Previous PageTable Of ContentsNext Page

2- Les moteurs du changement

L'état actuel du secteur forestier précédemment décrit, résulte de l'action conjuguée des différents facteurs tant naturels qu'anthropiques qui seront indéniablement moteurs d'un grand changement dans les deux décennies à venir. L'étude nationale sur la perspective du secteur forestier a permis d'identifier ces principaux moteurs du changement(négatif et positif) du secteur forestier en RDD.

2.1 Facteurs du changement négatif

2.1.1 Le Changement climatique

Ce changement climatique global observé au niveau planétaire se traduit par l'irrégularité des pluies et l'augmentation de température responsable de l'évapotranspiration intense. Cela ne fait qu'aggraver le processus de la désertification qui se trouve déjà au stade avancé dans le pays.

2.1.2 Croissance démographique, Sédentarisation et paupérisation de la population rurale.

Les statistiques(DINAS) ont montré que depuis 1983 la population de Djibouti a presque doublé passant de 330 à 600 personnes dont le 3/4 vivent dans les villes. Le taux de croissance naturel est de 3% et le taux d'immigration annuel est estimé à 3.1 %, soit un taux annuel de croissance de la population de 6.1%. La population de Djibouti se caractérise par sa répartition très inégale: ainsi, de façon globale, la densité de la population est très faible (26 habitants par km2). Cependant, seulement 24% de la population vit dans les zones rurales et 76% dans les zones urbaines dont 65,5 % à Djibouti-ville, où la densité humaine peut atteindre jusqu’à 600 habitants/ha dans les anciens quartiers. L’accroissement annuel de Djibouti-ville est estimé à 5 et 6%, cela signifie qu’il y a environ entre 15,000 et 20,000 nouveaux habitants dans cette ville chaque année. La population rurale est alors estimée à 150 000 personnes et a nettement augmenté malgré l'exode rural provoqué par la concentration des emplois dans les zones urbaines. En effet, depuis les dernières décennies, attirés par les bienfaits du développement, les nomades se sont sédentarisés le long des parcours de pâturage, des routes et au voisinage des points d'eaux. Ce regroupement artificiel d'une population traditionnellement nomade et de leurs cheptels entraîne à l'évidence une pression humaine et animale extrêmement forte sur les milieux naturels conduisant à des problèmes de pollution des eaux et de dégradation de l'environnement rural à savoir le déboisement, le surpâturage et l'extension des mauvaises pratiques agricoles qui ont pour résultat la désertification plus ou moins avancée.

2.1.3 Surexploitation des forêts par les populations environnantes

Les forêts et zones boisées n’abritent pratiquement aucune exploitation commerciale. Elles sont cependant intensément utilisées par les populations environnantes pour leurs besoins en bois de chauffage et en charbon, en fibres et matériaux ligneux pour l’habitat, la construction des haies et la production des cordes et des nattes. Elles en tirent également de la gomme, de la résine et des médicaments et en utilisent le fourrage et les pâturages pendant la saison sèche (CNE 1991, Guedda 1998). Pour la majorité de la population djiboutienne, les sources alternatives de ces articles de base dans la subsistance des ménages sont inexistantes ou hors de prix. Les gens dépendent presque entièrement des espèces d’arbres et de plantes locales pour les obtenir.

2.1.4 Le surpâturage

Parmi le 1/4 de la population de Djibouti qui vit dans des zones rurales, en dehors d’une petite minorité de cultivateurs, la grande majorité de cette population - environ 24 000 ménages ou 135 000 personnes - dépend pour survivre des produits de l’élevage. La diversité biologique des prairies constitue une part extrêmement importante dans la survie des uns et des autres, car elle procure du pâturage et du fourrage aux animaux tout en permettant la production par les hommes de nombreux articles de subsistance à base de plantes. Il ne fait aucun doute que le cheptel a augmenté considérablement au fil du temps, passant de 155 000 en 1947 à 1 017 000 têtes en 1987 comme le montre le Tableau 9.2 . Cependant, il est extrêmement difficile de faire une estimation de son nombre actuel, étant donné qu’aucun décompte n’a été organisé depuis 1978, ni même une enquête précise depuis 1987. Il a été clairement prouvé(Bérubé J. 2000. Etude sur la santé de la forêt du Day) que le surpâturage est le principal facteur de la dégradation du couvert végétal qui contribue en grande partie au processus de désertification. Ce phénomène n’est pas dû uniquement à la fréquentation des mêmes pâturages tout au long de l’année. Il est dû à la trop grande densité des troupeaux mais surtout à la rupture des systèmes traditionnels de pâturage. Dans certaines régions, les bois et forêts sont tellement surpâturés qu’il n’y a presque plus de sous-bois dans ces habitats naturels. Par exemple, dans la forêt du Day et les plateaux avoisinants, il y a eu une rupture quasi générale des systèmes traditionnels de contrôle des pâturages qui divisaient certaines zones pour l'utilisation par un type donné de bétail. Par exemple, les chameaux et les chèvres ont été dans le passé interdits de pâturer dans la forêt du Day en raison de la destruction qu’ils causaient respectivement de la couronne des arbres et de l’herbe. Cette interdiction n’étant pas respectée à l’heure actuelle le surpâturage est devenu un problème grave causant l'absence de la strate herbacée par la surexploitation du sol qui devient par voie des conséquences, moins productif.

Tableau 2: Nombre de cheptel 1947-87

(tiré de CNE 1991)

Cheptel

1947

1964

1978

1987

Bovins

3 000

14 000

40 000

51 000

Chameaux

2 000

19 000

50 000

56 000

Ovins

50 000

85 000

350 000

410 000

Caprins

100 000

500 000

500 000

500 000

Total

155 000

618 000

940 000

1 017 000

 

2.1.5 Alimentation fourragère des bétails

Il s’agit de l’utilisation la plus importante des plantes se trouvant sur les terres de pâturages à Djibouti. Les plantes fourragères comprennent des arbres, des arbustes et des herbes qui représentent une source de fourrage pour les animaux domestiques et les animaux sauvages. Environ 70 à 80% de toutes les plantes décrites sur les terres de pâturage boisées sont appétées par les bétails. Ces plantes n'ont pas la même valeur nutritionnelle. Certaines d'entre elles comme Acacias ssp, présentent de bonnes qualités nutritionnelles. Les gousses sont très nourrissantes et peuvent être stockées pendant de longues périodes pour servir de fourrage pendant les périodes de sécheresse. Parmi elles, l'Acacia nilotica ssp. tomentosa est considéré par les nomades comme l’arbre fourrager "par excellence". Les espèces fourragères et les différents milieux dans lesquels on les trouve, sont présentés dans le Tableau ci-après.

 

Tableau 8.2: Espèces fourragères selon la zone de végétation dans laquelle elles se trouvent à Djibouti (tiré d'Audru et al. 1987)

Type de végétation

Région

Espèces fourragères principales

Forêt de Juniperus procera

Forêt du Day dans le massif de Goda

Alt. 900-1 600m

Olea africana, Tarchonanthus camphoratus, Acacia seyal, Cenchrus mitis, Chloris pycnothrix, Digitaria velutica, Trifolium campestri

Tarchonanthus camphoratus

Forêt du Day dans le massif de Goda

Alt. 900-1 600m

Tarchonanthus camphoratus, Cynodon dactylon, Acacia etbaica

Steppe d’Olea africana

Volcan de Moussa Ali

Alt. < 1 600m

Olea africana, Acacia etbaica, Chrysopogon plumulosus

Forêt de Terminalia brownii

Massifs de Goda et Mabla. Alt.500-900m.

Terminalia brownii, Commiphora spp., Acacia seyal, Acacia etbaica, Acacia mellifera, Trifolium spp.

Zone de transition de la steppe d’Acacia etabica, Buxus hildebrandtii

Région de Randa-Bankoulé dans le massif de Goda, massifs de Mabla et Bourra. Alt. 600-1 200m

Acacia etbaica, Acaia seyal, Cenchrus mitis

Steppe boisée d’Acacia etbaica

Massifs de Goda, Mabla et Ali Sabieh; Plateau et escarpement d’Arta, Moussa Ali. Alt. 600-1 300m.

Acacia etbaica, Acacia seyal, Acacia orfota, Chloris pycnothrix, Aristidia adscensionis,

Steppe herbeuse d’Aizoon canariense et Cymbopogon commutatus

Montagnes de Goda

Alt. 900-1 150m

Acacia etbaica, Tarchonanthus camphoratus, Cymbopogon commutatus, Cenchrus ciliaris

Steppes de plantes grasses de Haut Plateau

Plateau deYager

Alt. 1389m

Acaia etbaica, Cissus rotundifolia, Dactyloctenium scindicum

Steppe d’Acacia mellifera

Massifs de Mabla et Daddar, Sud et Nord Est du massif de Goda. Alt.300-800m

Acacia mellifera, Commiphora spp., Acacia asak, Acacia seyal, Dobera glabra, Acacia tortilis, Acacia horrida

Steppes de Rhigozum somalense

Massifs de Goda et Mabla, Tadjourah, Arta, Dora, Obock, Asa Gueyla et Hol Hol. Alt. 0-300m

Acacia mellifera, Acacia tortilis, Caesalpina eryathera

Steppes herbeuses de Lasiurus scindus, Panicum turgidum, Cymbopogon schoenanthus, Aerva javanica

Plaines, plateaux et dépressions à Gobad, Obock, Siyyarou, Dakka,

Godorya, Bara.

Areva javanica, Acacia tortilis, Lasiurus scindicus, Ochtochloa compressa, Cymbopogon schoenanthus, Panicum turgidum

2.1.6 La coupe abusive des bois

Dans le mont Goda, la formation de buis a été soumise à une coupe abusive et intensive dans les années soixante pour les constructions en bois de la ville de Tadjourah. Elle porte encore les cicatrices de cette exploitation sauvage. A Agar (au pied du plateau de Mandah), plus de 7% des pieds de Buxus sont coupés, un chiffre qui est insignifiant au regard des secteurs les plus touchés comme le plateau de Dawdayya et Badah Weehim. Le buis est toujours coupé de nos jours pour construire les paillotes. Il a été estimé que pour une paillote familiale d’une durée de deux ans il est nécessaire d'abattre 400 pieds d'arbres. A ce rythme, le buis, tout comme le genévrier, une espèce à croissance très lente, va disparaître à tout jamais (Baragoïta Said 1999).

2.1.7 Tourisme sauvage et colonies des vacances

Du fait de leur altitude offrant un microclimat doux et l'agréable paysage riche en diversité biologique, les forêts font frais des fréquentations des touristes étrangers et les colonies des vacances qui s'installent au sein de la forêt. Ces fréquentations provisoires mais lourds de conséquences entraînent la pollution et la dégradation des habitats naturels.

2.2 Les moteurs du changement positif du secteur forestier

2.2.1 Projets de création des nouvelles Aires Protégées

À l'échelle mondiale, les aires protégées jouent un rôle de premier plan dans la protection de la diversité biologique, assurent le maintien des fonctions écologiques des écosystèmes et favorisent le développement local et régional basé sur l'écotourisme et l'exploitation écologiquement durable des ressources renouvelables. Or la République de Djibouti ne possède aucune aire protégée en milieu terrestre et seulement deux zones protégées marines, le parc territorial de Musha et la réserve intégrale de Maskali dont l'intégrité écologique est menacée par la difficulté de mise en œuvre des mesures de protection.

Récemment, plusieurs zones d'intérêt pour la biodiversité et les paysages exceptionnels qu'on y rencontre ont été identifiées comme pouvant figurer dans un réseau national d'aires protégées. Il s'agit notamment de la forêt du Day, du Lac Assal, du Lac Abhé, de la région d’Assamo, des îles Musha et Maskali et des îles des Sept Frères. Certaines de ces zones subissent une dégradation du fait de l'exploitation anarchique des ressources qu'elles renferment et du peu de moyens de contrôle à la disposition de l'État. Le projet consiste à compléter le réseau d'aires protégées en vue de protéger les sites d'intérêt national. Si ce projet verra le jour, beaucoup d'écosystème forestier actuellement menacés de disparition, seraient sauvés.

 

Previous PageTop Of PageNext Page