Page PrécédenteTable des MatièresPage Suivante

Chapitre 38

Promotion de régimes alimentaires appropriés et de modes de vie sains

Les principaux problèmes nutritionnels dans le monde se répartissent en deux catégories:

Les causes et les manifestations cliniques de ces problèmes ainsi que certains aspects de leur prévention sont discutés dans d'autres chapitres.

Dans les deux cas, il est plus facile de prévenir la malnutrition si les personnes affectées sont informées sur ce qu'est une alimentation saine et sur le meilleur moyen de répondre à leurs besoins nutritionnels. L'éducation sanitaire et nutritionnelle à tous les niveaux est donc fondamentale (photo 78) pour modifier les comportements. Changer son alimentation suppose d'être motivé et de faire l'effort de tenir compte de ses préférences, de son mode de vie et d'éventuelles contraintes de temps. C'est ce qui fait l'objet de ce chapitre.

PROTECTION ET PROMOTION DE MODES
DE VIE SAINS

Presque tous les gouvernements des pays en développement plaident pour le développement et travaillent dans ce sens, aidés par de nombreuses organisations internationales ou bilatérales et des ONG. Le développement implique un changement: culturel, social, économique et politique, parfois aussi une modification des valeurs. Tout individu ou groupe qui propose ou met en œuvre un changement devrait soigneusement vérifier si le résultat attendu est réellement un bien pour les personnes affectées. Il arrive trop souvent que le changement soit imposé de l'extérieur pour le principe ou que ce changement ait pour but de rendre les personnes concernées plus semblables à celles qui les "aident". Il arrive aussi que l'on mette en œuvre un projet qui implique un changement sans en envisager les implications en termes de qualité de vie et en supposant naïvement que toute nouvelle structure est automatiquement meilleure que l'ancienne.

Voici huit stratégies destinées à promouvoir une alimentation appropriée et un mode de vie sain. Certains prônent des changements. Il est clair que le changement est nécessaire dans une région où la malnutrition et les maladies infectieuses sévissent à cause d'une insécurité alimentaire générale et d'un environnement insalubre et que la population, les femmes en particulier, ne sait pas comment nourrir convenablement un enfant et ne comprend pas l'origine des maladies microbiennes. Il y a dans ce cas un besoin évident d'améliorer les connaissances, les ressources et le niveau de vie.

Dans certains groupes de population des pays en développement, un changement rapide est déjà survenu pendant les 50 dernières années: le mode de vie s'est modifié, des pratiques sociales ancestrales disparaissent et la nourriture traditionnelle est remplacée par l'alimentation occidentale. Certains de ces changements ont contribué a améliorer la santé, à diminuer la mortalité infantile et certaines formes graves de malnutrition comme la xérophtalmie. Mais, trop souvent, ces changements ont amené une série de nouveaux problèmes de santé et de nutrition dans une société où ne règne plus la même compassion. Comme nous l'avons vu au chapitre 23, certains pays en développement voient une ascension vertigineuse des maladies non transmissibles liées à l'alimentation comme les maladies cardiovasculaires, l'obésité, certains cancers, les attaques, les caries et le diabète, résultant en grande partie des modifications du style de vie et de l'alimentation. Parallèlement, on voit augmenter le nombre d'enfants abandonnés, de jeunes délinquants, de prostitution enfantine, de vieillards laissés sans soins et de maladies mentales.

Tous les changements, vers l'occidentalisation notamment, ne sont pas positifs. Les valeurs sociales de nombreuses sociétés pauvres sont supérieures à celles prévalant dans les sociétés occidentales qu'il s'agisse de la famille élargie, d'un meilleur traitement des personnes âgées et des infirmes à la maison et non en institution, d'une plus grande tolérance à l'égard des maladies mentales et d'un esprit communautaire plus développé. Il ne faut pas pour autant idéaliser la vie dans ces villages. Pour beaucoup de gens pauvres, elle est extrêmement difficile; malgré des journées entières de dur labeur, la nourriture manque souvent, de même que les soins de santé ou un logement décent. Or, il ne fait aucun doute que tout le monde a besoin d'une bonne santé, d'activités sociales et d'une nourriture suffisante. Le propos n'est pas de s'opposer au développement ou à la modernisation, mais de reconnaître que, premièrement, tous les efforts de modernisation et de développement ne sont pas automatiquement bénéfiques pour les pauvres et, deuxièmement, que certaines actions se voulant charitables aboutissent parfois à diminuer la qualité de vie des pauvres.

L'adoption d'un mode vie et de coutumes dits modernes a des effets mitigés. Le transfert des techniques de production, de conservation et de transformation des aliments a amélioré leur qualité, leur variété et leur sécurité. Mais, en même temps, la consommation excessive de graisses saturées et de sucres, le déclin de l'allaitement au profit du biberon et le tabagisme ont des effets délétères. Il est donc nécessaire de prévenir les effets négatifs de ces pratiques indésirables.

Nous ne voulons pas dire que tout changement est nécessairement négatif, car il est inévitable et nécessaire à l'amélioration de la nutrition et de la santé. Les connaissances modernes peuvent être aménagées pour le bien des pauvres, et chaque pays devrait librement choisir ses actions. Quand le changement est décidé, soit par le gouvernement soit de l'extérieur, il faut en envisager les effets secondaires potentiels. Chacun devrait se demander si ce changement améliorera la qualité de vie de la majorité des personnes concernées. Il faudrait peut-être exiger, avant la mise en œuvre d'un projet, une étude de son impact sur la santé et la nutrition, tout comme l'étude de l'impact environnemental est à présent exigée aux Etats-Unis.

Au moment où les pays en développement font des plans pour le siècle à venir, il faut avant tout essayer de prévenir l'adoption de modes de vie et d'alimentation qui créeront une épidémie de maladies non transmissibles. Malgré leur impatience à se moderniser, les pays devraient protéger toutes les pratiques traditionnelles favorables à la santé et à une bonne nutrition. Il faut donner la priorité à la protection des bonnes habitudes alimentaires traditionnelles et des plats locaux; à la protection des bonnes pratiques de soins pour les enfants, les vieillards et les malades; et à la protection des valeurs morales, sociales et religieuses. Sinon la précipitation vers l'adoption d'un mode de vie occidental fera planer une lourde menace sur la santé et la nutrition des populations des pays en développement.

Les stratégies ci-dessous visent toutes à un mode de vie plus sain, qu'il s'agisse de directives alimentaires ou de domaines comme l'éducation, la formation, la communication conduites par les ministères de l'agriculture, de la santé, de l'éducation, de la condition féminine ou du développement communautaire etc. Le but de ces stratégies doit être d'éviter à la fois la sous-nutrition et les infections et, aussi, l'excès de nourriture avec son cortège de maladies non transmissibles.

Il n'est pas possible de prescrire un mode de vie sain unique. Ce livre suggère simplement des stratégies de promotion d'alimentations adaptées. En effet, il est clair que:

On peut améliorer le mode de vie des pauvres dans de nombreux pays grâce à:

Le mode de vie des pauvres s'améliorerait s'il y avait davantage de justice sociale, et celui des femmes et des enfants s'il y avait moins de discrimination à leur égard et, au contraire, une émancipation.

HUIT STRATÉGIES POUR UNE MEILLEURE
NUTRITION

On dispose de plusieurs stratégies en dehors de l'éducation pour changer les comportements alimentaires. Nous en discuterons huit:

Un sujet qui mérite une attention particulière fait l'objet d'une discussion en fin de chapitre; c'est l'éducation nutritionnelle du public.

Directives et objectifs alimentaires

Les directives alimentaires sont souvent produites par les gouvernements, parfois par d'autres groupes. Le chapitre 23 a décrit celles liées à la prévention des maladies non transmissibles aussi bien que de la sous-nutrition des pays en développement. C'est ce qui les différencie des directives alimentaires habituelles qui sont écrites à l'intention des pays riches.

Les directives alimentaires publiées aux Etats-Unis en 1990, qui s'attachaient surtout aux maladies chroniques, ont été complétées par un outil éducatif intitulé "La pyramide des aliments" (figure 21). Cette pyramide destinée aux éducateurs et au public remplace la notion de groupes d'aliments. L'intérêt de la pyramide est la largeur de sa base qui suggère que la majorité des aliments doivent être riches en glucides (pain, céréales, riz, pâtes). L'étage au-dessus, presque aussi large, est celui des fruits et légumes. La pyramide est moins appropriée au niveau de son dernier étage, le plus étroit, qui suggère que les graisses et les sucreries doivent être utilisées avec modération, car cela ne s'applique qu'aux pays où l'apport énergétique est excessif. Des directives alimentaires révisées, plus simples et faciles à comprendre pour le public ont été publiées en 1995.

Etiquetage des aliments

L'étiquetage clair et précis des aliment est très utile aux personnes qui savent lire et veulent choisir des aliment nutritifs. L'indication du contenu nutritionnel des aliments est très utile dans tous les pays, surtout si on dispose également de directives diététiques, mais elle a surtout été utilisée dans les pays industrialisés. La date de péremption est également utile.

La Commission du Codex Alimentarius FAO/OMS a produit des directives sur l'étiquetage qui méritent d'être étudiées par les gouvernements qui, soit ne disposent pas encore de règlements dans ce domaine, soit ne sont pas satisfaits de la situation existante. Les directives du Codex s'appliquent aux plats préemballés et autres produits de l'industrie de la restauration.

On reproche souvent à l'étiquetage d'être trop détaillé et difficile à utiliser. Il est vrai que les fabricants énumèrent souvent une liste de vitamines et de minéraux qui ne sont pas à l'origine de carences graves et n'ont donc pas une grande importance en termes de santé publique dans le pays où ils sont consommés. En plus du contenu nutritif et parfois du pourcentage de l'apport journalier recommandé, les étiquettes comportent souvent des déclarations telles que "sans cholestérol", "faiblement calorique", "riche en fibres" ou "sans sucre". Il est nécessaire de vérifier l'exactitude et l'intérêt de ces affirmations. Il est peut-être plus important de rédiger des critères applicables à toutes les informations nutritionnelles. Les pays qui souhaitent le faire devraient s'informer auprès de la Commission du Codex Alimentarius et consulter ses textes.

Publicité alimentaire

La publicité peut servir aussi bien à promouvoir une alimentation saine que médiocre. La publicité est difficile à contrôler, et la plupart des gens s'attendent à ce qu'elle dise la vérité. Les mêmes règles que pour l'étiquetage doivent s'appliquer. La publicité télévisée pour des aliments inappropriés aux enfants a fait l'objet de nombreuses critiques et de nombreux rapports. La majorité des pays a adhéré au principe de limiter la publicité pour les substituts du lait maternel et beaucoup ont adopté la législation correspondante. Cependant, la publicité pourrait aussi avoir un impact positif sur la nutrition, et l'industrie alimentaire a un rôle important à jouer.

Repas en collectivité

Des repas en collectivité peuvent apporter non seulement une alimentation équilibrée mais aussi introduire de nouveaux aliments et de bonnes habitudes alimentaires. Les cantines scolaires, par exemple, constituent une opportunité pour amener les enfants à consommer des aliments non familiers et leur montrer ce qu'est une alimentation équilibrée.


Implication de l'industrie alimentaire

Chaque pays possède une industrie alimentaire, petite ou grande, qui joue toujours un rôle important dans la promotion d'une alimentation saine. Il est clair que les objectifs principaux de l'industrie alimentaire sont de vendre, de réaliser un bénéfice et de supplanter les concurrents. Cependant, cela n'est possible que si leur offre correspond à la demande du public pour certaines nourritures particulières. Par exemple, l'industrie laitière de nombreux pays industrialisés a répondu au souhait des populations de réduire leur apport de graisses et de calories en mettant sur le marché davantage de lait écrémé. Cette modification a été favorable et est survenue lorsque les consommateurs ont été informés. Cependant, les modifications bénéfiques dans les pays industrialisés ne le sont pas forcément dans les pays en développement. Par exemple, dans les pays où la malnutrition est répandue et où l'apport moyen de graisses d'un enfant est inférieur à 10 pour cent de son apport énergétique total, la promotion de lait écrémé serait inappropriée.

Cohérence du message

Persuader le public requiert une cohérence des principaux messages d'éducation nutritionnelle. Cela ne signifie pas qu'il est nécessaire de contrôler ou de censurer les messages, mais la diffusion de messages différents, voire contradictoires, sème la confusion dans l'esprit du public. Par exemple, le ministère de l'agriculture peut promouvoir la consommation d'aliments diversifiés de façon à couvrir tous les besoins en micronutriments tandis que d'autres sapent ce message en plaidant pour la distribution de suppléments alimentaires sous formes de gélules ou de comprimés.

Le travail de chacun sera plus facile si les éducateurs aboutissent d'abord à un consensus sur les principaux problèmes et sur les messages appropriés à diffuser au public.

La cohérence est importante dans tous les aspects de l'information et pas seulement dans le contenu. Il ne faut pas qu'un ministère parle de quatre groupes d'aliments, et un autre de trois groupes. Les politiques agricoles et alimentaires nationales doivent s'occuper des problèmes nutritionnels du pays et le ministère de la santé doit promouvoir des solutions durables aux carences principales par le biais d'approches centrées sur la réduction de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire.

Protection de l'alimentation traditionnelle

Ce sujet concerne surtout les pays où les maladies chroniques liées à l'alimentation (voir chapitre 23) ne sont pas encore répandues mais où le développement économique permet à une partie de la population d'acheter des aliments variés, notamment des aliments d'origine animale.

En général, les alimentations traditionnelles d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine sont basées sur des céréales ou des racines accompagnées de beaucoup de légumineuses, de légumes et de fruits. La volaille, la viande et les laitages n'apportent qu'une petite partie des calories totales mais sont appréciées comme accompagnement des aliments de base. Ce type d'alimentation protège des maladies chroniques décrites au chapitre 23, car il est assez pauvre en graisses saturées et cholestérol et riche en glucides complexes et en fibres, ainsi qu'en carotène, vitamine C et autres antioxydants, si elle comporte suffisamment de fruits et légumes.

La protection de ces types d'alimentation commence par la protection de la production et de la commercialisation des aliments traditionnels, grâce notamment à une aide à l'industrie alimentaire locale pour la bonne conservation des aliments, leur conditionnement et la simplification de leur préparation. La séduction qu'exercent de nombreux plats occidentaux tient en effet à leur caractère pratique et au gain de temps qu'ils permettent.

Formation en nutrition

Beaucoup de pays n'ont pas assez d'experts en nutrition. De plus, l'enseignement en nutrition est limité aux nutritionnistes et diététiciens, alors que de nombreux professionnels pourraient en bénéficier: médecins, sages-femmes, infirmiers, auxiliaires, personnel agricole, chercheurs, hauts fonctionnaires dans les ministères, enseignants, travailleurs sociaux et communautaires, personnel de restauration collective, personnel des ONG travaillant dans le développement, la santé, l'agriculture, personnel de l'industrie alimentaire, etc.

Il convient en premier lieu de revoir le contenu en nutrition des formations existantes dans le domaine de la santé, de l'éducation, de l'agriculture et du développement communautaire. On s'aperçoit habituellement que la plupart des formations ont d'importantes lacunes en nutrition. Dans ce cas, il faut réunir un groupe de personnes expérimentées pour recommander des améliorations de ces formations, des modifications du cursus et des moyens d'opérer ces changements.

La première tâche consiste souvent à former les formateurs, avec généralement une assistance externe dans les pays pauvres. Lors de l'étape de conception de la formation, il faut se poser plusieurs questions: quels sont les sujets les plus importants compte tenu des problèmes nutritionnels les plus préoccupants? Que doivent savoir les bénéficiaires de la formation pour intégrer la composante nutritionnelle dans leur travail? Un recyclage bref permettrait-il de faire des progrès rapides?

ÉDUCATION ET COMMUNICATION
EN MATIÈRE DE NUTRITION

L'éducation nutritionnelle a été largement utilisée depuis des années pour promouvoir une alimentation saine et assurer une bonne croissance aux enfants et une diminution de toutes les formes de malnutrition. Tout programme d'éducation nutritionnelle devrait encourager la consommation d'aliments adaptés, promouvoir un mode de vie sain et stimuler la demande du public pour des aliments appropriés.

Dans le passé, l'éducation nutritionnelle a souvent manqué d'imagination. On disait au gens de manger telle ou telle chose parce que c'était "bon pour eux". On essayait aussi de faire des changements radicaux plutôt que progressifs de l'alimentation des populations cibles. Peu de programmes avaient du succès dans ces conditions, d'autant plus qu'ils étaient souvent conduits par des personnes d'une culture ou d'une classe sociale différente de la population cible. Les données d'expérience nous montrent clairement que les éducateurs devraient partir du principe que les mères font généralement de leur mieux pour nourrir leurs familles correctement. Lorsqu'elles n'y arrivent pas, c'est souvent pour des raisons indépendantes de leur volonté.

Dans la plupart des cas, le contenu de l'éducation nutritionnelle doit être élaboré après analyse du problème. L'éducation doit être pertinente par rapport à la réalité quotidienne.

La principale cause de malnutrition en Asie, en Afrique et en Amérique latine est un apport calorique insuffisant. Le conseil initial pourrait donc être de donner à l'enfant la même nourriture qu'auparavant mais plus fréquemment, ou d'en donner un peu plus. Ce conseil a plus de chances d'être accepté par les parents que des modifications majeures et souvent peu réalistes de son alimentation. Toutes les recommandations devraient être simples et faisables pour la famille, en accord avec les habitudes culturelles et, bien sûr, nutritionnellement sensées.

L'éducation nutritionnelle a souvent échoué parce que les conseils donnés n'étaient pas conformes à ces critères. Dans le monde entier, des messages ont demandé à des mères pauvres de donner de la viande ou du poisson ou un œuf ou trois tasses de lait à leurs enfants tous les jours. Même s'il était correct sur le plan nutritionnel, ce conseil manquait totalement de bon sens. Sauf exception, la plupart des familles ne peuvent pas se permettre ces aliments et on sait maintenant qu'ils ne sont pas nécessaires car il existe des alternatives moins coûteuses, comme, le mélange céréales-légumineuses.

Au niveau national, l'éducation nutritionnelle peut être conduite par différents ministères (santé, agriculture, éducation, développement communautaire) ou par des ONG qui doivent être d'accord sur des objectifs communs à leur programme d'éducation, chaque organisation décidant de sa mise en œuvre. Il faudrait déterminer plusieurs éléments, ce qui est rarement fait, comme le contenu du message (discuté ci-dessus), la population cible et les médias à utiliser. Cette stratégie apparemment simple exige en fait une modification de la philosophie et du mode d'opération de nombreux programmes d'éducation nutritionnelle.

Le choix des médias dépend de l'infrastructure locale de l'information et de la communication formelles et informelles. Il est habituellement judicieux d'utiliser plusieurs moyens de manière intégrée. Cependant, une campagne essentiellement radiophonique est souvent le moyen le plus efficace et le moins cher d'atteindre le gros de la population. On peut utiliser aussi bien les chaînes de radio et de télévision privées que celles de l'Etat. Enfin, l'effort doit se concentrer sur les questions prioritaires ou préoccupantes.

Comme nous l'avons déjà dit, il faut privilégier les petites modifications qui améliorent les pratiques existantes et non les grands changements. Dans le passé, on a vu échouer les campagnes qui déversaient une masse d'informations nutritionnelles au lieu de se concentrer sur quelques messages bien conçus dans un nombre limité de domaines prioritaires.

Les efforts des différents ministères et organisations impliqués doivent être étroitement coordonnés de façon que les messages provenant de diverses sources se complètent et se renforcent l'un l'autre.

Qui devrait faire de l'éducation nutritionnelle? Quand? Pour qui? Les réponses sont simples. Toute personne qui a les connaissances nécessaires (personnel de santé, instituteurs, vulgarisateurs agricoles) devrait le faire à toute occasion: le médecin qui voit un patient, la sage-femme en consultation prénatale, l'infirmière à domicile, le vulgarisateur agricole à une réunion de fermiers, l'instituteur en classe ou lors d'une réunion de parents d'élèves. Tout citoyen du pays est une cible potentielle. Même si le problème concerne la MPE du jeune enfant, il est si grave que tout le monde peut bénéficier de l'information.

L'erreur la plus durable et la plus fréquente qui a été faite en éducation nutritionnelle jusqu'à présent est sans doute l'intérêt excessif accordé aux protéines animales. On sait maintenant que le déficit en protéines n'est pas le principal problème à vaincre et que, même s'il l'était, les aliments animaux ne constituent pas une solution raisonnable et faisable dans la plupart des sociétés pauvres. La MPE, qui constitue le problème principal, résulte le plus souvent d'un trop faible apport global de nourriture à l'enfant, qui est alors déficient en calories et en protéines. La solution est d'augmenter la quantité de nourriture quotidienne. S'il faut aussi augmenter l'apport de protéines, il faut avoir recours aux protéines végétales, comme les légumineuses, alors que, depuis 40 ans, les messages d'éducation nutritionnelle ont préconisé l'apport de viande, de poisson, d'œufs, de laitages et de produits manufacturés riches en protéines. Ces campagnes ont totalement échoué parce que non seulement ces produits n'étaient guère disponibles, mais qu'en outre les conditions économiques empêchaient les populations d'appliquer les conseils reçus.

L'éducation nutritionnelle a beaucoup à apprendre des techniques de la publicité, qui a souvent réussi à changer les habitudes et attitudes alimentaires (voir le paragraphe suivant). La publicité utilise les médias avec beaucoup de talent, qui devrait plus souvent se mettre au service de l'éducation nutritionnelle et sanitaire.

Malgré quelques succès, l'éducation nutritionnelle du passé a globalement échoué dans sa tentative d'améliorer l'apport alimentaire et de réduire la malnutrition au sein d'un pays ou d'une communauté parce que les méthodes utilisées n'ont pas abouti aux changements de comportement escomptés.

Parmi les nouvelles approches tentées depuis 30 ans, certaines ont mieux réussi à changer les comportements. Celle que l'on appelle "marketing social" utilise les méthodes de la publicité. D'autres ont adopté les principes des sciences du comportement: les éducateurs identifient les problèmes alimentaires de la communauté dans de son contexte social et culturel. Les techniques de communication ne sont choisies que dans un deuxième temps, et les messages appropriés sont alors formulés pour des cibles générales ou spécifiques.

MARKETING SOCIAL

Ces dernières années, le marketing social a été largement utilisé, parfois avec succès, en matière de santé et de nutrition. En voici quelques exemples.

Points prioritaires en éducation nutritionnelle

  • suggérer de nourrir les jeunes enfants plus fréquemment avec les aliments existants;
  • suggérer d'augmenter le volume de chaque repas pendant la période du sevrage;
  • recommander d'augmenter la consommation par les enfants de toutes les légumineuses disponibles et consommées par la famille;
  • promouvoir l'adjonction d'aliments comme les noix, riches en protéines et apportant beaucoup d'énergie sous un petit volume;
  • promouvoir la consommation d'aliments riches en carotène comme les feuilles vert foncé et les légumes et fruits jaunes dans les zones de déficit en vitamine A;
  • augmenter la disponibilité des fruits et légumes par la promotion du petit maraîchage;
  • démontrer les méthodes adéquates de préparation, de cuisson et de transformation de fruits et légumes récoltés à la maison pour préserver leur valeur nutritionnelle (photos 79 et 80);
  • encourager l'allaitement maternel et décourager le biberon;
  • encourager les consultations prénatales où les suppléments comme le fer et l'acide folique sont disponibles et où l'on vérifie le bon déroulement de la grossesse;
  • encourager les visites en centres de PMI pour le suivi de la croissance et les vaccinations;
  • mieux informer les parents sur l'hygiène alimentaire et domestique, notamment celle de l'eau;
  • informer les parents sur l'importance de poursuivre l'allaitement maternel et les aliments en cas de diarrhée et sur l'utilisation de liquides disponibles à domicile ou de solutions de réhydratation orale;
  • fournir des informations sur l'espacement des naissances et les moyens de limiter la taille de la famille.
  • Ces exemples ne s'appliquent pas partout mais chacun est pratique et s'applique souvent.

La caractéristique principale de cette nouvelle approche est la recherche préalable qui consiste, à l'aide d'enquêtes et d'entretiens ciblés, à découvrir ce que le consommateur ou le public fait et pourquoi. Alors que l'approche ancienne partait du principe que, si la malnutrition existait, l'alimentation des gens était forcément mauvaise et qu'il fallait donc leur expliquer comment manger correctement en consommant des aliments des quatre groupes. La nouvelle approche consiste à identifier, grâce à la recherche préalable, les problèmes les plus importants, par exemple un déclin de l'allaitement maternel, des repas trop espacés ou la consommation d'eau souillée, et d'essayer de les résoudre. Les résultats de la recherche qui expriment les vues, les perspectives et les pratiques des consommateurs aboutissent au choix des messages, médias et audiences appropriés.

Dans le domaine commercial, on fait presque systématiquement un test avant de lancer un produit. Ce principe peut s'appliquer à l'éducation nutritionnelle: on peut essayer les messages et les médias choisis auprès d'une audience limitée, puis évaluer les résultats, réanalyser et modifier ou abandonner les messages avant une diffusion large.

En cas de succès, ces messages peuvent aboutir à une campagne nationale ou à des activités d'éducation nutritionnelle communautaire; à une utilisation du temps de télévision ou de communicateurs villageois. La différence principale entre ces méthodes et les anciennes est la reconnaissance du fait que les comportements nutritionnels ou autres ont des raisons d'être et que les nutritionnistes doivent les respecter et apprendre pourquoi ils existent avant d'essayer de les changer. Il peut aussi être nécessaire d'identifier les résistances qui entravent le changement. Une éducation nutritionnelle qui intègre l'émancipation et le respect de la culture locale a beaucoup plus de chances de succès.

Ceux qui s'intéressent aux techniques de marketing social trouveront des détails dans les publications mentionnées dans la bibliographie.

Au-delà du marketing social, et l'englobant parfois, la mobilisation sociale à également contribué au succès de l'éducation nutritionnelle dans le cadre d'une approche plus large décrite au chapitre 40.

La FAO et les autres organisations des Nations Unies fournissent une assistance pour l'élaboration de programmes d'éducation nutritionnelle. Elles insistent sur le fait que l'éducation nutritionnelle devrait être diffusée très largement à travers les écoles, les journaux, la télévision, la radio et autres médias ainsi qu'en tête-à-tête. Son intégration dans un vaste programme d'amélioration de la nutrition augmenterait son efficacité. Il faut bien sûr associer des experts en communication à l'élaboration des programmes.



PHOTO 78

Education nutritionnelle au Lesotho



PHOTO 79

Démonstration de cuisine aux Philippines



PHOTO 80

Démonstration de cuisine dans un village

Page PrécédenteTable des MatièresPage Suivante