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LA FORESTERIE URBAINE ET PÉRIURBAINE EN AFRIQUE

UNE ÉTUDE DE CAS SUR LE SAHEL
(Dakar, Niamey, Nouakchott and Ouagadougou)

par

Salah Rouchiche

RÉSUMÉ

Les difficultés croissantes auxquelles se heurte l'approvisionnement des villes en produits forestiers et bois de feu en particulier, la dégradation de l'environnement naturel et celui des villes, et les énormes problèmes d'utilisation des forêts influencent l'interface urbain-rural dans le Sahel. Le présent document montre les efforts accomplis par la population, les gouvernements et les municipalités de Dakar, Niamey, Nouakchott et Ouagadougou pour relever ces défis.

La ville de Dakar, pionnière du Sahel, a fait l'objet depuis le début du siècle de divers plans-cadre qui visaient à introduire des espaces verts dans l'environnement de la ville, malgré la forte pression démographique. Dans les meilleurs des cas, ces plans n'ont été appliqués que partiellement en raison du développement accéléré des installations spontanées et des constructions illégales, et de la course vers le «fait accompli» qui laissait peu d'espace aux zones vertes. Le système forestier de Dakar comprend le parc forestier de Hann, les plantations côtières, la forêt de Mbao, les périmètres côtiers et la ceinture périphérique, et s'étend au système de la «tri-urbaine» de Dakar-Thiès-Mbour. Un important réseau de plantations d'alignement a été constitué grâce au programme «volet axes routiers» . Ce système forestier urbain serait excellent et réalisable si des mesures de mise en exécution étaient prises.

Au Niger, à la suite de la dégradation des formations forestières entourant la ville, il est devenu nécessaire de protéger les habitations contre le sable et la poussière. Les plantations périurbaines de Niamey, et de certaines petites villes comme Tahoua ou de gros bourgs comme Dogon Doutchi, avaient initialement pour principal objectif de satisfaire des besoins de nettoyage et de protection. Aujourd'hui, leur fonction s'est étendue pour inclure l'approvisionnement en bois d'œuvre et bois de feu, ainsi qu'en produits forestiers non ligneux à des fins alimentaires et médicinales. Jusqu'à ce jour, le projet est un élément de base de la stratégie de lutte contre la désertification qui fait aussi partie du cadre de l'environnement urbain.

Les grandes sécheresses de 1968 et 1973, jointes à la pression humaine sur les ressources, ont entraîné la dégradation du couvert forestier à Nouakchott et la remise en mouvement de dunes autrefois fixées. Un plan urbain élaboré par la suite a recommandé la protection contre les dunes vives. Bien que les résultats escomptés n'avaient pas tous été réalisés, une importante zone a été couverte de plantations prospères et la population a associé des cultures maraîchères aux plantation d'arbres.

Dans le cas de Ouagadougou, la ville possède encore le charme et de nombreux aspects propres aux petites agglomérations rurales où l'on trouve encore des formations végétales naturelles à la périphérie de la ville. Cependant, au-delà du paysage rural, la forêt a été maintenue à proximité de la ville et la présence de réserves d'eau assure un environnement agréable à la ville. De nombreux arbres ont été plantés à Ouagadougou. Cependant, le développement de la foresterie urbaine passe par la sensibilisation accrue de la population à la gestion de la forêt urbaine, la redéfinition du rôle des divers acteurs intervenant dans les systèmes forestiers urbains, la rétrocession de la gestion de certains parcs aux entreprises privées et l'encouragement donné aux propriétaires de pépinières par des avis et un soutien techniques constants.

Il est évident que ces grandes villes sahéliennes disposent déjà d'un bagage de connaissances en matière de pratiques courantes de plantation d'arbres et de gestion des peuplements forestiers, et d'expériences de planification et de participation publique. Les efforts devraient viser le renforcement de ces potentialités.

INTRODUCTION

L'Afrique est un continent «jeune»; les rapports traditionnels entre les populations et leur environnement, en particulier l'arbre et la forêt, sont vivaces tant dans leurs aspects alimentaires et matériels que dans leurs aspects spirituels et culturels. Ces rapports influencent et influenceront encore fortement les dispositions et les mesures que prennent les administrations modernes pour définir la place et le rôle des arbres et des forêts dans les agglomérations et à leur périphérie. Il est en effet indéniable qu'en Afrique en général, mais aussi au Sahel, où l'urbanisation à grande échelle est un phénomène relativement récent, les rapports traditionnels avec la campagne et donc avec l'arbre et les formations boisées sont très solides.

La multiplication des arbres dans les agglomérations a déterminé le besoin de leur gestion qui est désormais considérée comme une discipline distincte de la foresterie. La définition vraisemblablement la plus complète mais aussi qui convient le mieux au contexte sahélien de la foresterie urbaine est celle présentée par Denne (adaptée de Carter, 1995): «La foresterie urbaine est l'aménagement des arbres réalisée de telle manière qu'ils contribuent au bien-être physiologique, sociologique et économique de la société urbaine. Elle concerne les terres boisées et les arbres groupés ou isolés des lieux habités; elle revêt de multiples aspects car les zones urbaines contiennent une grande variété d'habitats (rues, parcs, coins négligés, etc.) auxquels les arbres apportent leurs nombreux avantages et problèmes» (Denne, comm. pers., adapté de Grey et Deneke, 1986). La foresterie périurbaine se définit comme celle pratiquée à la périphérie des agglomérations, mais le terme «urbain» ayant un sens différent selon le pays, il est difficile de donner une définition précise de «périurbain». Dans le contexte sahélien où la sphère d'influence de la ville peut être extrêmement vaste, le terme périurbain désigne, appliqué à la foresterie, non seulement les territoires limitrophes urbains immédiats, mais les zones où la gestion des forêts et des plantations d'arbres est directement influencée et guidée par les besoins d'espaces, de loisirs et de bien consommables des citadins.

Photo 1

M. Malagnoux

Photo 1: Margousiers (Azadirachta indica) à Rufisque, Sénégal

Actuellement, on prend de plus en plus conscience de la nécessité des forêts et des espaces verts périurbains, en vue de répondre à des besoins matériels et physiques divers, mais aussi à des besoins de détente et de loisirs. En Afrique, l'évolution de ces besoins va de pair avec celle du taux d'urbanisation qui de 18 à 21 pour cent entre 1950 et 1970 est passé à 34 pour cent en 1990. L'urbanisation africaine progresse vite puisque les taux moyens annuels d'urbanisation pour le continent sont les plus rapides du monde (4,9 pour cent).

Ainsi, bien que le fonds culturel soit resté vivace, les impératifs d'un développement de type nouveau ont profondément modifié les rapports de l'homme sahélien avec son milieu. Les formes nouvelles d'organisation, nées entre autres de la forte poussée démographique, combinées aux diverses péjorations climatiques ont conduit progressivement à une dégradation prononcée de l'environnement sahélien. Cet état de fait préoccupant confère une importance de premier ordre aux programmes forestiers dans la sous- région, particulièrement en milieu urbain et périurbain.

La foresterie urbaine associe l'arboriculture, l'horticulture ornementale et la gestion forestière. Elle est étroitement liée à l'architecture paysagère, l'agroforesterie urbaine, l'aménagement des parcs et des forêts périphériques. La foresterie périurbaine couvre des activités réalisées en périphérie et en zone d'influence directe, mais entretenant des relations fonctionnelles étroites avec le milieu urbain.

INFORMATION DE BASE SUR LA SOUS-RÉGION

Le Sahel englobe les 9 pays regroupés au sein du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS). Ensemble, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée Bissau, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Tchad et le Sénégal occupent une superficie de plus de 5 millions de km2 (tableau 1). Appartenant pour la plupart au groupe des «pays les moins avancés» (PMA), ils sont confrontés à de sérieuses difficultés pour assurer leur développement.

Tableau 1: Superficie des pays du CILSS

PaysSuperficie (km2)
Burkina Faso
274 122
Cap-Vert
4 033
Gambie
10 403
Guinée Bissau
36 125
Mali
1 240 000
Mauritanie
1 025 520
Niger
1 267 000
Sénégal
196 000
Tchad
1 284 000
Total5 337 203 km2

Source: FAO, 1988

Caractéristiques physiques et climatologiques

Situé entre les longitudes 19° 59' ouest et 24° 02' est et les latitudes 10° 54' et 27° 19' nord, le Sahel se définit par les caractéristiques physiques et climatologiques qui suivent.

De type tropical, le climat sahélien se caractérise par un régime de précipitations qui atteint son maximum en juillet-août, ainsi que par une saison sèche prolongée de 6 à 8 mois en zones semi-arides et 8 à 11 mois en zones arides. Les variations de pluviosité sont importantes et les températures moyennes annuelles sont élevées (27,5 à 30 °C). Sujette à des sécheresses cycliques, la région sahélienne que parcourt l'harmattan (vent chaud et sec), se définit également par une insolation et une évapotranspiration potentielle très élevées ainsi que par la grande force d'érosion de ses pluies.

Le relief de la zone sahélienne n'est pas prononcé. À l'exception de quelques hautes terres situées au Mali et au Burkina Faso, dans la majeure partie de la région, les plaines constituées de dépôts d'origine éolienne et fluviale prédominent.

Les sols des zones dépressionnaires sont surtout argileux, devenant de plus en plus sableux au fur et à mesure que l'on se déplace vers le sud. Sur les plateaux, on rencontre généralement des terres latéritiques. Les sols sahéliens sont généralement pauvres en azote, phosphore et matière organique.

La composition et la répartition de la végétation sahélienne a été fortement influencée par des siècles d'exploitation pastorale et agricole particulièrement à travers les pratiques liées au défrichement, feux de brousse, pâturage, propagation assistée de certaines espèces, etc. La zone bioclimatique sahélosaharienne (pluviométrie de 200 à 400 mm) est caractérisée par un couvert arboré essentiellement à base d'espèces d'Acacias. En zone bioclimatique sahélienne (pluviométrie de 400 à 600 mm), la végétation est surtout du type savanes. On y trouve aussi de la végétation steppique ainsi que des formations plus ou moins denses de Balanites aegyptiaca, divers Acacias et combrétacées. Au niveau de la zone bioclimatique soudano-sahélienne (pluviométrie de 600 à 800 mm), les arbres les plus remarquables sont Acacia albida, Borassus aethiopum (rônier) et Adansonia digitata (baobab). Dans les jachères, on rencontre Lannea acida et Sclerocarya birrea, tandis que sur les terrains cultivés, Guiera senegalensis et Bauhinia sp. abondent. Sous l'influence de la transhumance on trouve aussi Balanites aegyptiaca et Acacia senegal.

Quelques écosystèmes spécifiques, non représentatifs de la zone bioclimatique hôte, se retrouvent aux abords des fleuves, des mares et dans les bas-fonds. Des formations végétales très particulières s'y développent améliorant la biodiversité, déjà remarquable des pays sahéliens.

Population

Estimée à 44 millions d'habitants (1991), la population totale du Sahel est caractérisée par sa jeunesse. En effet 47 pour cent de la population totale ont moins de 15 ans tandis que 5 pour cent seulement sont âgés de 60 ans ou plus. Cette structure démographique laisse suggérer un fort taux de dépendance. Elle indique également que la population continuera de croître très rapidement dans le futur du fait d'un taux de fertilité classé parmi les plus élevés du monde (CERPOD, 1992). Relativement constant, le taux brut de natalité au Sahel est de 47,3 naissances pour 1 000 habitants. Même s'il a fortement baissé depuis les indépendances, le taux de mortalité demeure très élevé au Sahel puisqu'il atteint 17 décès pour mille habitants. L'espérance de vie à la naissance est de 49 ans. Sur la base de ces indicateurs, on estime que la population sahélienne devra doubler en 23 ans.

Soixante quinze pour cent de la population sahélienne est rurale. Seuls le Sénégal et la Mauritanie se singularisent avec des taux de population urbaine respectifs de 39 et 40 pour cent; ils sont considérés comme les pays sahéliens les plus urbanisés.

La dernière caractéristique à retenir concerne l'importance des mouvements migratoires qui constituent un important facteur démographique au Sahel. L'impact des mouvements migratoires sur les pays est encore mal connu du fait de la complexité du phénomène. Le tableau 2 présente les principales caractéristiques des pays sahéliens.

Principaux facteurs socio-économiques

La majeure partie de la population sahélienne vit de l'agriculture extensive traditionnelle, où les cultures succèdent aux jachères. Au Sahel, c'est l'agriculture de subsistance en sec qui prédomine, mettant l'accent sur les cultures vivrières à cycle court (mil, niébé) qui complémentent l'activité pastorale dominante. Dans la zone soudano-sahélienne, aux cultures vivrières (mil, sorgho, etc.) s'ajoutent les cultures de rente (arachide, coton, tabac). Les cultures se pratiquent de façon itinérante, au dépens des formations forestières. L'agriculture irriguée intensive se pratique essentiellement aux abords des lacs et cours d'eau ainsi que dans les agglomérations urbaines (pour la culture maraîchère) et leurs périphéries qui constituent les seules sources d'eau permanentes.

Dans les parties les plus arides du Sahel, l'utilisation des terres est surtout pastorale et l'élevage à caractère transhumant ou nomade constitue l'activité économique dominante. Dans les zones agricoles, l'élevage sédentaire est pratique courante chez les agriculteurs, alors que l'on assiste à une sédentarisation progressive des pasteurs qui s'adonnent au moins à temps partiel, à l'agriculture.

Tableau 2: Principaux indicateurs démographiques des pays sahéliens

 Burkina FasoCap-VertGambieGuinée BissauMaliMauritanieNigerSénégalTchadEnsemble CILSS
Population (en milliers)9 5163948869918 9902 0488 0607 4765 81944
Femmes (%t)---------51.1
Hommes (%)---------48.9
Moins de 15 ans (%)48444444464449474147
Plus de 60 ans (%)4543443344
Population urbaine (%)13332127224015393024
Taux de fertilité---------6.5
Taux brut de natalité (pour 1000)50405041504953464248
Espérance de vie (années)49664244564649454849
Taux brut de mortalité (pour 1000)1882122132019201918

Source: CERPOD, 1992

La pêche maritime constitue une activité significative des pays bénéficiant de la façade atlantique (Mauritanie, Sénégal et Guinée Bissau). La pêche continentale bien que de moindre envergure, représente cependant une activité économique importante pour les zones fluviales et les lacs de la sous-région où le poisson constitue une source non négligeable de protéines.

Les activités de cueillette restent capitales dans l'économie rurale des pays sahéliens. Les produits très variés de cueillette (feuilles, fruits, noix, racines, bois, écorces, racines, résines, etc.) constituent une source précieuse de nourriture, énergie, médicaments, fourrage, matériaux de construction, etc.). Ils constituent également une source de revenus importante, particulièrement chez les femmes. Les produits de cueillette ne sont pas destinés aux seules zones rurales, mais sont largement commercialisés et consommés en ville.

La persistance des phénomènes de désertification a vaincu la réticence des paysans sahéliens à l'égard des activités de reboisement. L'avènement de la foresterie communautaire et la possibilité qu'elle offre de s'approprier le fruit de son travail, a grandement encouragé l'engagement des populations non seulement vis-à-vis des opérations de plantation mais aussi par rapport au développement et à la gestion durable des formations arborées. Cet engagement qui ne se limite plus aux seules zones rurales, mérite d'être vigoureusement soutenu par une politique de l'arbre en zones urbaine et périurbaine.

ÉVOLUTION ET ÉTAT ACTUEL D L'URBANISATION

L'urbanisation: évolution et tendances

La population du monde s'urbanise inéluctablement. Selon les estimations des Nations Unies, 45 pour cent des habitants du globe vivaient dans les villes au milieu des années 1990. Ce taux atteindrait 51 pour cent en l'an 2000, puis 65 pour cent en 2025. C'est au niveau des pays en développement et plus particulièrement en Afrique que les taux moyens de croissance des populations urbaines seront les plus élevés. Dans de nombreux pays du tiers monde, notamment dans les pays sahéliens, la période coloniale a exercé une influence profonde sur le processus d'urbanisation. L'incorporation d'arbres dans le milieu urbain faisait partie intégrante de la politique coloniale qui préconisait l'isolement social, économique et spatial par rapport aux autochtones. C'est ainsi qu'un modèle européen des arbres en ville fut importé qui comporte entre autres: des plantations d'alignement et d'ombrage, des parcs publics, jardins botaniques ainsi que des parcelles d'expérimentation forestières notamment.

Le transfert progressif du monde rural vers le milieu urbain après les indépendances, résulte davantage de la dégradation de la situation économique en milieu rural que de l'attraction de la vie citadine. En effet, la sécheresse prolongée des dernières décennies a engendré la faillite des systèmes de production rurale et profondément déséquilibré les grands ensembles démographiques de la sous-région sahélienne. C'est ce qui explique qu'aujourd'hui, les grandes villes sahéliennes se caractérisent par trois catégories principales de groupes sociaux en fonction du niveau de revenu qui leur est propre. Il existe un groupe minoritaire privilégié, possédant de vastes fortunes (en termes relatifs), un groupe plus important de salariés appartenant à la classe moyenne et un groupe majoritaire de citadins pauvres à très pauvres originaires du monde rural, qui dépendent du secteur informel pour leur survie. Ces derniers appartiennent généralement aux immigrants de fraîche date ayant pris part aux vastes mouvements d'exode ruralc qui se sont succédé depuis la grande sécheresse de 1968 et 1973.

Si, au début, seuls les hommes étaient candidats au départ, depuis près de deux décennies, la prépondérance des hommes sur les femmes a fortement reculé grâce notamment à une disponibilité accrue de l'emploi féminin. C'est ainsi que l'habitat urbain même pauvre, est devenu davantage un habitat familial avec toutes les répercussions que cela suppose au niveau des besoins en terrains, en matériaux de construction et en aménagements sous forme de plantations d'arbres dans les cours notamment, lorsque l'espace est disponible.

Les nouveaux arrivants ne possèdent en général que de rares biens, la plupart en étant même totalement dépourvus. Certains vivent dans la rue, tandis que la majorité s'établit de diverses manières dans les colonies de squatters à la périphérie. Ces logements dits «auto-assistés» sont construits en l'absence de toute forme d'organisation ou d'infrastructures de base. Ils se situent le plus souvent sur les terres insalubres sujettes à divers types de catastrophes (inondations, érosion, pollution, etc.).

DÉVELOPPEMENT DES FORÊTS URBAINES ET PÉRIURBAINES AU SAHEL

Il arrive fréquemment que l'information relative à la foresterie urbaine sahélienne ne concerne que les centres les plus importants, particulièrement les capitales. La foresterie des agglomérations plus modestes est le plus souvent mal connue et peu documentée.

En Afrique où l'urbanisation à grande échelle est un phénomène encore récent, les liens avec la campagne demeurent solides. Cela se reflète sur les plans culturel, religieux et social, mais aussi au plan économique. En effet, de nombreuses familles citadines font de l'autoconsommation de produits issus des exploitations de leur lieu d'origine.

Évolution des rapports traditionnels en pays sahéliens

L'arbre et la forêt par rapport à l'espace habité, jouent des rôles différents selon les conditions écologiques. Dans les zones sahélinne et soudanienne, l'arbre a joué un rôle symbolique important dans l'établissement des villages, plus tard devenus gros bourgs ou petites villes. L'arbre ou le groupe d'arbres a été interprété comme un signe propice à l'établissement d'une agglomération future souvent en raison de la proximité de l'eau, de la fertilité des terres ou de l'abondance du gibier dont ils sont des indicateurs fiables. Beaucoup de villes et de gros bourgs du Sahel ont d'ailleurs des noms dérivés de ceux d'arbres (Sène, 1993).

Une fois l'agglomération établie, la forêt avoisinante doit répondre aux besoins traditionnels de culture, de chasse, d'énergie et d'extraction de produits de base pour la pharmacopée. Les besoins spirituels de recueillement et de «secret» pour les pratiques initiatiques sont ceux qui assurent le plus longuement la permanence de la forêt à côté des établissements humains. Cela explique la permanence de bouquets forestiers à côté de nombreux bourgs et également la conservation d'arbres devenus incongrus dans un environnement complètement urbanisé (Sène, 1993).

Selon Sène (1993), l'arbre remplit également des fonctions économiques et les sujets producteurs de matériaux d'intérêt domestique ou d'aliments ne sont jamais abattus dans les villages du Sahel qui en dépendent directement. Le baobab, le karité, le palmier rônier et le palmier doum signalent de loin les villages africains.

L'arbre a également une vocation sociale, jouant un rôle essentiel dans la vie de toute communauté africaine, en tant que lieu de concertation, de délibération, d'éducation et également de repos et de loisir. L'arbre aussi bien en milieu rural qu'urbain constitue traditionnellement un espace de vie familiale où s'effectuent les tâches domestiques et où l'on reçoit.

Les besoins modernes découlant de l'accroissement urbain.

La plupart des villes du Sahel se sont développées de façon anarchique, répondant avec beaucoup d'improvisation à l'afflux des ruraux qui espéraient améliorer leurs conditions de vie dans les mirages de la ville. Les planificateurs et la population urbaine ont cependant été préoccupés de façon progressive et avec de plus en plus d'intensité par la question relative à l'arbre, la ville et l'utilisation du territoire urbain et périurbain (Sène, 1993). En effet, le développement rapide des villes a souvent lieu dans des zones où les problèmes de tenure des terres ne sont pas tous réglés. Les conflits d'utilisation des terres sont donc fréquents. Par ailleurs, les grandes villes disposent pour la plupart de schémas directeurs d'aménagement à moyen ou à long terme. Leur application demeure cependant souvent très partielle, du fait du manque de moyens humains, financiers et matériels, mais aussi du fait des processus d'extension rapide et incontrôlée de l'habitat qui est favorisé par un environnement relativement ouvert. Ces problèmes de règlement et de planification de l'espace urbain et périurbain sont particulièrement importants dans les pays du Sahel. Étant donné la dynamique qui caractérise la foresterie urbaine et vu l'existence de flux migratoires continus vers les villes sahéliennes, il est utile de se demander comment dans ces conditions d'installation en ville, les nouveaux venus conçoivent-ils l'utilisation des arbres dans leur environnement immédiat.

Il semble peu probable que des individus ou familles nouvellement arrivés puissent à ce stade s'intéresser à la plantation d'arbres, bien qu'ils tirent vraisemblablement bénéfice sous diverses formes, des arbres, des formations boisées naturelles et ce celles établies préexistantes. Cependant, plus le séjour des migrants est long et leur sécurité mieux assurée, plus ils seront à même de considérer des aménagements à base de plantation de ligneux. Ce sont en fait les citadins bien établis (même ceux de quartiers pauvres) qui possèdent leur maison et la terre qui la supporte et/ou l'entoure, qui constituent les candidats les mieux à même de s'intéresser à l'arboriculture à des fins ornementales, matérielles ou sociales. Cependant dans les quartiers pauvres, ils font face à de nombreuses contraintes qui limitent leurs efforts en ce domaine. En définitive, l'espace disponible est toujours plus élevé dans les quartiers résidentiels que dans les quartiers pauvres. Dans les zones d'habitat dit spontané, l'espace réservé à l'arbre est presque inexistant du fait de la densité de l'habitat.

L'évolution de la foresterie urbaine au Sahel

Les grandes villes sahéliennes héritées du colonialisme subirent peu de modifications au début des indépendances. Le tissu forestier urbain constitué principalement de plantations d'alignement, de parcs, de jardins botaniques et d'acclimatation, fut maintenu dans la limite des moyens disponibles aux municipalités. Cette tendance se maintient encore de nos jours. Schématiquement, la foresterie urbaine des centres administratifs, commerciaux et des quartiers résidentiels riches, met l'accent sur les arbres eux-mêmes ainsi que sur les aménagements nécessaires à leur maintien.

Les grands mouvements migratoires qui ont accompagné les périodes de sécheresse prolongée ont modifié de façon radicale le développement urbain, et avec lui, la foresterie urbaine. Si le centre ville demeure plus ou moins identique à lui-même, l'extension de la ville en zone périphérique, se fait d'abord au détriment des formations végétales et forestières naturelles.

Précaire au départ, l'habitat devient progressivement permanent et mieux structuré au niveau des zones occupées par les premiers migrants. C'est à ce stade qu'apparaît et se développe une forme populaire de foresterie urbaine, qui voit les propriétaires introduire graduellement (en fonction de leurs maigres moyens) des arbres issus d'espèces à utilisations multiples, dans leur cours et au bord de leur concession. Cette foresterie urbaine des quartiers populaires, est une foresterie qui donne la priorité à l'homme et à ses besoins sociaux, culturels et économiques, essayant de déterminer au fur et à mesure comment les arbres peuvent les favoriser. Se développant dans «l'indifférence» des services municipaux, elle ne procède pas d'une approche planifiée, intégrée et systématique de l'introduction et de l'aménagement de l'arbre en milieu urbain. Cependant, elle contribue positivement au bien-être physiologique, sociologique et économique de la société urbaine. Cette forme de plantation d'arbres en milieu urbain dispose de peu de moyens, mais elle est riche de sa spontanéité, son utilité et son indépendance vis à vis de toute forme d'assistance, autant de qualités qui militent en faveur de sa durabilité.

Plus la population augmente, plus la ville s'étend vers la périphérie et plus se développe une auréole de désertification et d'insalubrité autour des grands centres urbains. C'est dans ces sites marginaux que les quartiers d'habitat spontané s'installent. Densément peuplés, ils ne disposent pas d'espace à réserver à la plantation d'arbres. Seuls quelques sujets naturels épargnés un peu par miracle, conservent la présence de l'arbre.

RÔLE EFFECTIF ET BÉNÉFICES DE LA FORESTERIE URBAINE ET PÉRIURBAINE

La liste des biens et services que peu fournir la foresterie urbaine est impressionnante. Au-delà des avantages écologiques et esthétiques, les arbres fournissent d'appréciables moyens de subsistance et jouent un rôle socio-culturel important. Ceci est vrai pour tous les groupes sociaux, mais cela l'est davantage pour les citadins pauvres qui ont tendance à reconduire, en les adaptant au contexte, leurs traditions sociales, culturelles et religieuses ainsi que leurs habitudes alimentaires, sanitaires, etc.

Assainissement de l'environnement urbain et périurbain

L'expansion territoriale des habitations avance beaucoup plus vite que les travaux de viabilité, lorsque ceux-ci sont prévus. Le plus souvent, la ville n'a pas les moyens de développer les infrastructures de tous les quartiers, particulièrement les plus pauvres. C'est pourquoi, terrains marécageux ou temporairement inondés, pentes et corniches instables en bordure de mer ou sur berges de fleuves, voisinage d'accumulation de sables sont des problèmes communs aux villes sahéliennes.

Outre leur rôle de régulateurs thermiques et sonores, les arbres, face à l'augmentation des facteurs de pollution, contribuent à débarrasser l'air des éléments polluants aéroportés, par l'écran physique qu'ils constituent.

Selon Sène (1993), la lutte contre l'intrusion du sable et des poussières est un combat permanent. La végétation ligneuse sous forme de rideaux ou bouquets, permet de réduire l'impact des vents sur le transport et l'infiltration des sables et poussières. Les plantations en massifs ou «ceintures vertes», permettent de fixer les dunes comme c'est le cas avec la ceinture verte de Nouakchott (Mauritanie), ou les plantations de fixation de dunes dans le tiers sud de la Grande Côte du Sénégal. Au Niger, les plantations périurbaines de villes comme Niamey et Tahoua répondent également à des besoins de protection et d'assainissement de l'environnement urbain, mais aussi à des besoins de bois de feu. C'est l'ensemble que constituent les arbres plantés le long des axes et sur les places publiques, occupant les terrains vagues ou établis de façon volontariste pour améliorer et embellir l'univers urbain et périurbain qui sera compris comme foresterie urbaine. De même, l'aménagement des formations naturelles voisines des villes, de façon à répondre aux besoins de loisirs et de produits divers, relèvera de la foresterie urbaine et périurbaine.

Approvisionnement en bois de feu

Dans le Sahel, les villes ont fait progressivement reculer les forêts naturelles ou établies pour satisfaire des besoins en bois de feu et de charbon toujours plus grands, allant de pair avec une croissance démographique extrêmement rapide. La production de bois de feu est donc une fonction évidente que l'on ne peut ignorer dans la sous-région lorsqu'il s'agit de concevoir et concrétiser des systèmes forestiers urbains et périurbains.

Ces 20 dernières années, des systèmes visant soit la protection des forêts naturelles, soit la plantation d'arbres pour assurer les besoins urbains en bois de feu et charbon de bois, ont constitué les caractéristiques constantes des stratégies forestières et énergétiques. Les aspects socio-économiques des plantations périurbaines de bois de feu sont complexes car les espaces périurbains sont aussi convoités pour d'autres besoins plus rapidement générateurs de revenus que le bois de feu.

Bien que situées au-delà de la zone où l'on peut considérer les forêts comme périurbaines toutes les autres forêts aménagées récemment même de façon sommaire dans un rayon plus ou moins important des capitales sahéliennes, l'ont été pour approvisionner des villes comme Dakar, Niamey, Ouagadougou en bois de feu. Ces aménagements constituent un bel exemple de foresterie visant à satisfaire les besoins urbains en énergie. Ainsi, l'évolution vers une urbanisation croissante modifie-t-elle les rapports entre les hommes et la forêt. Selon l'expression de Godelier (1984) cité par Bergeret, (1986) «l'appropriation répétée des ressources végétales d'un même terroir se concrétise en une véritable propriété sociale de l'espace utilisé qui acquiert ainsi le caractère de “territoire” dont les droits d'usage deviennent légitimes». Ce point de vue constitue un argument solide en faveur de l'élargissement de la notion de «forêt périurbaine». Sachant que la pression urbaine sur les forêts naturelles s'exerce bien au-delà de la proximité immédiate que constitue le périurbain, la notion de forêt périurbaine ne dépendrait plus uniquement de sa position de proximité géographique, mais aussi des fonctions qu'elle rempli vis à vis des agglomérations urbaines.

Photo 2

E.H. Sène

Photo 2: Marché du bois de feu au Cap-Vert

Satisfaction des marchés urbains en produits de consommation traditionnelle

Le transfert des populations rurales vers le ville ne résulte pas en une modification rapide de leurs modèles de consommation traditionnels. En effet, l'usage que font les grandes villes de produits alimentaires populaires (tel les feuilles de baobab et le tamarin) reproduit presque à l'identique l'étalage des marchés ruraux. Plusieurs espèces locales dont l'écorce, les feuilles ou les racines ont des propriétés médicinales sont utilisées et intensivement exploitées (parfois au détriment de certains arbres urbains). Dans cet ordre d'idées, les fonctions multiples des formations naturelles ou établies aménagées en forêts périurbaines devraient influer sur les options d'aménagement. Ceci est le cas de la forêt périurbaine de Guesselbodi près de Niamey, dont l'aménagement participatif n'a négligé ni la récolte des chaumes pour le petit élevage urbain, ni la collecte de fruits sauvages pour la consommation humaine. Ces constatations renforcent la nécessité de percevoir la vocation d'usages multiples que doivent avoir les forêts périurbaines (Sène, 1993).

L'agriculture intra-urbaine et périurbaine très répandue dans les villes du Sahel est constituée de jardins maraîchers qu'accompagnent des plantations d'arbres fruitiers occupant un étage intermédiaire pour les plus petits et un étage supérieur pour les autres. Outre leur rôle écologique, ces arbres contribuent à améliorer la valeur nutritionnelle et la variété des régimes alimentaires. Il arrive que des arbres soient également plantés pour compléter l'approvisionnement en bois de feu et fourrage ainsi qu'en produits de la pharmacopée traditionnelle.

Satisfaction de besoins de confort et de loisirs

Le goût pour l'ornemental, les loisirs et la détente est une sensation récente pour nombre de nouveaux citadins sahéliens. En effet, la dimension détente, loisirs ne s'est développée que récemment dans la sous-région. L'arbre comme outil d'embellissement de l'espace habité n'a connu d'engouement qu'avec la croissance rapide des villes qui a souvent été accompagnée par des programmes de promotion de l'habitat ne faisant aucune place à l'arbre. Les habitants ont rapidement senti la nécessité de planter des arbres, mais cela s'est fait sans apport de la part des services techniques municipaux ou des services forestiers insuffisamment préparés à ce nouveau rôle. L'évolution a été très rapide, et de nombreuses nouvelles espèces (tableau 3) ont été graduellement introduites dans les plantations de l'espace habité. La liste au tableau 3, laisse apparaître cependant, la faiblesse de la place réservée aux espèces locales dans les plantations d'ornement et d'ombrage des villes sahéliennes.

Tableau 3: Espèces utilisées dans les plantations urbaines au Sahel

EspèceUtilisationStatutEspèceUtilisationStatut
Acacia holoceriseaHaies, alignementsiGmelina arboreaOrnemental, ombragei
Acacia sp.OrnementalLGrevillea robustaOrnementali
Araucaria sp.OrnementaliHura crepitansOrnemental, alignementi
Azadirachta indicaOmbrage, alignementiKhaya senegalensisOrnemental, ombr., align.L
Bauhinia thonningiiOrnementaliLeucaena sp.Ornemental, haiesi
Bauhinia sp.H. vives, ornementalLLonchocarpus sericeusOrnemental, haiesi
Bombax costatumOrnementalLMelia azedarahOrnementali
Cassia siameaOmbrage, alignementiMoringa pterigospermaOrnemental, alimentationi
Casuarina equisetifoliaOmbrage, alignementiPeltophorum sp.Ombragei
Ceiba pentandraOrnementalSPhitecellobium dulceOmbrage, haies vivesi
Cordia sp.OrnementaliProsopis chilensis/juliflorOmbrage, haies vivesi
Combretum paniculatumOrnementalLSapindus saponariaOrnemental, religieuxI
Crescentia cujeteOrnementaliSpondias purpureaOrn., ombr., fruit, haiesI
Cycas sp.OrnementaliTamarix sp.Ornemental, ombrageL+I
Dalbergia sissooOrnementaliTecoma pentaphyllaOrnemental, ombr., align.I
Delonix regiaOrnementaliTecoma stansOrnemental, jardinsI
Eucalyptus sspp.Ornemental, autresiTerminalia catappaOrnemental, ombrageI
Ficus thonningiiOrnemental, ombrageLTerminalia mantalyOrnementalI
Gaiacum officinaleOrnemental, haiesiThespesia populneaOrnementalI

Source: Sène, E.-H. 1993. Forêts urbaines et périurbaines en Afrique sub-saharienne: Le Sahel. Unasylva, 44 (173): 45–51.
I = introduite;
L = locale;
i = indigène;
s = sub-spontanée

Les fonctions récréatives des forêts urbaines et périurbaines sont encore hésitantes et cela, bien qu'il existe quelques exemples de bois comme le «Bois de Boulogne» de Ouagadougou qui ont très tôt joué un rôle récréatif affirmé. Cela est également le cas du Parc forestier de Hann à Dakar dont la beauté remarquable en fait un lieu de promenade très recherché par les populations (Sène, 1993). Cependant, même si chaque grande ville possède des espaces boisés, les pouvoirs publics, les municipalités ou les groupements de voisinage n'ont pas encore pris la dimension récréative pleinement en compte, de sorte qu'aucun aménagement approprié ne répond encore à la demande potentielle que l'on sent importante.

Le «vert» urbain et périurbain, source de revenus et d'emplois

La plantation d'arbres, l'entretien des parcs urbains, l'aménagement des forêts périurbaines et l'utilisation de leurs produits sont sources de nombreux emplois dans les villes sahéliennes. De plus en plus motivés, des groupements s'occupent de l'entretien des arbres (taille, traitement, etc.) et leur dégagement pour les recycler en bois de feu, d'artisanat, de service ou encore en fourrage. De nombreuses pépinières privées et entreprises d'espaces verts du secteur informel s'organisent de mieux en mieux, au point de devenir concurrentes dans ce qui est encore un secteur embryonnaire. Outre qu'elles remplacent avantageusement les services techniques municipaux défaillant et peu productifs, elles sont également d'un apport de plus en plus important dans la création de revenus et d'emplois. Le ramassage et transport de bois de feu, la collecte de fruits, de plantes ou parties de plantes destinées à la pharmacopée traditionnelle, ainsi que les activités de fauchage de la paille, procurent des revenus importants mais méconnus du fait de la faiblesse des statistiques les concernant.

CONTRAINTES DE MISE EN ŒUVRE DES PROGRAMMES DE FORESTERIE URBAINE ET PÉRIURBAINE AU SAHEL

Le développement de la foresterie urbaine et périurbaine au Sahel connaît jusqu'à présent des contraintes majeures, le plus souvent liées à des conjonctures politiques et sociales complexes, mais caractéristiques du sous-développement des pays concernés.

Contraintes administratives et institutionnelles

L'arbre était une composante centrale du spiritualisme des civilisations sahéliennes. Cette appartenance renaît avec la société contemporaine sous l'éthique d'une appréciation écologique. Cependant cette conscience écologique s'est portée d'avantage en milieu rural où la menace principale de désertification était la plus visible. Très peu de ressources sont consacrées à la plantation d'arbres en milieu urbain. De plus, la responsabilité de la foresterie urbaine est souvent mal définie, aussi bien verticalement qu'horizontalement: l'Etat et les Municipalités faisant chacun ce qu'il peut tandis que divers services techniques voient leurs actions mal coordonnées se neutraliser, comme ceux des services des espaces verts urbains, des services de la voirie municipale, les direction des eaux et forêts. Le rôle des intervenants privés reste à définir, comme doivent l'être leurs status.

Contraintes foncières et compétition avec l'habitat

La rapidité du développement urbain au Sahel a inévitablement entraîné une bataille intense pour l'appropriation de terrains de construction à usage d'habitation qui conserve toujours une longueur d'avance sur les schémas directeurs d'aménagement. C'est dire que les préoccupations liées à la rationalité écologique des aménagements ont pour le moment, peu de chance d'être prises en considération. La spéculation sur les terres s'est faite et continue à se faire au détriment des formations naturelles et/ou établies (ceintures vertes). La tendance est de construire partout, voire n'importe où. Même dans les lotissements des quartiers résidentiels, il est fréquent de voir le promoteur revenir quelques années plus tard pour «valoriser» les espaces verts ou autres espaces socio-éducatifs.

Il est également vrai que les populations les plus pauvres vivant en périphérie manifestent beaucoup de réticence à l'égard des divers programmes de plantation (ceintures vertes, bois de village ou autres). Ces derniers exécutés d'ordinaire hors approche participative, sur terrains de culture, sont perçus comme l'amorce d'une expropriation programmée.

Contraintes sociales et culturelles

Les origines rurales des populations urbaines sahéliennes expliquent un certain comportement vis-à-vis de l'arbre en milieu urbain. Il est saisissant en effet de constater le paradoxe entre la volonté affichée pour la plantation et la gestion de l'arbre dans les concessions et le désintérêt pour l'entretien des plantations collectives réalisées en ville (axes routiers, parcs et jardins). Ces dernières voient leur échec attribué au manque d'entretien (arrosage), à la divagation des animaux domestiques, à des actes de vandalisme, et nombreux autres facteurs. Cela n'étonne guère, si l'on considère que la plantation chez le citadin pauvre, se veut l'expression d'une forme d'appropriation (soit sous forme de tenure, ou d'usufruit) qui ne concerne pas les formations ligneuses du domaine public. Par ailleurs, la formule coopérative qui reste le socle du développement en milieu rural, n'est pas encore transposable en milieu urbain.

Comme pour la foresterie en zone rurale, on reconnaît de plus en plus que la participation active de la population locale constitue un élément essentiel au succès des efforts de foresterie urbaine. En effet, même si l'on peut compter au bénéfice de cette dernière certains résultats analogues à ceux des projets forestiers ruraux, la participation directe des populations avec les municipalités et les services forestiers demeure encore faible, ne dépassant pas le cadre restreint de l'organisation d'opérations ou plutôt de campagnes d'embellissement et de verdissement de la ville. La participation à la foresterie urbaine qui est inéluctable, ne manquera pas d'entraîner une révision fondamentale des objectifs de choix, de mise en place, de gestion et d'aménagement des arbres et formations ligneuses établis sur des terres publiques.

Contraintes techniques et environnementales

Bien que les espèces utilisées soient bien connues et qu'elles ne posent pas de problèmes majeurs pour leur culture, il reste à développer une sylviculture adaptée aux conditions particulières de vie en milieu urbain qui tienne compte des rôles multiples qui sont dévolus à l'arbre urbain et périurbain par des citadins en quête de bien-être, mais aussi de produits divers comme ceux nécessaires à l'alimentation, la santé et la vie sociale. Cette sylviculture doit être en mesure de prévenir certains effets secondaires indésirables des plantations urbaines qui constituent une gêne pour les habitants, mais aussi un frein au développement des plantations ligneuses urbaines:

Photo 3

I. Balderi/FAO/18842

Photo 3: Lutte contre la désertification, lac Le Bheyr, Mauritanie

Par ailleurs, au plan environnemental, la gestion déficiente de la salubrité en ville décourage la plantation d'arbres dans certains cas, pour ne pas accroître les nombreuses nuisances vécues. En effet, devant l'importance des dépôts d'ordures et des eaux stagnantes, les arbres ont tendance à servir d'abri idéal pour le développement des moustiques ou autres insectes nuisibles.

EXPÉRIENCES EN MATIÈRE DE FORESTERIE URBAINE DANS LA SOUS-RÉGION

Les espaces forestiers urbains et périurbains de la ville de Dakar (Sénégal)

Introduction

La population du Sénégal, s'élevant à plus de 7 millions d'habitants, s'est fortement regroupée le long de la zone côtière. Cette situation d'origine n'a pu que se renforcer à la suite de l'exode massif qui a accompagné les grandes sécheresses. La plus forte concentration humaine se trouve à Dakar, capitale du pays fondée en 1857 qui compte environ 1 million d'habitants. La métropole sénégalaise et sa région le Cap-Vert profitent d'un microclimat favorable au développement d'une végétation ligneuse luxuriante. On raconte d'ailleurs, que le village de pêcheurs d'alors doit son nom à un petit arbre bien connu au Sahel, le tamarinier (Tamarindus indica). Ce qui est certain, c'est que le pittoresque marché du cœur de la capitale, le «Sandaga» doit son nom à un autre arbre toujours vert, le «Sand» (Morus mesozigia).

Des préoccupations diverses des administrateurs successifs de l'île de Gorée, de Dakar et de sa presqu'île ont conduit à prendre très tôt des initiatives d'occupation des terres, qui ont fait qu'aujourd'hui la ville dispose d'un excellent potentiel - même si elle ne l'exploite pas encore totalement - pour développer un système enviable de parcs urbains, de coupures vertes et de forêts périurbaines.

Les massifs forestiers urbains et périurbains

Constitués dès le début du siècle, ils comprennent les six formations suivantes.

1. Le parc forestier de Hann: Au début du siècle, la zone marécageuse de Hann, située à 7 km du centre était assainie pour constituer la réserve d'eau de Dakar et Gorée. Les aménagements et les plantations d'arbres réalisés à cette occasion ont justifié le classement de la zone en 1935 et la création du parc forestier de Hann sur une superficie de 80 ha. Situé aujourd'hui en plein cœur de Dakar, ce dernier remplit des fonctions sociales et écologiques de premier ordre. Siège traditionnel de l'administration forestière, le parc est bien aménagé et dispose d'un petit jardin botanique ainsi que d'un zoo fréquenté avec assiduité par les habitants de Dakar. Des initiatives de rénovation sont plus que nécessaires pour relancer et valoriser ce capital, avant que l'urbanisation ne l'engloutisse.

2. Le périmètre des corniches de Dakar: Dès 1943, l'administrateur colonial reconnaissait la nécessité d'utiliser les broussailles et les plantations d'espèces multiples pour stabiliser et embellir les corniches maritimes qui bordent la capitale à l'est et à l'ouest. Le périmètre des corniches de Dakar a été ainsi classé en 1943 et abondamment planté, en particulier dans sa partie est. La partie ouest, faisant face au Parc National des îles Madeleine, est aujourd'hui activement aménagée pour accueillir promeneurs et sportifs occasionnels.

3. Le périmètre forestier de Mbao: Cette forêt a été classée dès 1940 sur 770 ha. Réduit à 500 ha en 1972 pour la création de la zone industrielle de Dakar, elle est actuellement menacée par les besoins aigus des populations voisines, et surtout par son manque d'aménagement. Sa sauvegarde est à la fois urgente et indispensable si elle doit remplir ses fonctions écologiques et faire bénéficier la population de son potentiel précieux en termes de biens et services.

4. Les périmètres côtiers: En 1950, la côte sableuse de la capitale a fait l'objet de reboisement pour la fixation des dunes et la protection des systèmes littoraux (cuvettes maraîchères) sur plus de 4 000 ha (Malika, Retba, Cambérène). Plus de 2 000 ha de ce périmètre de restauration classé ont été perdus à l'habitat (périmètres de Cambérène et de Yoff). Cependant, plus de 1 000 ha de belles plantations de filao (Casuarina equisetifolia) constituant des espaces forestiers périurbains de valeur, subsistent à moins de 30 km de la ville.

5. La ceinture périphérique: Faisant potentiellement partie du système de forêts périurbaines de la capitale, elle est constituée de la forêt de Deny-Youssouph (400 ha), la forêt de Sébikhotane (520 ha) et les collines du Dialao, ces dernières étant menacées par les activités extractives de matériaux de construction.

6. Le système de la «tri-urbaine» Dakar-Thiès-Mbour: Dans ce triangle de villes, distantes l'une de l'autre de moins de 80 km, qui constituera une méga-agglomération dans une cinquantaine d'années, il est important de considérer les 10 000 ha de massifs classés qui y sont inclus (Forêts de Pout, Thiès, Bandia, Nianing et Pointe Sarène). Il convient en effet de prendre dès à présent des options d'aménagement pour sauvegarder le maximum de ces formations. Dans cette optique, il faudra complanter les vides, restaurer les peuplements naturels, en particulier d'Acacia seyal et enfin équiper ces forêts. L'option touristique de la petite côte et les immenses besoins futurs requièrent des actions vigoureuses dès maintenant. Les réalisations en matière de plantations massives, d'ornement et de plantations d'axes routiers de la Société d'aménagement de la Petite Côte (SAPCO) constituent un indicateur des possibilités et capacités locales.

Plantations d'axes routiers à Dakar: Le cas du «Volet axes routiers»

L'un des objectifs du «Volet axes routiers» (VAR) du Projet de reboisement du Sénégal (Sénégal-USAID) consistait à favoriser l'émergence d'un secteur privé forestier capable d'entreprendre pour le compte des municipalités et des communautés locales en milieu rural, diverses activités de reboisement le long des axes routiers. Avant le démarrage du Projet en 1988 les budgets municipaux prévoyaient déjà un fonds spécial pour les espaces verts urbains. Ces fonds n'étaient cependant généralement pas utilisés à cette fin, les autorités municipales donnant la priorité aux activités directement rentables à court terme (routes, écoles, dispensaires, marchés, etc.). Par ailleurs, le nombre d'entreprises capables de réaliser convenablement de tels travaux était limité. Aussi, le projet comptaitil mettre en place un cadre de partenariat entre divers acteurs susceptibles d'exécuter les programmes de reverdissement des villes sénégalaises. Les partenaires ciblés (techniciens horticoles et forestiers, personnel d'entreprises de jardinage) se sont vu dispenser une formation visant à améliorer leurs compétences techniques et de gestion et remettre un guide de terrain spécifiant les normes et techniques requises.

Le programme a permis de réaliser des plantations de bonne qualité le long de 135 km d'axes routiers. Soixante cinq entreprises (dont 40 petites unités nouvellement créées dans le cadre du programme) furent engagées dans la mise en œuvre du volet. Après réception des travaux, un certain nombre d'enseignements ont pu être tirés qui illustrent les limites auxquelles peut être confronté le développement de la foresterie urbaine. Il a été en effet constaté:

Conclusion

La ville de Dakar, pionnière dans le Sahel, a bénéficié depuis le début du siècle de plans directeurs successifs qui, devant la forte pression démographique, ont tenté d'ordonner l'interface ville/espace non bâti. L'application de ces plans a été au mieux partielle en raison du développement rapide des habitations spontanées et des constructions clandestines, ainsi que de la course au fait accompli, qui laissent peu de chances aux espaces verts. Aujourd'hui, les disponibilités pour Dakar et pour la «triurbaine» sont potentiellement excellentes si des mesures sont prises rapidement. Dans 10 ans, il sera trop tard.

La ceinture verte de Niamey (Niger)

Comme dans de nombreux pays sahéliens, l'espace forestier naturel dans les zones à forte concentration de population du Niger est généralement dégradé. Cette dégradation résulte de contramtes climatiques et techniques certes, mais aussi de contraintes socio-économiques découlant d'une urbanisation incontrôlée qui entraîne l'intensification de l'exploitation des formations ligneuses pour l'approvisionnement des villes en bois combustible. Ceci est le cas notamment pour les villes de Maradi, Bouza, Tessaoua et Tahoua. Ceci est encore plus vrai pour la capitale Niamey qui dépend encore a 95 pour cent du bois pour son approvisionnement en énergie domestique. Ceci représente une consommation annuelle d'environ 150 000 tonnes dont le prélèvement correspondrait à la production moyenne annuelle de 50 000 à 80 000 ha de forêt naturelle. La fourniture de bois à la capitale exclusivement à partir de ses environs immédiats a cessé depuis longtemps. Il s'agit à présent d'approvisionnement dispersé à partir d'une vaste zone à très faible productivité forestière située dans un rayon de 150 km autour de Niamey (Peltier et al., 1994).

Par suite de la raréfaction des formations forestières autour des villes, l'on a très tôt ressenti le besoin de se protéger contre les intrusions du sable et de poussières. Au Niger, les plantations périurbaines de Niamey, mais aussi de petites villes comme Tahoua ou de gros bourgs comme Dogon doutchi répondaient au départ surtout à des besoins de protection et d'assainissement. Leurs fonctions sont aujourd'hui encore plus larges puisqu'elles englobent la fourniture de bois de feu et de service ainsi que de produits forestiers non ligneux à usages alimentaire, médical et religieux.

Lancée en 1965, l'opération «ceinture verte» consistait à entourer la zone nord de Niamey (rive gauche du fleuve Niger) d'une bande d'arbres pour protéger la capitale de l'impact du vent et lutter ainsi contre l'intrusion du sable et des poussières. La ceinture verte devait atteindre à son terme 25 km de long sur 1 km de profondeur, soit 2 500 ha de superficie.

Plusieurs tentatives ont été faites pour protéger la ceinture verte, notamment par sa valorisation agricole et forestière à travers l'implication directe de populations riveraines organisées au sein d'une coopérative gestion chargée de l'aménagement et de l'entretien de la ceinture verte. Aujourd'hui, une partie de la ceinture verte située désormais en zone urbaine contribue fortement au développement de parcs récréatifs et d'agrément dans la capitale. Cependant ce projet s'inscrit encore aujourd'hui fondamentalement dans une stratégie de lutte contre la désertification et dans une logique d'assainissement de l'environnement urbain. De nouvelles initiatives sont nécessaires ici également pour développer le potentiel de la foresterie urbaine de la capitale du Niger.

Le cas de Nouakchott (Mauritanie)

Introduction

Capitale de la Mauritanie, Nouakchott, la plus jeune ville de l'Afrique sahélienne, connaît l'un des taux de croissance les plus élevés du monde. Cette agglomération qui compte plus de 700 000 habitants (715 000 en 1995, selon Bertaud, 1995) est «coincée entre le désert qui avance inexorablement et l'océan qui menace de rompre le faible cordon dunaire et d'envahir la dépression côtière sur laquelle l'agglomération s'étend désormais» (Legrand et al., 1986). L'environnement bioclimatique de la région de Nouakchott a un caractère limitant très défavorable à la croissance des végétaux ligneux.

Photo 4

M. Malagnoux

Photo 4: Récolte matinale de gousses de Prosopis juliflora qui seront vendues au marché, Nouakchott

Le développement urbain de Nouakchott

De structure horizontale, la ville qui occupe plus de 7.900 ha s'étale sur 18 km du nord au sud et 14 km d'est en ouest. Trois types d'habitat formant des tissus urbains homogènes caractérisent la ville. Ce sont: 1) les habitats spontanés précaires, faits de planches et de tôles formant les kébbés qui se distinguent par l'absence quasi totale de végétation; 2) les habitats de bas niveau de vie, en dur qui forment les quartiers populaires et qui présentent une couverture végétale plus importante que celle des kébbés, bien que de faible densité; 3) les habitats de moyen et haut niveau de vie composés de constructions individuelles en dur formant les quartiers résidentiels qui, au centre-ville notamment, comportent une forte densité de végétation.

De 1958 à 1997, la ville a connu trois plans d'aménagement successifs ponctués d'étapes de végétalisation bien marquées: i) le plan directeur de 1958 a fait une large place aux espaces verts. Il s'est concrétisé entre 1960 et 1964 par un ensemble d'aménagements dont certains revêtaient un caractère d'urgence en matière de lutte contre l'ensablement et la protection contre les vents de sable. La période 1964–1968 a vu le développement spontané des premiers jardins maraîchers, l'installation de pépinières privées et le début d'un développement urbain anarchique. L'étape 1968–1973 coïncide avec la grande sécheresse. Elle a été marquée par de fortes dégradations de l'environnement urbain sous l'effet d'une conjonction de facteurs climatiques et humains. Le surpâturage et le défrichement pour la construction de maisons et l'érection d'enclos (donnant droit à l'occupation légale d'un terrain) ont provoqué la désertification dans le district de Nouakchott et la déstabilisation progressive des formations dunaires; ii) le plan d'urbanisme de 1970 élaboré pour l'horizon 1980 recommandait la protection des dunes vives par des plantations et la création d'une ceinture verte au nord et au sud de la ville. Cette période a coïncidé avec le développement de nouveaux jardins maraîchers (1970–1975) ainsi qu'avec le début (1975) du lancement des travaux de plantation de la Ceinture verte de Nouakchott (CVN); iii) le plan d'urbanisation de 1981 pour l'horizon 2000 s'appuie sur trois composantes principales au niveau de l'aménagement du paysage.

La première qui vise le développement de 300 ha supplémentaires de parcs et jardins n'a jamais vu le jour. La deuxième relative à la création d'une zone maraîchère de 400 ha a dû laisser la place à l'urbanisation. Seule l'extension de la CVN a été réalisée. Par ailleurs, l'obligation de planter des arbres dans les domaines privés (plan d'aménagement de la ville de Nouakchott, 1983) n'a pas été suivie. Le code forestier de 1934 a été abrogé en 1982 et remplacé par un nouveau qui ne faisait pas davantage référence à la foresterie urbaine.

Caractérisation du couvert arboré de la capitale

La densité du couvert végétal au niveau du quartier résidentiel ancien est importante sur le domaine privé et déficiente sur le domaine public, notamment au niveau des petites places. La couverture arborée bien diversifiée y joue un rôle éminemment social d'amélioration et d'embellissement du cadre de vie. Par contre, dans les quartiers populaires tel celui du Quartier 5e, le couvert arboré mis en place par les populations devant les concessions est moins dense et diversifié. Le domaine public qui y dispose de zones aménageables n'a fait l'objet d'aucune intervention. L'arbre ombrage vécu ici comme une extension de la maison, la boutique ou l'atelier constitue un moyen majeur de s'approprier un espace de vie supplémentaire ouvert, si nécessaire à ces citadins d'origine nomade. Ainsi la fonction sociale de l'arbre, ne consiste pas ici à embellir l'espace de vie, mais à le créer puis à le consolider par des entretiens qu'illustre le bon état sanitaire des plantations.

Les huit uniques parcs publics créés à Nouakchott (années 60) ont souffert de la croissance urbaine. C'est ainsi que trois ont été détruits pour servir à d'autres usages et trois sont dans un état de dégradation avancé. Seuls deux espaces verts sont encore aménagés en parcs. Les plantations d'alignement situées principalement au centre-ville sont dans un état de dégradation avancé et nécessitent de nombreux «regarnis». Les jardins maraîchers occupent plusieurs centaines d'hectares et ne cessent de progresser en termes de superficie. Trois strates de végétation les composent, dont deux sont arborées: i) la strate supérieure composée de palmiers dattiers et parfois de Prosopis juliflora, et; ii) la strate intermédiaire composée d'une grande diversité d'arbres fruitiers. La Ceinture verte de Nouakchott (voir encadré 1) représente l'ouvrage le plus important en termes de foresterie urbaine.

Il se dessine au niveau de l'agglomération de Nouakchott une dynamique progressive des jardins maraîchers (donc de l'agroforesterie urbaine) et des plantations de concessions privées et une dynamique régressive des espaces verts (parcs, plantations d'alignement, ceinture verte) gérés par les services de l'Etat. Par ailleurs, la foresterie urbaine est inexistante dans les nouveaux quartiers qui sont caractérisés par une absence totale de couvert arboré.

Encadré 1: La ceinture verte de Nouakchott
La remise en mouvement des formations dunaires autour de la ville de Nouakchott a été attribuée entre autres à la croissance rapide de la ville, suite à la concentration exceptionnelle d'hommes et de bétail d'origine nomade, qui s'est traduite par la disparition du couvert végétal. C'est en 1975 que débutait le «Projet de Ceinture verte de Nouakchott» (CVN), dont l'objectif était «d'assurer la protection de la capitale contre l'envahissement par le sable provenant des dunes déstabilisées». Ce projet a constitué l'une des toutes premières actions de lutte contre la désertification mises en œuvre dans le pays. Il fut mis en place et financé par la Fédération luthérienne mondiale. Le projet qui a été intégré au Ministère du développement rural et de l'environnement comme projet national, s'est déroulé en trois phases échelonnées entre 1975 et 1991. La monoculture du Prosopis juliflora (chambron) qui a caractérisé les deux premières phases (1975–1981 et 1982–1986) a laissé place à une gamme plus diversifiée d'espèces utilisées au cours de la troisième phase (1987–1991). La Ceinture verte de Nouakchott couvre au terme de la troisième phase du projet, plus de 1 200 ha de plantations effectuées entre 1975 et 1991. Au regard des besoins et des prévisions, ces réalisations demeurent insuffisantes. Les dégradations, le manque de suivi et d'aménagement ainsi que la pression urbaine, ont largement contribué à la détérioration de ce grand ouvrage. L'importance prouvée de la Ceinture verte de Nouakchott en termes de protection de la capitale ainsi que son rôle stratégique évident dans la fourniture de bois de feu militent très fort en faveur de son extension et aménagement participatif durable dans le futur. Ceci sera vraisemblablement possible, avec une assistance de la communauté internationale.

Les principaux acteurs du système forestier urbain de Nouakchott

Outre certaines organisations non-gouvernementales (ONG) ou des privés qui gèrent des projets de plantations et reverdissent les voies de communication, les acteurs principaux du système forestier urbain sont: i) le Service eaux et jardins de la municipalité qui a la charge de la gestion des espaces verts et des plantations urbaines du domaine public. Avec des moyens humains, matériels et financiers faibles, ce service n'est guère en mesure d'intervenir au-delà du centre-ville; ii) les forestiers du Ministère du développement rural et de l'environnement (MDRE) représentés par le Service environnement et aménagement rural sont chargés de la protection de la ville contre l'ensablement et ont la responsabilité de la gestion des boisements constituant la Ceinture verte de Nouakchott; iii) quelque 20 pépinières privées consacrent 20 pour cent de leur production aux arbres surtout fruitiers. La pépinière municipale dont la capacité de production est réduite a produit 8 800 plants en 1996. La pépinière du MDRE avec une capacité de production de 1 million de plants n'a produit que 15 000 plants en 1996, contre 60 000 l'année précédente; 4) les jardiniers privés appartiennent à un secteur informel en pleine expansion qui s'occupe d'aménagement et d'entretien des jardins, essentiellement chez les particuliers, mais également pour le secteur public. Cette activité leur permet d'améliorer leurs revenus en approvisionnant le marché en bois de feu issu de la coupe et de la taille des arbres.

Artisanat, bois de feu et foresterie urbaine et périurbaine

La ville de Nouakchott fait appel à trois sources principales d'énergie domestique qui sont par ordre d'importance décroissant, le charbon, le gaz et le bois de feu. Le charbon représente selon l'Office national des statistiques (ONS, 1997, cité par Dutrève, 1997), la source principale d'énergie domestique pour 55,6 pour cent des ménages de la ville de Nouakchott. Il provient exclusivement des forêts denses inondables d'Acacia nilotica qui peuplent les berges du fleuve Sénégal (FAO, 1991). L'utilisation du gaz qui représente la principale source d'énergie pour 36,1 pour cent des ménages (ONS, 1997) a des difficultés à progresser du fait des investissements requis (bouteille vide, brûleur). Selon des estimations de la FAO, la consommation annuelle de bois de feu atteignait 5 850 tonnes en 1988. Elle est vraisemblablement supérieure car les statistiques officielles proviennent essentiellement des études des marchés locaux qui ne tiennent compte ni de quantités commercialisées en dehors des circuits formels, ni de celles auto-consommées provenant de prélèvements directs dans les jardins privés.

Bien que modeste en valeur absolue, le bois de feu d'origine urbaine a cependant un rôle stratégique indéniable. En effet, les difficultés liées à une utilisation plus généralisée du gaz combinée à l'impossibilité de prélever davantage de bois sur les peuplements naturels d'Acacia nilotica (gommier rouge) font que le bois de feu et notamment le bois d'origine urbaine et périurbaine représentera à l'avenir la source la plus indiquée pour faire face aux accroissements des besoins futurs en énergie domestique.

Le bois commercialisé à Nouakchott est la source principale d'énergie domestique pour 4,5 pour cent des ménages de la capitale (ONS, 1997). Il constitue également une source d'énergie utilisée par tous, lors d'événements particuliers (mariages, fêtes familiales et religieuses). Le bois de feu provient de trois sources: i) le bois de feu importé des régions environnantes (quantité négligeables); ii) le bois non carbonisé extrait des sacs de charbon de bois; iii) le bois prélevé dans l'agglomération (jardins, parcs, ceinture verte et autres) qui représente 70 pour cent de la consommation totale (Ould Salek, cité par Dutrève, 1997).

Deux groupes d'acteurs sont identifiés au niveau de la filière bois de la capitale. Les coupeurs et vendeurs de bois sont de petits entrepreneurs proposant leurs services à titre gracieux à des particuliers pour l'entretien de leurs plantations. Ils récupèrent le bois issu des coupes, tailles et élagages en vue de sa commercialisation. Les vendeurs s'approvisionnent aussi auprès de coupeurs de bois occasionnels ainsi qu'auprès des jardiniers du Service eaux et jardins. Le bois ainsi récupéré est revendu soit sous forme de bois de feu, soit en perches servant à la construction d'abris, la confection de clôtures, etc. Une partie est revendue aux artisans dont l'activité principale réside dans la confection d'objets de la vie quotidienne (tels les mortiers, pilons, tabourets, gourdins et tablettes coraniques).

Forces et faiblesses du système forestier urbain de Nouakchott

Les faiblesses du système forestier urbain se situent au niveau de ses caractéristiques même avec, d'abord les facteurs limitants du système que sont les contraintes pédoclimatiques, le déficit en eau ainsi que son prix élevé. Il y a également la faible biodiversité végétale qui découle en partie des facteurs limitants sus-cités, la divagation des animaux, l'absence de réglementation et de législation adaptée à la foresterie urbaine ainsi que la relation entre l'arbre et la propriété de l'arbre qui réduit le cadre d'intervention spontanée ou volontaire des populations. Finalement, il s'agit d'un système à deux vitesses favorable aux quartiers riches et indifférent aux plus démunis. C'est aussi un système qui n'a aucune perspective d'extension et de gestion adéquate et durable des formations boisées, plus particulièrement de la Ceinture verte de Nouakchott.

Les forces du système forestier urbain de Nouakchott résident dans la prise de conscience précoce par les populations de l'utilité et de la place de l'arbre dans le tissu urbain. Elles émanent de leur auto-implication dans la plantation de la majorité des arbres de l'agglomération. Elles découlent des utilisations multiples qui sont faites des produits prélevés sur ces arbres et qui participent grandement à l'amélioration du niveau et des conditions de vie et de bien-être des populations. Par ailleurs, le système génère de nombreux emplois dans le secteur informel (production de plants, prélèvement et commercialisation de bois et produits non ligneux, entretien des jardins). Une autre force consiste dans la nature précoce de l'intérêt public vis-à-vis de la place de l'arbre dans la ville.

Quelques recommandations

Le cas de Ouagadougou (Burkina Faso)

Introduction

Le Burkina Faso est un pays continental, situé au centre de l'Afrique occidentale. Ouagadougou, sa capitale compte environ 950 000 habitants. Elle se compose essentiellement d'habitat traditionnel dispersé réparti sur près de 20 000 ha. Elle appartient à la région climatique nord-soudanienne (pluviométrie moyenne annuelle de 723 mm). Elle se situe dans la zone de transition entre les savanes arborée et arbustive. La végétation naturelle est en voie de disparition progressive en zone périphérique. En milieu urbain, l'essentiel de la végétation est d'origine anthropique.

Le développement urbain de Ouagadougou

La ville dispose au centre d'un habitat riche, moderne et espacé, tandis qu'en périphérie, l'habitat traditionnel pauvre, constitué de cases en banco, progresse rapidement, engloutissant nombre de villages ruraux. A l'inverse du centre que caractérisent l'arbre et l'espace, la périphérie se distingue par un habitat dense où l'arbre n'a souvent plus sa place. De surcroît, la végétation forestière en zone périurbaine a été exploitée pour la production de bois de feu, entraînant un large périmètre de désertification autour de Ouagadougou.

Le Deuxième projet urbain qui s'est achevé en 1996 a consacré la détermination de la mairie d'associer à chaque nouveau projet de développement, la prise en compte du paysage et de la végétation en ville. Le Troisième projet urbain «d'amélioration des conditions de vie urbaine» dont l'objectif est de lutter contre la dégradation de l'environnement et des conditions de vie en milieu urbain, comporte une composante «participation communautaire» qui vise à impliquer les populations urbaines à l'amélioration et l'entretien de leur environnement. Finalement, le projet «Ouaga 2000» consiste à créer un complexe résidentiel autonome (non encore habité) au sud de la capitale. Il a fait l'objet d'aménagements paysagés qui ont été détruits faute d'entretien et d'arrosage.

Caractérisation du couvert arboré de Ouagadougou

Deux zones principales de couvert végétal caractérisent la ville de Ouagadougou: couvert arboré des zones bâties et formations végétales en zones non bâties. Ces dernières sont constituées de zones d'agriculture urbaine (800 ha) où se pratique l'agroforesterie autour du barrage et le long des canaux qui traversent la ville. Elles comportent d'importants vergers de manguiers soumis à une forte pression foncière. Ces plantations d'intérêt environnemental autant qu'économique et social sont cependant menacées par les objectifs d'assainissement de la ville qui préconisent d'éliminer à terme toute forme d'agriculture urbaine. La forêt classée (263 ha) en aval du barrage constitue un maillon important dans le système d'assainissement des eaux usées et pluviales de la capitale Burkinabé. Insuffisamment protégée, elle subit de multiples agressions dont: i) destruction du couvert végétal (coupes illicites de bois de service et de feu, récolte de produits pharmaceutiques notamment par écorçage et extraction de racines); ii) braconnage; iii) passage annuel de feux incontrôlés; iv) dépôt d'ordures ménagères et de divers déchets. La forêt classée est devenue un repère de brigands. Au nord, la ceinture verte s'étend sur 21 km et couvre une superficie d'environ 1 000 ha. Elle est le siège d'importantes dégradations dues notamment à l'empiétement progressif des zones d'habitation et l'occupation de 60 pour cent de sa superficie par des champs agricoles. La ceinture verte est soumise à des coupes frauduleuses et de surpâturage, tandis qu'en certains endroits, elle sert de décharge pour déchets domestiques et industriels. Cette situation est imputable au manque de concertation entre parties concernées et notamment, à la non implication des services forestiers. La réhabilitation de la ceinture verte ne fait pas partie des projets immédiats du Ministère de l'environnement et des eaux (MEE) ni de la Direction provinciale de l'environnement, des eaux et des forêts (DPEEF).

Pour ce qui est du couvert arboré accompagnant le bâti, la densité des arbres est moyenne à forte sur environ 2 300 ha, tandis qu'elle est faible à nulle sur quelque 7 400 ha. Le centre administratif et les zones d'habitat moderne se caractérisent par une couverture arborée généralement dense, tandis qu'en zones d'habitat traditionnel les densités de couvert sont plus faibles et plus variables. Dans les zones d'habitat spontané par contre, il n'y a plus de place disponible aux plantations et les rares arbres isolés rencontrés sont antérieurs à l'installation des habitations.

L'intérêt actuel pour la végétation urbaine a favorisé la mise en place de nouveaux projets et l'augmentation des surfaces aménagées. Cependant de nombreuses plantations anciennes et nouvelles ont abouti à un échec, dû au manque de planification, d'entretien et d'aménagement. Alors qu'un effort important est fourni pour l'embellissement du centre-ville (nouvelles plantations d'alignement, aménagements de jardins, squares et autres), l'aménagement des quartiers périphériques est délaissé.

Les principaux acteurs du système forestier urbain

Les partenaires de la foresterie urbaine de Ouagadougou sont nombreux. De création récente au sein du MEE, la Direction régionale de la préservation de l'environnement est chargée de la conception dans les domaines de la foresterie urbaine, de l'horticulture et du paysagisme. La gestion et l'entretien des espaces verts sont du ressort de la Direction des affaires économiques et de l'aménagement urbain (DAEAU) de la mairie centrale. La DPEEF du Kédiogo s'est vue définir des rôles de réglementation, de production et de service. Sa contribution se concrétise à travers la production de plants forestiers destinés aux reboisements (production 1996 de 72 000 plants). La DPEEF participe également à des actions de plantation et d'entretien d'arbres d'alignement ainsi qu'à la sensibilisation et la formation. Le secteur privé est constitué de quelques entreprises paysagistes ainsi que par de nombreuses pépinières du secteur informel dont la production de plants est plus élevée et diversifiée que celle de la pépinière de la DPEEF. Quelques ONG écologistes jouent un rôle de sensibilisation important et initient de nombreuses petites opérations de reboisements au niveau d'infrastructures publiques. Les populations contribuent aux efforts de plantation lors de campagnes organisées, mais surtout au niveau de leurs habitats individuels. La pratique très répandue de planter des arbres dans la cour de la concession (cinq à neuf arbres par concession) est à la fois symbole de propriété et signe de la volonté d'améliorer le cadre de vie. En effet, l'ombrage et la fraîcheur procurés sont hautement appréciés des citadins dont le lieu de vie principal est la cour. Planter, est également la traduction de la nécessité d'améliorer les conditions de vie puisque l'on porte un grand intérêt aux fruits et aux produits pharmaceutiques. L'utilisation de l'arbre urbain comme source de bois de feu est d'un usage courant. Les grands arbres sont taillés régulièrement pour prélever le bois de feu. Les utilisations diverses faites des différentes parties de l'arbre sont les témoins de comportements ruraux vivaces.

Faiblesses du système forestier urbain de Ouagadougou

La foresterie urbaine se doit de prendre en charge l'aménagement du patrimoine arboré local, dans un objectif d'utilisation multiple et durable. Si les Ouagalais s'efforcent avec quelque bonheur de mettre en pratique ce principe au niveau de leurs plantations privées, il n'en est guère de même des services techniques et administratifs qui ne disposent ni de moyens ni de perspectives claires de gestion des formations arborées du secteur public. En effet, les arbres et groupes d'arbres ne font l'objet ni de recensements ni de planification pour leur entretien et leur utilisation éventuelle. Aucun organisme n'est clairement identifié pour assurer la gestion. Les moyens humains, matériels et financiers demeurent insuffisants au regard des besoins.

Il existe un déséquilibre flagrant tant en terme de verdissement que de gestion et d'entretien des plantations entre le centre ville, les quartiers résidentiels modernes et les quartiers périphériques de la capitale. Dans ces derniers, les citadins ont des difficultés à entretenir et multiplier les plantations du fait de la rareté de l'eau, des dégâts causés par le bétail et de l'absence de moyens pour amender les sols.

Dans l'état actuel de planification, conception et entretien des plantations, il subsiste de nombreux inconvénients dont notamment le risque de chute d'arbres et de branches ainsi que les dégâts aux infrastructures et constructions dus à la croissance des racines.

Perspectives

La foresterie urbaine naissante nécessite d'être mieux définie pour permettre la mise en œuvre d'une politique nationale ainsi que d'un programme participatif de développement et de gestion durables du patrimoine arboricole des centres urbains. Dans cette optique, il sera indispensable de redéfinir les rôles des principaux acteurs du système forestier urbain. Il sera aussi nécessaire de préciser les modalités et la cadre organisationnel de la mise en œuvre de l'approche participative qui s'avère indispensable à la concrétisation des programmes de foresterie urbaine, compte tenu du manque chronique de moyens au niveau des services techniques et des administrations concernés.

La rétrocession de la gestion de certains espaces verts à des entrepreneurs privés serait une approche prometteuse qui mériterait d'être testée plus longuement pour une meilleure mise au point. Les pépiniéristes qui sont les référents majeurs pour les populations en matière de conseils et de réalisations techniques, devraient bénéficier d'une meilleure formation ainsi que du renforcement de leur statut.

Au vu de l'utilisation courante qui est faite des diverses parties des produits ligneux, il s'avère nécessaire de sensibiliser les populations en vue de mieux gérer les prélèvements multiples faits au niveau des formations boisées.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS POUR UNE DÉMARCHE FUTURE

La plantation d'arbres et l'aménagement des réserves en eau pour améliorer le cadre de vie sont une constance des pays des régions sèches. L'Éden est un jardin magnifique sous lequel coulent des ruisseaux d'eau pure. Au moins, le désir d'avoir le voisinage de l'arbre et de massifs boisés reste-t-il une constance dans les pays du Sahel. L'ombre en ville et la foresterie périurbaine (la création et l'aménagement des formations arborées et boisées dans et autour de la cité) y ont un potentiel de développement important.

Il est certain que chacune des grandes villes sahéliennes (y compris celles qui ne sont pas citées et qui ne sont pas non plus des capitales nationales) dispose d'un capital initial de pratiques déjà courantes, de plantations d'arbres et de présence de massifs dans leur sein ou leur périphérie. Il convient de développer ce potentiel.

Les comportements individuels des citadins ne sont pas encore totalement porteurs d'une bonne pratique d'espaces verts et de forêts urbaines et périurbaines. Le traitement des plantes en ville, le vandalisme sur les plantations urbaines, découragent nombre d'initiatives de plantations. De même, le manque d'équipements d'édilité aura des conséquences décisives sur la salubrité des bosquets et boisements urbains et périurbains. Le développement des plantations urbaines et périurbaines est donc largement lié avec le développement général de l'édilité.

Il y a un dynamisme étonnant du secteur informel constitué de jardiniers installés spontanément en ville. Alors que certains produisent des plants d'excellente qualité, d'autres, contribuent en tant que prestataires de services, à l'entretien des arbres en ville. Ce secteur professionnel et social doit être reconnu et appuyé.

La forêt urbaine et périurbaine au Sahel, doit garder des fonctions nombreuses et variées, pour satisfaire les populations citadines dont les besoins vont de ceux des néo-urbains encore fortement d'inspiration rurale (comme l'énergie, la pharmacopée, l'alimentation et l'artisanat) à ceux de véritables quartiers urbains (tels l'embellissement, les loisirs et la détente).

La planification urbaine tiendra de plus en plus compte des besoins d'espaces verts urbains et de forêts de proximité. Il y faudra encore beaucoup de volonté, voire une approche volontariste pour imposer la part de l'espace vert dans les tissus urbain et périurbain. Sa programmation pour la promotion de la foresterie urbaine et périurbaine devra comprendre des éléments se rapportant à la planification de l'espace en question, des éléments de sensibilisation pour les édiles, de formation, d'organisation et de sensibilisation pour les citoyens et de promotion des métiers autour des espaces verts.

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REMERCIEMENTS

L'auteur remercie Marion Pinatel, Bruno Dutrève, François Besse et El-Hadji Sène, qui ont fournit les références bibliographique de base à la rédaction de ce document.


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