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3. ASPECTS QUALITATIFS ASSOCIES AUX PRODUITS DE LA MER

Dans ce chapitre, seuls seront envisagés les aspects qualitatifs ayant trait à la sécurité et à l'altération des produits de la mer. Les différents agents pathogènes qui ont pu être associés à la consommation de ces aliments sont énumérés, ainsi qu'un certain nombre de caractéristiques concernant l'évaluation des dangers et des risques que peut faire courir leur présence sur les poissons et les produits de la pêche. Les options qui s'offrent pour lutter contre les agents pathogènes, ainsi que les processus d'altération, sont brièvement décrits.

3.1.BACTERIES PATHOGENES

Les bactéries pathogènes des produits de la mer peuvent être commodément classées en deux grandes catégories, comme indiqué au tableau 3.1.

Tableau 3.1. Bactéries pathogènes transmises par les produits de la mer

  Mode d'actionStabilité de la toxine à la chaleurDose infective minimum
InfectionToxine préformée
Bactéries indigènes (Groupe 1)Clostridium botulinum +faible-
Vibrio sp.+  élevée
V. cholerae   -
V.parahaemolyticus   (> 106/g)
autres vibrions1   -
Aeromonas hydrophila+  Inconnue
Plesiomonas shigelloides+  Inconnue
Listeria monocytogenes+  Inconnue/variable
Bactéries non Salmonella sp.+  de < 102
indigènes    à > 106
(Group 2)Shigella+  101–102
 E. coli+  101–103 2
 Staphylococcus aureus +élevée-

1 Les autres vibrions sont les suivants: V. vulnificus, V. hollisae, V. furnsii, V. mimicus, V. fluvialis.

2 Pour la souche productrice de vérotoxine 0157:H7.

3.1.1. Bactéries indigènes (Groupe 1)

Les bactéries du groupe 1 sont communes et un peu partout présentes dans les milieux aquatiques des différentes régions du monde. Il va de soi que la température de l'eau a un effet sélectif. Il en résulte que les organismes les plus psychrotrophes (C. botulinum et Listeria) sont répandus dans les régions arctiques et les climats froids, alors que les types mésophiles (V. cholerae, V. parahaemolyticus) représentent une partie de la flore naturelle présente sur les poissons que l'on rencontre sur les côtes et les estuaires des zones tempérée ou tropicale chaude.

Il convient de souligner, néanmoins, que tous les genres de bactéries pathogènes cités plus haut comportent des souches environnementales non pathogènes. Dans le cas de certains organismes, il est possible d'établir une corrélation entre certaines caractéristiques et la pathogénicité (par exemple le test de Kanagawa pour V. parahaemolyticus) alors que dans d'autres cas (Aeromonas sp. par exemple) il n'existe pas de méthode connue.

S'il est vrai que tous les poissons et tous les produits de la pêche qui n'ont pas été soumis à un traitement bactéricide peuvent être contaminés par un ou plusieurs de ces pathogènes, le niveau de la contamination est normalement extrêmement bas et il est peu vraisemblable que le nombre des organismes naturellement présents dans les produits de la mer à l'état cru suffisent à entraîner la maladie. La seule exception est le cas où les pathogènes sont concentrés par filtrage (mollusques). En revanche, on peut trouver des niveaux élevés de bactéries du groupe 1 sur les produits de la pêche s'il y a eu prolifération. Cette situation représente un danger sérieux, avec de forts risques d'entraîner des maladies. Il convient par conséquent d'empêcher la prolifération (et l'éventuelle production de toxines). Un certain nombre de conditions de la prolifération des organismes du groupe 1 sont énumérées au tableau 3.2. Quelques-unes des caractéristiques essentielles concernant chacun des organismes énumérés sont envisagées ci-après.

Clostridium botulinum

C. botulinum est extrêmement répandu dans le sol, les sédiments aquatiques et les poissons (Huss 1980, Huss et Pedersen 1979) comme indiqué à la figure 3.1.

Le botulisme humain est une maladie grave mais relativement rare. Il s'agit d'un empoisonnement provoqué par une toxine préformée dans l'aliment. Parmi les symptômes figurent les nausées et les vomissements suivis d'un certain nombre de signes et de symptômes neurologiques: troubles de la vision (vision trouble ou double), perte des fonctions normales de la bouche et de la gorge, affaiblissement ou paralysie totale et accidents respiratoires, lesquels sont généralement la cause de la mort.

Epidémiologie et évaluation du risque

L'examen de 165 poussées épidémiques de botulisme dues à des produits de la pêche a montré que les produits ayant fait l'objet d'un procédé de conservation léger (produits fumés, fermentés) étaient, de loin, le groupe le plus dangereux, ainsi qu'il ressort du tableau 3.3.

Tableau 3.2. Facteurs limitant la croissance et la thermorésistance chez les bactéries pathogènes normalement présentes sur les produits de la mer (Groupe 1 - bactéries indigènes). D'après Doyle (1989), Buckle (1989), Farber (1986) et Varnam et Evans (1991)

Bactéries pathogènesTempérature(°C)pHawNaCl (%) 
minimumoptimumminimumminimummaximumThermorésistance
C. botulinum
protéolytique type A,B,F10environ 354,0–4,60,9410D121 des spores = 0,1–0,25 min
non protéolytique type B,E,F,3,3environ 305,00,973–5D82,2 = 0,15–2,0 min dans le bouillon
D80 = 4,5–10,5 min dans les produits à forte teneur en protéines et en matières grasses6
Vibrio sp.5–8375,0  D71 = 0,3 min1
V. cholerae5376,00,97<8D55 = 0,24 min2
V. parahaemolyticus5374,80,938–1060°C pendant 5 min ont donné un déclin de 7 log10 pour V. parahaemolyticus
V. vulnificus8375,00,945 
Aeromonas sp.0–420–354,0 4–5D55 = 0,17 min5
Plesiomonas sp.8374,0 4–560°C/30 min. pas de survie7
Listeria monocytogènes130–375,00,92410D60 = 2,4 16,7 min dans les produits carnés3
D60 = 1,95–4,48 min dans le poisson (figure 3.3).

1 Schultz et al. (1984).

2 Delmore et Crisley (1979).

3 Farber et Peterkin (1991).

4 Nolan et al. (1992).

5 Condon et al. (1992).

6 Conner et al. (1989).

7 Miller et Koburger (1986).


Tableau 3.3. Types de produits de la pêche pouvant entraîner le botulisme. Les données figurant sur ce tableau sont empruntées à Huss (1981) et représentent des poussées de botulisme survenues au Canada, au Japon, aux Etats-Unis, en URSS et dans les pays scandinaves sur une période d'environ 25 ans (1950–1980)

Produit de la pêcheProcédé employéNombre de poussées
Procédé de conservationfumé10
peu pousséfermenté113
Semi-conservesalé9
 mariné8
Conservesappertisé5
Non précisé 20
Total 165

En revanche, il faut bien savoir que l'on ne connaît pas de cas de botulisme humain dû à du poisson frais et congelé. Cela s'explique probablement par le fait que, normalement, le poisson frais se décompose avant de devenir toxique. Enfin, l'ultime barrière tient à la très faible thermostabilité de la toxine de botulinum (Huss 1981, Hauschild 1989) qui fait que, dans les conditions normales, la préparation culinaire détruira, s'il y en a, les toxines préformées. On voit donc que le risque est très nettement lié aux aliments qu'il n'est pas nécessaire de faire cuire immédiatement avant la consommation.

Lutte contre la maladie

On peut prévenir le botulisme en inactivant les spores bactériennes dans le cas des conserves appertisées ou en inhibant la croissance dans tous les autres produits. On classeC. botulinum en types de toxine allant de A à G et il est commode de classer en deux groupes les types pathogènes pour l'homme:

  1. Les types protéolytiques A et B, qui sont également thermorésistants, mésophiles et halophiles.

  2. Les types non protéolytiques E, B et F, qui sont thermosensibles, psychrotrophes et sensibles à NaCl. Ce sont surtout les types non protéolytiques que l'on trouve chez les poissons et les produits de la pêche.

D'une manière générale, on peut dire que les procédés d'appertisation ont été conçus de manière à détruire un grand nombre des types de C. botulinum thermorésistants. On a pu ainsi définir le degré de cuisson qui permet d'éliminer le risque de botulisme comme l'équivalent de 3 min à 121°C. Cette valeur est également appelée la valeur F° ou stérilité commerciale. La valeur F° requise pour les produits de la pêche appertisés équivaut à des réductions de 1012 à 1 du nombre des spores de Clostridium botulinum. Si l'on retient les valeurs D connues les plus élevées (0,25 min à 121°C), Fo est par conséquent égal à 12 × 0,25 = 3. C'est la “réduction décimale D” qui permet de réduire la charge bactérienne d'un milliard de spores dans chacune des boîtes d'un lot qui en compte 1 000 à une spore par millier de boîtes.

Figure 3.1.

Figure 3.1. Incidence (%) de C. botulinum dans les poissons. Les lettres A-F indiquent la présence de C. botulium types A-F. Pour les références aux difféentes enqu êtes, voir Huss (1980)

A l'inverse, la valeur D correspondant au groupe non protéolytique est beaucoup plus faible. D'après des données présentées par Angelotti (1970), un procédé thermique par voie humide à 82,2°C pendant 30 min devrait détruire environ 107 spores. Il en résulte que la pasteurisation commerciale (produits sous vide, fumage à chaud) pourrait ne pas suffire à tuer toutes les spores, la salubrité de ces produits devant alors reposer sur un contrôle extrêmement strict de la croissance et de la production de toxines.

On trouvera énumérés au tableau 3.2 quelques-uns des facteurs les plus importants qui limitent la croissance de C. botulinum. Même si l'on a pu montrer que les souches non protéolytiques peuvent proliférer dans une solution atteignant 5 pour cent de NaCl, ce n'est le cas que dans les conditions optimales. Dans les produits de la pêche entreposés à basse température (10°C), 3 pour cent de NaCl dans la phase aqueuse suffisent à inhiber la croissance du type E pendant au moins 30 jours (Cann et Taylor, 1979). Le tableau 3.4 résume les problèmes de sécurité les plus importants que posent les différents types de produits de la pêche.

Vibrio sp.

La plupart des vibrions sont d'origine marine et ne se multiplient qu'en présence de Na+. Le genre comporte un certain nombre d'espèces qui sont pathogènes pour l'homme. On les trouvera énumérées au tableau 3.1. V. cholerae se présente en deux sérotypes, le sérotype 01 et le sérotype non-01, le premier comportant deux biovars : le biovar classique et le biovar El Tor. Le biovar classique, le sérovar 01, ne se rencontre plus aujourd'hui que dans certaines parties de l'Asie (Bangladesh) et la plupart des cas de choléra sont dus au biovar El Tor. Les espèces pathogènes sont surtout mésophiles, ce qui revient à dire qu'elles se présentent généralement (ubiquistes) dans les eaux tropicales, ainsi que dans les eaux tempérées, où elles sont surtout abondantes à la fin de l'été ou au début de l'automne.

Les maladies associées à Vibrio sp. sont caractérisées par les symptômes de la gastro-entérite allant de la diarrhée légère au choléra classique, avec diarrhée aqueuse profuse. Il existe une exception avec les infections à V. vulnificus, principalement caractérisées par des septicémies.

Les mécanismes de pathogénicité des vibrions ne sont pas encore parfaitement élucidés. La plupart des vibrions produisent de puissantes entérotoxines, 5 μg de toxine cholérique (CT) administrée par voie orale ayant suffi à provoquer la diarrhée chez des volontaires humains (Varnam et Evans 1991). Un certain nombre d'autres toxines sont produites par V. cholerae, et notamment une hémolysine, toxine similaire à la tétrodotoxine et une autre similaire à la toxine de Shiga. On sait que les souches pathogènes de V. parahaemolyticus produisent une hémolysine directe thermostable (Vp-TDH), responsable de la réaction de Kanagawa, mais on a constaté depuis que les V. parahaemolyticus Kanagawa négatifs peuvent eux aussi provoquer la maladie (Varman et Evans, 1991).

Les Vibrio sp. dits pathogènes ne le sont pas toujours. La majorité des souches environnementales ne disposent pas des facteurs de colonisation nécessaires à l'adhérence et à la pénétration, des toxines appropriées ou autres déterminants de la virulence nécessaires au déclenchement de la maladie.

Tableau 3.4. Propriétés botulinogènes des produits de la pêche (d'après Huss 1981)

Produit de la pêcheFacteurs aggravant le risque de botulismeFacteurs réduisant le risque de botulismeSécurité du produit garantie par :Classification
Frais et congeléEmballage sous videEntreposage réfrigéré traditionnel Putréfaction avant production de la toxineCuisson avant consommationPas de risque
PasteuriséLongue conservation Production de la toxine avant putréfaction Emballage sous vide Mauvaise hygièneEntreposage réfrigéré (< 3°C) Elimination de la flore aérobie synergisteCuisson avant consommation Entreposage réfrigéréPas de risque si le produit est cuit Risque élevé s'il n'est pas cuit
Fumé à froidComme ci-dessus Pas de cuisson avant consommation Pas de tradition d'entreposage réfrigéréEntreposage réfrigéré Salage (concentration de NaCl > 3%) Potentiel redox élevé dans les produits n'ayant pas subi d'altérationEntreposage réfrigéré Contrôle du processus (Matières premières, salage lorsqu'il y a lieu)Risque élevé
FermentéLa fermentation peut être lente Température élevée en cours de fermentation Pas de cuisson avant consommationSalage (concentration de NaCl > 3% dans la saumure) Entreposage réfrigéré pH peu élevéContrôle du processus Entreposage réfrigéréRisque élevé
Semi-conservePas de cuisson avant consommationAddition de sel, d'acide, etc. Entreposage réfrigéréContrôle du processusRisque faible
AppertiséPas de cuisson avant consommation Conditionné en boîtes sertiesAutoclavageContrôle du processus (Autoclavage, fermeture des boîtes métalliques)Risque faible

Ces dernières années, on a pu démontrer que les vibrions peuvent réagir à des conditions environnementales défavorables en entrant dans une phase viable mais où ils ne se développent pas en culture (Colwell, 1986). Lorsque les bactéries sont exposées à des conditions défavorables, qu'il s'agisse de salinité, de température ou de privation d'éléments nutritifs, elles peuvent subir des lésions réversibles et ne plus pouvoir être décelées par les méthodes bactériologiques classiques. Toutefois, si les conditions sont optimales, elles peuvent revenir à leur état “normal” et être à nouveau cultivées.

Ce phénomène a pour conséquence évidente que les examens systématiques d'échantillons prélevés dans l'environnement pour la recherche de ces pathogènes peuvent être négatifs, alors qu'il y a effectivement présence de bactéries virulentes.

Epidémiologie et évaluation du risque

Historiquement, le choléra est une maladie des pauvres et des mal nourris, encore que l'on puisse incriminer aussi dans une certaine mesure la mauvaise hygiène. Dans le cas du choléra, l'eau et la contamination fécale de l'eau ont une responsabilité importante dans la propagation de la maladie, même si les aliments jouent un rôle de plus en plus important.

Différents types d'aliments ont pu être associés à la transmission du choléra, et notamment les boissons du type limonades, les fruits et légumes, le lait, les bières de fabrication locale ainsi que le gruau de millet (Varnam et Evans, 1991). Il n'en demeure pas moins que l'on a pu établir que c'étaient les crustacés et mollusques marins crus, non cuits ou ayant subi des reports de contamination après cuisson qui sont le principal véhicule de V. cholerae 01 et non-01 (Morris et Black, 1985). Les poussées épidémiques de V. parahaemolyticus ont surtout été associées aux reports de contamination ou à des fruits de mer cuits conservés trop longtemps ou à une température trop élevée. L'exception est le Japon où ce sont les poissons crus qui sont le véhicule le plus fréquent d'infection à V. parahaemolyticus. Pour tous les autres vibrions, c'est la consommation de coquillages crus, et notamment d'huîtres, qui est la cause principale d'infection.

Un aspect important est le taux de croissance remarquable des vibrions dans le poisson cru, même à des températures réduites. Cela permet aux vibrions, même s'ils sont initialement peu nombreux, de se multiplier de façon spectaculaire si la récolte, le traitement, la distribution et le stockage laissent à désirer.

Lutte contre la maladie

Les carences de l'assainissement et le manque d'eau saine sont les principales causes d'épidémies de choléra. En conséquence, le seul moyen de prévenir efficacement ces épidémies consiste à faire en sorte que toutes les populations disposent de systèmes adéquats d'évacuation des excreta et d'un approvisionnement en eau potable. A la suite de la récente épidémie de choléra qui a sévi en Amérique du Sud et en Amérique centrale, l'OMS (1992) a publié en matière d'approvisionnement eneau et d'assainissement les recommandations ciaprès, destinées à prévenir le choléra et à lutter contre cette maladie:

Approvisionnement en eau - recommandations de l'OMS :

  1. L'eau de boisson devrait être convenablement désinfectée; les moyens de désinfection de l'eau de ville et des systèmes d'approvisionnement en eau en zones rurales devraient être améliorés.

  2. Des comprimés libérant du chlore ou de l'iode pourront être distribués à la population, avec le mode d'emploi.

  3. Lorsque le traitement chimique de l'eau n'est pas possible, les éducateurs sanitaires devront demander à la population de faire bouillir l'eau de boisson (ainsi que l'eau servant à se laver les mains et à faire la vaisselle).

  4. Le contrôle de la qualité de l'eau devrait être renforcé en intensifiant la surveillance et le contrôle du chlore résiduel, ainsi qu'en multipliant les tests bactériologiques, en différents points des systèmes de production et de distribution.

Assainissement - recommandations de l'OMS :

  1. Le contrôle de la qualité devrait être renforcé dans les installations de traitement des eaux usées.

  2. L'utilisation des eaux usées traitées pour l'irrigation devrait être rigoureusement contrôlée, conformément aux directives nationales et internationales.

  3. Le traitement chimique à grande échelle des eaux usées n'est que très rarement justifié, même dans les situations d'urgence, en raison de son coût élevé, de ses effets incertains et de l'impact défavorable qu'il peut avoir sur l'environnementet la santé.

  4. L'éducation sanitaire devrait souligner l'importance de l'évacuation des excréments humains dans de bonnes conditions d'hygiène :

Les vibrions sont facilement détruits par la chaleur. Une cuisson suffisamment prolongée suffit par conséquent à éliminer la plupart des vibrions. Toutefois, Blake et al. (1980) ont constaté que des V. cholerae 01 survivaient jusqu'à 8 min à l'ébullition et jusqu'à 25 min à l'étuvage dans des crabes naturellement contaminés. Il en résulte que la pratique commerciale qui consiste à passer les huîtres à l'eau bouillante pour en faciliter l'ouverture ne suffit pas à en garantir la salubrité.

A des températures favorables, la multiplication des vibrions peut être très rapide. Dans les conditions optimales (37°C), on a pu observer des temps de génération abaissés à 8–9 min Aux températures plus basses, les taux de croissance diminuent, mais Bradshaw et al. (1984) ont signalé des cas où des concentrations initiales de 102 ufc/g de V. parahaemolyticus dans des crevettes homogénéisées avaient atteint 108 ufc/g au bout de 24 heures à 25°C. Ces résultats montrent qu'une bonne réfrigération est indispensable pour empêcher une prolifération aussi spectaculaire.

On a proposé l'entreposage à basse température comme moyen d'éliminer des aliments les vibrions pathogènes. Toutefois, cette méthode n'est pas suffisamment fiable pour pouvoir être appliquée dans la pratique commerciale. Mitscherlich et Marth (1984) ont fait état des temps de survie de V. cholerae reproduits au tableau 3.5.

Tableau 3.5. Survie de V. cholerae. D'après Mitscherlich et Marth (1984)
AlimentTemps de survie
Poisson entreposé à 3–8°C14–25
Glace entreposée à -20°C8
Crevettes congelées180
Légumes en humidificateur, 20°C10
Carottes10
Chou-fleur20
Eau de rivière210

Aeromonas sp.

Le genre Aeromonas a été classé avec la famille des Vibrionaceae et contient des espèces pathogènes pour les animaux (poisson) et l'homme. Depuis ces dernières années, les Aeromonas sp. motiles, notamment A. hydrophila, attirent de plus en plus l'attention comme agents possibles de maladies diarrhéiques transmises par les aliments. Toutefois, le rôle d'Aeromonas comme pathogène entérique n'est pas encore parfaitement élucidé.

Ubiquiste dans les eaux douces, Aeromonas peut également être isolé à partir des eaux saumâtres et des eaux d'estuaire (Knøchel, 1989). Cet organisme peut aussi être facilement isolé à partir de la viande, du poisson et des fruits de mer, des crèmes glacées et de nombreux autres aliments, comme a pu le montrer Knøchel (1989). En fait, on a constaté que cet organisme était le principal organisme d'altération de la viande crue (Dainty et al., 1983), du saumon cru (Gibson, 1992) emballé sous vide ou en atmosphére modifiée, ainsi que du poisson des eaux tropicales chaudes (Gram et al. 1990, Gorczyca et Pek Poh Len 1985).

Les espèces d'Aeromonas produisent une large gamme de toxines, telles que l'entérotoxine cytotoxique, des hémolysines et un inhibiteur des canaux sodium de type tétrodotoxine (Varnam et Evans, 1991). Toutefois, le rôle que pourraient jouer ces toxines dans le déclenchement de la maladie chez l'homme n'est pas résolu et, à l'heure actuelle, on ne dispose pas de méthode permettant de différencier les souches environnementales apathogènes des souches pathogènes. Ainsi, rien ne prouve que les toxines préformées dans les aliments jouent un rôle quelconque et l'association entre la consommation de poisson et de fruits de mer et l'infection à Aeromonas est au mieux circonstancielle (Ahmed, 1991).

Un certain nombre de facteurs limitant la croissance des Aeromonas sont reproduits au tableau 3.2. Si la température de croissance minimum des souches cliniques est d'environ +4°C (Palumbo et al. 1985), on a pu montrer que les souches environnementales et les isolements prélevés sur les aliments se multipliaient à 0°C (Walker et Stringer, 1987). Aeromonas est très sensible aux conditions acides ainsi qu'au sel et la croissance ne devrait pas poser de problème dans les aliments dont le pH est inférieur à 6,5 et la teneur en NaCl supérieure à 3,0%.

Plesiomonas sp.

Le genre Plesiomonas fait également partie de la famille des Vibrionaceae. Comme les autres membres de cette famille, Plesiomonas est répandu dans la nature mais surtout associé à l'eau, qu'il s'agisse d'eau douce ou d'eau de mer (Arai et al., 1980). En raison de sa nature mésophile (voir le tableau 3.2), il existe une variation saisonnière très marquée du nombre des organismes isolés à partir de l'eau, la numération étant beaucoup plus élevée aux périodes chaudes. La transmission par les animaux et les intestins de poissons est commune, et il est vraisemblable que les poissons et les fruits de mer sont le principal réservoir de Plesiomonas shigelloides (Koburger, 1989).

Les Plesiomonas sp. peuvent être responsables de gastro-entérites avec des symptômes allant de la maladie bénigne de brève durée à la diarrhée sévère (du type shigella ou cholérique). Toutefois, il se peut que seul un petit nombre de souches présentent des caractéristiques virulentes, étant donné que les volontaires qui ingèrent l'organisme ne tombent pas toujours malades (Herrington et al., 1987). Comme dans le cas d'Aeromonas, on ne dispose pas à l'heure actuelle de méthode permettant de différencier les Plesiomonas sp. pathogènes des non pathogènes.

Les facteurs qui limitent la croissance sont présentés au tableau 3.2.

Listeria sp.

On reconnaît à l'heure actuelle six espèces de Listeria, mais trois espèces seulement, L. monocytogenes, L. ivanovii et L. seeligeri sont associées à la maladie chez les humains et/ou les animaux. Toutefois, les cas humains impliquant L. ivanovii et L. seeligeri sont extrêmement rares, quatre cas seulement ayant été signalés. L. monocytogenes est subdivisé en 13 sérovars sur la base d'antigènes somatiques (O) et flagellaires (H). Cette subdivision présente un intérêt limité pour les études épidémiologiques étant donné que la plupart des isolements appartiennent à trois sérotypes. Les méthodes les plus intéressantes sont la lysotypie, le typage des isoenzymes et l'empreinte de l'ADN. Cette dernière technique à donné des résultats prometteurs (Facinelli et al. 1988, Bille et al. 1992, Gerner-Smidt et Nørrung 1992).

L. monocytogenes est répandu dans la nature. On peut l'isoler à partir du sol, de la végétation, des aliments, y compris les poissons et les produits de la pêche, et des cuisines (Lovett (1989), Ryser et Marth (1991) et Fuchs et Reilly (1992)). Il est vraisemblable que la plupart de ces souches environnementales ne sont pas pathogènes.

Les Listeria sp. autres que L. monocytogenes semblent plus communes dans les régions tropicales (Fuchs et Reilly 1992, Karunasagar et al. 1992).

La listériose est une infection dont le point d'entrée est les intestins, mais la dose infective n'est pas connue. La période d'incubation peut varier d'un jour à plusieurs semaines. Les souches virulentes sont capables de se multiplier dans les macrophages et d'entraîner une septicémie suivie d'infection d'autres organes tels que le système nerveux central, le coeur, les yeux, ainsi que le foetus des femmes enceintes. Chez les adultes en bonne santé, la listériose ne dépasse généralement pas le stade entérique primaire, lequel peut être asymptomatique ou ne présenter que des symptômes bénins de type grippal. La listériose présente un risque particulier, voire mortel, pour les foetus, les femmes enceintes, les nouveau-nés et les personnes dont le système immunitaire est déprimé.

Epidémiologie et évaluation du risque

Les produits laitiers (lait, fromage, crème glacée, crème fraîche) ont tous été associés à des épisodes de listériose. C'est également le cas des salades et des légumes. On admet de plus en plus que les aliments contaminés sont un véhicule important de L. monocytogenes. De fréquents isolements à partir de fruits de mer (Weagant et al. 1989, Rørvik et Yndestad 1991) et la démonstration du potentiel de croissance dans le saumon fumé réfrigéré (+4°C) (Ben Embarek et Huss 1992, Guyer et Jemmi 1991, Rørvik et al. 1991, Fuchs et Reilly 1992) montrent que les produits de la mer peuvent jouer un rôle important dans la transmission de Listeria monocytogenes. Toutefois, jusqu'ici on n'a pu attester que deux cas où les produits de la mer pouvaient être incriminés (Facinelli et al. 1989, Frederiksen 1991) et deux cas où ils n'étaient que soupçonnés (Lennon et al. 1984, Riedo et al. 1990).

Lutte contre la maladie

A l'heure actuelle, aux Etats-Unis, la FDA impose l'absence de L. monocytogenes dans les produits alimentaires d'origine maritime prêts à consommer, tels que la chair de crabe ou le poisson fumé. Cette restriction ne s'applique pas aux produits crus que l'on fait cuire avant de les consommer (Ahmed, 1991). D'autres pays ont adopté une réglementation similaire, complètement irréaliste dans la mesure où, par exemple, le poisson fumé à froid n'a évidemment pas subi de traitement listéricide. Etant donné le caractère ubiquiste de L. monocytogenes, ces produits ne peuvent pas être garantis exempts de L. monocytogenes. La FDA est du reste en train d'envisager de modifier sa politique (Archer, 1992). Les produits seront désormais classés en fonction des risques connus et établis. Une tolérance zéro sera maintenue dans le cas des produits ayant reçu un traitement listéricide ainsi que de ceux qui ont été directement incriminés lors d'une poussée épidémique d'origine alimentaire. On pourra alors autoriser un petit nombre de L. monocytogenes dans d'autres types de produits, et notamment ceux dans lesquels on a pu montrer que l'organisme disparaît peu à peu.

La plupart des microbiologistes s'accordent à considérer que l'on pourra être amené à tolérer la présence dans notre alimentation d'un petit nombre de L. monocytogenes. Toutefois, Notermans et al. (1992) estiment qu'une limite de 100 L. monocytogenes/g est raisonnable, alors que Skovgaard (1992) pense que des numérations > 10 L. monocytogenes/g pourraient représenter un risque pour les humains - et notamment les personnes prédisposées (personnes très âgées, trèes jeunes ou immunodéprimées). Ces chiffres sont à comparer au niveau de L. monocytogenes que l'on trouve normalement dans les aliments et qui est d'environ 1–10 L. monocytogenes/g (Skovgaard, 1992). Cela signifie que l'on ne devrait tolérer que peu ou pas de croissance de L. monocytogenes dans les aliments.

Toutefois, moyennant de bonnes pratiques de fabrication et une bonne hygiène des établissements, le niveau quantitatif de la contamination des produits de la pêche par L. monocytogenes peut être maintenu à un niveau très bas (< 1–10/g). Comme l'ont montré Ryser et Marth (1991), L. monocytogenes est sensible aux agents de nettoyage. C'est ainsi que les agents à base de chlore, d'iode, d'acide anionique et d'ammonium quaternaire sont efficaces contre L. monocytogenes à des concentrations de 100 ppm, 25–45 ppm, 200 ppm et 100–200 ppm, respectivement.

En l'absence de processus listéricide, la lutte contre la maladie passera par la maîtrise du développement de L. monocytogenes dans les produits. On trouvera énumérés au tableau 3.2 un certain nombre de facteurs qui limitent la multiplication. A noter que L. monocytogenes est difficile à maîtriser dans les produits de la pêche réfrigérés, tels que par exemple le poisson fumé à froid. L'organisme peut se multiplier jusqu'à + 1°C et il tolère bien NaCl (jusqu'à 10% au pH neutre et à 25°C). Les nitrites n'inhibent pas L. monocytogenes aux concentrations autorisées à moins qu'il n'y ait interaction avec d'autres agents inhibants (Shahamat et al. 1980). C'est ainsi que Ben Embarek et Huss (1983) ont pu démontrer que L. monocytogenes ne se développe pas dans le saumon fumé froid emballé sous vide comportant 5,4% de NaCl dans la phase aqueuse et conservé à 5°C pendant 25 jours. En revanche, on a pu démontrer qu'il y avait prolifération dans le saumon fumé à froid (2,5– 3,2% NaCl dans la phase aqueuse) stocké à 4°C, qu'il soit emballé sous vide (Rørvik et al. 1991) ou non (Guyer et Jemmi, 1991). Les différences de concentration de NaCl et les souches utilisées pourraient expliquer pourquoi des résultats différents ont été observés lors de ces expériences.

Le processus listéricide consiste pour l'essentiel en un traitement thermique. La résistance à la chaleur de L. monocytogenes a fait l'objet d'études approfondies, notamment dans le cas du lait et des produits laitiers, recensées par Mackey et Bratchell (1989). La courbe de destruction thermique a été étudiée dans le cas de L. monocytogenes dans la morue et le saumon par Ben Embarek et Huss (1993). Les résultats font apparaître une thermorésistance de L. monocytogenes sensiblement plus élevée dans les filets de saumon en comparaison des filets de morue, la D60 étant de 4,5 min pour le saumon et de 1,8 min pour la morue. Comme on peut le voir à la figure 3.2, dans les deux cas les valeurs z étaient proches de 6°C, ce qui est très semblable à la valeur z calculée par Mackey et Bratchell (1989).

Figure 3.2.

Figure 3.2. Résistance à la chaleur de L. monocytogenes dans les filets de morue (symboles évidés et les filets de saumon (symbolkes pleins). Les organismes d'épreuve ont été isolés à partir de saumon fumé (carrés) et de cas cliniques de listétiose (triangles) (Ben Embsrek et Huss, 1993)

3.1.2. Bactéries non indigènes (Groupe 2)

On trouvera énumérées au tableau 3.6 quelques-unes des conditions de la croissance des organismes du groupe 2.

Salmonella sp.

Les salmonelles appartiennent à la famille des Enterobacteriaceae et l'on en connaît plus de 2 000 sérovars. Ces organismes mésophiles sont distribués dans le monde entier mais se rencontrent principalement dans les intestins de l'homme et des animaux et dans les milieux naturels pollués par des excréments humains ou animaux. La survie dans l'eau dépend de nombreux paramètres, parmi lesquels des facteurs biologiques (interaction avec d'autres bactéries) et physiques (température). Rhodes et Kator (1988) ont pu montrer que E. coli et Salmonella sp. pouvaient se multiplier et survivre pendant des semaines dans les eaux des estuaires, tandis que Jiménez et al. (1989) pouvaient faire état de résultats similaires concernant la survie dans des eaux douces tropicales.

Les principaux symptômes de la salmonellose (infections non typhoïdiques) sont la diarrhée non sanglante, les douleurs abdominales, la fièvre, les nausées et des vomissements qui surviennent généralement 12–36 heures après l'ingestion. Toutefois, les symptômes peuvent varier considérablement depuis une maladie grave rappelant la typhoïde jusqu'à l'infection asymptomatique. La maladie peut également entraîner des complications plus sérieuses. Chez les sujets en bonne santé, la dose infective varie selon les sérovars, les aliments incriminés et la sensibilité des individus. Alors que certains (Varnam et Evans, 1991) ont pu montrer que 20 cellules pouvaient suffire à constituer une dose infective minimale, d'autres études ont régulièrement fait état d'un ordre de grandeur > 106 cellules.

Epidémiologie et évaluation du risque

Les Salmonella sont communes chez les animaux domestiques et les oiseaux, dont bon nombre sont excréteurs asymptomatiques de Salmonella. Il en résulte que la viande crue et la volaille sont souvent contaminées par cet organisme. De nombreuses enquêtes recensées par D'Aoust (1989) ont montré que l'incidence varie en fonction de l'espèce, des méthodes d'élevage et des pratiques industrielles. Sur des carcasses de poulet, 50 à 100 pour cent de tous les échantillons sont positifs dans la plupart des pays industrialisés où l'on pratique l'élevage intensif de la volaille, ainsi que dans d'autres viandes où la contamination peut approcher 100 pour cent. De même, la contamination du lait cru, des oeufs et des produits à base d'oeuf par les salmonelles est un problème connu de longue date.

La contamination des coquillages et crustacés par les salmonelles qui se développent dans les eaux polluées constitue depuis longtemps un problème dans de nombreuses régions du monde. C'est ainsi que Reilly et al. (1992) ont pu récemment montrer que les crevettes tropicales d'élevage renferment fréquemment des salmonelles. Toutefois, on a aussi pu montrer que les salmonelles présentes dans les crevettes d'aquaculture proviennent davantage du milieu ambiant que des normes d'hygiène ou d'assainissement insuffisantes ou de l'alimentation à base de fumier de volaille.

La plupart des études publiées indiquent que les produits de la mer véhiculent beaucoup moins fréquemment les salmonelles que d'autres aliments et que les poissons et les coquillages ne sont responsables que d'une faible proportion de l'ensemble des cas de salmonellose enregistrés aux Etats-Unis ou ailleurs (Ahmed, 1991). En effet, dans la plupart des cas, les crevettes grises ou roses sont cuites avant la consommation et par conséquent, ces produits ne font courir que des risques extrêmement réduits au consommateur, sauf lors de contamination par manipulations dans les cuisines.

C'est ce que confirment les données épidémiologiques communiquées par Ahmed (1991) concernant sept poussées épidémiques de salmonellose imputable à des produits de la mer survenues aux Etats-Unis au cours de la période 1978–1987. Trois de ces poussées étaient dues à des coquillages contaminés, dont deux consécutives à la consommation d'huîtres crues en provenance d'eaux polluées par les eaux usées.

Shigella sp.

Le genre Shigella fait également partie de la famille des Enterobacteriaceae et comporte quatre espèces distinctes. Il s'agit d'un genre spécifique adapté à l'hôte dans le cas des humains et des primates supérieurs, sa présence dans le milieu naturel étant liée à la contamination fécale. On a pu montrer que des souches de Shigella survivaient jusqu'à 6 mois dans l'eau (Wachsmuth et Morris, 1989).

Les Shigella sont responsables de la shigellose (autrefois dénommée dysenterie bacillaire), qui est une infection de l'intestin. Les symptômes sont variables, depuis l'infection asymptomatique ou la diarrhée légère jusqu'à la dysenterie, caractérisée par des selles sanglantes, la sécrétion de glaires, la déshydratation, une forte fièvre et des crampes abdominales sévères. La période d'incubation de la shigellose est de 1–7 jours, les symptômes pouvant persister pendant 10–14 jours et plus. La mort chez les adultes est rare, mais chez les enfants la maladie peut être extrêmement grave. Dans les pays tropicaux où sévit la malnutrition, la diarrhée à Shigella est responsable de la mort d'au moins 500 000 enfants par année (Guerrant, 1985).

Epidémiologie et évaluation du risque

La grande majorité des cas de shigellose est provoquée par transmission directe des bactéries d'individu à individu par la voie orale-fécale. La transmission par l'eau est également importante, notamment là où l'hygiène laisse à désirer.

Toutefois, l'alimentation, y compris les produits de la mer (cocktail de crevettes, salade de thon) a également été la cause d'un certain nombre de poussées épidémiques de shigellose. Dans la majorité des cas, il s'est agi de la contamination d'aliments crus ou précédemment cuits au cours de leur préparation par un porteur asymptomatique infecté ne respectant pas les règles d'hygiène.

Tableau 3.6. Facteurs limitant la croissance et la thermorésistance chez les bactéries provenant du réservoir animal/humain (Groupe 2 -bactéries non indigènes). D'après Doyle (1989), Buckle (1989), Varnam et Evans (1991) et Farber (1986)

Bactéries pathogènesTempérature °C   pHNaCl (%)awThermorésistance
minimumoptimummaximumminimummaximumminimum
Salmonella53745–474,04–50,94D60 = 0,2–6,5 min
Shigella7–103744–465,54–5 60°C/5 min
E. coli5–73744–484,460,95D60 = 0,1 min
D55 = 5 min
Staphylococcus aureus737484,010–150,83D60 = 0,43–7,9 min
Staphylococcus aureus production de toxines1540–4546env.5,0100,86Grande stabilité de la toxine à la chaleur

Escherichia coli

E. coli est l'organisme aérobie que l'on trouve le plus communément dans les voies intestinales de l'homme et des animaux à sang chaud. Le plus souvent, les souches d'E. coli qui colonisent l'appareil gastro-intestinal sont des commensaux inoffensifs lorsqu'elles ne jouent pas un rôle important dans le maintien de la physiologie intestinale. Toutefois, à l'intérieur de l'espèces on trouve au moins quatre types de souches pathogènes:

1. E. coli entéropathogène(EPEC)
2. E. coli entérotoxigène(ETEC)
3. E. coli entéroinvasif(EIEC), E. coli de type dysenterie à bacille de shiga
4. E. coli entérohémorragique/(EHEC)/
E. coli producteur de vérocytoxine(VTEC) ou E. coli 0157:H7

Les études épidémiologiques font appel à la sérotypie, à la lysotypie et aux méthodes génétiques pour distinguer les différents types d'E. coli, mais il n'existe pas de marqueur phénotypique spécifique permettant de séparer les souches pathogènes des souches non pathogènes. Toutefois, certaines propriétés atypiques, telles que le fait d'être lactose-négatives ou de ne pas produire d'indole à 44°C, sont plus répandues parmi les souches pathogènes (Varnam et Evans, 1991). VTEC ne se développe pas du tout sur des milieux sélectifs à 44°C.

Manifestement, E. coli peut être isolé dans les milieux pollués par les matières fécales ou les eaux usées, et l'organisme peut s'y multiplier et survivre longtemps (Rhodes et Kator 1988, Jiménez et al. 1989). Toutefois, on a récemment démontré qu'E. coli se trouvait également dans les eaux tropicales chaudes non polluées où il peut survivre indéfiniment (Hazen 1988, Fujioka et al. 1988, Toranzos et al. 1988).

Les souches pathogènes d'E. coli sont responsables de maladies intestinales qui varient en gravité depuis des formes extrêmement bénignes jusqu'à des formes graves et pouvant même être mortelles, selon un certain nombre de facteurs tels que le type de souche pathogène, la sensibilité de la victime et le degré d'exposition.

Epidémiologie et évaluation du risque

Rien n'indique que les produits de la mer soient une source importante d'infection à E. coli (Ahmed, 1991). La plupart des infections semblent liées à la contamination de l'eau ou à la manipulation des aliments dans des conditions non hygiéniques.

Lutte contre les Enterobacteriaceae

Les Enterobacteriaceae (Salmonella, Shigella, E. coli) se manifestent toutes sur les produits de la pêche par suite de contamination à partir du réservoir animal/humain. Dans les conditions normales, cette contamination a été associée à la contamination fécale ou à la pollution des eaux naturelles ou des milieux aquatiques, où ces organismes peuvent survivre très longtemps (des mois) ou à la contamination directe des produits au cours de leur préparation.

Il en résulte que la lutte contre les maladies provoquées par les Enterobacteriaceae passe nécessairement par une bonne hygiène personnelle et l'éducation sanitaire du personnel chargé de manipuler les aliments. Un traitement approprié (chloration par exemple) de l'eau et l'évacuation sanitaire des eaux usées sont également des éléments essentiels d'un programme de lutte.

Le risque d'infection par les Enterobacteriaceae peut être réduit au minimum ou éliminé par une cuisson suffisante avant consommation. Il est démontré que la résistance thermique des Salmonella est faible et qu'elle varie considérablement avec l'aw et avec la nature des solutés du milieu de chauffage (D'Aoust, 1989). C'est ainsi qu'une résistance thermique sensiblement accrue a pu être enregistrée aux faibles aw. Des exemples de valeurs D dans les aliments à aw élevée sont indiqués au tableau 3.6, ainsi que d'autres facteurs physiques limitant la croissance des Enterobacteriaceae. C'est ainsi que la croissance est généralement inhibée en présence de NaCl à raison de 4–5 pour cent. On observe une inhibition accrue à de faibles températures ou lorsque le pH est réduit. Dans le cas des Salmonella en bouillon de culture on a constaté que l'activité de l'eau (aw) limitante était de 0,94 (Marshall et al., 1971).

Les facteurs qui limitent la croissance des Shigella et de certaines souches pathogènes d'E. coli sont sans importance, étant donné la faible dose infective qui suffit à déclencher la maladie.

Les niveaux de Salmonella actuellement relevés dans divers aliments et la progression des infections humaines et des poussées épidémiques d'origine alimentaire (D'Aoust, 1989) montrent bien que les tests bactériologiques et les normes bactériologiques strictes (tolérance zéro) concernant la plupart des aliments ne suffisent pas à enrayer la salmonellose. Même la qualité microbienne de l'eau de récolte ne semble pas constituer un bon moyen de prévoir la contamination par les Salmonella, étant donné que des huîtres prélevées sur des parcs fermés et ouverts présentaient le même niveau de contamination (4 pour cent) et qu'aucune corrélation n'a pu être observée entre la présence d'E. coli et les Salmonella (D'Aoust et al., 1980).

Staphylococcus aureus

Les staphylocoques sont des organismes ubiquistes que l'on trouve dans l'eau, l'air, la poussière, le lait, les eaux usées, les sols, les surfaces et, d'une manière générale, tout ce qui vient en contact avec l'homme. Ils survivent très bien dans le milieu. Toutefois, le principal réservoir et habitat est constitué par le nez, la gorge et la peau des animaux/humains. La proportion des porteurs humains peut atteindre 60 pour cent des individus en bonne santé, avec une moyenne de 25–30 pour cent de la population positive à l'égard des souches productrices d'entérotoxines (Ahmed, 1991).

La maladie causée par S. aureus est une intoxication. Les symptômes habituels, qui peuvent survenir dans les 2–4 heures qui suivent la consommation d'aliments contaminés sont les nausées, les vomissements et, parfois, la diarrhée. Les symptômes ne durent généralement pas plus de 24 heures mais, dans les cas graves, la déshydratation peut conduire au choc et au collapsus.

Epidémiologie et évaluation du risque

Les produits de la mer comestibles peuvent être contaminés par les staphylocoques, soit par l'intermédiaire de manipulateurs infectés soit par l'environnement. Dans les cas les plus fréquents, la contamination est due à un individu atteint d'une infection aux mains, d'un rhume ou d'un mal de gorge.

S. aureus est mésophile avec une température de croissance minimum de 10°C, mais des températures plus élevées sont nécessaires à la production de toxines (>15°C). Contrairement aux Enterobacteriaceae, mais à l'instar de L. monocytogenes, S. aureus est halotolérant et susceptible de se multiplier à des activités de l'eau très faibles, dès 0,86. En ce qui concerne le pH, le minimum pour la croissance est de 4,5. Ces conditions minimales concernent la croissance dans des milieux de laboratoire, lorsque les autres facteurs sont optimums. Ce n'est pas toujours le cas dans les aliments où plusieurs facteurs limitants peuvent agir en combinaison. Il convient également de souligner que les staphylocoques n'aiment guère la concurrence et qu'ils se multiplient mal en présence d'autres micro-organismes. Par conséquent, la présence de staphylocoques dans les aliments crus, naturellement contaminés, ne revêt guère de signification. En revanche, une croissance rapide avec production de toxines peut survenir dans des crustacés (crevettes) précuits s'ils sont recontaminés par S. aureus et que les conditions de temps/température autorisent la croissance.

Lorsqu'il se multiplie dans les aliments, S. aureus produit un certain nombre d'entérotoxines. Ces toxines sont généralement très résistantes aux enzymes protéolytiques et à la chaleur. On ne connaît pas de cas de poussées épidémiques dues à des aliments appertisés dans les conditions normales, mais la chaleur appliquée lors de la pasteurisation et la cuisson telle qu'elle se pratique normalement à domicile ne suffisent pas à détruire la toxine.

Lutte contre la maladie

De bonnes conditions sanitaires ainsi que le contrôle de la température sont nécessaires pour éviter la contamination, la prolifération et la production de toxines - notamment dans le cas des produits de la mer précuits.


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