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LE RÔLE DES FEMMES DANS LA PROMOTION DES PRODUITS FORESTIERS

Guendoline E. Burnley

Résumé

Au Cameroun, comme dans de nombreux pays en voie de développement, la population de base, en particulier les femmes, n'est guère informée sur les débats concernant "les changements de l'environnement". On part de l'hypothèse qu'il existe un lien direct entre la pauvreté et la dégradation de l'environnement. Des expériences faites récemment sur le terrain ont montré qu'il est possible de sauver l'environnement des effets de la surexploitation des ressources et de la dégradation par la promotion d'activités rentables alternatives, surtout lorsque celles-ci font davantage intervenir les femmes. Notre étude présente certains projets, individuels ou collectifs, entrepris par des femmes dans la province du Sud-ouest du Cameroun. Ceux-ci visent à protéger l'environnement et améliorer le statut socio-économique des femmes, tout en leur donnant davantage de temps libre et d'opportunités de formation. Certains résultats préliminaires sont présentés ici, mettant en évidence les succès obtenus dans le cadre de ce projet, ainsi que les problèmes rencontrés lors de sa mise en œuvre.

Mots clés: Femmes, pauvreté, déforestation, protection de l'environnement, produits forestiers non ligneux

1. Introduction

Après l'agravation du déficit de la balance comerciale au début des années 1990 et les difficultés économiques supplémentaires provoquées par la dévaluation du franc CFA en 1994, la pauvreté et les privations ont gagné du terrain au Cameroun. Cette "crise économique" a provoqué des licenciements en masse tant dans le secteur public que privé, des démissions, des réductions de salaires, des retraites anticipées, le gel des capitaux, des dettes contractées auprès d'individus, en particulier des fonctionnaires. De nombreuses personnes se sont alors tournées vers l'agriculture pour pouvoir nourrir leur famille, d'où un exode important des villes vers les campagnes. Etant donné que les forêts ont déjà été défrichées pour faire place à l'agriculture vivrière, les ressources forestières disponibles telles que le bois de feu, les fruits forestiers, les légumes, les feuilles d'emballage, les noix, les graines, les épices, les médicaments, les stimulants et les matériaux d'artisanat, ont fortement diminué. De plus, des marchands de combustibles ligneux parfaitement organisés mais illégaux, ont détruit des fermes privées et des réserves forestières situées dans les terrains publics, souvent en abattant les arbres, y compris les arbres fruitiers et les caféiers, pour approvisionner le marché en bois de feu, vendu au prix fort en raison d'une forte demande. Désormais, des piles très hautes de bois de feu, entassées sur des véhicules chancelant, sont devenus un élément familier de notre paysage urbain.

Afin de mettre un frein à ce processus rapide de dégradation, une nouvelle loi forestière a été approuvée au Cameroun en 1994, définissant les mesures à prendre pour un aménagement rationnel des ressources forestières. Ces mesures préconisent un partage plus équitable des bénéfices, une utilisation durable et viable des ressources, le renforcement d'une participation réelle de la population et des partenariats plus efficaces pour surmonter les difficultés liées à l'environnement. La nouvelle loi accorde une importance particulière aux femmes et vise à favoriser leur participation dans la conservation de la forêt et dans les initiatives développées à l'échelle rurale.

2. Les Organisations de femmes

Les groupes de femmes ont fait une apparition timide à l'époque coloniale et, en dépit d'une certaine stagnation dans les années 70 et 80, ont vu leur nombre, leurs activités et leur influence politique croître ces dernières années. L'intérêt grandissant pour une participation active des femmes dans le processus de développement a connu son apogée lors de la Conférence de Dakar en 1994, à laquelle les femmes camerounaises ont participé massivement et apporté une importante contribution, et lors de la Conférence de Beijing en 1995.

De nombreuses ONG internationales sont fortement représentées au Cameroun: The Associated Country Women of the World, International Council of Women, The international Federation of Business and Professional Women, Soroptimist International et the Association of Creative Teaching, remplacée ensuite par Bussiness Entreprise Development (ACT/BEDO). Il existe également un grand nombre d'organisations communautaires locales, des groupes d'initiatives communes et des coopératives. Un grand nombre d'entre eux sont impliqués dans des activités visant à préserver l'environnement et ont comme objectif de concilier la volonté de conserver les ressources de la forêt avec la nécessité d'aider l'unité familiale grâce à des activités forestières.

3. Les femmes et la culture des produits forestiers

La culture, par des femmes, d'arbres fournissant des combustibles ligneux et d'autres produits forestiers, peut s'avérer une stratégie efficace pour résoudre un des problèmes de la dégradation de l'environnement, en réduisant la pression exercée sur les ressources naturelles sauvages, tout en étant source de bénéfices substanciels pour la famille ou le groupe concerné. La participation massive des femmes dans la culture et la distribution d'une vaste gamme de produits forestiers semble se justifier pleinement, étant donné que les femmes sont majoritaires parmi les agriculteurs et les utilisateurs finaux des produits concernés.

3.1. Le bois énergie

Dans une grande partie du Cameroun, le poisson et en particulier le poisson séché constitue un aliment de base pour les populations locales. Or, ce dernier est devenu très cher à cause de la pénurie du bois de feu et du charbon. Les femmes doivent souvent parcourir de grandes distances sur les collines pour ramasser des brindilles ou attendre le passage des camions surchargés de marchandise conduits par les vendeurs de bois de feu, des marchands de bois illégaux. De nombreux groupes de femmes se sont alors rendus compte de la nécessité de cultiver dans leur ferme des espèces de bois de feu à croissance rapide. Pour les y aider, en 1994, un programme commun du Jardin Botanique de Limbe et du "Women in Development/Business Environment Development" a été mis en place, grâce à des fonds de "Africa 2000" et plus récemment, "Rainforest Alliance".

Le projet a commencé par la sélection et la création d'une pépinière permanente. Une fois celle ci établie, on a sélectionné les espèces adaptées et rassemblé le matériel de semences pour la multiplication, grâce auquel on a obtenu plusieurs milliers de semis. Le projet prévoyait également une formation technique et des explications sur les méthodes de plantations destinées tant aux agents vulgarisateurs qu'aux autres groupes concernés, suivi par la distribution des semis à de nombreux groupe de femmes, souvent lors d'ateliers de démonstration. L'ampleur des plantations et les résultats préliminaires sont commentés ci-dessous. Outre la distribution des semis, des poêles à bois améliorés ont également été distribués, afin d'assurer des économies en combustible, tant aux ménages qu'aux entreprises commerciales.

3.2. Les plantes médicinales, stimulants et épices

De nombreux produits forestiers, achetés auparavant à bas prix sur les marchés, se trouvent de plus en plus difficilement et à des prix prohibitifs. Depuis longtemps, la possibilité de cultiver ces produits dans le jardin des particuliers, tant pour la subsistance que pour la vente, a été proposée. A l'occasion d'une série d'ateliers, une vaste gamme de produits forestiers a été présentée aux groupes de femmes, au cours de visites aux Jardins Botaniques, où elles ont pu se rendre compte par elles-mêmes qu'il leur était possible de cultiver de nombreuses plantes forestières qu'elles connaissaient bien. Parmi celles-ci se trouvaient de nombreuses plantes médicinales, en particulier les espèces ayant des propriétés "générales", des stimulants tels que la noix de kola et certaines épices forestières, faisant partie intégrante de la cuisine camerounaise. Cette expérience a conduit à une augmentation visible de la taille et de la diversité des jardins potagers et des cultures mixtes. De nombreuses femmes impliquées dans ce projet ont pu constater une baisse des dépenses médicales, étant donné qu'il y a davantage de remèdes traditionnels disponibles. De plus, la valeur élevée de nombreuses plantes médicinales, des épices locales et des noix de kola est telle que le surplus de la récolte, au-delà de la consommation, peut contribuer de manière significative au revenu des ménages et ces produits sont souvent préparés et emballés pour être vendus dans les magasins ou étales de marchés locaux.

Un certain nombre de plantes médicinales et d'arbres à épices cultivés, dont Prunus africana, a été introduit avec succès dans des systèmes de culture à capital important, gérés par des groupes de femmes (voir l'article de Nkefor et al., dans la présente publication). Ceci est une indication que de nombreuses coopératives sont intéressées par les bénéfices à long terme, tout autant que par les profits immédiats.

3.3. Les arbres fruitiers

De nombreux arbres fruitiers de grande valeur et ayant un rendement élevé ont été multipliés dans le cadre de ce programme et distribués à de nombreux groupes de femmes et individus. Des espèces telles que la mangue sauvage (Irvingia gabonensis) et la prune de brousse (Dacryodes edulis) sont très prisées et fournissent, grâce à la vente du surplus de la récolte, une source de revenus importante.

Figure 1: Vente de produits forestiers non ligneux sur un marché local (Photo: T.S: Sunderland).

3.4. L'Eru (Gnetum africanum)

Le fou-fou et l'eru sont des aliments très populaires au Cameroun et constituent des composants importants de la cuisine nationale. La demande pour l'eru a subi une telle augmentation qu'il est désormais exporté vers les pays voisins tels que le Nigeria et, depuis le Nigeria, vers des pays plus lointains en Europe et en Amérique du Nord (voir Tabuna, dans la présente publication). Les feuilles d'eru atteignent des prix très élevés sur le marché et suite à l'augmentation de la demande et à l'accroissement de la pression sur les ressources naturelles, cette espèce est actuellement en voie d'extinction dans de nombreuses régions (Shembo, dans la présente publication). Les essais de culture ont donné de très bons résultats. L'Eru, en tant qu'espèce grimpante à croissance rapide utilisant les arbres plantés comme support, fourni un autre composant très valable au programme de plantation d'arbres.

4. Des résultats

Villages cibles dans la Province du Sud-ouest du Cameroun: activités et progrès réalisés à ce jour.

Wovia

Lysoke

Munyenge

Banga-Bakundu

1995: 600 semis ont été distribués mais ont été perdus lors du stade en pépinière.

1996: Distribution de 600 semis de Cedrela odorata pour produire du bois de feu. Ceux ci ont été plantés entre les petites exploitations de palmiers à huile et de caoutchouc. Lors de l'inspection, les plants atteignaient en moyenne 3 mètres. Tous sont actuellement en bon état.

1998: Distribution de 450 semis de Prunus. africana. Pour l'instant, ils se trouvent toujours dans des pépinières fournis par les villageois en raison du retard des pluies. Tous les semis sont en bon état et seront plantés à la suite d'un atelier de démonstration.

1995: Plantation de 400 semis de Terminalia superba et Cedrela odorata dans des forêts complètement dégradées suite à l'exploitation du bois d'œuvre.

Lors de la 2ème visite, en 1998, les arbres étaient toujours en bon état, leur taux de survie s'élevait à 98%, leur taux de croissance annuel s'élevait à 1 mètre et leurs conditions d'aménagement étaient bonnes.

1995: 1ème et 2ème distribution de 600 Prunus africana plantés à des distances de 5 mètres l'un de l'autre sur 1 ha, dans une vallée limitée de chaque côté par des plantations de palmiers et de caoutchouc.

Etat de l'exploitation: taux de survie de 60%, terrain recouvert de mauvaises herbes, petite famille agricole avec une main d'œuvre insuffisante.

La taille des arbres est variable (85 cm de hauteur en moyenne).

Conseillés sur la nécessité d'une main d'œuvre plus importante pour désherber et amender le sol avec des cones de palmes.

5. Conclusions

Dans de nombreux villages, les femmes ont un accès difficile à la propriété des terres. Pour de nombreux groupes culturels, la plantation d'arbres sur des terres agricoles est un moyen traditionnel pour revendiquer une propriété. Le programme, en encourageant les femmes à planter des arbres, leur a permis pour la première fois de posséder des terres.

Au-delà des problèmes posés par le régime foncier, d'autres améliorations devraient être apportées au programme :

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