Page précédente Table des matières Page suivante


IX. Tribune questions - Réponses de terrain

Des questions sont souvent posées et des observations sont souvent formulées par les agents de développement et par les paysans dans les différents pays où ont été vulgarisés le traitement des fourrages pauvres à l'urée et la fabrication des blocs multinutritionnels.

Ce chapitre se propose de les regrouper et d'y donner des réponses pratiques. Elles illustrent le type de préoccupations, indépendantes, d'ailleurs, des situations agro-climatiques rencontrées.

I - Questions posées aux éleveurs et leurs réponses

Question 1

Comment alimentez-vous votre bétail tout au long de l'année (en zone agricole)?

Réponse 1

En saison sèche: pâturage de chaumes et parcours dans la journée, distribution de paille de riz ou d'autres résidus de cultures (tiges de sorgho, de mil ou de mais) le soir.

En saison des pluies: les champs étant plantés, les animaux sont souvent gardés à la maison avec distribution de pailles.

Question 2

Quels problèmes majeurs rencontrez vous avec l'élevage de votre bétail?

Réponse 2

· Alimentation: Pâturages médiocres en saison sèche et insuffisance de parcours pendant l'hivernage, les champs étant occupés par les cultures. Les animaux sont affaiblis.

· Problème d'abreuvement (essentiellement dans les pays du Sahel en saison sèche).

· Manque ou absence de produits vétérinaires.

· Maladies parasitaires.

Question 3

Quelles sont vos observations sur la paille traitée et sur les animaux recevant cette paille?

Réponse 3

· La paille traitée est jaune foncée, elle a une odeur piquante et elle est souple.

· La paille traitée est ingérée en plus grande quantité et avec moins de gaspillage, particulièrement dans le cas des tiges de sorgho, de mil et de mais.

· La consommation d'eau augmente.

· Le fumier produit est de meilleure qualité pour les cultures.

· L'état général des animaux pendant la saison sèche est amélioré; leur résistance aux maladies également.

· Amélioration du pelage de l'animal.

· Amélioration de la production laitière.

· Réduction de la durée d'engraissement; économie de compléments; plus grande facilité de vente des animaux engraissés sur le marché.

· Augmentation de la force de traction des animaux de travail qui peuvent travailler plus longtemps sans perte de poids.

Question 4

Quelles sont vos observations sur la technique de traitement et ses contraintes éventuelles?

Réponse 4

· La paille est notre principale ressource fourragère en saison sèche; sa qualité est considérablement améliorée; il en est de même de l'état général des animaux.

· La technique de traitement est simple à mettre en oeuvre.

· Cette technique oblige à mieux gérer les stocks de paille.

Cependant:

· La constitution de stocks de paille est obligatoire.

· II faut que l'urée soit disponible sur le marché.

· II faut disposer d'argent pour acheter l'urée.

· II faut pouvoir disposer d'eau.

Question 5

A quelle époque de l'année préférez-vous traiter et pourquoi?

Réponse 5

· Tôt après la récolte de céréales (Décembre, Janvier, au Sahel) parce que,
· Les fourrages sont abondants et il est facile d'en ramasser à proximité du village.
· L'eau est disponible.
· II est possible d'effectuer plusieurs traitements.
· Nous sommes disponibles.
· Nous disposons d'argent pour acheter de l'urée.
· C'est la période favorable pour acheter les bovins à mettre en embouche afin de les vendre en mars/avril, période de soudure où les animaux sont en bon état et se vendent à des prix intéressants.

Question 6

A quels types d'animaux préférez-vous distribuer la paille traitée?

Réponse 6

· en priorité aux animaux de trait (régions du Sahel et Asie du sud-est).
· aux animaux affaiblis.
· aux femelles laitières.
· aux bovins d'embouche (particulièrement en Chine).
· aux ovins d'embouche (Sahel).

Question 7

Que conseilleriez-vous à la FAO pour la mise en place de projets similaires dans d'autres pays?

Réponse 7

· Choisir des paysans volontaires et motivés.

· Bien consulter la population, mener une bonne campagne d'information et proposer sans imposer.

· Expliquer les avantages de la paille traitée: moins de refus et animaux en bon état corporel.

· Etre patient avec les paysans.

· Choisir des agents vulgarisateurs de base bien déterminés.

II - Questions fréquemment posées parles éleveurs et les agents d'encadrement

Question 1

Pourquoi faut-il traiter la paille?

Réponse 1

· Traiter n'est pas une obligation, toutefois,
· La paille a une faible valeur alimentaire. Distribuée en l'état et seule à l'animal, elle ne couvre pas ses besoins d'entretien. Le traitement à l'urée ou à l'ammoniac augmente la valeur alimentaire de la paille, l'animal est par conséquent beaucoup mieux nourri.

Question 2

Comment agit l'urée sur la paille?

Réponse 2

La paille est composée de fibres (parois) végétales complexes, très lignifiées, qui sont digérées lentement et faiblement par les microbes de la panse. La paille encombre ainsi la panse de l'animal qui n'en ingère que de faibles quantités.

L'urée en présence d'eau et de chaleur (température ambiante) est transformée en ammoniac qui diffuse dans la masse de la paille. Si la paille est recouverte pour éviter de perdre l'ammoniac dans l'atmosphère, l'ammoniac réagit sur les fibres (parois de la paille) dont il modifie les caractéristiques physico-chimiques. Les microbes de la panse peuvent alors attaquer plus facilement ces parois pour les digérer de manière plus intense et plus rapide. La paille est ainsi plus digestible, elle encombre moins la panse et est ainsi mieux ingérée. Sa teneur en azote, indispensable pour les microbes de la panse, est en outre augmentée grâce à la fixation d'une partie de l'ammoniac produite.

Question 3

Pourquoi l'animal doit-il s'adapter à la paille traitée?

Réponse 3:

Après traitement à l'urée, la paille s'est enrichie en azote. Toutefois celui-ci se transforme très rapidement en ammoniac dans la panse. L'adaptation consiste à apporter progressivement la paille traitée à l'animal afin d'habituer les microbes du rumen (panse) à ce nouvel aliment et à l'utilisation de ces quantités plus élevées d'ammoniac. Le non respect d'une période de transition peut entraîner un risque d'intoxication par absorption dans le sang, à travers la paroi de la panse, de l'excès de l'azote ammoniacal non transformé par les microbes.

Question 4

Quelle est la différence entre l'ensilage et le traitement à l'urée?

Réponse 4

L'ensilage consiste à conserver un fourrage en le tassant, alors qu'il est encore vert, dans une enceinte hermétique. Un processus fermentaire anaérobie prend place et préserve sa valeur nutritive (sans l'améliorer).

Le traitement à l'urée ou à l'ammoniac est une opération qui consiste à améliorer la valeur nutritive d'un fourrage pauvre sec grâce à la réaction chimique de l'ammoniac injecté (ou généré par l'urée) sur les parois de ce fourrage en les rendant plus digestibles.

Question 5

Quels fourrages peut-on traiter?

Réponse 5

Les fourrages à traiter doivent être secs et non moisis. Le traitement est d'autant plus efficace que le produit à traiter est de qualité médiocre c'est à dire riche en cellulose, donc peu digestible, et pauvre en azote. Le traitement est intéressant s'il est effectué sur,

· les pailles de céréales: de riz, de blé, d'orge et d'avoine,
· les tiges de céréales: de mais, de sorgho et de mil,
· les fourrages naturels récoltés à un stade tardif (pailleux),
· les foins de céréales de qualité médiocre (stade tardif) comme par exemple les foins de vesce-avoine traditionnellement cultivés en Afrique du Nord.

Question 6

Quelle est l'époque optimale de traitement?

Réponse 6

Le traitement réussit d'autant mieux, que la température ambiante est élevée.

Il est, par conséquent, conseillé de traiter pendant la saison sèche, de préférence juste après les récoltes, dans les zones tropicales, et en été - début de l'automne, en régions méditerranéennes.

Question 7

Combien de temps peut-on conserver la paille traitée?

Réponse 7

La paille, une fois traitée, peut être conservée plusieurs mois avant son utilisation si elle est correctement couverte (l'atmosphère ammoniacale empêche le développement des moisissures) et à l'abri de la pluie. Aussi une paille traitée en début de saison sèche peut-elle être utilisée en période de soudure et pendant la saison de labour. De même, à partir de sa reprise, le stock de paille traitée peut être exploité sur une période de plusieurs mois si on prend bien soin de le refermer après chaque reprise de la quantité de paille nécessaire.

Question 8

Quels sont les effets d'une longue période de stockage sur la qualité de la paille traitée?

Réponse 8

La durée de stockage n'a pas d'influence néfaste sur la digestibilité de la paille: l'action alcaline de l'ammoniac sur les parois est irréversible, elle a même tendance à se poursuivre si le stockage est hermétique.

En revanche une partie seulement de l'ammoniac du traitement est solidement fixée, l'autre étant "labile" et ayant tendance à "quitter" le fourrage.

En conséquence un stockage long aura tendance à faire diminuer cette partie labile, et donc la teneur en MAT, surtout si l'herméticité n'est pas absolue.

En définitive, il n'y a pas de problèmes de durée de stockage sur la qualité de la paille si le stock est hermétiquement protégé. Cette herméticité évitera (voir réponse 7 ci-dessus) également aux moisissures de s'installer.

Question 9

Peut-on transférer un fourrage traité du silo pour le conserver ailleurs?

Réponse 9

Oui, aux restrictions près évoquées dans les réponses 7 et 8 ci-dessus:

stocker à l'abri de la pluie et recouvrir le fourrage traité si on ne veut, ni voir trop diminuer la teneur en MAT, ni voir se développer de moisissures. Mais ce genre de manipulation nécessitant beaucoup de travail est à éviter.

Question 10

Peut-on donner la paille traitée aux porcs?

Réponse 10

Non.

Le porc est un monogastrique qui n'héberge pas de micro-organismes comparables à ceux de la panse des ruminants, capables d'utiliser l'azote non protéique de la paille traitée.

La paille traitée, de même que l'urée, est toxique pour le porc.

Question 11

Peut-on traiter l'herbe verte coupée?

Réponse 11

Non

Le traitement ne doit être effectué que sur un fourrage pauvre et pratiquement sec.

Les fourrages verts contiennent de l'eau et des matières azotées, surtout non protéiques et fermentescibles. Un traitement à l'urée serait inutile et pourrait même être dangereux car (a) il apporterait trop de matières azotées non protéiques et (b) pourrait être effectué avec des quantités d'NH3 ou d'urée trop importantes si on avait mal apprécié la quantité de matière sèche contenue dans l'herbe verte (surdosage).

Question 12

Peut-on distribuer la paille traitée à des vaches gestantes et allaitantes?

Réponse 12

Oui

La paille traitée est très bénéfique pour les vaches gestantes et allaitantes, leur état général est amélioré, la production laitière augmente et le veau sera en meilleure santé.

Question 13

Peut-on supprimer la complémentation à des animaux nourris à la paille traitée?

Réponse 13

a/ Oui, sauf la complémentation minérale, pour les animaux à l'entretien ou à faible niveau de production.

En effet,

· d'une part, la valeur alimentaire de la paille est significativement améliorée par le traitement, elle apporte donc plus d'éléments nutritifs à l'animal; distribuée seule et à volonté la paille traitée peut couvrir largement les besoins d'entretiens;

· d'autre part, le traitement n'apporte pas de matières minérales et celles-ci restent indispensables.

b/ Non, pour obtenir des performances plus élevées, une complémentation énergétique, azotée et minérale est nécessaire. Celle-ci ne doit cependant pas gommer les effets du traitement. Cette complémentation peut être apportée par des sous-produits locaux comme les graines de coton, le son de céréales, les drêches de brasserie, les tubercules de manioc... Elle ne devrait pas représenter plus que la moitié de la ration totale.

Le pâturage, surtout d'herbe verte si elle existe (herbe de diguettes de parcelles irriguées), est un très bon complément de la paille traitée lorsque cette dernière n'est disponible qu'en quantités limitées.

Question 14

Qu'apporte le traitement à l'urée par rapport à la simple complémentation avec la même quantité d'urée que pour le traitement?

Réponse 14

Le traitement agit sur la structure des parois végétales: la paille devient plus digestible et est plus riche en azote.

La supplémentation à l'urée stimule certes la flore microbienne du rumen qui digère ainsi mieux la paille mais pas dans la même proportion que le traitement proprement dit.

Le traitement reste donc supérieur à la supplémentation à l'urée.

Question 15

Est-il possible de distribuer des blocs multinutritionnels en plus de la paille traitée?

Réponse 15

Les blocs multinutritionnels apportent à l'animal un complément d'azote, de minéraux et d'énergie. Leur utilisation avec la paille traitée valorise donc mieux la ration.

Cependant, compte tenu de la richesse de la paille traitée en azote non protéique, il est recommandé de réduire l'incorporation de l'urée dans les blocs à 5% afin d'éviter les risques d'intoxication par excès d'ammoniac dans la panse.

L'apport de minéraux, en particulier S et Mg, est de toutes façons recommandé pour parfaire l'effet bénéfique du traitement.

Toutefois l'intérêt économique de cet apport devra être bien calculé. Un supplément minéral serait sans doute en général suffisant et plus approprié.

Question 16

Que faire si les animaux refusent de manger la paille traitée?

Réponse 16

Insister.

L'animal doit s'habituer à ce nouvel aliment. Ce dernier a une odeur piquante et, il est vrai, désagréable ou surprenante... qui peut amener l'animal à le dédaigner pendant les premier jours. Il est utile d'aérer la paille avant de la distribuer et de continuer sa distribution sans découragement. Au bout de quelques jours voire une semaine l'animal se mettra à la consommer. Lorsque l'animal sera bien habitué c'est le fourrage non traité qu'il dédaignera... et il ne sera plus nécessaire d'aérer la paille traitée avant de la distribuer.

Question 17

Que faire en cas de surdosage manifeste?

Réponse 17

Si vous constatez des zones de paille ou de fourrage manifestement très foncées et d'odeur très piquante, c'est qu'il y a eu surdosage d'urée dans ces zones. Il est également possible que l'ensemble du stock présente les mêmes caractéristiques.

S'il ne s'agit que de zones, les jeter ou les mélanger avec le reste du stock si elles sont nombreuses.

S'il s'agit de l'ensemble du stock, deux possibilités:

· si te stock n'est pas important, le jeter sur le tas de fumier,
· si le stock est important et que le rejet représente une perte importante, le mélanger à part égale avec un fourrage non traité.

Cependant il est à noter que cette situation a été rarement rencontrée dans la pratique.


Page précédente Début de page Page suivante