3. ASPECTS BIOLOGIQUES


3.1 Classification
3.2 Anatomie et physiologie
3.3 Croissance et reproduction


3.1 Classification

Les poissons sont généralement définis comme des vertébrés aquatiques utilisant des branchies pour extraire l’oxygène de l’eau et disposant de nageoires comprenant un nombre variable d’éléments, appelés rayons, qui en constituent l’armature (Thurman et Weber, 1984).

Cinq classes de vertébrés comprennent des espèces que l’on peut appeler poisson, mais seulement deux de ces groupes - les requins et raies et les poissons à arêtes - sont généralement importants et largement répandus dans le milieu aquatique. La Figure 3.1 montre les liens au cours de l’évolution, entre les divers groupes de poissons.

Les poissons sont les plus nombreux des vertébrés avec au moins 20 000 espèces connues et plus de la moitié (58 %) vivent dans le milieu marin. Ils sont plus répandus dans les eaux chaudes et tempérées des plateaux continentaux (quelques 8 000 espèces). Dans les eaux froides polaires on trouve environ 1 100 espèces. Dans l’environnement pélagique des océans, bien loin de l’effet des terres, on ne trouve que 225 espèces. Curieusement, dans la zone mésopélagique plus profonde du milieu pélagique (entre 100 et 1 000 m de profondeur) le nombre des espèces augmente. Il y a environ 1 000 espèces de poissons dans la zone comprise entre surface et abyssal (Thurman et Weber, 1984).

Classer tous ces organismes dans un système n’est pas tâche facile mais le taxonomiste regroupe les organismes en unités naturelles qui reflètent les relations de l’évolution. La plus petite unité est l’espèce. Chaque espèce est identifiée par un nom scientifique en deux parties : le genre et l’épithète spécifique (nomenclature binominale). Le nom du genre commence toujours par une majuscule et les deux sont en italique. Par exemple, le nom scientifique (espèce) du dauphin commun est Delphinus delphis. Le genre est une catégorie qui comprend une ou plusieurs espèces tandis que l’étape suivante dans la hiérarchie est la famille qui peut comprendre un ou plusieurs genres. Ainsi le système hiérarchique complet est: Règne: Phylum: Classe: Ordre: Famille: Genre: Espèce.

L’utilisation de noms courants ou vernaculaires prête souvent à confusion car les mêmes espèces peuvent avoir différents noms dans différentes régions ou inversement le même nom est attribué à plusieurs espèces différentes ayant parfois des caractéristiques technologiques différentes. Comme point de référence, le nom scientifique devrait, par conséquent, être indiqué, dans toutes les publications ou rapports, la première fois qu’une espèce particulière est désignée par son nom courant. Pour plus d’information, le lecteur est invité à consulter l’ouvrage du Conseil International pour l’Exploration de la Mer "Liste des noms des Poissons et Coquillages" (ICES, 1996); le "Dictionnaire Multilingue des Poissons et Produits de la Pêche" préparé pour l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE, 1990) et le "Dictionnaire Multilingue Illustré des Animaux et Plantes Aquatiques" (Commission des Communautés Européennes, 1993).

La classification des poissons en cartilagineux et osseux (les poissons sans mâchoires présentant peu d’intérêt) est importante du point de vue pratique du fait que ces groupes de poissons s’altèrent de façon différente (chapitre 5) et présentent des compositions chimiques différentes (chapitre 4).

Figure 3.1 Arbre phylogénétique simplifié des poissons. (Des exemples de poissons comestibles sont indiqués entre parenthèses) par leur nom courant en français. (Source: N. Bonde (1994), Institut géologique Copenhague).

Par ailleurs, les poissons peuvent être divisés en espèces grasses ou maigres mais ce type de classification se fonde sur des caractéristiques biologiques et technologiques comme le montre le tableau 3.1.

Tableau 3.1 Classification des poissons

Groupe scientifique Caractères biologiques Caractères technologiques

Exemples

Cyclostomes Poissons sans mâchoires   Lamproie
Chondrichthyes Poissons cartilagineux Teneur en urée élevée dans le muscle Requin, raie, pocheteau
Téléostéens ou poissons osseux Pélagiques Poissons gras (emmagasinant des lipides dans les tissus) Hareng, maquereau, sardine, thon, sprat
  Démersaux Poissons maigres (blancs) (emmagasinant des lipides dans le foie seulement) Morue, églefin, merlu, mérou, bar

 

3.2 Anatomie et physiologie

Le squelette

Etant des vertébrés, les poissons ont une colonne vertébrale - l’arête centrale - et un crâne recouvrant le cerveau. L’arête centrale s’étend de la tête jusqu’à la nageoire caudale et est composée de segments (vertèbres). Ces vertèbres se succèdent le long du dos pour former les apophyses neurales et, dans la région du tronc elles ont des développements latéraux qui portent les côtes (Figure 3.2). Les côtes sont cartilagineuses ou de structure osseuse dans le tissu conjonctif (myocommes) entre les segments musculaires (myotomes) (voir également Figure 3.3). Habituellement il y a aussi un nombre correspondant de fausses côtes qui pénètrent plus ou moins horizontalement dans le tissu musculaire. Ces arêtes causent de nombreuses difficultés au filetage ou dans la préparation des poissons pour la consommation.

Figure 3.2 Squelette de poisson osseux (Eriksson et Johnson, 1979)

Anatomie et fonction des muscles

L’anatomie des muscles du poisson est différente de celle des mammifères terrestres du fait que les poissons n’ont pas le système tendineux qui relie les faisceaux musculaires au squelette de l’animal. Au lieu de cela, le poisson a des cellules musculaires disposées parallèlement et reliées à des gaines de tissu conjonctif (myocommes) qui sont accrochées au squelette et à la peau. Les faisceaux de cellules musculaires parallèles sont appelés myotomes (Figure 3.3)

Figure 3.3 Musculature du squelette du poisson (Knorr, 1974)

Toutes les cellules musculaires s’étendent sur toute la longueur existant entre deux myocommes et sont disposées parallèlement dans le sens longitudinal du poisson. La masse musculaire de chaque côté du poisson constitue le filet dont la partie supérieure est appelée muscle dorsal et la partie inférieure muscle ventral.

Le filet est hétérogène, en ce sens que la longueur des cellules musculaires varie de l’extrémité côté tête (antérieure) à l’extrémité côté queue (postérieure). Les cellules musculaires les plus longues dans le cabillaud sont situées aux environs du douzième myotome à partir de la tête, avec une longueur moyenne d’environ 10 mm pour un poisson de 60 cm de long (Love, 1970). Le diamètre des cellules varie également, il est plus large dans la partie ventrale du filet.

Les myocommes s’étendent suivant un dessin oblique "en socs de charrue" presque perpendiculaire à l’axe principal du poisson, de la peau à l’arête dorsale. Cette anatomie convient parfaitement aux mouvements de flexion du muscle nécessaires à la propulsion du poisson dans l’eau.

Comme chez les mammifères, le tissu musculaire du poisson est composé de muscles striés. L’unité fonctionnelle, à savoir la cellule musculaire, consiste en sarcoplasme contenant des noyaux, des grains de glycogène, des mitochondries etc. et une quantité (jusqu’à 1 000) de myofibrilles. La cellule est entourée par une gaine de tissu conjonctif appelé le sarcolemme. Les myofibrilles contiennent les protéines contractiles, actine et myosine. Ces protéines ou filaments sont disposés dans un système caractéristique d’alternance de sorte que, à l’examen microscopique, le muscle apparaît strié (Figure 3.4).

Figure 3.4 Coupe d’une cellule montrant les différentes structures y compris les myofibrilles ( Bell et al., 1976)

Une bonne partie du tissu musculaire du poisson est blanc mais, suivant les espèces, plusieurs poissons contiennent une certaine quantité de tissu sombre de couleur brune ou rougeâtre. Le muscle sombre (souvent appelé muscle rouge) est situé sous la peau, le long du flanc du poisson.

La proportion de muscle sombre par rapport au muscle blanc varie avec l’activité du poisson. Dans les poissons pélagiques, c’est-à-dire les espèces comme le hareng et le maquereau qui nagent plus ou moins en permanence, jusqu’à 48 % du poids du corps consiste en muscle sombre (Love, 1970). Par contre, elle est très faible dans les poissons démersaux, c’est-à-dire les espèces qui se nourrissent au fond des mers et ne se déplacent que périodiquement, la quantité de muscle rouge est très faible.

Il y a de nombreuses différences dans la composition chimique des deux types de muscles, certaines des plus notables étant les niveaux plus élevés de lipides et de myoglobine dans le muscle rouge.

D’un point de vue technologique, la teneur plus élevée en lipides du muscle sombre est importante à cause des problèmes de rancissement.

La couleur rougeâtre de la chair du saumon et de la truite de mer ne provient pas de la myoglobine mais est due à la caroténoide rouge, l’astaxanthine. La fonction de ce pigment n’a pas été clairement établie, mais on a émis l’idée qu'elle pouvait jouer un rôle d’antioxydant. De plus, son accumulation de caroténoide dans le muscle peut fonctionner comme un réservoir de pigment nécessaire au moment du frai quand la peau du mâle développe une forte couleur rouge et que la femelle transfert le caroténoide dans les oeufs. Ceci dépendrait beaucoup de la quantité de caroténoide pour leur propre développement après fertilisation. D’ailleurs, on voit clairement que la couleur des muscles des salmonidés pâlit au moment du frai.

Le poisson ne peut pas synthétiser l’astaxanthine et a donc besoin d’ingérer ce pigment dans son alimentation. Certains salmonidés vivent dans des eaux où leurs proies naturelles ne contiennent pas beaucoup de caroténoide, par exemple dans la Mer Baltique. Il en résulte une couleur de muscle moins rouge que dans les salmonidés des autres mers. Ceci peut être pris en compte pour expliquer l’importance moindre de la fonction physiologique de l’astaxanthine chez les salmonidés.

Dans l’élevage du saumon, l’astaxanthine est incluse dans la nourriture, car la couleur rouge de la chair est un des plus importants critères de qualité pour ces espèces.

La contraction musculaire commence quand une impulsion nerveuse déclenche la libération de Ca++ du réseau sarcoplasmique vers les myofibrilles. Quand la concentration de Ca++ augmente au niveau du site de l’enzyme active sur le filament de myosine, l’enzyme ATP-ase est activée. Celle-ci divise l’ATP qui se trouve entre les filaments d’actine et de myosine produisant une libération d’énergie. La plupart de cette énergie est utilisée comme énergie de contraction faisant glisser les filaments d’actine entre les filaments de myosine à la manière d’un télescope et contractant ainsi la fibre musculaire. Quand la réaction est inversée (c’est-à-dire quand le Ca++ est refoulé, l’activité de contraction de l’ATP-ase s’arrête et les filaments peuvent glisser passivement les uns par rapport aux autres), le muscle se détend.

La source d’énergie produisant l’ATP dans le muscle blanc est le glycogène alors que le muscle rouge peut aussi utiliser les lipides. Une autre différence majeure vient du fait que le muscle rouge contient bien plus de mitochondries que le muscle blanc, lui permettant ainsi d’opérer un métabolisme aérobie important d’énergie produisant CO2 et H2O. Le muscle blanc, produisant plus généralement de l’énergie par métabolisme anaérobie, accumule de l’acide lactique qui devra être transporté au foie où il sera métabolisé. De plus, le muscle rouge posséderait des fonctions semblables à celles trouvées dans le foie.

Les différents schémas métaboliques trouvés dans les deux types de muscles font que le muscle blanc est parfaitement adapté aux efforts importants mais brefs alors que le muscle rouge est prévu pour des mouvements continus mais moins forts.

Post mortem, les fonctions de régulations biochimique et physiologique opérant in vivo cessent et les ressources en énergie dans le muscle sont épuisées. Quand le niveau de l’ATP atteint son minimum, l’actine et la myosine sont interconnectées irréversiblement et il en résulte la rigor mortis. Ce phénomène est décrit plus loin au chapitre 5.

Le système cardiovasculaire

Le système cardiovasculaire est d’un intérêt considérable pour le technologiste du poisson du fait qu’il est important, chez certaines espèces, de saigner le poisson (c’est-à-dire d’éliminer la plus grande partie du sang) après sa capture.

Le coeur du poisson est construit pour une circulation unique (Figure 3.5). Dans les poissons osseux, il consiste en deux alvéoles contiguës pompant le sang veineux vers les branchies via l’aorte ventrale.

Figure 3.5 Circulation sanguine dans le poisson (Eriksson et Johnson, 1979)

Notes :

  1. Le coeur pompe le sang vers les branchies
  2. Le coeur pompe le sang vers les branchies.
  3. Le sang est aéré dans les branchies.
  4. Le sang artériel est diffusé dans les capillaires où se situe le transfert de l’oxygène et des aliments aux tissus environnants.
  5. Les éléments nutritifs provenant des aliments ingérés sont absorbés au travers des intestins, ensuite transportés vers le foie et plus tard diffusés dans le sang à travers tout le corps.
  6. Dans les reins, le sang est "purifié" et les déchets sont rejetés par l’urine.

Après avoir été aéré dans les branchies, le sang artériel est collecté dans l’aorte dorsale qui court juste en-dessous de la colonne vertébrale et, de là, il est véhiculé vers les différents tissus par les capillaires. Le sang veineux revient au coeur, coulant dans les veines de plus en plus larges (la plus importante est la veine dorsale qui est également située sous la colonne vertébrale). Les veines se rassemblent toutes dans un seul vaisseau sanguin avant d’arriver au coeur. La quantité totale du sang dans le poisson est de 1,5 à 3 % du poids du corps, dont la plus grande partie est contenue dans les organes internes alors que les tissus musculaires, qui constituent les deux tiers du poids du corps, ne contiennent que 20 % du volume sanguin. Cette distribution ne varie pas durant l’activité car les muscles blancs, en particulier, ne sont pas très vascularisés.

Pendant la circulation du sang, la pression sanguine chute d’environ 30 mg Hg dans l’aorte ventrale jusqu’à 0 à l’entrée dans le coeur (Randall, 1970). Après passage du sang à travers les branchies, la pression sanguine produite par le pompage du sang par le coeur est déjà sérieusement abaissée. Les contractions musculaires permettant de ramener le sang au coeur par pompage sont importantes et un système de clapets, situés par paires dans les veines, empêche le sang de circuler à contre-courant.

En clair, la circulation unique du sang chez le poisson est fondamentalement différente du système circulatoire des mammifères (Figure 3.6), où le sang passe deux fois par le coeur et est propulsé dans le corps sous haute pression due aux contractions du coeur.

Figure 3.6 Circulation sanguine chez les poissons et les mammifères (Eriksson et Johnson, 1979).

Chez le poisson, le coeur ne joue pas un rôle important dans le retour du sang des capillaires vers le coeur. Ceci a été confirmé par des recherches où on a examiné l’impact de différents procédés de saignée sur la couleur des filets de cabillaud. On n’a pas trouvé de différence entre le fait de saigner le poisson en lui coupant la gorge en avant ou en arrière du coeur avant l’éviscération. Le fait de ne pas saigner le poisson, préalablement à l’éviscération, n’a pas non plus créé de différence.

Dans certaines pêcheries, il est important de saigner le poisson si on veut obtenir un filet uniformément blanc. Pour y parvenir, un certain nombre de pays ont recommandé de saigner le poisson environ 15 à 20 minutes avant l’éviscération. Ceci signifie que la saignée et l’éviscération doivent être réalisées en deux opérations distinctes et que des équipements spécifiques (bacs de saignée) doivent être disposés sur le pont. Ceci complique le travail (deux opérations au lieu d’une), crée une perte de temps pour l’équipage et augmente l’attente avant le refroidissement du poisson. De plus, ceci demande de l’espace sur un pont de travail déjà bien encombré.

Plusieurs chercheurs ont posé la question de la nécessité de traiter le poisson en deux temps comprenant une période spéciale de saignée (Botta et al.1986; Huss et Asenjo, 1977 a; Valdirmasson et al.1984). Il semble qu’un accord général se dégage sur les points suivants:

Il y a désaccord sur la façon de saigner. Huss et Asenjo (1977) ont trouvé que la meilleure saignée était obtenue par coupure profonde de la gorge comprenant l’aorte dorsale mais ceci n’a pas été confirmé par les travaux de Botta et al (1986). Ce dernier recommande également d’inclure une période de saignement (méthode en deux temps) quand il s’agit de poisson vivant (capturé par madrague, nasse, senne, palangre ou turlutte) tandis que Valdimarsson et al. (1984) trouvent que la qualité du cabillaud mort (4 heures après avoir été hissé à bord) se trouvait légèrement améliorée en utilisant la méthode en deux temps. On doit cependant souligner que l’effet de la saignée doit être comparé aux avantages d’une manutention efficace et rapide conduisant à un refroidissement rapide des prises.

La décoloration du filet peut également provenir d’une manipulation brutale du poisson durant la capture quand le poisson est encore vivant. De mauvais traitements physiques dans le filet (trait long et très grosses prises) ou sur le pont (pêcheurs marchant sur le poisson ou jetant caisses, coffres ou autres objets sur le poisson) peuvent causer des meurtrissures, des ruptures de vaisseaux sanguins et des infiltrations de sang à l’intérieur du tissu musculaire (hématome).

Une forte pression sur le poisson quand le sang est coagulé (par exemple en surchargeant des caisses à poisson) ne produit pas de décoloration mais le poisson peut subir une sérieuse perte de poids.

Autres organes

Parmi les autres organes, seuls la rogue et le foie peuvent jouer un rôle important pour la consommation humaine. Leur taille dépend de l’espèce de poisson et peut varier avec le cycle de vie, l’alimentation et la saison. Chez le cabillaud, le poids de la rogue varie de quelques unités à 27 % du poids du corps et le poids du foie de 1 à 4,5 %. De la même façon, la composition est sujette à variations et la teneur en huile du foie peut aller de 15 à 75 %. Les plus fortes teneurs sont constatées en automne (Jangaard et al.,1967).

3.3 Croissance et reproduction

Pendant la croissance, c’est la taille de chaque cellule musculaire et non le nombre de cellules musculaires qui grandit. La proportion de tissu conjonctif augmente également avec l’âge.

La plupart des poissons atteignent leur maturité sexuelle quand ils ont la taille caractéristique de l’espèce et cela n’est pas nécessairement en rapport direct avec l’âge. En général cette taille critique est atteinte plus tôt par les mâles que par les femelles. Comme le taux de croissance diminue lorsque le poisson a atteint sa maturité, il est souvent plus avantageux économiquement d’élever des poissons femelles en aquaculture.

Chaque année le poisson adulte utilise de l’énergie pour produire les gonades (rogue et laitance). Ce développement gonadique produit une perte des réserves de protéines et de lipides du poisson du fait qu’il se produit dans une période où le poisson se nourrit peu ou pas du tout (Figure 3.7).

Figure 3.7 Rapport entre le cycle alimentaire (pourcentage d’échantillons avec de la nourriture dans l’estomac) et le cycle de reproduction (développement des gonades), pourcentage de poissons avec gonades à maturation (frai et pourcentage de poissons adultes) chez l’églefin (Melanogrammus aeglefinus). On doit noter que le développement des gonades a lieu au moment où le poisson est affamé (Hoar, 1957).

Dans le cabillaud de la Mer du Nord, on a observé que, avant la ponte, le contenu en eau du muscle augmente (Figure 3.8) et que le pourcentage de protéines diminue. Dans des cas extrêmes, le contenu en eau de très gros cabillauds peut atteindre 87 % du poids du corps avant le frai (Love, 1970).

La durée de la période de frai varie beaucoup entre les différentes espèces. La plupart des espèces ont une périodicité saisonnière marquée (Figure 3.7), tandis que d’autres ont des ovaires mûrs à longueur d’année.

L’épuisement des réserves du poisson durant le développement gonadique peut être extrêmement important, surtout si la reproduction coincide avec une migration vers les frayères. Certaines espèces, telles que le saumon du Pacifique (Oncorhynchus spp.), l’anguille (Anguilla anguilla) et d’autres ne parviennent à migrer qu’une seule fois, après quoi elles dégénèrent et meurent. Ceci est dû, en partie, au fait que ces espèces ne se nourrissent pas pendant la migration, de sorte que, dans le cas du saumon, celui-ci peut perdre jusqu’à 92 % de ses lipides, 72 % de ses protéines et 63 % de sa teneur en cendres pendant la migration et la reproduction (Love, 1970).

Figure 3.8 Teneur en eau du muscle de cabillaud ( Gadus morhua) (Love, 1970).

Par contre, d’autres espèces de poissons sont capables de récupérer complètement après avoir pondu pendant plusieurs années. Le cabillaud de Mer du Nord vit environ huit ans avant que la ponte ne provoque sa mort et d’autres espèces peuvent même vivre encore plus longtemps (Cushing, 1975). Autrefois, des harengs (Clupea harengus) de 25 ans n’étaient pas rares en Mer du Nord, et on a trouvé des carrelets (Pleuronectes platessa) de 35 ans. Un des plus vieux poissons recensés a été un esturgeon (Acipenser sturio) du lac Winnebago dans le Wisconsin. Suivant le nombre de stries des otolithes, il avait plus de 100 ans.