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6- Les obstacles majeurs et les attentes des importateurs

6.1 Les obstacles

Le commerce des PFNL subsahariens en Europe se heurte à deux types d'obstacles. Les obstacles liés au maintien du marché actuel et les obstacles liés à l'extension du marché vers les consommateurs européens.

6.1.1 Les obstacles liés au maintien du commerce actuel

Selon tous les importateurs et les détaillants interviewés, la réglementation est l'un des obstacles auquel se heurte leur activité. Partout les contrôles dans les aéroports se sont renforcés. Selon les importateurs installés à Paris, la France et l'Espagne sont les pays où la réglementation est devenu la plus sévère. Le fait que ce pays se distingue des autres prouve l'absence d'une réglementation communautaire sur les échanges des PFNL subsahariens. Ce manque d'harmonie est illustré par l'interdiction d'importation du saka saka en feuille ou cassava leaves en France alors qu'elle est autorisée en Angleterre et en Belgique. En France par exemple, des exigences de traçabilité sont maintenant imposées aux importateurs. Les services concernés sont devnus très rigoureux sur l'identification aussi complète des produits entrant dans le sol français : quel est son nom (scientifique et commercial)? d'où vient-il? quelle est sa date de fabrication? Quelle est sa date de péremption? Pourquoi les produits ne sont pas étiquetés? Pour les services de contrôle, l'absence de ces informations conduits à une interdiction d'accès du produit au marché français. A ces contrôles dans les aéroports, il faut ajouter également les contrôles de plus en plus réguliers des services de répression de fraudes et des vétérinaires dans les épiceries. Or la majorité des PFNL de l'Afrique subsaharienne sont déficitaires des informations exigées par la réglementation européenne. Il y a donc urgence à résoudre le problème de l'étiquetage si les exportateurs veulent continuer leur activité et se conformer à la réglementation française.

A l'image de tous les produits agro-alimentaires, les PFNL sont soumis à la législation européenne régie par le texte de la commission européenne n° 77/93/CEE du 21/12/76 transcrit en droit de chaque pays (ex : en France, il s'agit de l'arrêté du 2 septembre 1993). Dans le cadre des contrôles phytosanitaires, les mesures de protection plantes ont pour effet de prévenir l'introduction d'organismes nuisibles aux végétaux (maladies, insectes, virus, bactéries) sur le territoire du pays qui les adopte. On appelle souvent ces organismes nuisibles " organismes de quarantaine ". Le contrôle du respect de cette législation est fait généralement lors du débarquement des produits à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle de Paris et à Zavantem à Bruxelles, par exemple. Les produits importés subissent des contrôles des services phytosanitaires et des services vétérinaires qui procèdent au prélèvement des échantillons et à des contrôles visuels. C'est ainsi que les services phytosanitaires de Roissy ont observé des aleurotes de cotonnier (Bemisia tabaci), considéré comme un " organisme de quarantaine " selon la réglementation européenne, sur les feuilles de saka saka à Roissy. L'absence de formation des douaniers et des agents phytosanitaires aux PFNL en provenance du Cameroun et du Congo-Kinshasa fait que des produits sont confondus aux produits interdits et par conséquent détruits ou confisqués. C'est le cas du fumbua qui est quelquefois a été pris pour du cannabis. De même, le manque de réglementation européenne fait que l'importation de certains produits est autorisée en Belgique alors qu'elle ne l'est pas en France. Face à ces désagréments rencontrés par les acteurs installés en France, il serait intéressant d'analyser ce problème et de mettre en place un cadre juridique à l'exportation des PFNL en provenance de l'Afrique subsaharienne et d'autres pays. Tout ceci n'est possible que si ce commerce peut sortir de son isolement.

Outre le problème de la réglementation, certains acteurs nous ont signalé les difficultés rencontrées avec les administrations européennes. A Paris par exemple, une présence policière constante à Château Rouge, utile peut être pour la sécurité des personnes, dissuade souvent les clients évitant des contrôles inopinées. Ce qui constitue pour les détaillants, une perte de la clientèle et donc une baisse du chiffre d'affaires. Par ailleurs, il arrive également que les importateurs aient des difficultés pour le stationnement pendant les livraisons. Des interpellations à cause d'un stationnement pendant la livraison sont fréquentes, ce qui gêne considérablement le travail des importateurs. La solution serait que chaque importateur livrant régulièrement de la marchandise à Château Rouge bénéficie d'une carte ou d'une autorisation lui permettant de travailler sans aucun souci. Cela éviterait des interpellations sans intérêt, comme par le passé. Aussi, une reconnaissance de l'intérêt socio-économique et culturel du marché de Château Rouge par la Mairie du 18ème arrondissement et du commissariat de police pourrait améliorer les relations entre les deux parties.

Selon la majorité des importateurs, les obstacles les plus importants au fonctionnement du commerce des PFNL se trouvent en Afrique. Nombreux, ils se résument en un point essentiel : l'inadéquation entre la demande européenne et l'offre africaine.

L'inadéquation entre l'offre et la demande européenne est illustrée par plusieurs indicateurs. Citons entre autres : l'exportation des PFNL non conformes aux commandes passées et l'irrégularité constante de la qualité et l'exportation des PFNL non conformes à la législation européenne. Pour les importateurs rencontrés, cette inadéquation est due à l'absence des entreprises spécialisées dans l'exportation des PFNL vers l'Europe. Pour étayer leur argument, les importateurs comparent les produits africains aux produits importés des pays Latino-américains. Le cas le plus cité est celui du gombo ou okra (Abelmoschus esculentus) exporté par le Mexique et certains pays de l'Afrique subsaharienne. Les produits mexicains par exemple sont calibrés, étiquetés et bien emballés, en revanche les produits importés du Congo-kinshasa ne le sont pas. Ils sont achetés sur les marchés des grandes villes africaines, ce qui expose les acheteurs à l'irrégularité de la qualité. C'est pourquoi, la majorité des détaillants préfèrent vendre les produits importés du Mexique.

L'autre obstacle qui gêne la majorité des acteurs rencontrés, notamment en France et en Belgique, est l'absence d'un organisme de gestion et de promotion des PFNL en Europe, comme l'est le Coleacp (Comité de Liaison Europe Afrique Caraïbe Pacifique) pour les fruits et légumes tropicaux connus. Celui-ci les représenterait auprès des représentants des accords ACP-CEE, ce qui les permettrait de présenter leurs revendications : la réglementation, la sensibilisation des douaniers et d'autres administrations européennes sur le commerce des PFNL en Europe.

A cet obstacle, il faut ajouter les difficultés d'approvisionnements des importateurs. Selon les importateurs rencontrés, le problème d'approvisionnement explique la fermeture de plusieurs épiceries. Ainsi pour pallier ce problème, certains PFNL commencent à être cultivés en France et en Belgique. C'est le cas des bitéku téku cultivés dans des serres en Belgique et du ngai ngai cultivé dans la région lyonnaise. Des essais de culture de feuilles sont en cours dans les environs de Béziers dans le Sud de la France par des Asiatiques. D'autres PFNL, comme le kwanga, sont actuellement fabriqués en France à partir des racines de manioc importées de Thaïlande ou de Malaisie et vendues abondamment sur le marché européen.

Outre le problème de l'inadéquation des PFNL et de l'inorganisation de la filière, les importateurs se heurtent à l'irrégularité des vols et les coûts élevés du fret aérien. Mais, c'est le problème de l'irrégularité voire des insuffisances des vols cargos vers l'Europe qui les gêne plus. Citons par exemple le cas de la ville de Lisbonne qui n'est plus desservie par des vols directs en provenance de Kinshasa, ce qui oblige les importateurs des PFNL du Congo-Kinshasa soit à s'approvisionner en France, soit à renoncer à leur activité. C'est le cas d'un détaillant qui a cesser d'importer et s'est reconverti dans la restauration des aliments de l'Afrique Centrale au Nord de Lisbonne.

6.1.2 Les obstacles liés à l'extension du marché aux Européens

L'accès des importateurs vers la Grande Distribution se heurte principalement à l'absence de moyens financiers, car ils sont conscients des investissements qu'exigent un tel projet commercial. Pour atteindre un tel objectif, toute entreprise est obligée de financer les étapes préalables à la mise en marché aussi bien des PFNL alimentaires exotiques que des PFNL alimentaires ethniques standards. Ces investissements concernent :

Or, tous les importateurs et les détaillants rencontrés disposent des petites entreprises avec un statut de société anonyme à responsabilité limitée, ce qui les rend incapable d'être à la hauteur des exigences financières associés à l'accès dans la Grande Distribution. Cette incapacité explique le manque de budget de communication dans leur fonctionnement actuel (Tabuna, 1999).

6. 2 Les attentes des importateurs

6.2.1 Les importateurs actuels

Les importateurs ou les grossistes actuels rencontrés expriment principalement des attentes vis à vis de l'Union Européenne et des fournisseurs. Dans le premier cas, ils veulent une réglementation claire pour les PFNL et applicable aussi bien en Europe que dans les pays exportateurs.

De la part des fournisseurs, ils sont à la recherche des professionnels c'est-à-dire des personnes connaissant bien le marché européen et capables d'exporter régulièrement des produits conformes à la réglementation en vigeur. De ce type de partenaires, ils veulent recevoir :

- plus d'information sur la traçabilité des produits livrés,

En rencontrant ce type de partenaires, la majorité des importateurs pensent résoudre le problème des livraisons irrégulières, principale cause de changement constant de fournisseurs par plusieurs importateurs. Pour le Directeur commercial d'Anarex, le manque de compétitivité des exportateurs africains a permis l'émergence des exportateurs latino-américains. Au début de ces activités, Anarex s'approvisionnait en Afrique subsaharienne pour des produits tropicaux connus (igname, gombo, patate douce) et inconnus (safou, fumbua ou okasi, attiéké, etc.). Actuellement, Anarex préfère s'approvisionner en Amérique Latine qu'en Afrique.

De même en exigeant les produits à longue conservation, ils pensent résoudre le problème de la conservation des légumes-feuilles et des légume-fruit. Le cas le plus cité est celui de l'importation du safou, fruit très prisé. Vendu jusqu'à 70 FF le kilogramme à Paris, cependant la dynamique des ventes se heurte à la fragilité et l'absence de produits à longue conservation. Les travaux menés par les chercheurs du réseau africain du safou pourraient y remédier.

6.2.2 Les attentes des autres acteurs : Cas de la Grande Distribution

Les chargés d'achat d'aliments ethniques rencontrés expriment le besoin de développer une gamme de produits africains. Dans le contexte de la mondialisation et de l'internationalisation des échanges, ils pensent que les aliments ethniques sont un élément de compétitivité pour les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine dans le cadre de la mondialisation.

Distribuant les aliments ethniques, les directeurs d'achats interrogés perçoivent tous les aliments ethniques comme des aliments qui dépendent de la " mode ". Ces aliments ne concernent encore qu'une niche du marché des produits agro-alimentaires. Cependant, ils correspondent à la diversification des saveurs recherchées par les consommateurs. C'est ce qui explique que leur demande soit en pleine croissance et leur marché en pleine effervescence et expansion. De ce fait, les personnes interrogées pensent tous que ce marché présente des perspectives de développement très importantes. Ces perspectives sont liées aux intervenants eux-mêmes et aux leviers qu'ils peuvent actionner : innovation, lancement d'une offre plus importante et diversifiée fédérant plusieurs origines (Afrique, Asie, Amérique Latine, Cuba, etc.), baisse des prix et politique de communication efficace.

En ce qui concerne les aliments africains, les personnes interrogées affirment tous ne pas les connaître et ne jamais avoir reçu de proposition. Ils pensent que les aliments africains ont bien leur place sur ce marché en construction. Seulement, ils doivent être innovants et respectueux de la réglementation européenne, notamment en matière sanitaire. Tous les chargés d'achats sont exigeants sur la traçabilité des produits, seul gage pour rassurer les consommateurs. Selon eux cette exigence est telle que seuls les produits marquetés pénètrent le mieux le marché. Ils recherchent :

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