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Chapitre 5 - SYSTÈMES RACINAIRES DES CULTURES ANNUELLES TROPICALES: EFFETS DU TRAVAIL DU SOL SUR LES RACINES


Rôle des racines et leur évaluation dans le travail du sol
Méthodes d'étude des systèmes racinaires
Développement des systèmes racinaires avec et sans travail du sol
Conclusions


Jean-Louis Chopart, Agronome, CIRAD-CA, 01 BP 1465, Bouaké, Côte d'Ivoire

Rôle des racines et leur évaluation dans le travail du sol

Les racines jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement et donc dans la production des plantes. C'est grâce à elles que se fait l'approvisionnement en eau et en éléments minéraux de celle-ci. Mais il existe aussi d'autres fonctions: ancrage sur le substrat, réserves en assimilats, métabolisme. Les racines contribuent en particulier aux équilibres hormonaux qui contrôlent la croissance et le fonctionnement de la plante. Elles constituent également une source de matière organique pour le sol; c'est même parfois la seule restitution régulière dans beaucoup de systèmes de culture en zone tropicale. Il est donc important pour la production de la culture, mais aussi pour le maintien de la fertilité du sol, d'avoir un système racinaire bien développé, notamment en profondeur.

Or les racines croissent dans un milieu contraignant avec une résistance à la pénétration variable mais souvent élevée, en particulier dans les milieux secs et peu structurés des régions tropicales sèches. Si, en milieu non-contraignant (solution nutritive), quelques racines peuvent suffire à assurer les besoins en eau et éléments nutritifs de la plante (Maertens et al., 1974), il n'en est pas de même au champ, où un bon développement racinaire des cultures est un facteur essentiel de leur productivité et surtout de leur tolérance aux aléas, en particulier climatiques (Maertens, 1964; Chopart et Nicou, 1976).

Un des rôles essentiels du travail du sol est de faciliter la croissance des racines dans ce milieu contraignant. Pour cela, il permet souvent de diminuer la résistance du sol à la pénétration des racines à travers une amélioration de sa structure et parfois de son humidité. Il améliore aussi l'aération du sol, facilitant les échanges gazeux au niveau de la racine.

Le système racinaire devrait donc être un critère important d'évaluation, par les agronomes et les agriculteurs, de la nécessité ou non d'une amélioration des caractéristiques physiques du profil cultural par le travail du sol, puis après réalisation, de l'efficacité de celle-ci. Malheureusement les systèmes racinaires des cultures sont encore peu connus car difficiles à observer au champ. C'est la face cachée de la plante.

On passera en revue quelques méthodes d'étude des systèmes racinaires au champ, en présentant les avantages et les inconvénients de chacune pour l'étude des relations entre travail du sol et développement des systèmes racinaires. On donnera ensuite des exemples de résultats d'études racinaires et d'effets du travail du sol sur les racines.

Méthodes d'étude des systèmes racinaires


Prélèvements d'échantillons de sol
Comptages d'impacts de racines sur un profil de sol
Méthodes diverses


La méthode la plus simple et la plus ancienne pour observer les racines est de creuser une fosse à proximité de la plante, avec une paroi verticale à proximité du pied, de dégager les racines avec un couteau et de les observer. C'est la technique du "profil cultural" très utilisée dans l'école française d'agronomie (Hénin et al., 1960). La technique offre l'avantage d'être facile à mettre en oeuvre. Elle permet aussi de relier la répartition du système racinaire aux caractéristiques locales du milieu. C'est un très bon outil de diagnostic rapide de l'état du sol et des effets d'une intervention culturale. Elle ne permet pas, toutefois, d'obtenir des données quantitatives permettant de comparer ou de suivre objectivement des situations dans l'espace et dans le temps. Des travaux plus récents ont permis d'obtenir des informations plus objectives à partir de profils culturaux, mais la technique d'observation est alors plus complexe (Manichon, 1982).

Prélèvements d'échantillons de sol

Pour obtenir des données quantitatives, on peut prélever des échantillons de sol de la parcelle à étudier en ayant recours, pour cela, à des techniques de carottages avec des cylindres (Maertens, 1964; Bonzon et Picard, 1969). On prélève alors une faible partie du sol et il faut faire en sorte que ces petits échantillons soient aussi représentatifs que possible du système sol-racine. Ceci n'est pas évident, à cause de l'hétérogénéité du sol et de diverses sources de variabilité de la distribution des racines (gradients verticaux et horizontaux, variabilité spatiale, croissance). Pour échapper à ces risques d'erreur ou d'imprécision, on peut prélever, par tranches horizontales, tout le sol situé en dessous d'une placette cultivée (Lee, 1927; Chopart et Nicou, 1976). La surface de terrain prélevée doit alors être un multiple de la surface occupée par un pied. Cette méthode permet une bonne évaluation de la biomasse racinaire totale et là comparaison, par exemple, avec la biomasse de la partie aérienne située au dessus, mais elle entraîne le prélèvement de volumes très élevés de sol. Elle devient donc vite très lourde et perturbe le milieu. Elle est donc réservée à des travaux de recherche.

Dans tous les cas, une fois les échantillons prélevés, il faut extraire les racines du sol. Pour cela, on procède à un tamisage du sol sous jet d'eau, avec un tamis à mailles de 1 millimètre. Une fois les racines extraites et séparées des débris organiques, on mesure leurs différentes caractéristiques. Le poids des racines est le plus simple à obtenir, il est intéressant pour évaluer la biomasse, mais il n'est pas le plus pertinent pour appréhender les mécanismes d'alimentation hydrique et minérale (Maertens et al., 1974). La mesure de la longueur des racines est alors la plus intéressante car elle permet d'obtenir la densité de longueur de racines par unité de volume de sol et d'estimer les distances moyennes entre celles-ci. On peut mesurer la longueur en utilisant la méthode de Newman (1965), ou mieux, des techniques dérivées (Chopart, 1980). A partir de la longueur, on peut estimer, par calcul et avec quelques hypothèses simplificatrices, les distances moyennes entre les racines (Maertens et al., 1974).

FIGURE 5 - Comptage des racines sur grille verticale

Comptages d'impacts de racines sur un profil de sol

Les longueurs et les distances moyennes entre racines sont les critères les plus pertinents pour évaluer la "qualité" d'un système racinaire en ce qui concerne ses capacités à extraire l'eau et les éléments minéraux du sol. Il existe une méthode permettant une estimation du degré de colonisation du sol par les racines sans avoir recours à des prélèvements de sol. Celle-ci se rapproche de la méthode des profils culturaux, mais on applique une "grille" sur le profil avec des mailles allant de 2 à 10 cm (Bohm, 1979). Cette méthode a, par la suite, fait l'objet d'adaptations et de développements divers (Tardieu et Manichon, 1986; Chopart, 1989). Cette grille permet de repérer la zone observée sur le profil, et de compter (ou d'estimer) le nombre d'impacts racinaires par maille de la grille (Fig. 5). On accède ainsi à une donnée quantitative: le nombre d'impacts racinaires par unité de surface de profil. On peut procéder à la cartographie des plans racinaires observés, avec un traitement statistique des données (Tardieu et Manichon, 1986), et évaluer ainsi la colonisation du profil et l'hétérogénéité de celle-ci. Toutefois, le nombre d'impacts racinaires par unité de surface de profil n'est pas directement lié à la longueur de racines par volume de sol, ce qui complique l'estimation de ce paramètre essentiel pour les études d'alimentation hydrique et minérale (Chopart et Siband, 1993).

Méthodes diverses

A côté de méthodes d'observation directe des racines ou de prélèvements d'échantillons de sol, il existe des méthodes, plus sophistiquées et répondant moins bien, semble-t-il, au cahier des charges de l'étude des effets du travail du sol. Elles ne seront donc citées que pour mémoire. Il s'agit de l'endoscopie et des techniques faisant appel à des traceurs, radio-actifs ou non.

L'endoscopie consiste à insérer dans un milieu difficilement accessible des fibres optiques permettant d'apporter de la lumière et un moyen d'observation. Elle est utilisée dans le domaine médical et industriel. Pour étudier l'enracinement des plantes, on insère dans le sol un tube en plastique transparent, ce qui permet d'observer les racines qui apparaissent à la surface extérieure de celui-ci (Maertens et Clauzel, 1982). Avec les techniques faisant appel à des traceurs, on place dans le sol un produit qui, s'il vient à être au contact d'une racine, est absorbé par elle et est transporté dans les parties aériennes, d'où il peut être repéré par analyse de l'élément radio-actif ou par simple observation de symptômes foliaires, pour des molécules d'herbicide. L'avantage principal de ces deux types de méthodes est de ne pas trop perturber le sol, l'inconvénient en est la difficulté de mise en oeuvre pour une certaine pauvreté de l'information enregistrée.

Cette revue rapide et incomplète des méthodes disponibles pour étudier les systèmes racinaires au champ, et donc les effets du travail du sol sur les racines, montre bien la variété des techniques disponibles, mais aussi le fait que chacune d'entre elles comporte des avantages et des inconvénients. Chaque méthode doit être adaptée à la fois aux objectifs de l'étude à mener, au milieu et aux moyens disponibles.

Développement des systèmes racinaires avec et sans travail du sol


Caractéristiques et dynamique
Effets du travail du sol sur les racines


On présentera succinctement quelques caractéristiques des systèmes racinaires des principales cultures annuelles de l'Afrique de l'Ouest et les effets d'une technique de travail du sol, le labour à la charrue, sur celle-ci. Il s'agit des cultures de mil, sorgho, maïs, riz pluvial et arachide. Ces résultats ont été obtenus, par la technique des prélèvements globaux, au Sénégal dans des sols sableux (Chopart 1980; 1983; 1985). Lorsque les résultats cités ne sont pas référencés, ils sont issus de ces dernières publications.

Caractéristiques et dynamique

Le riz pluvial et l'arachide, dont les densités de semis sont les plus fortes, produisent en début de cycle, une quantité supérieure de racines par unité de surface. En fin de cycle, c'est le riz pluvial et le sorgho qui ont les productions racinaires les plus importantes (environ 100 g/m2); le mil et l'arachide ont alors des masses racinaires nettement plus faibles, environ 50 g/m2. Mais le seul critère, poids sec des racines, paraît insuffisant pour évaluer la colonisation réelle du sol par le système racinaire et ses possibilités d'utilisation de l'eau du sol. La colonisation du sol peut être caractérisée par la profondeur de l'enracinement et par la répartition des racines dans le profil. Le classement des espèces est, dans ce cas, très différent de celui réalisé à partir du poids sec total. C'est l'arachide et surtout le mil qui ont la plus grande vitesse de progression du front racinaire. Chez le mil, celle-ci atteint 3,5 cm/j entre le début du tallage et le début de l'épiaison. La progression du pivot de l'arachide est constante jusqu'à la fin de la floraison avec une vitesse d'environ 2,7 cm/j. En sol sableux profond, l'extension verticale maximale des racines de mil est d'environ 180 cm et de 150 cm pour l'arachide. La profondeur du système racinaire du riz pluvial paraît être variable suivant les variétés et les conditions de milieu. Au Sénégal, l'enracinement reste superficiel, tandis qu'en Côte d'Ivoire, en sol gravillonnaire, il peut atteindre un mètre (Reyniers et al., 1976). Pour chacune des espèces, la plus grande partie des racines est située dans les trente premiers centimètres. En dessous de soixante centimètres, l'arachide et le mil sont les seules espèces à avoir un poids de racines non négligeable. En fin de cycle, le mil possède une longueur de racines supérieure à celle des autres espèces étudiées (mil 3 000 m/m2, arachide 1 500 m/m2, maïs 800 m/m2). L'évaluation des distances moyennes entre racines met bien en évidence le degré de colonisation très intense du profil par les racines de mil puisque, en fin de cycle, les écarts moyens entre les racines restent inférieurs à 5 cm jusqu'à 140 cm de la surface.

TABLEAU 2 - Effets du labour à la charrue en traction bovine sur le poids des racines (g dm-3) des principales cultures annuelles du Sénégal (Chopart et Nicou, 1976)

Culture

Nombre des résultats

Profondeur (cm)

Densité racinaire

semis direct

labour

Mil

6

0-10

0,764

0,792

10-20

0,187

0,277

20-30

0,065

0,072

Sorgho

8

0-10

1,505

1,652

10-20

0,337

0,429

20-30

0,135

0,132

Maïs

10

0-10

0,865

1,176

10-20

0,377

0,615

20-30

0,151

0,187

Riz pluvial

16

0-10

0,865

1,257

10-20

0,228

0,507

20-30

0,068

0,192

Arachide


0-15

0,287

0,318

Effets du travail du sol sur les racines

Au Sénégal, de nombreuses études sur les effets de différents modes de travail du sol ont été effectuées depuis 1965. On a d'abord utilisé les techniques de carottages pour évaluer l'effet de la technique dans les couches les plus superficielles du sol (0-30 cm). Une synthèse de ces résultats figure dans le Tableau 2.

On y observe un effet systématiquement positif du labour à la charrue dans les 20 premiers centimètres de sol, et spécialement dans la couche 10-20 cm, ameublie par le travail. C'est le riz pluvial qui est le plus sensible à l'effet du labour, suivi du maïs. Les données sont nombreuses, donc représentatives, mais elles ont été obtenues dans la seconde moitié du cycle (floraison, grain laiteux des céréales); de plus elles ne donnent pas d'indications relatives à l'effet du labour sur la partie inférieure du système racinaire. C'est pourquoi on a complété ces travaux par des études faisant appel au prélèvement de l'ensemble du système racinaire (Chopart et Nicou, 1976; Chopart 1980; 1983; 1985). Les données qui vont suivre, faisant état de l'effet du labour sur la dynamique de la croissance racinaire, sont tirées de ces références.

Arachide (cycle de 90 jours)

Sur arachide, le labour a un effet sur la croissance du pivot en profondeur pendant les 50 premiers jours. Cinquante jours après semis, la profondeur maximale de l'enracinement passe ainsi de 130 cm sur le témoin à 145 cm sur labour, mais cette différence disparaît ensuite. L'influence sur le poids total des racines est peu marquée. En présence de labour, le système racinaire entame sa phase de croissance rapide plus tôt, mais comme celle-ci s'arrête aussi avant celle du témoin, les différences deviennent négligeables à partir de 50 jours après semis (JAS). Toutefois, la répartition des racines dans le profil paraît alors assez contrastée: en surface, jusqu'à 30 cm de profondeur, il n'y a pas ou peu d'écarts; en dessous de 70 cm, le système racinaire est mieux développé lorsqu'il y a eu un travail du sol. Si l'on considère la longueur totale des racines, on peut faire à peu près les mêmes observations qu'avec le paramètre poids sec. Entre 30 et 40 jours après semis, c'est-à-dire en pleine floraison, l'effet du labour sur la longueur totale peut aller jusqu'à 60%, puis devient négligeable en fin de cycle. Au total, lorsque le terrain a été labouré, la colonisation du sol par les racines est supérieure en profondeur tandis qu'en surface, l'effet se fait seulement sentir dans la première moitié du cycle végétatif.

Mil (cycle de 90 jours)

Le labour ne paraît pas avoir d'influence marquée sur la vitesse de progression du front racinaire. Le poids total de matière sèche et la longueur totale des racines par pied, après avoir été peu différents pendant la phase de la levée, deviennent très supérieurs (+100%) en présence de labour pendant le tallage et la montaison. La vitesse de croissance est donc nettement plus rapide avec labour pendant cette période. A l'épiaison, les différences de longueur totale sont encore importantes (50%). En revanche, à la récolte, les différences deviennent négligeables. Du début du tallage jusqu'à l'épiaison, l'effet du labour se traduit donc par une meilleure colonisation de l'ensemble du profil de sol. En revanche, en fin de cycle, les différences sont devenues faibles dans les 80 premiers centimètres de sol. En dessous de cette cote et jusqu'aux dernières racines (150-180 cm), l'effet du labour reste important, ce qui entraîne, dans ces horizons, une colonisation bien meilleure et donc des possibilités d'utilisation des réserves hydriques nettement améliorées.

Riz pluvial (cycles de 110 à 120 jours)

Le labour améliore nettement la vitesse d'avancement du front racinaire au cours du tallage, entre 15 et 30 JAS. Celle-ci passe par exemple chez la variété I K P de 0,7 cm/jour sur le témoin à 1,5 cm/jour sur sol labouré. Les différences de profondeur d'enracinement sont donc très marquées pendant cette période. Ensuite, la progression du front devient extrêmement lente. Les écarts entre témoin et labour ont tendance à diminuer mais ils restent importants jusqu'à la fin du cycle. Ainsi, au stade grain laiteux, l'effet du labour sur la profondeur du système racinaire est de l'ordre +50%. Le labour augmente aussi nettement le poids total des racines. Les écarts se creusent très rapidement jusqu'à la montaison. A ce stade (65 JAS), l'effet moyen du labour sur les trois variétés étudiées est de +160%. Ensuite, la croissance pondérale du système racinaire se ralentit lorsque la plante est cultivée sur sol labouré, tandis qu'elle se poursuit jusqu'à la récolte sur le témoin. Toutefois, à ce dernier stade, les différences sont encore marquées (+60%).

Sorgho (cycle de 110 jours)

Il existe une influence du labour sur la vitesse d'avancement du front racinaire (+20%). L'effet sur le poids total des racines est nettement plus marqué; il est de 50% environ à partir du tallage et, contrairement au mil, se maintient jusqu'à la fin du cycle. A ce stade, le labour améliore la densité racinaire dans tout le profil de sol colonisé, mais comme chez le mil et l'arachide, ce sont surtout les horizons de profondeur qui connaissent les écarts les plus marqués (+120% entre 60 et 100 cm).

Maïs (cycle de 85 jours)

L'effet du labour sur la dynamique racinaire du maïs a surtout été étudiée en Côte d'Ivoire. Cette culture est très sensible aux caractéristiques physiques du sol et, si elles sont plus ou moins défavorables, elle réagit très bien au labour (Chopart, 1985; 1994). L'élévation de la vitesse de croissance est de l'ordre de 50% (Chopart, 1994). Le degré d'occupation du sol en profondeur est également augmenté. Si le labour est de bonne qualité, on a même, parfois, un effet du travail un an après sa réalisation, sur la seconde culture.

Conclusions

Le labour a donc, en moyenne, un effet favorable sur chacun des systèmes racinaires étudiés; il améliore en particulier la vitesse de croissance en début de cycle et la colonisation du sol en profondeur. Il faut attribuer cet effet à une modification de la porosité du sol et à une réduction de la résistance mécanique du sol à la pénétration des racines, car ce sont les deux propriétés physiques du sol qui sont les plus modifiées par le labour (Charreau et Nicou, 1971; Nicou, 1977). Dans les sols sableux mal structurés du Sénégal, des relations ont d'ailleurs été trouvées entre la porosité du sol en début de cycle et la densité racinaire (Nicou, 1974).

Toutefois, l'importance de l'effet du travail du sol sur le système racinaire dépend largement de l'état physique initial du profil cultural. Dans un sol déjà bien structuré au départ (effet résiduel d'un travail, défriche récente, longue jachère), les modifications de l'état physique du sol dues au travail et donc les effets sur l'enracinement seront moins nets ou même inexistants. Cet état se rencontre plus souvent en Côte d'Ivoire qu'au Sénégal, d'où un effet du travail du sol sur le système racinaire plus irrégulier (Chopart et al., 1981). L'effet du travail du sol dépend également de la qualité de celui-ci. Le travail effectué doit aboutir à un profil motteux sans discontinuité et sans semelle de labour. Cet état peut bien sûr être obtenu par d'autres outils que la charrue, qui a servi ici d'exemple.

Pour une même qualité de travail, il existe cependant des différences entre les cultures. Ainsi, la vitesse de progression du front racinaire n'est pas modifiée chez le mil et assez peu chez le sorgho. Par ailleurs, l'effet du labour sur la masse totale des racines devient négligeable en fin de cycle chez le mil et l'arachide; on ne trouve alors des différences qu'en profondeur en dessous d'un mètre. Chez le sorgho le maïs et le riz, l'effet du labour se maintient au contraire jusqu'à la récolte. Ces différences interspécifiques dans l'effet du travail du sol peuvent, en partie, expliquer des différences de comportement au labour des cultures.

Les choix en matière de travail du sol, au niveau de l'exploitation, doivent donc, entre autres, tenir compte de l'effet qu'aura ou non le travail sur les racines, grâce auxquelles se fera l'alimentation en eau et en éléments minéraux. Malgré les difficultés, un examen, même grossier, des systèmes racinaires a donc sa place dans le processus de raisonnement du travail du sol, en particulier dans les zones tropicales à risque de sécheresse.


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