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LA MODELISATION DE LA TSE-TSE ET DE LA TRYPANOSOMIASE EN AFRIQUE

David J. Rogers

INTRODUCTION

La mise au point de modèles pour la tsé-tsé et la trypanosomiase en Afrique pose deux problèmes bien distincts et appelle deux solutions tout à fait différentes.

Ces problèmes sont, d'une part la distribution et, d'autre part, l'abondance (ou prévalence). Pour certaines activités, telle la préparation d'une campagne de lutte, où il faut appliquer une solution unique à l'ensemble de la zone touchée, on a besoin de renseignements précis sur la distribution. Pour d'autres, par exemple le calcul des besoins de lutte ou d'intervention pour toute une région, on a aussi besoin de renseignements sur l'abondance ou la prévalence. Nous verrons qu'il est en général plus facile de modéliser la distribution que l'abondance.

Les solutions différentes passent soit par une optique statistique, soit par une optique biologique. L'optique statistique est bien connue des épidémiologistes qui s'occupent de la modélisation des maladies à étiologie incertaine. On suit des facteurs qui sont censés être des indicateurs de risque (par exemple la proximité d'une centrale nucléaire peut être un indicateur du risque de leucémie infantile) et l'analyse statistique doit ensuite permettre d'établir des corrélations entre la maladie et les indicateurs de risque. C'est cette méthode qui a permis d'établir les liens de cause à effet entre la tabagie et le cancer, bien que le passage de “x est lié à y” à “x est la cause d'y” nécessite une quantité considérable de preuves expérimentales, qui font souvent défaut.

On se place dans l'optique biologique lorsque les déterminants du risque de maladie, et leurs interactions, sont bien connus. Cette démarche est souvent préférable à l'approche statistique car une bonne compréhension de la transmission de la maladie, dans un cadre modélisé, permet de prévoir les modifications de la distribution et de l'abondance de la maladie avec une plus grande précision que l'approche statistique. En outre, tandis qu'une optique statistique peut donner des prévisions satisfaisantes lorsque l'avenir n'est pas différent du passé, elle devient de moins en moins satisfaisantes lorsque l'avenir est différent du passé. Etant donné l'évolution accélérée de l'environnement, les prévisions issues de cette méthode statistique vont probablement devenir de moins en moins satisfaisantes.

Malheureusement, il est rare que nous ayons assez d'informations, sauf en provenance d'un très petit nombre de sites, sur lesquelles fonder un modèle biologique, de sorte que nous sommes contraints d'adopter l'approche statistique. Ce faisant, nous pouvons choisir entre différentes méthodologies statistiques plus ou moins précises et qui donnent plus ou moins d'informations sur les phénomènes biologiques. En général, nous constatons que les méthodes statistiques les plus précises sont souvent les moins enrichissantes sur les phénomènes biologiques, tandis que les méthodes le plus enrichissantes sont moins bien adaptées aux données de terrain. C'est à l'utilisateur final des renseignements qu'il incombe de décider s'il souhaite avoir un appui efficace pour une opération de lutte (auquel cas la prévision plus précise est nécessaire) ou mieux connaître la dynamique de la transmission de la maladie (auquel cas il a besoin de prévisions significatives au point de vue biologique). Nous devons toujours nous méfier du problème de l'existence probable d'une méthode statistique permettant de prévoir avec une précision de 100 pour cent une carte que nous savons, du moins en partie, imprécise. La précision statistique ne doit donc pas être le seul critère du choix d'une méthode analytique. Le rôle du biologiste reste crucial dans ce cas.

CONCLUSIONS

Dans notre état actuel de semi-ignorance, il semble que nous devrions envisager nos activités futures de la manière suivante:

  1. Etablir des séries bien documentées de données pour les variables probablement importantes de prévision dans les analyses statistiques. Ces séries de données doivent être choisies avec un très grand soin et un certain degré de prévoyance. Par exemple, si on ne peut concevoir que le type de sol ait une influence directe sur la tsé-tsé ou la trypanosomiase, on peut néanmoins se servir de ce paramètre pour éliminer une variabilité pouvant provenir d'une autre variable (par exemple index de végétation) liée plus directement aux vecteurs ou aux maladies. Les analyses statistiques ont généralement donné de meilleurs résultats pour les vastes séries de données, et il est important que ces données très nombreuses aient un même degré de précision pour toutes les régions étudiées.

  2. Examiner en détail les séries de données rassemblées dans des endroits à accès réglementé, en général pendant des projets à court ou à moyen terme, et s'efforcer de construire des modèles biologiques utilisables dans les analyses statistiques futures. Il est rare que des données biologiques suffisantes soient rassemblées à partir de tous les éléments d'un seul endroit (les vecteurs, les parasites et les hôtes), de sorte que les perspectives de mise au point d'un modèle biologique complet des effectifs des vecteurs et de la transmission de la maladie ne sont guère encourageantes. On peut cependant établir un modèle très satisfaisant des divers éléments en utilisant différentes séries de données, afin d'essayer de construire une sorte de chimère du système complet.

  3. Utiliser une combinaison de modèles biologiques et d'analyses statistiques pour commencer à établir des cartes de prévision à la fois des vecteurs et des maladies. Initialement, on devrait essayer de prévoir la variabilité spatiale du risque de maladie. La variabilité temporelle sera probablement très difficile à modéliser, et exigera beaucoup plus de connaissances biologiques que n'en contiennent la plupart des modèles statistiques.

  4. Incorporer dans les projets futurs des évaluations de terrain des prévisions effectuées à l'étape 3) et des mesures des variables importantes identifiées comme importantes lors des analyses. Les modèles biologiques devraient aider à mettre en évidence les incidences probables de ces variables sur le système biologique, tandis que les analyses statistiques indiqueront le degré de précision nécessaire des mesures.


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