en pratique.

    Mais cette manière de procéder aurait pour avantage d'éliminer de facto toute société désireuse d'obtenir une licence de pêche qui n'aurait pas démontré sa volonté d'investir dans le secteur de la pêche et de participer à son développement, dans la mesure où l'article 14 du décret de 1994 énumère certains sous-critères de priorité en vue du renouvellement des licences, au titre desquels on peut mentionner la nécessite d'installations de traitement, conditionnement, conservation des captures à terre adéquates et l'obtention d'un prix moyen de vente des captures réalisées.

    Le décret devrait également énoncer avec précision les modalités administratives d'octroi et de renouvellement des licences de pêche. Il est ici suggéré de s'inspirer de la procédure prévue pour l'obtention des licences de chalutage de l'article 3 du décret No71–238 du 18 mai 1971.

    Il est enfin, et surtout, recommandé que les licences de pêche de catégorie I soient désormais octroyées pour une durée minimale de cinq ans - un an renouvelable par tacite reconduction - sauf infraction aux dispositions de l'Ordonnance No93–022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture ou aux autres textes réglementaires pris pour son application. A titre de garantie, les sociétés demanderesses devraient obligatoirement avoir été agréées au titre du Code des investissements malgache. En effet, aux termes de l'article 17 du décret No 92–810 du 9 septembre 1992, “la pêche industrielle, artisanale comprenant les activités de production (aquaculture), d'exploitation (pêche) et de traitement des produits halieutiques” sont, sous certaines conditions, éligibles au régime préférentiel du Code des investissements.

  5. Elaboration des textes relatifs au contrôle de la salubrité des installations et équipements et de la qualité des produits conformément aux directives de la Communauté Economique Européenne.

    Note: Avant tout, et afin de rétablir une situation juridique claire et conforme à la législation en vigueur, il est impératif que les dispositions du décret No 93–844 soient rendues conformes à l'ordonnance No 93–022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture en ce qui concerne les produits de la mer et d'eau douce. Il est donc recommandé d'adopter en priorité le décret présenté en Annexe V du présent rapport qui dispose clairement que la compétence de principe en la matière appartient à la Direction chargée de la pêche et de l'aquaculture du Ministère chargé de la pêche et de l'aquaculture.

    C'est seulement à la suite de l'adoption de ce texte que la Direction des Ressources Halieutiques pourra rendre conforme aux directives communautaires la salubrité des installations et des équipements et effectuer le contrôle de la qualité des produits de la mer et d'eau douce. Un simple arrêté ministériel devrait alors suffire.

  6. Elaboration d'un arrêté créant dans chaque Faritany un Conseil consultatif de la pêche et de l'aquaculture conformément à l'article 5 de l'Ordonnance du 04/05/1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture.

    Note: Il est apparu prématuré de proposer, à ce stade, la rédaction de l'arrêté créant dans chaque Faritany un Conseil consultatif de la pêche et de l'aquaculture prévu par l'article 5 de l'Ordonnance No93–022 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture, dans la mesure où le principe de la décentralisation effective évoqué et discuté dans notre rapport Numéro I, Législation des pêches à Madagascar, ne s'est toujours pas traduit par l'adoption de la législation pertinente. La mise en oeuvre de la décentralisation constituera de ce point de vue un guide précieux afin de déterminer les compétences et la composition des Conseils consultatifs. L'un des aspects de la réforme qui intéresse le plus directement le secteur de la pêche et de l'aquaculture est de savoir si les pouvoirs provinciaux issus de la décentralisation bénéficieront ou non de pouvoirs de gestion en matière de pêche et d'aquaculture.


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