Valeur nutritionnelle des fromages

Table des matières - Précédente - Suivante

La composition nutritionnelle de différents types de fromage est reprise au tableau 57. La simple lecture des chiffres montre que la valeur nutritive de 100 g de fromage varie parfois fortement selon le produit considéré.

Composant protéique

Constituants azotés propres au fromage. Au cours de la phase de maturation enzymatique du fromage (ou affinage), la protéolyse partielle de la matière première (essentiellement la caséine insoluble) libère un ensemble de produits de dégradation azotés. Ces substances solubles sont des oligopeptides, des acides aminés et des amines de l'ammoniac et même des acides gras courts (produits de désamination). Selon les techniques de fabrication, chaque fromage possède des métabolites azotés à des concentrations propres, qui augmentent d'ailleurs au fur et à mesure que l'affinage progresse. La proportion de matière azotée soluble qui apparaît ainsi varie de 10 à 60 pour cent selon les fromages et peut atteindre 90 pour cent pour certains fromages à pâte molle trop faits.

Le taux des acides aminés libres varie de 0,6 à 1,2 pour cent. La teneur de chacun d'entre eux n'est pas toujours le reflet d'une simple hydrolyse de la caséine. On retrouve proportionnellement trop de Iysine et les acides aminés les plus abondants sont la leucine et l'acide glutamique. Les taux de tyrosine et de tryptophane sont quant à eux des indices d'hydrolyse de la 13-caséine seulement. Des composés n'entrant pas dans la structure polypoptique de la caséine sont détectés dans le fromage: l'ornithine et le GABA (gamma aminobutyrique). 11 s'agit sans doute de dérivés de l'acide glutamique et de l'arginine. Certains acides aminés naturellement présents dans la caséine tels l'histidine, l'arginine et la sérine ont, par contre, totalement disparu de la fraction aminée libre.

TABLEAU 57 Composition en certains nutriments de différentes variétés de fromages (pour 100 g de fromage ou en pourcentage de la matière sèche)

Variétés Protéines

Matière grasse

Calcium Phosphore Sodium
(g) (g) (g) (g) (g) (%)
Parmesan 36,5 26   13,0 8,5 2,1
Emmenthal 27,9 29 45 1 0,8 8,6 0,6
Tilsit 26,0 27,7 45 8,0 5,3 1,3
Cheddar 25,4 32,4 50 8,0 5,0 1 7
Edam 25,5 26,0 45 7,5 4,5 2,1
Gouda 25,4 29,0 45 82 4 4 2 1
Butter-cheese 21,1 29,0 50 6,9 4,2  
Bleu 22,4 29,0 50 7,0 4,9  
Brie 22,4 23,0 50 4,0 4,0 2,1
Camembert 22,0 22,3 45 4,0 4,0 1,6
Limbourg 22,4 19,7 40 5,7 3 0  
Romadour 23,2   30 5,1 3,0  
Féta 17,8 18,8 40 6,5 4,0 46
Cottage cheese 14,7 4,6 20 0,8 1,6 0,8
Fromage blanc 11,8 1 1,8 40 0,7 1,5  
Fromage maigre 16,3     0,9 1,9  

Source: Renner, 1983.

La teneur en ammoniac de la fraction soluble peut varier selon les fromages du simple au double (gruyère 13 pour cent, camembert 25 pour cent). La fabrication du fromage induit la transformation des acides aminés en amines (histamine) (tableau 58). L'intensité de cette réaction varie selon le degré de maturation et la nature de la flore microbienne. Les concentrations mesurées peuvent atteindre pour l'histamine 1 300 µg/kg. Le taux du lait varie de 0,0 à 1 ,1 µg/litre. Ces substances peuvent exercer une influence sur la santé (augmentation ou diminution de la pression artérielle) et même induire des migraines.

TABLEAU 58 Teneurs en tyramine et histamine de différentes variétés de fromages

Variétés

Teneurs (mg/100 g)

Tyramine Histamine
Cheddar 35-109 4-27
Emmenthal, gruyère 3-73 1-94
Bleu 7-50 1-8
Edam, gouda 0-60 0-90
Camembert, brie <2-43 2-40

Source: Renner. 1986.

Les composants azotés libres ne déterminent pas l'arôme du fromage, mais lui impriment plutôt sa saveur, voire son arrière-goût. Le goût amer est dû à certains peptides.

Valeur nutritionnelle des composés azotés du fromage. La qualité nutritionnelle des fromages émane de leur teneur élevée en protéines riches en acides aminés essentiels, c'est-à-dire de haute valeur biologique. Comme pour le lait, les acides aminés limitants sont les composés soufrés, surtout dans certains fromages à pâte molle.

Lors de la fabrication, c'est essentiellement la caséine qui constitue le fromage, tandis que les protéines solubles de bonne qualité nutritionnelle restent dans le lactosérum. C'est pourquoi la valeur biologique des protéines fromagères est quelque peu inférieure à celle des produits laitiers, mais supérieure à celle de la caséine isolée. La transformation du lait en fromage (présure et autres enzymes, acidification) n'altère pas la qualité nutritive des protéines. La durée du processus (de 3 à 5 mois) n'influence pas davantage l'utilisation protéique nette des substances peptidiques et azotées.

En termes métaboliques, on peut assimiler la maturation du fromage à une protéolyse intestinale partielle avant la lettre au cours de laquelle la digestibilité protéique est accrue. Celle-ci peut être proche de 100 pour cent pour une variété de produits; le degré d'utilisation biologique des acides aminés essentiels des fromages est élevé (89 pourcent), plus que celui du lait (de 85 à 86 pour cent) et proche de celui de l'œuf (presque 90 pour cent).

Effets de la transformation des graisses

La teneur lipidique du lait destiné à la production fromagère conditionne très largement les taux de matière grasse du produit fini. L'acceptabilité des fromages gras est habituellement supérieure, car leur haute teneur lipidique leur imprime une saveur plus appréciée. Certains arômes ne se développent que si la proportion de matière grasse est suffisante (au moins 40 à 50 pour cent), sans quoi les produits de dégradation lipidiques odorants ne se forment pas. Ce sont surtout les acides gras volatiles (C2, C4, C6 et C8) qui donnent au fromage son odeur. Certains acides gras branchés ou à nombre impair de carbones (produits par la dégradation de certains acides aminés) ou l'acide acétique (obtenu de la transformation du lactose) sont aussi responsables de l'odeur, et donc de l'acceptabilité du fromage. Le stockage s'accompagne souvent d'une augmentation de la teneur en composés aromatiques, conditionnant par là son attrait pour le consommateur.

La lipolyse est entamée par les lipases microbiennes (la pasteurisation a complètement détruit les lipases endogènes du lait). Le fromage contient de 4 à 22 pour cent de diglycérides, de 0,5 à 2 pour cent de monoglycérides et des acides gras libres (de 1 à 2 g/kg de produit et jusqu'à 5 g/kg pour un fromage fait, voire 1 I g/kg pour un fromage odorant). La composition en acides gras (au contraire de la composition aminée) est peu modifiée par la lipolyse. Enfin, la digestibilité des graisses fromagères est bonne (de 88 à 94 pour cent).

Minéraux

Les éléments minéraux des fromages représentent les facteurs nutritionnels les plus intéressants (tableau 59). Le calcium et le phosphore s'y retrouvent en quantités supérieures à celles du lait: jusqu'à dix fois plus pour les fromages à pâte dure et encore quatre à cinq fois pour les pâtes molles. Seuls les fromages frais et le cottage cheese n'en contiennent «que» des quantités équivalentes à celles du lait.

Les fromages les plus gras contiennent relativement moins de calcium et de phosphore. Le lait présuré donne un fromage plus riche en calcium que le lait acidifié. Les deux tiers environ du calcium et la moitié du phosphore du lait accompagnent le caillé dans la formation fromagères

TABLEAU 59 Teneurs en minéraux et en oligo-éléments de différentes variétés de fromages (mg/100 g de produit)

Eléments Parmesan Edam gouda Cheddar Gruyère Roquefort. bleu Camembert brie Crème Cottage cheese
Minéraux
Calcium 1 1200 750 750 1000 650 400 95 65
Magnésium 45 35 30 45 30 20 8 6
Sodium 1110 900 650 500 1300 1000 320 420
Potassium 120 120 100 90 90 130 130 70
Phosphore 800 500 500 600 390 300 110 150
Oligo-éléments
Fer 1 0,4 0,5 0,3 0,1 0,2-0,8 0,1 0,1
Zinc 4 3 3 2 2 3 0,6 0 5
Cuivré 0 3 <01 0,1 0,1 0,1 <0,1-0,6 0,1 <0,1

Une partie du phosphore (un cinquième) se maintient dans la phase soluble du fromage et sa teneur augmente lors de la maturation. Seuls les fromages fondus additionnés de phosphates et quelques rares pâtes fraîches contiennent plus de phosphore que de calcium. Enfin, le rapport calcium/phosphore du fromage est élevé et donc satisfaisant au plan nutritionnel.

Cent grammes de fromage à pâte molle ou à pâte dure permettent de couvrir les besoins en protéines à concurrence respectivement de 12-20 pour cent et 40-50 pour cent et les besoins en calcium à concurrence de 30-40 pour cent et 100 pour cent.

Les taux de magnésium varient d'un fromage à l'autre, comme ceux du calcium. Cependant, les oscillations sont moindres en amplitude: cinq fois plus de magnésium dans les fromages à pâte dure que dans le lait, et seulement deux à trois fois plus dans les fromages à pâte molle.

Quant au sodium, sa teneur peut varier fort d'un produit fromager à l'autre (de 0,4 à 4,6 g/100 g). Cette variabilité s'explique par l'inconstance d'une addition de sodium (salage). Dans certains pays (Iran, Turquie), le sel ajouté représente jusqu'à 10 pour cent du poids du produit fini. Lors de l'égouttage, le potassium et le magnésium sont en majorité éliminés avec le sérum.

Le taux d'oligo-éléments varie aussi fortement dans le fromage, d'autant plus que la fabrication se déroule dans des récipients contaminants (chaudrons de cuivre) (tableau 59). Le premier emmenthal d'une fabrication quotidienne contient jusqu'à 2,9 mg de cuivre par 100 g de pâte. Les fromages ultérieurs n'en présentent que 0,5 à 0,8 mg. A titre de comparaison, un emmenthal fabriqué en cuve d'acier inoxydable contient en moyenne 0,16 mg de l'oligoélément. Le taux de cuivre est contrôlé en raison de son rôle dans la destruction de l'acide ascorbique et dans la fermentation propionique. Le taux de zinc est voisin de celui du lait dans les fromages frais, mais beaucoup plus élevé dans les fromages à pâte dure.

Influence de la présence résiduelle de glucides

Les fromages affinés ne contiennent en général pas de glucides; la petite quantité de lactose restant dans le caillé en fin d'égouttage est transformée en acide lactique au cours de l'affinage. Cependant, dans les fromages frais, peu égouttés et peu fermentés, on trouve des quantités appréciables de lactose, d'acides lactique et citrique. Il en est de même dans les fromages fondus additionnés de lactose et d'acide citrique au cours de la fabrication. La présence, surtout du lactose pose parfois problème aux sujets lactasedéficients.

Impacts technologiques sur le constituant vitaminique

Les taux de vitamines liposolubles (tableau 60) dépendent de la richesse du lait en matière grasse. Ainsi, 85 pour cent environ de la vitamine A laitière passe dans le fromage. Il n'en va pas de même des vitamines hydrosolubles. La perte des vitamines B entraînées dans le lactosérum peut atteindre 90 pour cent. Le degré de récupération dans le fromage des vitamines du lait est de:

Le résidu vitaminique est perdu avec le lactosérum. Au plan nutritionnel, les teneurs en vitamines se maintiennent à des taux suffisamment élevés pour faire du fromage un aliment digne d'intérêt à ce propos. A noter que les croûtes des fromages à pâte molle et des bleus contiennent davantage de vitamines que le centre de la pâte. En cours de conservation, les concentrations en vitamine B varient sensiblement. Les moisissures synthétisent et consomment certaines vitamines de ce groupe, mais, globalement, leur présence a plutôt un effet enrichissant. Par exemple, l'addition de propionibactérium dans la fabrication de l'edam permet de doubler sa teneur en vitamine B12 (figure 19).

Nitrites

Une addition maximale de 20 g de nitrate de sodium ou de potassium est autorisée pour empêcher le développement de spores anaérobies (Clostridium tyrobutyricum) dans le lait destiné à la production fromagère. Les nitrates sont réduits en nitrites inhibant le développement microbien.

TABLEAU 60

Teneurs en vitamines de différentes variétés de fromages (µg/100 g de produit)

Vitamines Pammesan Edam, gouda Cheddar Gruyère Roquefort Camembert Créme Cottage
A 188-360 150-250 300-440 370 310 240-350 225-440 45
D , 0,3 0,2 0,3 - - 0,2 0,3 -
E - 500 500 - 550 - - 80
Bl 19-45 28-57 18-40 30-60 40-43 37-50 17-56 21-35
B2 390-690 190-400 380-520 280-390 590-650 340-670 160-290 170-260
B6 91-130 69-81 55-130 81-110 90-120 150-280 47-74 68-76
B12 1,5-1,9 1,4-2,0 0,9-1,5 1,6 0,4-0,6 1,1-3,1 0,3-0,7 0,6-0,7
Acide nicotinique 120-320 60-81 39-110 40-110 570-740 480-1570 68-140 130-140
Acide

pentothénique

300-530 300-350 290-410 350-560 500-1730 360-1400 270-550 220-40
Biotine 1,7-3,3 1,4-1,6 1,7-3,2 1,5 2,3 2,8-6,6 1,9-5,5 3,0
Folates 8-20 19-42 16-42 10-12 45-49 56-100 13-18 12-13

Ces nitrites sont en soi toxiques pour l'être humain, mais, de facto, ils sont eux mêmes détruits lors de la maturation du fromage (affinage). De fait, on en retrouve moins de 2 ppm.

Quant au nitrate résiduel du fromage, sa teneur est basse et souvent plus en relation avec la teneur des eaux de fabrication que de la matière première. Ces teneurs de nitrates et nitrites des fromages ne présentent pas, à proprement parler, un risque pour la santé et restent bien en deçà des seuils de consommation quotidiens fixés respectivement par la FAO et l'OMS à 5 mg/kg/jour (nitrates ) ou 0, 2 mg/kg/jour (nitrites ) .

La part des produits laitiers dans la consommation ordinaire de nitrate (estimée entre 50 et 100 mg selon les pays) est faible (moins de 1 pour cent) en comparaison de celle des légumes (de 70 à 80 pour cent).

FIGURE 19 Evolution du taux de la Vitamine B12 au cours de l'affinage lors de l'addition d'une culture pure de bactéries propioniques (0,01 pour cent)

Nitrosamines

Les fromages riches en nitrites et amines ne favorisent pas réellement la formation de nitrosamines en raison d'un pH trop élevé. Leurs taux sont néanmoins surveillés en raison du pouvoir cancérigène de ces substances.

Valeur nutritionnelle du fromage frais

Le lait destiné à la production du fromage blanc subit de nos Jours un chauffage intense ( 10 minutes à 95 °C), d'où la formation d'un complexe caséinesprotéines solubles qui, lors de l'acidification, précipite, de sorte qu'une forte proportion de protéines sériques est entraînée avec la caséine et forme le fromage blanc. La fraction précipitée du lait (qui est d'ordinaire de 78 pour cent) passe donc à 88-89 pour cent de 1 'azote total; ainsi, 90 pour cent de la ß-lactoglobuline et 60 pour cent de l'a-lactalbumine se retrouvent dans le fromage blanc. Ce dérivé lacté présente une valeur biologique et nutritionnelle plus élevée, en raison d'un taux plus favorable en acides aminés essentiels et notamment en acides aminés soufrés.


Table des matières - Précédente - Suivante