2. Stratégies et priorités


Dans la présente section, nous examinerons les domaines fonctionnels dans lesquels la FAO et les ONG/OSC pourraient tirer avantage d'une coopération plus efficace. Nous avons jugé commode de subdiviser l'exposé en quatre sous-sections, mais il faut souligner qu'elles sont très liées entre elles. L'association de la société civile à la sensibilisation du public et à la mobilisation des ressources ne peut être efficace que si l'on prend au sérieux sa contribution au dialogue sur les politiques et à l'édification de partenariats dans les programmes de terrain.

Les priorités présentées ici constituent la base d'un programme à long terme. Il est clair qu'il ne sera pas possible de réaliser tous les objectifs simultanément. Le développement de la coopération avec une société civile en expansion rapide alors que les ressources réelles à sa disposition sont en diminution constitue un défi majeur pour la FAO. Elle devra donc faire preuve de sélectivité dans le choix de ses partenaires et de ses activités et un effort commun sera nécessaire pour la définition des priorités et la mobilisation des ressources nécessaires. Dans le présent document, la FAO a tenu compte des nombreuses suggestions faites par les ONG/OSC. Il faut maintenant que ces suggestions soient complétées par les engagements que les ONG/OSC sont prêtes et capables de prendre. À cet effet, le processus de consultation se poursuivra.

2.1 Partage et analyse de l'information

L'amélioration de la communication est non seulement un objectif en soi mais aussi une condition préalable d'autres formes de coopération.

Les ONG jouent un rôle de premier plan dans l'information et les programmes d'éducation visant à sensibiliser l'opinion publique aux problèmes exprimés dans la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation. Leur expérience et leur capacité de diffusion dans ce domaine sont sans égales, tandis que les atouts de la FAO consistent en son fonds sans équivalent de données et d'analyses techniques et sa vue d'ensemble des questions de sécurité alimentaire. Toutefois, la communication n'a pas été son point fort et elle n'a pas eu jusqu'à présent une politique de divulgation de l'information claire. Cela dit, il ne faut pas oublier que le monde des ONG est difficile à atteindre car il est très fragmenté et ses besoins et capacités d'information sont très hétérogènes.

Le problème de la FAO en matière de communication a été dû en partie à sa structuration par spécialités techniques. La restructuration lancée en 1994 vise à promouvoir une approche interdisciplinaire et l'actuelle révision stratégique devrait encore améliorer les capacités de la FAO à cet égard. Les campagnes de la Journée mondiale de l'alimentation sont un moyen de promouvoir une vue d'ensemble de la sécurité alimentaire mondiale, car elles sensibilisent le public à certains aspects du problème en les mettant en rapport avec le contexte socioéconomique général. Le réseau de points de référence avec les ONG créé dans les différents départements de la FAO dans le cadre de cette révision aide aussi à améliorer les capacités de communication avec les ONG.

D'autres évolutions pourraient améliorer l'échange d'informations dans les deux sens. Le développement de la communication électronique permet de mettre à la disposition du public une information plus riche. La FAO est en train de mettre au point un réseau de courrier électronique plus large et un site Internet plus convivial. Toutefois, de nombreuses ONG/OSC n'ont pas les ressources nécessaires pour utiliser la communication électronique et il faudra donc continuer de distribuer des documents imprimés.

Tout aussi prometteuse est la tendance croissante des ONG/OSC à former des réseaux et coalitions autour d'un thème ou sur une base géographique. La FAO encourage de tels regroupements et collaborera avec eux pour améliorer la diffusion de l'information. Un excellent travail a déjà été fait grâce à la coopération entre des ONG et la FAO en ce qui concerne la présentation d'informations techniques dans une langue accessible aux non-spécialistes.

L'amélioration du partage de l'information avec les OSC est une tâche qui incombe à l'ensemble de la FAO, mais la Division de l'information a un rôle central à jouer à cet égard. Dans sa nouvelle politique et stratégie de communication, elle mentionne expressément les ONG à la fois comme partenaires et comme audience clé. Les bureaux extérieurs et les bureaux de liaison sont des nœuds de communication particulièrement importants, car les besoins et les capacités des ONG en matière d'information diffèrent selon les régions.

Afin d'assurer le partage et l'analyse de l'information, la FAO prendra les initiatives suivantes:

i) Élaborer une politique de divulgation de l'information

ii) Promouvoir des activités d'information avec les ONG par les moyens suivants:

iii) Rendre l'information de la FAO plus accessible et plus facilement utilisable

iv) Faire des efforts particuliers pour atteindre les organisations nationales ou locales

2.2 Dialogue sur les politiques

Si les ONG considèrent la FAO comme un partenaire important du système des Nations Unies, c'est dû en grande partie au rôle de l'Organisation en tant que conseiller des gouvernements membres, cadre de négociation international et source d'appui technique aux pays en développement dans leurs négociations dans des domaines comme ceux qui relèvent de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les ONG se félicitent d'avoir la possibilité de contribuer à la formulation des politiques techniques que la FAO applique dans son travail normatif et en matière d'assistance technique et de conseils sur les politiques à suivre. Une coopération a pu se faire efficacement dans le cadre de l'organisation de consultations d'ONG de concert avec les sessions des comités techniques de la FAO et de la participation des ONG en qualité d'observateurs à des processus tels que la négociation du Code de conduite pour une pêche responsable et la révision de l'Engagement international sur les ressources phytogénétiques.

Le dialogue sur les politiques au sein de la FAO est un processus complexe. Elle évolue du niveau national au niveau régional puis au niveau international puis en sens inverse. Elle porte sur divers thèmes techniques, contribuant tous à l'élaboration de concepts plus généraux telles la sécurité alimentaire et l'agriculture durable. Il n'est pas facile d'associer efficacement et équitablement la société civile à ce processus, car le cadre institutionnel et les modalités de fonctionnement du système des Nations Unies se prêtent mal à une participation d'acteurs autres que les États et il y a une grande diversité de positions et des intérêts parfois contradictoires qui sont représentés dans la société civile, des différences de légitimité entre les diverses OSC et les divers mouvements sociaux et d'inévitables inégalités d'accès lorsque les partenaires n'ont pas tous les mêmes ressources et le même pouvoir.

Les mesures que la FAO doit prendre pour renforcer la participation de la société civile au dialogue sur les politiques sont résumées ci-après. La communauté des ONG peut y apporter une contribution tout aussi importante en renforçant et en élargissant ses activités de communication, ses réseaux et sa structuration, ainsi qu'en mobilisant des ressources pour faciliter la participation d'OSC du Sud aux réunions régionales et mondiales.

La FAO, avec l'assentiment des gouvernements, va promouvoir la participation des ONG/OSC aux activités ci-après aux échelons national, régional et mondial:

i) Échelon national

ii) Échelon régional

iii) Échelon mondial

2.3 Programmes de terrain

Aujourd'hui, dans son Programme de terrain, la FAO accorde plus d'importance à la coopération entre tous les acteurs concernés. L'objectif central est la sécurité alimentaire et le développement, et non le renforcement de la coopération en soi. Comme les acteurs ne sont pas tous aussi bien placés pour jouer un rôle actif, il est justifiable que la FAO donne aux ONG/OSC une attention particulière lorsqu'elles peuvent aider à atteindre ces objectifs. Cela peut consister à les associer aux activités de planification et d'exécution sur le terrain, à collaborer avec les gouvernements membres pour faciliter leur participation et à répondre à leurs besoins d'assistance technique et de formation.

Les organisations d'agriculteurs et de populations rurales sont des partenaires de choix de la FAO dans la société civile, démultipliant les services fournis aux agriculteurs et participant aux débats sur l'orientation des politiques et sur la planification. Les ONG nationales qui fournissent des services aux habitants des campagnes ont aussi besoin d'un renforcement de leurs capacités, en particulier lorsqu'elles ne se contentent plus d'opérations de secours mais entreprennent un travail de développement. Ce genre d'activités prend de plus en plus de place dans les priorités des donateurs et il devrait être possible de mobiliser des ressources pour financer des interventions de ce type de la FAO.

Il convient de faire une distinction entre la recherche d'un partenariat avec une ONG sur la base d'objectifs et de ressources partagés et d'actions définies d'un commun accord, et la sous-traitance de certains services à une ONG. La sous-traitance peut être utile dans certaines situations. Toutefois, la FAO considère qu'il convient surtout de promouvoir une coopération fondée sur un partenariat car c'est le moyen le plus efficace de mettre les énergies au service d'objectifs communs. Pour cela, il faut aller au-delà d'un simple discours sur la participation dans l'exécution et l'évaluation des projets et se demander si les programmes sont bel et bien négociés avec les acteurs de la société civile, d'une façon qui définisse des responsabilités claires pour tous les intéressés.

La participation des ONG/OSC doit commencer au stade de la définition de la politique d'ensemble et du cadre de programmation du pays, de façon que la collaboration à des programmes et projets précis puisse ensuite suivre plus facilement. Cette participation précoce exige plus d'efficacité dans la diffusion de l'information et le renforcement des capacités. Les campagnes nationales "La nourriture pour tous" et les groupes thématiques du Réseau du CAC sur le développement rural et la sécurité alimentaire peuvent faciliter la participation de la société civile à l'élaboration des stratégies et des programmes.

Afin de renforcer les partenariats, la FAO s'engage à:

i) Expérimenter et tirer les enseignements de l'expérience

ii) Élaborer des modalités de coopération appropriées

iii) Répondre aux besoins des ONG/OSC en matière d'assistance technique et de renforcement de capacités

- recensera les besoins et formulera des programmes de renforcement de capacités pour les organisations d'agriculteurs et les ONG afin de renforcer leur rôle d'interlocuteurs dans la formulation des politiques et des programmes et leur aptitude à fournir des services aux communautés rurales;
- répondra aux besoins de formation des organisations locales qu'elle souhaite associer à ses programmes en intégrant un volet formation dans la conception et le budget des programmes.

iv) Renforcer la participation des ONG/OSC aux programmes soutenus par la FAO

- s'associera aux ONG/OSC dès la phase de planification des programmes techniques thématiques et prévoira des crédits pour cette participation dans les budgets des programmes.

- associer des représentants d'organisations d'agriculteurs et d'ONG à l'observation de la mise en œuvre du PSSA dans certains pays pour tirer des enseignements de l'expérience acquise dans les programmes les plus efficaces afin de les reproduire ailleurs;
- organiser des réunions avec des ONG/OSC pour leur donner des renseignements plus détaillés sur le PSSA, fournir des occasions d'échange de données d'expérience et examiner comment les ONG/OSC pourraient apporter une contribution de fond;
- s'efforcer systématiquement de recenser les acteurs non étatiques compétents et de les associer à l'identification des projets dès les premières phases, puis de les inclure dans les équipes nationales de formulation.

Les ONG coopèrent avec le Système mondial d'information et d'alerte rapide sur l'alimentation et l'agriculture (SMIAR) en qualité de fournisseurs et d'utilisateurs d'informations et avec le Système d'information et de cartographie sur l'insécurité alimentaire et la vulnérabilité (SICIAV). Elles sont les principaux partenaires d'exécution de la FAO dans les interventions d'urgence, en particulier dans le cas des urgences complexes, lorsque les pouvoirs publics n'ont pas les capacités appropriées et immédiates pour fournir aux populations vulnérables l'aide dont elles ont besoin en matière de production vivrière, de nutrition et de sécurité alimentaire. Pour renforcer encore ces partenariats, la FAO prendra les initiatives suivantes:

- élaborer des accords de partenariat officiels avec les grandes ONG avec lesquelles elle coopère déjà;
- promouvoir un dialogue avec les ONG/OSC visant à rendre plus performant le processus secours-reconstruction-développement;
- coordonner l'action avec les ONG/OSC pour aider les gouvernements à surveiller la sécurité alimentaire.

2.4 Mobilisation des ressources

La proportion de l'APD distribuée par l'intermédiaire des ONG/OSC du Nord à leurs homologues du Sud augmente, et une part croissante de l'aide au développement provient de sources privées. Il est probable que cette évolution se poursuivra, notamment en raison de la décentralisation des programmes de coopération. Elle est due au fait qu'on s'est rendu compte que les ONG sont des fournisseurs souples et efficaces d'aide au niveau communautaire et, plus généralement, à l'évolution du rôle des acteurs du développement cités plus haut.

Il faut que la FAO recense et exploite les complémentarités avec les ONG et les aide à appliquer leurs ressources efficacement pour atteindre les objectifs de développement agricole.

Le document des ONG6 établi pour la présente étude énonce l'argument en faveur de la coopération pour la mobilisation des ressources dans les termes suivants, auxquels la FAO souscrit de façon générale:

"Le rôle de la FAO est beaucoup plus celui d'un intermédiaire que celui d'un banquier... Son travail de création de capacités et de promotion de partenariats peut aider tant les gouvernements que la société civile à mobiliser et à utiliser efficacement des ressources.

Le fait que les ONG participent aux programmes de terrain est, pour de nombreux donateurs, une incitation à les soutenir. La FAO pourrait intégrer systématiquement des composantes relatives à la coopération avec les ONG dans les programmes qu'elle présente à ses bailleurs de fonds. Elle pourrait fournir aux ONG une assistance technique pour les aider à rendre leurs programmes plus attrayants pour les donateurs.

Il est peu probable qu'un renforcement de la coopération entre FAO/ONG ait une grande influence sur le montant des fonds mis par l'une à la disposition des autres. Toutefois, les ONG peuvent mobiliser des ressources pour mettre en œuvre des activités parallèles et complémentaires de celles de la FAO sans qu'il y ait aucun transfert de fonds. Lorsque les ONG se sentent véritablement "copropriétaires" d'une proposition de projet, on peut compter sur elles pour s'adresser aux donateurs bilatéraux et multilatéraux pour soutenir une demande de la FAO."

Afin de renforcer la collaboration pour la mobilisation des ressources, la FAO prendra des initiatives dans les domaines suivants:


6 Clive Robinson. FAO's cooperation with NGOs. Novembre 1996.