Page précédente Table des matières Page suivante


II. Les traitements


2.1. Les traitements physiques
2.2. Les traitements biologiques
2.3. Les traitements chimiques


II s'agit de procédés technologiques dont le but est de rendre les constituants pariétaux des fourrages pauvres plus accessibles aux enzymes digestives des microorganismes du rumen afin d'améliorer la digestibilité et l'ingestibilité de ces fourrages.

Il existe trois grandes catégories de traitements: physiques, biologiques et chimiques.

Les traitements physiques et biologiques ne seront cités que pour mémoire et très succinctement. En effet, à l'exception du broyage, les traitements physiques sont trop onéreux et leur mise en oeuvre suppose des dispositifs industriels. Quant aux traitements biologiques ils restent encore techniquement délicats à mettre en oeuvre au niveau de la pratique.

Les deux traitements chimiques les plus utilisées dans la pratique, le traitement à l'ammoniac et le traitement à l'urée, seront en revanche replacés dans leurs contexte pour être développés en détail dans les deux chapitres suivants.

2.1. Les traitements physiques


2.1.1. Les traitements mécaniques
2.1.2. Les traitements thermiques à la vapeur


Ils modifient la structure physique des fourrages. Ce sont les traitements mécaniques (hachage, lacération ou défibrage et broyage) et les traitements thermiques à la vapeur. Il existe aussi les traitements par irradiation (rayons gamma,...) nous ne les citons que pour mémoire car ils sont trop onéreux et délicats pour être utilisés dans la pratique.

2.1.1. Les traitements mécaniques

Ils ont pour but de réduire la taille des brins:

· le hachage (machines à couteaux) fournit les brins les plus longs (de 1 à 10 cm). Il ne s'agit pas de traitement à proprement parler, mais plus d'une technique de présentation de fourrages longs et assez durs facilitant leur distribution et leur préhensibilité par l'animal. Le hachage est intéressant par exemple dans le cas des tiges de maïs.

· la lacération, appelée aussi défibrage (appareil de type broyeur à marteaux sans grille) donne des éléments de taille variable, mais relativement courte, en raison de l'éclatement de la tige dans sa longueur. Cette technique, qui augmente le pouvoir absorbant du fourrage, est utilisée par des industriels des pays à économie développée comme support d'aliments liquides tels que la mélasse et le lactosérum.

· le broyage (broyeur à marteaux ou à grilles) fournit des particules inférieures au cm.

Pour faciliter la manutention et réduire le volume, les particules résultant d'un traitement mécanique sont généralement agglomérées. L'agglomération est réalisée dans une presse à filière (fourrage condensé ou "pellet"). L'agglomération peut aussi être réalisée sans broyage préalable, soit dans une presse à filière (fourrage compacté ou "cob"), soit dans une presse à piston (fourrage comprimé ou "wafer"). Ce conditionnement réduit la taille des particules même s'il n'y a pas eu broyage préalable.

Parmi les traitements mécaniques applicables aux pailles, c'est le broyage qui a été le plus étudié (DEMARQUILLY et JOURNET, 1967; WAINMAN et BLAXTER, 1972; MELCION et DELORT-LAVAL, 1972,...) et le plus utilisé.

Les fourrages condensés, compactés ou comprimés sont généralement ingérés par le ruminant en plus grande quantité (augmentation de 60 à 80 p.100) que le fourrage sous forme longue et, cela, d'autant plus que le fourrage long est plus grossier (paille). Ce phénomène résulte du fait que les particules réduites quittent plus rapidement le rumen (régulation physique de l'appétit). Cependant l'accélération du transit digestif se traduit par une réduction de la digestibilité en raison du temps de séjour dans le rumen insuffisant pour une action complète des microorganismes. Malgré cette réduction de la digestibilité, la valeur énergétique nette des fourrages broyés est, sauf dans le cas des graminées, assez voisine de celle des fourrages en l'état en raison d'un ensemble de facteurs favorables à une meilleure utilisation de l'énergie digestible et de l'énergie métabolisable (du moins pour l'engraissement): réduction des dépenses d'énergie liées à l'ingestion et à la rumination, diminution de la production de méthane dans le rumen, baisse de la proportion d'acide acétique (due au pH plus faible) dans le rumen,...

Ces traitements, de type industriel, présentent un intérêt mais sont pour la plupart coûteux en énergie. Ils sont de moins en moins utilisés, particulièrement depuis le développement des traitements chimiques, plus efficaces.

2.1.2. Les traitements thermiques à la vapeur

Le traitement à la vapeur à haute pression provoque un gonflement des fibres et l'acidification du milieu par libération des groupements acétyles, la production de furfural et de dérivés phénoliques et la destruction plus ou moins importante des hémicelluloses. Ils sont surtout utilisés pour améliorer la valeur alimentaire des déchets de bois (BENDER et al., 1970) ou encore de la bagasse, résidu de l'extraction du jus de la canne à sucre.

Comme le combustible des usines de canne est la bagasse elle-même, ce procédé industriel est auto suffisant sur le plan énergétique. Les excédents de bagasse peuvent ainsi être transformés judicieusement à un coût réduit en un aliment grossier dont la digestibilité peut passer de 30 p.100 pour la bagasse en l'état jusqu'à 70 p.100 pour la bagasse traitée. C'est le cas dans certaines sucreries de l'Ile Maurice, de l'Inde et du Brésil.

2.2. Les traitements biologiques

Nous n'en citerons ici que le principe pour mémoire car ils continuent à faire l'objet de recherches. L'état de ces dernières a été récemment synthétisé par COUGHLAN et AMARAL COLLACO (1990).

Ils consistent à cultiver, sur le fourrage à traiter pris comme substrat, des champignons tels que pourriture molle, brune ou blanche dont les enzymes peuvent soit couper totalement ou partiellement les liaisons entre la lignine et les glucides pariétaux soit, et surtout, dégrader la lignine elle-même.

La croissance du champignon ou de la moisissure s'effectue au détriment de la teneur en énergie du substrat et l'intérêt nutritionnel global n'est pas compensé par l'augmentation de la teneur en protéine résultant de cette croissance. Cet aspect et les difficultés à maîtriser les cultures font que ces techniques ne sont pas encore applicables à l'échelle réellement pratique.

2.3. Les traitements chimiques

C'est cette catégorie de traitements qui a retenu le plus l'attention sur le plan recherche et développement. Ces traitements sont en effet très efficaces et pour certains sur lesquels nous insisterons plus particulièrement, très faciles à mettre en oeuvre sur le plan pratique. Ils ont fait l'objet de nombreux articles de synthèse dont les plus importants sont GUGGOLZ et al. (1971); JOUANY (1975); JACKSON (1977 et 1978),...et d'ouvrages dont le plus complet est celui de SUNDSTOL et OWEN (1984).

Principe

Ces traitements font appel:

· soit à des agents oxydants (acide peroxyacétique, chlorite de sodium acidifié, ozone,...) dégradant plus ou moins efficacement la lignine,

· soit à des acides forts, comme dans l'industrie du papier,

· soit à des bases - alcalis - (chaux, potasse, soude,..., seules ou en association, et, plus récemment, ammoniac), capables d'hydrolyser (fig. 10) les liaisons chimiques existant entre la lignine, indigestible, et les polysaccharides pariétaux (cellulose, hémicelluloses), respectivement entièrement et partiellement digestibles.

Figure 10: Représentation du complexe lignine-hémicellulose et mode d'action des différents traitements (Chesson, 1986)

Ces substances ne doivent évidemment pas laisser de résidus toxiques pour le ruminant qui consomme les fourrages traités ou pour les microbes qu'il héberge dans son rumen.

L'ensemble des réactions conduit à une réduction importante de la rigidité des structures végétales, au gonflement des parois et à leur pénétration par les électrolytes et les enzymes cellulolytiques des microbes du rumen. Ces derniers peuvent ainsi coloniser plus rapidement les particules végétales. Ils peuvent alors les dégrader de manière plus rapide et plus intense grâce aux hydrolyses ayant déjà pris place.

Les oxydants sont d'un coût prohibitif et n'ont pas été utilisés dans la pratique. Ce sont essentiellement les alcalis qui ont été le plus utilisés et c'est avec la soude que les applications pratiques ont vu le jour.

Le traitement à la soude

Ce traitement a été introduit par BECKMANN (Norvège) à la fin du siècle dernier. La paille était trempée dans une solution de soude à 2 p.100 puis lavée abondamment et séchée à l'air libre. Il s'agit d'un traitement par voie humide qui nécessitait de grandes quantités d'eau et entraînait une pollution non négligeable de l'environnement en sodium.

Cette technique a été progressivement simplifiée par les danois pour réduire les quantités d'eau nécessaires, qui varient dans un rapport de 1 à 30 suivant la réduction. Les quantités de soude nécessaires sont, quant à elles, comprises entre 40 et 60 g/kg de fourrage sec à traiter.

Il existe maintenant de trois types de traitements:

· voie semi-humide: la solution de soude (1,6 à 5%) est mélangée à raison de 1 à 3 l par kg de paille. La paille peut alors soit être distribuée aux animaux 24 à 48 heures après le mélange soit être ensilée.

· voie semi-sèche: des firmes privées danoises (Taarup et JF) ont mis au point une machine couplée à la prise de force d'un tracteur qui hache la paille et la malaxe avec une solution de soude (12%) à raison de 0,4 l par kg de paille. Le temps d'action est d'environ 8 jours. La paille peut être séchée à l'air libre.

· voie sèche: cette technique est utilisée à l'échelle industrielle. La solution de soude, plus concentrée (16%), est mélangée à la paille hachée à raison de 0,3 l par kg de paille; cette dernière est alors passée dans une presse à filière. L'action améliorante de la soude est très rapide (20 secondes à une minute) grâce la température et à la pression élevées régnant dans la filière.

Les traitements à la soude par voie semi-humide et semi-sèche ont été largement utilisés dans la pratique pendant les années 1970, particulièrement par les pays Scandinaves mais aussi en Tunisie (Projet FAO/SIDA/TUN/-10; KAYOULI; 1979).

Le traitement à l'ammoniac

Devant leur prix et leur caractère toutefois assez dangereux les traitements à la soude ont presque tous été abandonnés au profit du traitement à l'ammoniac surtout depuis que SUNDSTOL, COXWOTH et MOWAT ont proposé en 1978 un dispositif simple permettant à l'exploitant d'injecter lui-même de l'ammoniac anhydre dans la masse de paille.

Le traitement à l'ammoniac anhydre présente toutefois l'inconvénient de nécessiter la présence d'une industrie et d'un réseau de distribution d'ammoniac. Lorsque l'ammoniac n'est pas disponible ou que les réseaux de distribution n'existent pas, une alternative consiste à traiter les pailles avec une solution d'urée afin de générer de l'ammoniac par hydrolyse de l'urée dans la masse de la paille.

Nous nous proposons d'étudier plus en détail les modalités de ces deux groupes de techniques qui constituent les seules possibilités pratiques de traitement des pailles et autres fourrages grossiers à l'échelle de l'exploitation.


Page précédente Début de page Page suivante