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Chapitre 7 ENTREPOSAGE DES SEMENCES

Introduction

L'entreposage peut être défini comme la préservation des graines viables depuis le moment de la récolte jusqu'à celui du semis (Holmes et Buszewicz, 1958). Lorsqu'il est possible de semer immédiatement après récolte des graines destinées au boisement, l'entreposage est superflu. Le moment le plus propice au semis en pépinière d'une essence donnée dépend (a) de la date de plantation prévue, qui elle-même dépend du climat saisonnier, et (b) du temps nécessaire aux plants de cette essence cultivés en pépinière pour atteindre la taille appropriée à la plantation à l'extérieur. Il est rare que le moment le plus propice au semis coïncide avec le moment le plus propice à la récolte des semences. Le plus souvent, il est indispensable d'entreposer les semences pendant des périodes variables:

  1. Pendant moins d'un an lorsque la production semencière et le boisement sont tous deux des événements annuels réguliers, mais il faut alors attendre la période la plus propice au semis.

  2. Pendant un à cinq ans ou plus lorsque l'essence concernée ne produit des graines en abondance qu'à plusieurs années d'intervalle et qu'il faut récolter suffisamment de semences les bonnes années pour être en mesure de réaliser le programme de boisement annuel les années de production semencière médiocre.

  3. A long terme, lorsqu'il s'agit de préserver les ressources génétiques. La durée de l'entreposage varie selon la longévité des semences et les conditions dans lesquelles il a lieu, mais elle se mesure en décennies dans le cas des essences faciles à entreposer.

Les installations d'entreposage doivent être en rapport avec les quantités de semences à entreposer et la durée de leur entreposage. Il ne sert à rien de mettre en place des installations coûteuses destinées à préserver la viabilité des semences pendant dix ans, si ces derniéres n'y séjournent pas plus de neuf mois entre le moment de la récolte et celui du semis. On gaspille également son argent lorsqu'après récolte, extraction et nettoyage, des semences sont entreposées dans des conditions si médiocres que 90 pour cent d'entre elles meurent avant d'avoir atteint la pépinière.

Il existe un certain nombre de publications utiles sur la question générale de l'entreposage des semences forestières (Holmes et Buszewicz, 1958; Magini, 1962; Stein et col., 1974; Wang, 1974; Barner, 1975b). Elles traitent principalement ou exclusivement des essences tempérées. Par ailleurs, l'entreposage des semences agricoles a fait l'objet d'études plus poussées, et tout porte à croire que les principes généraux relatifs à ces semences s'appliquent aussi aux semences forestières. Il faut citer, à ce propos, l'excellent et relativement récent “Principles and practices of seed storage” (Principes et méthodes d'entreposage des semences) de Justice et Bass (1979) ainsi que les publications légèrement plus anciennes de Roberts (1972) et de Harrington (1970, 1972, 1973). L'entreposage à long terme en vue de la préservation des ressources génétiques est bien traité par Cromarty et col. (1982).

Longévité naturelle des semences forestières

La durée de la période pendant laquelle les semences peuvent rester viables sans germer dépend en grande partie de leur état au moment de la récolte, de la qualité du traitement qu'elles subissent entre leur récolte et leur entreposage et des conditions dans lesquelles elles sont entreposées. Néanmoins, leur longévité varie énormément d'une espèce à l'autre, même si elles sont traitées et entreposées de la même manière. Ewart (1908) à réparti les semences en trois catégories biologiques selon la durée de la période pendant laquelle elles conservent leur viabilité dans de “bonnes” conditions d'entreposage:

Graines microbiotiques: graines dont la durée de vie n'excède pas 3 ans
Graines mésobiotiques: graines dont la durée de vie varie de 3 à 15 ans
Graines macrobiotiques: graines dont la durée de vie varie de 15 à 100 ans et plus.

Quoique la classification d'Ewart attire utilement l'attention sur les différences de longévité naturelle des semences des diverses essences, elle est trop rigide pour rendre compte des variations entre les individus, les provenances et les années de récolte d'une même espèce ou des fluctuations possibles des conditions d'entreposage. Il est impossible de définir un ensemble type de “bonnes” conditions d'entreposage qui s'applique également à toutes les essences, car les conditions optimales varient d'une essence à l'autre. En fait, la durée de conservation des semences d'une essence donnée varie considérablement en fonction des conditions d'entreposage.

De nos jours, on distingue deux grandes catégories de semences (Roberts, 1973):

  1. Les semences orthodoxes, dont la teneur en eau peut être abaissée jusqu'à 5 pour cent environ (pour cent du poids frais) et qui peuvent être conservées à des températures basses ou proches du point de congélation pendant de longues périodes.

  2. Les semences récalcitrantes, qui doivent garder une teneur en eau relativement élevée (le plus souvent de 20 à 50 pour cent du poids frais) et ne se conservent pas pendant de longues périodes.

Il est possible d'établir certaines subdivisions à l'intérieur de ces deux catégories; on peut par exemple faire la distinction entre les semences orthodoxes à tégument dur et sans tégument dur ou entre les semences récalcitrantes qui peuvent résister à des températures inférieures à 10 °C environ et celles qui ne le peuvent pas. Dans chacune des principales catégories, il existe encore des différences considérables entre les essences quant à la durée de la période de préservation de la viabilité dans des conditions données. On peut aussi faire la distinction entre les vraies essences récalcitrantes et les essences qui sont simplement difficiles à manipuler; ces dernières peuvent ainsi se comporter de manière orthodoxe pour peu, par exemple, qu'on prête une attention particulière à leur séchage.

Semences orthodoxes à tégument dur

La plupart,sinon la totalité, des semences qui conservent leur viabilité pendant plusieurs décennies sont des semences à tégument dur. Parmi les espèces qui produisent de telles semences figurent un certain nombre de légumineuses tropicales. Comme exemples d'essences dont au moins quelques graines restent viables pendant des périodes de conservation en herbier prolongées, Harrington (1970), reprenant les conclusions des travaux d'Ewart (1908) et de Becquerel (1934), cite entre autres:

158ansCassia multijuga
149ansAlbizzia julibrissin
115ansCassia bicapsularis
99ansLeucaena leucocephala

Les conditions ambiantes de conservation en herbier peuvent être considérées comme bonnes (humidité relative et température assez faibles), mais sont encore très éloignées des conditions (faible teneur en eau initiale, conservation en récipient fermé, température proche du point de congélation) actuellement tenues pour idéales en matière d'entreposage à long terme des semences d'espèces orthodoxes.

Des recherches récentes ont permis de réunir des informations plus précises sur les conditions d'entreposage, de germination initiale et de germination finale de certaines essences, mais sur des périodes plus courtes. En voici quelques exemples:

EssenceConditions d'entreposageTaux de germination avant entreposageTaux de germination après entreposagePériode
(années)
%%
Prosopis juliflora1Atmosphère sèche d'un herbier dans le sud-ouest des Etats-Unis  ?6050
Acacia aneura2Récipients fermés à température ambiante
(20 à 25 °C)
566013
A. hemsleyi2"""969613
A. holosericea2"""958414
A. leptopetala2"""737218
A. victoriae2"""806018

Sources: 1 Ffolliot et Thames, 1983.
2 Doran et col., 1983.

Comme nous l'expliquons plus loin dans le présent chapitre, on considère actuellement qu'une faible teneur en eau, une température basse et une faible pression d'oxygène sont les trois éléments les plus importants des conditions d'entreposage qu'il convient de réunir pour préserver la longévité des semences d'essences orthodoxes. En dotant les graines d'un tégument imperméable, la nature a pourvu à deux de ces exigences, à savoir la faible teneur en eau et l'exclusion de l'oxygène. Les graines pleinement développées mais encore vertes, lorsqu'on les sème immédiatement sans les faire sécher, peuvent germer sans tarder, ce qui indique que le tégument n'a pas encore formé une couche imperméable; il ne fait aucun doute que, dans la nature, l'apparition de l'imperméabilité est synchrone avec la diminution de l'humidité des graines par séchage naturel jusqu'à la teneur optimale du point de vue de la longévité. Le durcissement du tégument est donc un puissant facteur d'extension de la viabilité des semences dans toutes les conditions d'entreposage et joue un rôle primordial lorsque les conditions d'entreposage sont médiocres et pendant la période critique qui va de la récolte au début de l'entreposage à long terme.

Toutes les semences de légumineuses n'ont pas une longévité identique. Ainsi, les graines de Koompassia malaccensis, qui ont un tégument plus mince et se détériorent plus rapidement pendant l'entreposage que les graines d'essences comme Parkia javanica, ne nécessitent pas de prétraitement pour la levée de leur dormance tégumentaire (Sasaki, 1980a). Au Soudan, les semences de Dalbergia sissoo se conservent moins bien à température ambiante que les semences d'essences locales comme Acacia, Albizzia et Tamarindus (Wunder, 1966), alors qu'en Australie, les graines d'Acacia harpophylla se détériorent rapidement si elles ne sont pas entreposées dans des récipients fermés à une température de 2 à 4 °C (Turnbull, 1983).

Semences orthodoxes sans tégument dur

De nombreuses espèces des principaux genres d'arbres forestiers entrent dans cette catégorie, comme par exemple Pinus, Picea et Eucalyptus. En Australie, l'expérience a prouvé qu'il est possible de préserver la viabilité des semences mûres de tous les eucalyptus pendant plusieurs années en diminuant suffisamment leur teneur en eau et en les conservant dans des récipients clos à une température de 3 à 5 °C. La majorité des essences peuvent être entreposées pendant dix ans à température ambiante sans perte considérable de leur viabilité (Turnbull, 1975f). Les semences d'Eucalyptus deglupta et d'E. microtheca se détériorent relativement vite si elles sont entreposées à température ambiante. Il est toutefois possible de prolonger leur durée de conservation en les plaçant dans des récipients hermétiquement clos à une température de 3 à 5 °C, et des recherches récentes semblent indiquer qu'un entreposage à -18 °C donne encore de meilleurs résultats. En Thaïlande, les semences de Pinus kesiya et de P. merkusii peuvent rester viables pendant quatre ans pour peu que leur teneur en eau reste inférieure à 8 pour cent et qu'on les conserve dans des récipients fermés à une température de 0 à 5 °C (Bryndum, 1975). Quant aux semences de P. caribaea et de P. oocarpa, elles peuvent rester viables pendant au moins cinq ans dans les mêmes conditions (Robbins, 1983a, b). On a cependant enregistré des périodes de conservation considérablement plus longues dans le cas de certaines espèces de pins; ainsi, aux Etats-Unis, on est parvenu à conserver des semences de Pinus resinosa pendant 30 ans en les plaçant dans des récipients fermés à une température de 1,1 à 2,2 °C (Heit, 1967b; Wang, 1974). Tectona grandis est un feuillu tropical orthodoxe (Barner, 1975b); toutefois, comme il produit des semences abondantes presque tous les ans, on ne possède guère d'informations sur les conditions les plus propices à son entreposage à long terme (Schubert, 1974).

Si l'on en croit les preuves réunies par Bowen et Whitmore (1980), la plupart des espèces d'Agathis produisent des semences orthodoxes. Par exemple, une étude a montré qu'un traitement approprié des semences d'A. australis (séchage jusqu'à ce que la teneur en eau atteigne 6 pour cent, puis entreposage dans des récipients fermés à 5 °C) préservait leur viabilité pendant 6 ans (taux de germination de 79 pour cent en comparaison de 88 pour cent à l'origine), alors qu'un entreposage à une température inférieure à 0 °C permettait de conserver un taux de germination d'environ 60 pour cent pendant 12 ans (Preest, 1979). Les mêmes semences, entreposées avec une teneur en eau ou à une température plus élevées (teneur en eau de 15 à 20 pour cent et température de 15 à 20 °C), ont perdu toute faculté germinative en 14 mois. La longévité des semences d'A. australis est supérieure à celle des semences d'A. robusta, qui est elle-même supérieure à celle des semences d'A. macrophylla. Les premiers essais réalisés avec l'essence tropicale A. macrophylla ont montré qu'il était possible d'obtenir de bons résultats en faisant sécher les graines fraîches afin que leur teneur en eau passe de 65 pour cent à 20 pour cent avant de les expédier par avion (période de transit de 14 jours), puis de les faire sécher de nouveau dans le pays destinataire pendant 5 jours à 16 °C et à 14 pour cent d'humidité relative. La teneur en eau finale s'établissait à 6 pour cent et le taux de germination, à 75 pour cent. Toutefois, des essais ultérieurs se sont révélés incohérents et beaucoup moins probants. Dans le cas des essences tropicales, il est probable que la phase de manipulation entre la récolte et l'expédition de même que les conditions en grande partie incontrôlables du transport aérien jouent un rôle plus important qu'en ce qui concerne les essences tempérées ou subtropicales.

Parmi les essences orthodoxes qui perdent rapidement leur viabilité en l'absence d'un traitement optimal figurent des espèces des genres essentiellement tempérés que sont Populus, Salix et Ulmus. Si beaucoup d'entre elles perdent leur viabilité en quelques semaines dans des conditions naturelles ou lorsqu'elles sont entreposées dans les conditions ambiantes de température et d'humidité, il est possible de les conserver pendant des mois ou des années en les maintenant à basse température avec une faible teneur en eau. Il en est ainsi des semences d'Ulmus americana, conservées avec succès pendant 15 ans à 3 pour cent de teneur en eau et à -4 °C (Barton, 1961), et des semences de Populus sieboldii, conservées pendant 6 ans à -15 °C au-dessus d'un déshydratant dans des récipients fermés (Sato, 1949). Dans le cas de Populus balsamifera et de Salix glauca, la faculté germinative des semences conservées pendant deux ans dans des récipients fermés à -10 °C n'avait diminué que d'un peu moins de 6, 5 pour cent par rapport au taux de germination initial (Zasada et Densmore, 1980); après trois ans, la faculté germinative de Populus était presque inchangée, mais elle avait diminué de 40 pour cent dans le cas de Salix.

Sous les tropiques, Aucoumea klaineana est un bon exemple d'essence orthodoxe dont les semences meurent vite dans les conditions ambiantes. Si le taux de germination des graines fraîches est souvent supérieur à 90 pour cent, il diminue fortement après 30 jours d'entreposage dans les conditions ambiantes et tombe à zéro après 100 jours. Un entreposage à une température de 0 à 5 °C avec une teneur en eau de 7 à 8 pour cent dans des récipients fermés contenant un déshydratant chimique, l'Actigel, permet de maintenir un taux de germination supérieur à 50 pour cent pendant au moins 30 mois (Deval, 1976). Il semble en outre qu'une plus grande diminution de la teneur en eau permette de conserver une viabilité encore meilleure. Ainsi, un lot de semences présentant un taux de germination initial de 76 pour cent en laboratoire et de 79 pour cent en terre avait une teneur en eau de 4,6 pour cent et un taux de germination de 70 pour cent en laboratoire et de 79 pour cent en terre après 30 mois d'entreposage dans des récipients fermés contenant de l'Actigel; le même lot, entreposé dans des récipients fermés sans Actigel, présentait une teneur en eau de 9,9 à 10,4 pour cent et un taux de germination de 54 à 63 pour cent en laboratoire et de 62 à 67 pour cent en terre. Parmi les autres essences de ce type, Entandrophragma angolense produit des semences dont la longévité n'excède pas 6 semaines dans les conditions ambiantes, mais qui peut atteindre 6 ans lorsqu'elles sont entreposées au froid (Olatoye, 1968); quant à Cedrela odorata, ses semences perdent toute faculté germinative après dix mois d'entreposage à température ambiante, mais restent parfaitement viables après 14 mois d'entreposage à 5 °C dans des pots fermés (Lamprecht, 1956).

On est obligé de soumettre certaines essences à un traitement spécial pour prolonger leur viabilité au-delà de quelques mois. Il est possible de conserver des semences de Fagus sylvatica pendant tout l'hiver en maintenant leur teneur en eau entre 20 et 30 pour cent et en les entreposant dans des sacs fermés en polythène partiellement remplis à une température de 0 à 5 °C pendant 100 jours; elles sont alors prêtes à semer, car ces conditions d'entreposage constituent un prétraitement convenable pour lever la dormance. Si l'on désire les conserver plus longtemps, il faut ramener la teneur en eau à 8 à 10 pour cent en faisant sécher les semences dans un courant d'air à température ambiante (15 à 20 °C). Les faînes sont alors placées dans des récipients fermés et peuvent se conserver pendant plusieurs années à une température de -5 à -10 °C (Nyholm, 1960; Suszka, 1974; Rudolf et Leak, 1974). Des recherches ultérieures entreprises en France et en Pologne ont confirmé la pertinence d'une teneur en eau de 8 à 10 pour cent et les avantages que présentent les récipients fermés pour la conservation à long terme (Bonnet-Masimbert et Muller, 1975; Suszka et Kluczynska, 1980). Cette technique a été appliquée avec succès sur une grande échelle (17 tonnes de faînes provenant de 51 sources différentes) en France. La faculté germinative a été préservée sur des périodes de 4 à 6 ans (Muller et Bonnet-Masimbert, 1982).

Lorsque les conditions d'entreposage laissent beaucoup à désirer, la longévité des semences orthodoxes sans tégument dur est logiquement moindre que celle des semences à tégument dur. Plus les conditions d'entreposage approchent de l'idéal propre aux semences sans tégument dur d'une essence donnée, moins la différence entre leur longévité et celle des semences d'une essence à tégument dur est marquée. La meilleure combinaison de teneur en eau et de température varie quelque peu selon les espèces; ainsi, la teneur en eau de 8 à 10 pour cent mentionnée précédemment au sujet de Fagus sylvatica est considérablement plus élevée que la teneur de 5 à 6 pour cent considérée comme idéale pour la plupart des semences forestières et agricoles.

Semences récalcitrantes

Parmi les semences récalcitrantes figurent un certain nombre de grosses graines qui ne peuvent subir de séchage prolongé sans dommage; il est intéressant de noter que la grande majorité des essences récalcitrantes relevées par King et Roberts (1979) ont des semences ligneuses. Les graines d'espèces tempérées comme Quercus et Castanea sont généralement entreposées sans séchage pendant la courte période correspondant à l'hiver. Une température d'entreposage proche du point congélation améliore la longévité. D'après Bonner (1973a), il est possible d'entreposer des glands de Quercus falcata pendant 30 mois et d'obtenir encore un taux de germination supérieur à 90 pour cent à la fin de cette période, à condition de maintenir la température à 3 °C, et la teneur en eau entre 33 pour cent (teneur initiale) et 37 pour cent (teneur finale). Une teneur en eau inférieure ou une température plus élevée (8 °C) restreignent la faculté germinative. Dans le cas de Quercus robur, la teneur en eau doit rester supérieure à 40 pour cent (Holmes et Buszewicz, 1956; Suszka et Tylkowski, 1980). Des recherches récentes entreprises en Pologne ont montré que l'entreposage des semences de cette essence à une température de -1 °C dans des bidons à lait remplis de tourbe ou de sciure séchée à l'air donnait d'excellents résultats, pour peu que la teneur en eau des graines fût supérieure à 40 pour cent. Pour que l'oxygène puisse pénétrer librement dans le bidon, on glisse plusieurs morceaux de carton à intervalles réguliers entre le couvercle et le rebord du bidon. Dans ces conditions, on a obtenu des taux de germination de 38 à 75 pour cent après trois hivers et même d'environ 12 pour cent après cinq hivers (Suszka et Tylkowski, 1980). On a constaté qu'une température inférieure à -5 °C tuait tous les glands, alors qu'une température de +1 °C provoquait une prégermination excessive (60 à 75 pour cent après trois hivers, avec des radicules pouvant atteindre 25 cm de long, contre 12 pour cent et des radicules de moins de 0,5 cm de long à -1 °C). Il est parfois possible d'entreposer les semences après apparition des radicules (voir page 188). Des recherches récentes entreprises en Pologne (Suszka et Tylkowski, 1982) ont démontré qu'en ce qui concerne les semences récalcitrantes d'Acer saccharinum, on obtenait les meilleurs résultats en maintenant leur teneur en eau au niveau (50 à 52 pour cent) de celle des semences fraîchement récoltées. Au Royaume-Uni, on recommande une teneur en eau minimale de 35 pour cent pour ce qui est des semences d'Acer pseudoplatanus (Gordon et Rowe, 1982), alors qu'en Pologne, une teneur en eau de 24 à 32 pour cent et une température de -3 °C ont permis de conserver des samares pendant trois hivers (Suszka, 1978a).

La plupart des essences tropicales produisant des graines récalcitrantes à vie courte poussent dans les forêts tropicales humides, où pendant toute l'année prédominent des conditions (forte humidité et température élevée) propices à une germination immédiate. Parmi les genres types, on peut citer Hevea, Swietenia, Terminalia et Triplochiton ainsi qu'un certain nombre de genres de diptérocarpacées, tels que Dryabalanops, Dipterocarpus et Shorea, et certaines espèces d'Araucaria. Les semences de Dryabalanops ne supportent pas un séchage qui fait baisser leur teneur en eau au-dessous de 35 pour cent, mais peuvent survivre pendant trois semaines environ avec une teneur en eau supérieure à cette valeur (King et Roberts, 1979). Les semences de Triplochiton ont une durée de vie naturellement brève, mais peuvent être conservées pendant 22 mois à une température d'environ 6 °C, pour peu que leur teneur en eau soit maintenue entre 12 et 25 pour cent (Bowen et Jones, 1975). Quant aux semences d'Azadirachta indica, elles ont aussi une période de viabilité très brève, quoique cette essence pousse dans les forêts tropicales sèches et qu'on ne sache pas exactement s'il s'agit de véritables semences récalcitrantes ou simplement de semences orthodoxes à vie courte.

Il arrive parfois qu'un genre comporte à la fois des espèces orthodoxes et des espèces récalcitrantes. Ainsi, dans le cas des genres Acer et Ulmus, dont les semences peuvent adopter un comportement orthodoxe ou récalcitrant, on établit en Amérique du Nord une distinction nette entre les espèces qui produisent des graines au printemps et celles qui en produisent à l'automne. Acer rubrum et A. saccharinum fleurissent et produisent des graines au printemps. Leurs graines ne sont pas dormantes et réagissent de façon nettement récalcitrante à l'entreposage. D'autres espèces d'Acer produisent des semences qui parviennent à maturité à l'automne et sont naturellement dormantes et orthodoxes à ce stade. On constate le même phénomène dans le cas d'Ulmus. Les semences d'U. crassifolia et d'U. serotina parviennent à maturité à l'automne et réagissent de façon orthodoxe à l'entreposage. Quant aux espèces d'Ulmus qui produisent des graines au printemps, elles sont “faiblement” récalcitrantes (Bonner, 1984b). En ce qui concerne le genre Araucaria, les semences d'A. cunninghamii et d'autres espèces du groupe taxonomique Eutacta se comportent de façon orthodoxe. Au Queensland, on a fait sécher à l'air des semences d'A. cunninghamii de cinq provenances différentes, puis on les a entreposées à diverses températures dans des récipients fermés et non fermés. Aux températures les plus élevées, +1,7 °C et -3,9 °C, la faculté germinative commence à décliner après 17 mois d'entreposage et, au bout de huit ans, ne représente plus qu'environ la moitié du taux de germination initial dans le cas des semences placées dans des récipients fermés, et environ le tiers de ce taux dans le cas des semences placées dans des récipients non clos. Aux températures les plus faibles, -9,4 °C et -15 °C, la germination après huit ans d'entreposage diffère peu de la germination initiale (41 à 44 pour cent contre 49 pour cent à l'origine) (Shea et Armstrong, 1978), et il n'y a pratiquement aucune différence entre les semences contenues dans des récipients fermés et celles contenues dans des récipients non fermés. La perte de viabilité aux températures d'entreposage les plus élevées varie d'une provenance à l'autre, mais toutes supportent mieux l'entreposage aux températures plus basses. La teneur en eau n'a pas été mesurée, mais devrait se situer, dans les conditions locales de séchage à l'air des semences, entre 16 et 23 pour cent (Kleinschmidt, 1980, cité dans Tompsett, 1982). Des essais ultérieurs réalisés en Papouasie-Nouvelle-Guinée ont montré que la teneur en eau des semences d'A. cunninghamii pouvait être ramenée de 21 pour cent à 7 pour cent, sans effet préjudiciable sur le taux de germination initial; quant aux effets sur la durée de conservation, ils sont encore à l'étude (Tompsett, 1982). A. hunsteinii, dans le groupe Intermedia, de même qu'A. angustifolia, A. araucana et A. bidwillii, dans le groupe Colymbea, produisent des semences apparemment récalcitrantes. D'après Arentz (1980), il est possible de préserver la grande viabilité des semences d'A. hunsteinii pendant au moins six mois en les entreposant à 3,5 °C et en veillant à ce qu'elles aient une forte teneur en eau; en effet, une teneur en eau de 37 pour cent donne de bien meilleurs résultats qu'une teneur de 32 pour cent. Des travaux de recherche rapportés par Tompsett (1982) ont confirmé qu'il fallait maintenir une teneur en eau supérieure à 32 pour cent. On peut préserver efficacement la viabilité de ces semences en les mettant dans un sac en polythène de 25 microns d'épaisseur, lui-même placé à l'intérieur d'un second sac. La double enveloppe de polythène permet aux semences de garder une forte teneur en eau, tout en laissant passer l'oxygène nécessaire à la préservation de leur viabilité. Les semences d'A. angustifolia doivent elles aussi garder une forte teneur en eau, car elles meurent si cette teneur descend au-dessous de 25 à 30 pour cent (Tompsett, sous presse).

Dans le cas de certaines essences récalcitrantes, on a constaté, comme nous l'avons indiqué précédemment, qu'une température relativement faible (très proche de 0 °C) prolongeait la durée de vie des semences; cette température basse compense, dans une certaine mesure, la forte teneur en eau qui seule empêche la perte précoce de viabilité. Les semences de certaines essences tropicales meurent rapidement si la température ou la teneur en eau diminuent de façon trop marquée. Parmi les essences à semences ligneuses citées dans King et Roberts (1979) figurent Theobroma cacao (semences tuées au-dessous de +10 °C), Mangifera indica (semences endommagées au-dessous de +3 à +6 °C) et, chez les diptérocarpacées, Hopea helferi, Hopea odorata et Shorea ovalis (semences endommagées au-dessous de, respectivement, +5 °C, +10 °C et +15 °C). Cette sensibilité au froid développée à des températures supérieures à 0 °C complique la tâche de l'entreposage de ces semences récalcitrantes, qui restent rarement viables plus de quelques semaines ou, au mieux, de quelques mois. Quand on sait que la production semencière de la plupart des diptérocarpacées fluctue selon une périodicité normale de plusieurs années, on comprend qu'il n'est pas jusqu'à présent possible de conserver des semences viables d'une bonne année de production à la suivante.

A la différence des semences d'essences orthodoxes, dont on préserve d'ordinaire la viabilité en maintenant un taux de respiration minimal, la plupart des semences d'essences récalcitrantes ont besoin de respirer activement pour survivre. On a ainsi rapporté des cas de semences récalcitrantes - comme celles d'Araucaria hunsteinii (Tompsett, 1983) ou d'Hevea brasiliensis et de Quercus spp. (citées dans King et Roberts, 1979) - endommagées non pas du fait d'une teneur en eau inadéquate ou d'une température trop basse, mais en raison d'un manque d'oxygène.

Quoiqu'il ait été possible d'entreposer les semences de certaines essences récalcitrantes tempérées pendant plusieurs années, la longévité des semences des essences récalcitrantes tropicales se mesure habituellement en jours ou en semaines. Peu d'études portent sur les espèces tropicales, et notamment les essences forestières, et il est peut-être possible de prolonger la longévité des semences au-delà de quelques semaines, pour peu qu'on parvienne à déterminer, pour chacune de ces espèces, l'état de maturation, la durée, les conditions et le degré de séchage et enfin la température d'entreposage les plus favorables. King et Roberts (1979) suggèrent d'élaborer une stratégie de recherche.

Facteurs influant sur la durée de conservation

Etat des semences

Même dans des conditions d'entreposage idéales, des semences en piètre état perdront vite leur viabilité. Les facteurs à considérer sont les suivants:

Maturité des semences. Les graines parfaitement mûres restent viables plus longtemps que les graines récoltés avant maturité (Stein et col., 1974; Harrington, 1970). Certains composés biochimiques, indispensables à la préservation de la viabilité, ne sont souvent formés que dans les derniers stades de la maturation. C'est le cas des composés inducteurs de dormance chez certaines essences, et la dormance est parfois associée à la longévité des semences. Les graines de quelques essences, comme Gingko biloba ou Fraxinus excelsior, tombent avant que les embryons aient achevé leur développement. Il est nécessaire que ces embryons parviennent à maturité avant semis, mais pas obligatoirement avant l'entreposage. Dans le cas de Fraxinus excelsior, le séchage des samares fraîchement récoltées jusqu'à 9 à 10 pour cent de teneur en eau, suivi par leur entreposage dans des récipients hermétiquement clos à -3 °C, donne des résultats satisfaisants, à condition de les soumettre successivement à une chaleur humide et à un froid humide après entreposage (Suszka, 1978a). On trouvera à la page 228 des renseignements détaillés sur ces traitements.

Influence de l'ascendance et des années. En matière de récolte de semences, la quantité et la qualité vont souvent de pair. Un arbre mère à haut rendement semencier produit proportionnellement plus de graines saines qu'un arbre mère à faible rendement. De la même façon, un arbre mère fournit une plus forte proportion de semences saines lors d'une bonne année de production semencière que lors d'une mauvaise. Ce sont généralement les semences récoltées sur les arbres mères à haut rendement lors d'une année à graines qui se conservent le plus longtemps. Il faut toutefois éviter les “loups” à haut rendement, même s'il produisent des semences de longue conservation, en raison des propriétés potentiellement indésirables de leur bois.

Absence de dommages d'origine mécanique. Les graines endommagées mécaniquement au cours de l'extraction, du séchage, du désailage, etc. perdent rapidement leur viabilité. Les graines à tégument fin ou mou sont plus exposées. Une chaleur excessive pendant l'extraction ou le séchage endommage également les semences. Il faut veiller à employer le moins de temps, les températures les moins élevées et les vitesses de traitement les plus faibles possibles pour préparer les graines avant entreposage (Stein et col., 1974). Il est possible de limiter l'endommagement des semences de certaines essences lors de l'élimination des ailes en augmentant de nouveau la teneur en eau entre l'extraction des cônes et cette opération, du fait que les graines humides sont moins sensibles à l'endommagement mécanique que les graines sèches (Nilsson, 1963; Barner, 1975b).

Absence de détérioration physiologique. Une manipulation inadéquate en forêt, durant le transport ou pendant le traitement provoque une détérioration physiologique des semences, même en l'absence de dommages d'origine mécanique ou fongique. Il convient donc d'assurer une ventilation convenable des semences orthodoxes, afin d'éviter une accélération de la respiration et un excès d'échauffement, et de préserver les semences récalcitrantes d'un séchage excessif.

Lutte contre les moisissures et les insectes. Pour ce qui est des essences entreposées à basse température avec une faible teneur en eau, les conditions d'entreposage doivent suffire à empêcher la propagation des moisissures et des insectes. Il importe toutefois de ne pas récolter des semences visiblement exposées à des attaques sérieuses et d'accomplir les tâches de récolte, de transport, de traitement, etc. le plus vite possible, de sorte que les semences ne soient pas endommagées avant l'entreposage. Comme les attaques des champignons et des insectes sont particulièrement virulentes sur le tapis forestier, il convient de ramasser le plus rapidement possible les fruits tombés sur le sol. Les traitements fongicides sont généralement à déconseiller, car ils ont souvent un effet préjudiciable sur les graines (Magini, 1962); beaucoup de fongicides ne sont efficaces qu'une fois dissous dans l'eau et sont donc incompatibles avec un entreposage à sec. Un séchage à des températures supérieures à 40 à 42 °C suffit généralement à tuer les insectes. Quant aux semences qui ne peuvent être séchées, on peut leur appliquer d'autres traitements. C'est ainsi qu'on fumige les semences de Quercus au moyen de vapeurs de “serafume” ou d'autres produits chimiques ou qu'on les fait tremper dans l'eau chaude pour les débarrasser des charançons (Belcher, 1966; Olson, 1957), et qu'on emploie couramment le bromure de méthyle ou le sulfure de carbone pour tuer les insectes (Boland et col., 1980).

Viabilité initiale. Les lots de semences dotées d'une viabilité initiale et d'une faculté germinative élevées se conservent plus longtemps que les lots de semences dotées d'une faible viabilité initiale. Il est indispensable de prélever des échantillons de chacun des lots de semences et de les soumettre avant l'entreposage à des essais de germination, précédés au besoin d'un prétraitement approprié destiné à lever la dormance, de manière à déterminer leur durée potentielle de conservation respective. La longévité des graines viables est en corrélation avec la faculté germinative initiale. Par exemple, des échantillons de deux lots de semences de la même essence, dont 80 pour cent devraient normalement germer avant entreposage, peuvent présenter des taux de germination initiaux de respectivement 90 pour cent et 50 pour cent. En entreposant le deuxième lot, non seulement on gaspillerait de l'espace en conservant des graines mortes, mais on pourrait aussi être assuré que les 50 pour cent de graines initialement viables perdraient plus rapidement leur viabilité pendant l'entreposage que les 90 pour cent de graines viables du premier lot. Alors que la perte de viabilité peut être sans conséquence si les graines doivent être semées quelques semaines ou quelques mois plus tard, seules les semences de bonne qualité doivent être entreposées pendant de longues périodes (Holmes et Buszewicz, 1958; Magini, 1962). En ce qui concerne l'entreposage à long terme de semences agricoles en vue de la préservation des ressources génétiques, on recommande de rejeter les semences dont la viabilité initiale n'atteint pas 85 pour cent de la variabilité considérée comme typique de l'espèce ou de la variété en question (CIRP, 1976). On remarquera que la viabilité initiale et la faculté germinative sont souvent fonction des facteurs décrits aux paragraphes précédents (maturité des graines, endommagement d'origine mécanique, attaques de champignons ou d'insectes).

Conditions d'entreposage et vieillissement des semences

Comme tous les autres organismes vivants, les semences sont sujettes au vieillissement et à la mort. Pour ce qui est des semences orthodoxes, le processus de vieillissement et de détérioration dépend tellement des conditions d'entreposage que “l'âge” des semences, mesurant simplement la période de temps écoulée depuis la maturation et la récolte, est une estimation inadéquate de leur vieillissement, au sens de leur perte de viabilité et de leur progression vers la détérioration irréversible de la mort. On emploie couramment l'expression “âge physiologique” pour désigner le degré de détérioration des graines, mesuré par la diminution de leur faculté germinative. Des nomogrammes concernant les effets de la température et de la teneur en eau sur le vieillissement physiologique des semences ont été établis pour plusieurs cultures de plein champ (Ellis et Roberts, 1981). Par exemple, le nomogramme relatif à l'orge indique que le degré de détérioration des semences (de 95 pour cent de germination initiale à 50 pour cent de germination finale) est le même après quelque 16 jours d'entreposage à 25 °C et à 21 pour cent de teneur en eau ou environ 100 ans d'entreposage à 8 °C et 8 pour cent de teneur en eau. Les deux lots de semences auraient donc un âge physiologique identique, malgré la très grande différence de leur durée de conservation. Il devrait en être de même des semences forestières orthodoxes.

Il est possible d'associer un certain nombre de modifications physiologiques des tissus cellulaires au vieillissement physiologique des semences, dont (1) l'épuisement des réserves nutritives dû à la respiration, qui se traduit par exemple par une diminution des protéines et des sucres non réducteurs et par une augmentation des sucres réducteurs et des acides gras libres, (2) l'accumulation de sous-produits de la respiration, toxiques ou inhibiteurs de croissance, (3) la réduction d'activité des systèmes enzymatiques, (4) la diminution de la capacité des molécules protéiques déshydratées de se recombiner pour former des molécules protoplasmiques après réhydratation, (5) la détérioration des membranes cellulaires semi-perméables, (6) la péroxydation des lipides, conduisant à la formation de radicaux libres, qui réagissent avec d'autres éléments de la cellule et les endommagent, et enfin (7) les altérations de l'ADN des noyaux cellulaires, qui provoquent des mutations génétiques de même que des dommages physiologiques (Roberts, 1972; Harrington, 1973; Villiers, 1973). Bien qu'on ne sache pas encore de façon certaine jusqu'à quel point ces diverses manifestations sont les causes ou seulement les symptômes de la détérioration, il semble que la production de radicaux libres est la première conséquence du vieillissement et que l'endommagement des divers systèmes cellulaires est le résultat ultérieur de cette production (Villiers, 1973).

Quel que soit le mécanisme exact de détérioration des semences, on estime généralement que, dans le cas des semences orthodoxes, la perte de viabilité est en grande partie déterminée par le taux de respiration. Toute mesure qui réduit le taux de respiration sans endommager par ailleurs les semences devrait permettre d'accroître la longévité pendant l'entreposage. Une telle mesure peut consister dans le contrôle de l'oxygène, de la teneur en eau ou encore de la température. Dans le cas des semences récalcitrantes, quoique les niveaux minimaux d'oxygène, de teneur en eau, de température et, par conséquent, de respiration soient tous considérablement plus élevés que dans le cas des semences orthodoxes, il semble qu'à condition de maintenir ces divers paramètres au-dessus des minimums propres à chaque essence, il est possible d'améliorer la longévité en faisant en sorte qu'ils soient le plus près possible de ces minimums, de manière à éviter toute intensification excessive de la respiration.

Atmosphère d'entreposage

Pour réduire le taux de respiration aérobique, la méthode la plus évidente consiste à éliminer l'oxygène présent dans l'atmosphère entourant les graines. On peut ainsi remplacer l'oxygène par d'autres gaz tels que le CO2 ou l'azote, ou encore en faisant un vide partiel ou complet. Roberts (1972) cite l'exemple de graines de laitue d'une teneur en eau de 6 pour cent entreposées dans des récipients fermés à une température de 18 °C. Au bout de trois ans, les graines conservées dans une atmosphère d'oxygène pur avaient une viabilité de 8 pour cent, celles conservées dans de l'air, une viabilité de 57 pour cent, celles conservées dans de l'azote, de l'argon ou du CO2, une viabilité de 78 pour cent et enfin celles conservées sous vide, une viabilité de 77 pour cent. Le bien-fondé de l'élimination de l'oxygène pendant l'entreposage des semences orthodoxes sèches a été aussi vérifié dans le cas de Pinus radiata (Shrestha, Shepherd et Turnbull, 1984). C'est l'entreposage dans une atmosphère d'azote qui a donné les meilleurs résultats, suivi par l'entreposage dans une atmosphère de CO2, alors que la conservation sous vide et dans de l'air donnait des résultats plus médiocres. A 35 °C, la plus haute température utilisée, correspondant à la perte de viabilité la plus rapide, la diminution de la faculté germinative après 50 semaines d'entreposage dans des récipients fermés avec une teneur en eau de 8 pour cent s'établissait à 8 pour cent dans une atmosphère d'azote, à 14 pour cent dans une atmosphère de CO2, à 21 pour cent sous vide et à 29 pour cent dans l'air. On obtient le même classement en comparant la vitesse de germination et la vigueur des plants germés (mesurée par le poids sec 49 jours après semis). Quoiqu'on soit parvenu à obtenir expérimentalement des accroissements de la longévité des semences d'une ampleur comparable, certaines des méthodes employées sont d'une application coûteuse, alors que leurs effets sur la durée de vie des semences sont moindres que les effets résultant des changements de température ou d'humidité (Goldbach, 1979). Si l'élimination de l'oxygène empêche la respiration aérobique, elle n'empêche pas la respiration anaérobique, alors que la diminution de la teneur en eau et de la température permet de restreindre les deux. Alors qu'il existe des prévisions systématiques de la longévité de plusieurs sortes de semences agricoles pour diverses valeurs de la température et de la teneur en eau (Ellis et Roberts, 1981), il n'existe rien de tel à propos de l'effet de la concentration en oxygène sur la longévité.

Une méthode simple généralement recommandée consiste à remplir le plus possible des récipients hermétiquement clos. Si la quantité d'air contenue dans le récipient est faible en comparaison du volume occupé par les semences, il y aura consommation d'oxygène et production de gaz carbonique. Le rapport CO2/O2 élevé qui en résulte est probablement favorable à une amélioration de la longévité des semences orthodoxes (Goldbach, 1979).

Quoique la plupart des semences orthodoxes sèches semblent tirer avantage de l'élimination complète de l'oxygène présent dans l'atmosphère d'entreposage, les semences récalcitrantes s'accommodent apparemment bien de la présence d'oxygène. Des semences d'Araucaria hunsteinii, dotées d'un taux de germination initial de 56 pour cent, mouraient toutes en un mois en cas d'entreposage dans une atmosphère d'azote pur, en deux mois si l'atmosphère d'entreposage contenait 1 pour cent d'oxygène, et en trois mois s'il en contenait 5 pour cent, alors que 18 pour cent d'entre elles parvenaient encore à germer après quatre mois d'entreposage dans une atmosphère contenant 10 pour cent d'oxygène (Tompsett, 1983, 1984). La conservation dans des sacs en polythène de 25 microns d'épaisseur, régulièrement ventilés (21 pour cent d'oxygène) lors de leur ouverture en vue du prélèvement d'échantillons, a donné des résultats comparables à ceux obtenus avec 10 pour cent d'oxygène. D'après King et Roberts (1979), l'opinion générale veut que l'entreposage des semences récalcitrantes à teneur en eau relativement élevée nécessite une ventilation adéquate (c'est-à-dire une concentration en oxygène adéquate), tout comme l'entreposage des semences orthodoxes imbibées.

Teneur en eau des semences

Le rapport de la teneur en eau des semences sur la base du poids frais à leur teneur en eau sur la base du poids sec ainsi que le rapport de la teneur en eau d'équilibre des semences à l'humidité relative de l'atmosphère environnante jouent un rôle important dans le traitement des semences (voir pages 147–153). Ils jouent en outre un rôle tout aussi important pour ce qui est de leur entreposage. Dans le premier cas, la variation de l'humidité relative permet effectivement de modifier la teneur en eau des semences et de l'amener à la valeur la plus appropriée à l'entreposage, alors que, dans le second cas, la préservation d'une humidité relative convenable de l'atmosphère environnante permet de maintenir la teneur en eau à sa valeur optimale.

Incidence de la teneur en eau. La teneur en eau est probablement le facteur qui exerce la plus grande influence sur la longévité des semences orthodoxes (Holmes et Buszewicz, 1958). La diminution de la teneur en eau entraîne une réduction de la respiration, ce qui a pour effet de ralentir le vieillissement des semences et de prolonger leur viabilité. D'après Harrington (1959), cité par Barner (1975b), la teneur en eau est liée à divers processus qui se déroulent à l'intérieur et autour des graines de la manière suivante:

Teneur en eau des semences (% du poids frais)

Supérieure à 45–60 pour centDébut de la germination
Supérieure à 18–20 pour centEchauffement possible des semences (en raison d'une accélération de la respiration et d'une libération d'énergie)
Supérieure à 12–14 pour centDéveloppement possible de champignons
Inférieure à 8–9 pour centActivité très réduite des insectes
4–8 pour centEntreposage sans problème dans des récipients fermés

Il est plus facile de juguler l'activité fongique en contrôlant la teneur en eau qu'en contrôlant la température. Si la teneur en eau et l'humidité relative sont suffisamment élevées, les champignons peuvent se développer de -8 °C à +80 °C (Roberts, 1972), et il est plus facile de maintenir la teneur en eau au-dessous de 12–14 pour cent (ou l'humidité relative au point d'équilibre d'environ 65 pour cent) que de maintenir la température au-dessous de 0 °C.

Harrington (1963, 1970) a établi une règle empirique applicable à beaucoup d'espèces agricoles dans l'intervalle de 4 à 14 pour cent de teneur en eau, à savoir que la durée de vie des semences double chaque fois que leur teneur en eau diminue de 1 pour cent. Schönborn (1965) a découvert une relation du même ordre en mesurant le taux de respiration de Picea abies, exprimé par la quantité de CO2 produit. A 20 °C, les semences dégagent 80 ml de CO2 par heure et par kg lorsque leur teneur en eau est de 20 pour cent, et n'en dégagent plus que 0,11 ml/h/kg lorsque cette teneur tombe à 5 pour cent, ce qui représente près de mille fois moins pour une différence de 15 pour cent de la teneur en eau.

On considère qu'une teneur en eau de 4 à 8 pour cent assure la préservation de la plupart des semences orthodoxes; le CIRP (1976) recommande une teneur en eau de 5 pour cent ± 1 pour cent pour l'entreposage à long terme aux fins de conservation des ressources génétiques. Il est d'ordinaire possible de diminuer davantage la teneur en eau des graines oléagineuses (calculée sur la base du poids frais total) que celle des graines pauvres en lipides (Harrington, 1970). Si un séchage au-dessous de 4 pour cent de teneur en eau peut endommager les semences de certaines essences ou accélérer la perte de leur viabilité, d'autres essences supportent sans dommage un séchage plus intense. On est ainsi parvenu à conserver avec succès des graines de Betula papyrifera dont la teneur en eau n'excédait pas 0,6 pour cent (Joseph, 1929, cité dans Holmes et Buszewicz, 1958). Schönborn (1965) a réussi à faire sécher de petits échantillons de Picea abies, de Pinus sylvestris, de Pseudotsuga menziesii et de Larix decidua jusqu'à une teneur en eau de 0 pour cent sans diminution notable de la germination après six mois, comparée à la germination obtenue avec une teneur en eau normale de 6 à 8 pour cent. Dans ce cas particulier, les semences n'ont pas été séchées par exposition à une forte chaleur, mais par circulation d'un courant d'air sec à 20 °C. Le même traitement a fait mourir les semences de Pinus strobus et d'Abies alba, et des tentatives antérieures de conservation de semences de plusieurs espèces de Pinus et de Picea à une teneur en eau de 0 pour cent s'étaient également soldées par un échec (Barton, 1961). Au-dessous de 2 pour cent de teneur en eau, la dessication risque fort d'endommager les semences de beaucoup d'essences. En outre, l'obtention d'une très faible teneur en eau est beaucoup plus coûteuse que le séchage jusqu'aux 4 à 8 pour cent habituels et ne devrait être réservée qu'à des cas exceptionnels. Les techniques de séchage sont décrites aux pages 116–130.

Certaines semences forestières orthodoxes se conservent mieux à une teneur en eau nettement plus forte. Comme nous l'avons mentionné à la page 163, on recommande une teneur en eau de 8 à 10 pour cent dans le cas de Fagus sylvatica. Pour ce qui est des semences d'Abies spp., on recommande une teneur en eau de 12–13 pour cent si l'entreposage doit durer d'un à trois ans, et de 7 à 9 pour cent s'il doit durer plus longtemps (Barner, 1975b). En général, il convient de prêter une attention particulière au moment et à la durée du séchage des essences qui tirent avantage d'un entreposage à une teneur en eau supérieure à la moyenne.

Les fluctuations de la teneur en eau des semences entreposées en milieu non clos sans contrôle de l'humidité ou conservées dans des récipients fréquemment ouverts et refermés provoque une détérioration de leur faculté germinative (Wang, 1974; Stein et col., 1974). En fait, une teneur en eau stable, même légèrement supérieure à la teneur optimale, a un effet moins négatif qu'une teneur en eau qui ne cesse de fluctuer entre l'optimum et une teneur plus élevée.

Il existe des cas où la tendance à l'accentuation de la perte de viabilité avec l'augmentation de la teneur en eau s'inverse lorsqu'on approche de l'imbibition complète des semences. Si ces dernières ont besoin de lumière pour germer, il est possible de les conserver quelque temps dans l'obscurité, en veillant à ce qu'elles soient complètement imbibées mais non germées. Ainsi, l'entreposage à 22 °C de graines de Fraxinus americana à diverses teneurs en eau a donné les résultats suivants (Villiers, 1973):

Teneur en eau (%)Taux de germination au terme de la période indiquée
(pour cent)
1 mois2 mois3 mois4 mois
6,098929694
9,5948876  4
18,68122  0  0
Imbibition complete
(dans l'obscurité)
96959896

On a supposé que les semences imbibées étaient mieux à même de réparer les dommages causés aux membranes cellulaires, aux enzymes et à l'ADN des noyaux par les radicaux libres que les semences à faible teneur en eau. L'entreposage prolongé de semences imbibées peut toutefois soulever des difficultés dans la pratique, car il faut alors maintenir en permanence une forte humidité et une concentration en oxygène adéquate, sans pour autant permettre aux graines de germer ou aux champignons et aux bactéries de se multiplier (Roberts, 1981).

Si la teneur en eau joue aussi un rôle important dans le cas des semences récalcitrantes, la teneur critique correspond en ce cas à la teneur minimale permettant un entreposage prolongé, et non plus à la teneur maximale. Beaucoup de grosses semences de feuillus des régions tempérées s'accommodent d'une teneur en eau de 25 à 79 pour cent (Wang, 1974). Pendant l'entreposage, il convient cependant de maintenir la teneur en eau le plus près possible du minimum tolérable, car plus cette teneur est forte, plus la respiration est intense et plus la perte de viabilité est rapide. Des taux de respiration élevés libèrent de grandes quantités d'énergie, qui risquent d'entraîner, en l'absence d'une aération adéquate, un échauffement excessif et la mort des semences. Une forte teneur en eau favorise aussi l'activité fongique et la pourriture. Wang (1974) mentionne les résultats obtenus avec deux lots de semences d'Acer saccharinum; alors que la faculté germinative de l'un des lots, conservé à 1–2 °C avec une teneur en eau de 58 pour cent, tombe de 94 pour cent à 12 pour cent après six mois d'entreposage, elle s'élève encore à 78 pour cent après seize mois d'entreposage dans le cas de l'autre lot, conservé à la même température avec une teneur en eau de 45 pour cent. Chez ces essences, la perte de viabilité est souvent soudaine. Tylkowski a ainsi constaté que le taux de germination de semences conservées dans des bouteilles hermétiquement fermées à une température de -1 à -3 °C et à une teneur en eau de 50 à 52 pour cent était supérieur à 90 pour cent au bout de 18 mois, mais qu'il devenait pratiquement nul après 24 mois (Suszka et Tylkowski, 1982).

Quoique les essences tropicales à semences récalcitrantes aient fait l'objet de recherches moins nombreuses, les travaux portant sur Triplochiton ont par exemple montré qu'il était possible de prolonger de façon substantielle la période de viabilité en déterminant la teneur en eau minimale propre à l'essence considérée et en prenant soin de maintenir la teneur proche de ce minimum tout au long de l'entreposage (Bowen et Jones, 1975). Des essais réalisés en Malaisie avec Shorea platyclados indiquent qu'une diminution graduelle de la teneur en eau jusqu'à une valeur de 20 à 27 pour cent et la conservation en milieu clos dans du charbon de bois, de la sciure ou de la vermiculite à une température de 15 à 22 °C permettaient de prolonger l'entreposage pendant au moins un mois, alors que la viabilité naturelle n'excède guère une semaine (Tang, 1971). Sur la base des expériences menées sur Shorea parvifolia et Dipterocarpus humeratus, Maury-Lechon et col. (1981) recommandent de ramener la teneur en eau à une valeur intermédiaire entre le quart et la moitié de la teneur en eau initiale des fruits fraîchement cueillis. Bien qu'on ne puisse encore conserver les semences récalcitrantes d'essences tropicales que sur de courtes périodes, cette question fait l'objet de recherches toujours plus nombreuses. King et Roberts (1979) fournissent un bon résumé des réalisations et des approches possibles dans ce domaine.

Température d'entreposage

La température, tout comme la teneur en eau, est en corrélation négative avec la longévité des semences; plus la température est basse, plus le taux de respiration est faible et plus les semences se conservent longtemps. Harrington (1963, 1970) a suggéré une autre règle empirique applicable aux semences agricoles, à savoir qu'entre 50 °C et 0 °C, leur longévité double chaque fois que la température d'entreposage baisse de 5 °C. En ce qui concerne les semences orthodoxes, qui s'accommodent d'une faible teneur en eau, un entreposage à des températures inférieures au point de congélation améliore encore la longévité. Ainsi, pour l'entreposage à long terme des semences agricoles aux fins de préservation des ressources génétiques, on recommande une température de -18 °C comme norme “préférable” pour la plupart des espèces, et une température de -10 °C comme norme “acceptable” pour les espèces à forte viabilité intrinsèque (CIRP, 1976). Des températures beaucoup plus basses (conservation dans l'hélium liquide à -269 °C, par exemple) ont été employées avec succès à titre expérimental, mais l'inconvénient que représente le coût élevé de ces méthodes sur de longues périodes l'emporte sur l'avantage (encore hypothétique à ce jour) d'un accroissement de la longévité.

La température d'entreposage optimale varie considérablement selon l'espèce considérée et la durée de conservation prévue. Plus la température maintenue dans la chambre froide est basse, plus cela coûte cher, et il n'est pas forcément indispensable de congeler des semences destinées à des projets de boisement et dont la durée d'entreposage ne devrait pas excéder un ou deux ans. D'après Holmes et Buszewicz (1958), qui ont effectué un certain nombre d'expériences sur les conifères, la supériorité des températures inférieures au point de congélation ne devient manifeste que sur des périodes d'entreposage de cinq ans ou plus. La congélation à -18 °C prolonge apparemment la viabilité des semences d'essences tropicales orthodoxes telles qu'Eucalyptus deglupta et Flindersia brayleyana (Turnbull, 1983).

Les semences de certaines espèces se conservent bien à température ambiante; il en est ainsi de nombreuses légumineuses et rosacées, des genres Eucalyptus et Tilia et de beaucoup d'autres fruits à graines dures ou à noyaux. Toutefois, sur des périodes longues, la plupart des semences se conservent mieux à des températures plus basses. En ce qui concerne l'entreposage sur une période de 3 à 5 ans de la plupart des conifères et des genres Alnus et Betula, la température critique ne dépasse apparemment pas +4 °C, ce qui oblige à maintenir la température entre 1 °C et 4 °C. Sur des périodes d'entreposage plus longues, disons 5 à 15 ans, la température doit se situer entre -4 °C et -10 °C. Dans le cas du genre Abies, on emploie une température de -4 °C pour les périodes d'entreposage courtes et de -10 °C à -20 °C pour les périodes plus longues (Barner, 1975b).

La température et l'humidité sont des facteurs si intimement liés qu'il est très difficile de les dissocier. Les semences à teneur en eau relativement élevée se conservent beaucoup plus longtemps à des températures proches du point de congélation qu'à des températures plus élevées, alors que les semences à faible teneur en eau supportent beaucoup mieux des températures d'entreposage de l'ordre de 30 °C. En résumé, la teneur en eau critique est plus élevée aux faibles températures d'entreposage qu'aux températures intermédiaires ou fortes et, dans une certaine mesure, une température basse peut compenser une teneur en eau élevée, et vice versa (Holmes et Buszewicz, 1958). Il est toutefois indispensable d'empêcher la détérioration des graines à forte teneur en eau par suite de la transformation de l'eau en glace. D'après Roberts (1981), des teneurs en eau de 20 pour cent, 15 pour cent et 13 pour cent seraient les limites critiques supérieures pour un entreposage à respectivement 0 °C, -20 °C et -196 °C. Comme les semences orthodoxes sont d'ordinaire séchées jusqu'à ce que leur teneur en eau atteigne 4 à 8 pour cent, elles ne risquent pas d'être endommagées par la congélation, même à des températures bien inférieures à 0°C.

Comme nous l'avons mentionné au chapitre 6, la teneur en eau d'équilibre de nombreuses semences pour une humidité relative donnée varie en fonction de la température. Barton et Crocker (1948) ont montré que, pour une humidité relative variant de 35 à 76 pour cent, la quantité d'eau contenue dans les semences augmentait progressivement à mesure que la température baissait de 30 à 10 °C. Il en est ainsi des semences de Pinus et de plusieurs cultures de plein champ. A faible humidité relative (35 pour cent), les semences sèches absorbent approximativement la même quantité d'eau à 5 °C qu'à 10 °C, alors qu'à une humidité relative plus élevée (55 pour cent et 76 pour cent), elles absorbent moins d'eau à 5 °C qu'à 10 °C, cette tendance s'inversant au-dessus de 10 °C. Les modifications de la teneur en eau d'équilibre liées aux changements de température ont souvent des conséquences importantes en cas d'entreposage en milieu non clos. Dans des récipients fermés, leur effet est minime, car la teneur en eau d'équilibre est essentiellement déterminée par la teneur en eau initiale des semences, et non par l'humidité de l'air contenu dans les récipients.

Comme dans le cas de la teneur en eau, des fluctuations répétées de la température ont un effet préjudiciable sur la viabilité des semences. Il importe donc de veiller à ce que la température, dans la mesure du possible, reste constante.

L'effet qu'exerce la température sur la longévité des semences d'essences récalcitrantes tempérées est comparable à celui qu'elle exerce sur la longévité des semences d'essences orthodoxes, à savoir que, dans certaines limites, plus la température est basse, plus la période de viabilité est longue. Certaines essences tropicales sont tuées par des températures pourtant supérieures au point de congélation: ainsi, certaines diptérocarpacées meurent lorsque la température descend au-dessous de 14 °C (Gordon, 1981), alors que les semences de cacaoyer et de manguier ne survivent pas à des températures inférieures respectivement à 10 °C et à 3–6 °C (King et Roberts, 1979). Les semences de Hopea helferi, entreposées à 15 °C avec une forte teneur en eau dans des sacs de polythène non clos, conservent 98 pour cent de leur faculté germinative après 37 jours et 80 pour cent après 60 jours (Tang et Tamari, 1973). Le taux de germination est par contre bien moindre lorsque la température est inférieure à 10 °C ou supérieure à 25–28 °C. Shorea ovalis est aussi une espèce qui ne résiste pas aux basses températures et qu'il convient d'entreposer à 21 °C. Par contre, Shorea talura se conserve bien à 4 °C avec une teneur en eau de 40 pour cent (pour cent du poids frais); au bout de six mois, son taux de germination, initialement de 95 pour cent, atteint encore 69 pour cent (Sasaki, 1980b). Les semences d'autres espèces de diptérocarpacées ont une longévité bien moindre.

En ce qui concerne les essences récalcitrantes tempérées, plus la température est proche de 0 °C, plus les semences se conservent longtemps. Toutefois, les températures inférieures au point de congélation tuent souvent les semences récalcitrantes qui doivent être entreposées avec une forte teneur en eau (Harrington, 1970; Wang, 1974). On a obtenu certains succés aux Etats-Unis en entreposant des semences de Quercus d'une teneur en eau de 35 à 45 pour cent à une température de -1 °C à +3 °C (Bonner, 1978). La température joue ici un rôle crucial, car les semences ne résistent généralement pas à des températures inférieures à -1 °C et germent de façon excessive à des températures supérieures à 2 ou 3 °C. En Europe, les espèces plus septentrionales de Quercus peuvent se conserver à une température légèrement plus basse (-1 à -3 °C) avec une teneur en eau de 38 à 45 pour cent (Suszka et Tylkowski, 1980).

Eclairement

D'après Harrington (1970), la lumière, et notamment le rayonnement ultraviolet, a un effet dommageable sur les semences. Il existe cependant peu d'études consacrées à cette question. Il est préférable de conserver les semences sensibles à la lumière dans des récipients métalliques opaques plutôt que dans des bocaux ou des bouteilles en verre. Toutefois, l'éclairement semble jouer un rôle beaucoup moins important que la teneur en eau ou la température.


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