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Les OGM
dans la chaîne
d'approvisionnement
alimentaire



Le système de production et de distribution agricole peut être considéré comme une chaîne d'approvisionnement (voir figure): i) les transformateurs et les détaillants acheminent les produits des producteurs aux consommateurs; ii) les publicitaires, les militants, les membres de groupes de pression et les médias cherchent à influencer les décisions qui sont prises à chacune des étapes de la chaîne d'approvisionnement; iii) les organismes publics de réglementation évaluent les risques, établissent des règles et en vérifient l'application; iv) les producteurs de denrées alimentaires, de poisson, de fibres et de produits forestiers achètent des intrants tels que des graines, du matériel végétal, des produits agrochimiques, des engrais, des aliments pour animaux, des agents de fermentation et de l'équipement; et v) les OGM parviennent au public par l'entremise des marchés. Les consommateurs - c'est-à-dire, en réalité, tous les habitants de la planète, y compris les générations futures - sont également directement concernés.

Il est impossible de ne pas tenir compte des choix que font les consommateurs sur le marché: ils ne sont pas obligés d'acheter quelque chose s'ils décident de ne pas le faire. S'ils n'achètent pas un produit, celui-ci cessera simplement d'être fabriqué. Étant donné que, dans certains pays, de nombreux consommateurs refusent d'acheter les OGM actuels, les producteurs de plantes transgéniques repensent les décisions qu'ils ont prises en matière de production, et l'industrie agroalimentaire se restructure rapidement et modifie même ses priorités de recherche et de développement pour tenir compte de cette réaction.

Les OGM dans la chaîne alimentaire

Source: Adapté de Economic impacts of genetically modified crops on the agrifood sector: a synthesis. Document de travail de la Direction générale de l'agriculture de la Commission européenne. Les recherches effectuées pour ce document de travail ont pris fin le 31 mars 2000.

Les consommateurs peuvent toutefois exprimer leurs points de vue ou leurs préférences ailleurs que sur le marché. Ils peuvent désirer avoir plus directement leur mot à dire sur la façon dont leur alimentation est produite, mais, dans le monde entier, leur lieu de résidence et de travail est de plus en plus souvent éloigné des endroits où leurs denrées alimentaires sont cultivées et transformées. Comme ils ne sont donc pas associés directement au processus de production, il se peut que leurs points de vue sur le système agroalimentaire et ses produits ne soient guère pris en considération.

OGM déjà commercialisés ou en cours de développement

Outils et techniques utilisés par les fournisseurs d'intrants agricoles

La plupart des méthodologies et des produits intermédiaires utilisés pour l'élaboration d'OGM, par exemple les empreintes moléculaires et les technologies de transformation, sont actuellement protégés par des droits de propriété intellectuelle détenus par le secteur privé. Par conséquent, il est plus difficile pour les chercheurs du secteur public, en particulier dans les pays en développement, d'avoir accès à ces produits et méthodologies, ce qui limite leur capacité à mettre au point des variétés améliorées de plantes ou d'animaux, y compris des OGM qui pourraient contribuer à surmonter les problèmes particuliers auxquels est confrontée la production locale ou nationale. La situation actuelle tend donc à accroître l'écart entre les sociétés les plus riches et les plus pauvres.

Des fraises poussant à -10 oC, grâce à l'insertion d'un gène producteur d'antigel provenant de la plie rouge

- J. ESQUINAS

Ces dernières années, un nombre croissant de produits élaborés à partir d'OGM ont été mis au point et offerts aux consommateurs. Les tableaux 1 et 2 présentent quelques-uns des OGM agricoles disponibles sur le marché ou en cours de développement.

OGM contenant des toxines de Bacillus thuringiensis pour lutter contre les insectes

Certaines des premières modifications génétiques de plantes ont porté sur la protection contre les insectes afin de réduire les coûts de production des agriculteurs. Les OGM résistant aux insectes ont été présentés comme un moyen de tuer certains ravageurs et de réduire les applications d'insecticides synthétiques conventionnels. Depuis plus de 50 ans, on utilise des formulations contenant la bactérie productrice de toxines Bacillus thuringiensis (Bt) que l'on pulvérise comme les insecticides agricoles conventionnels pour tuer les insectes phytophages. Les études relatives à l'innocuité de Bt pour les êtres humains n'ont révélé aucun effet nocif pour la santé.

TABLEAU 1
Quelques OGM actuellement disponibles

OGM

Modification génétique

Source du gène

Objet de la modification génétique

Principaux bénéficiaires

Maïs

Résistance aux insectes

Bacillus thuringiensis

Réduction des dégâts causés par les insectes

Agriculteurs

Soja

Tolérance aux herbicides

Streptomyces spp

Élimination plus efficace des plantes adventices

Agriculteurs

Coton

Résistance aux insectes

Bacillus thuringiensis

Réduction des dégâts causés par les insectes

Agriculteurs

Escherichia coli K 12

Production de chymosine ou de rennine

Vaches

Utilisation dans la fabrication du fromage

Transformateurs et consommateurs

œillets

Altération de la couleur

Freesia

Production de variétés différentes de fleurs

Détaillants et consommateurs

TABLEAU 2
Quelques OGM en cours de développement

OGM

Modification génétique

Source du gène

Objet de la modification génétique

Principaux bénéficiaires

Raisins

Résistance aux insectes

Bacillus thuringiensis

Lutte contre les insectes

Agriculteurs

Tilapia

Hormone de croissance

Plie arctique/ saumon

Accroissement de l'efficacité de croissance

Pisciculteurs

Peupliers

Tolérance aux herbicides

Streptomyces spp.

Simplification de la lutte contre les plantes adventices

Gestionnaires forestiers

Saumon

Hormone de croissance

Plie arctique/ saumon

Accroissement de l'efficacité de croissance

Pisciculteurs

Eucalyptus

Modification de la composition de la lignine

Pinus sp.

Production de pâte et de papier

Gestionnaires forestiers et industrie du papier

Riz

Expression de bêta-carotène

Jonquille Erwina

Oligo-élément ajouté

Consommateurs présentant une carence en vitamine ADC

Mouton

Expression d'un anticorps dans le lait

H. sapiens

Lait enrichi

Consommateurs

À la fin des années 80, les scientifiques ont commencé à transférer dans des plantes cultivées les gènes qui produisent les toxines insecticides dans Bt. Leur intention était de faire en sorte que cette toxine soit produite par toutes les cellules de ces OGM. Des variétés de plantes transgéniques Bt sont aujourd'hui cultivées sur plus de 5 millions d'hectares. Aucun effort n'a été fait pour accroître le taux de croissance ou le rendement potentiel de ces variétés, mais les agriculteurs les ont accueillies chaleureusement puisqu'elles devaient permettre de mieux lutter contre les insectes et de réduire leurs coûts. Toutefois, aux États-Unis, l'impact de l'utilisation de ces OGM contenant des toxines de Bt sur les rendements et sur le nombre d'applications d'insecticides conventionnels a présenté d'importantes variations d'un endroit à l'autre et d'une année à l'autre, qui tenaient en partie aux différences entre l'effet prévu de ces variétés sur les parasites ciblés et les résultats réels obtenus sur le terrain. Certaines de ces différences étaient dues à une distribution irrégulière de la toxine à l'intérieur des plantes durant leur croissance, d'autres étaient dues aux variations dans les populations de parasites ciblés et non ciblés, ou encore à l'accumulation de toxines dans les insectes phytophages, ce qui accroissait la mortalité des prédateurs et des parasites consommant ces insectes.

Comme dans le cas des variétés offrant une résistance aux insectes obtenue par les méthodes de sélection conventionnelles, les agriculteurs devraient gérer les variétés transgéniques en utilisant un système de gestion intégrée de la lutte contre les ravageurs et de la production conçu en fonction des principes de l'écologie afin de tenir compte des variations fondamentales. En Amérique du Nord, on estime aujourd'hui généralement que ces variétés ont réduit les frais de lutte contre les ravageurs. On recommande de les utiliser en même temps que des stratégies de gestion de la résistance des plantes hôtes afin de ralentir l'évolution des ravageurs pouvant les utiliser comme nourriture.

OGM mis au point à l'intention des intermédiaires de la chaîne d'approvisionnement alimentaire: les tomates Flavr Savr

La marque de tomate Flavr Savr a été le premier produit alimentaire transgénique offert aux consommateurs sur le marché des produits frais. Ces tomates avaient été génétiquement modifiées pour retarder leur mûrissement et pouvaient donc se conserver plus longtemps. Calgene, aux États-Unis, a distribué cette marque de tomate transgénique en 1994.

Ce produit inédit était censé offrir de multiples avantages aux producteurs de tomate en:

  • permettant de disposer de plus de temps pour le transport;
  • permettant la pratique de la cueillette mécanique en infligeant peu de meurtrissures aux fruits;
  • proposant aux consommateurs une tomate mûrie sur pied, à la différence de celles qui sont cueillies encore vertes et doivent être arrosées d'éthylène pour mûrir.

Depuis 1996, les tomates Flavr Savr ont été retirées du marché des produits frais aux États-Unis. La manipulation du gène de mûrissement avait apparemment eu des conséquences imprévues telle qu'une peau molle, un goût étrange et des changements dans la composition de la tomate, qui coûtait aussi plus cher que les tomates non transgéniques.

Les tomates Flavr Savr sont encore populaires auprès des transformateurs. Leur durée de vie plus longue offre plus de souplesse pour l'expédition et l'entreposage entre le champ et l'usine de traitement.

Les OGM pour les transformateurs de denrées alimentaires et les détaillants

Les transformateurs de denrées alimentaires et les détaillants souhaitent aussi vivement réduire leurs coûts et profiter des avantages potentiels de la biotechnologie. Comme le montre l'encadré, des tomates transgéniques ont été conçues pour offrir des options supplémentaires aux transformateurs et aux détaillants, mais elles n'ont guère eu de succès sur le marché des légumes frais.

Le cas de la tomate Flavr Savr montre à quel point les détaillants sont sensibles à l'opinion des consommateurs quand ils sont proches d'eux. Les préoccupations relatives à la confiance des consommateurs peuvent l'emporter sur les avantages à court terme qu'un transformateur pourrait obtenir en utilisant des ingrédients dérivés d'OGM. Si le public a l'impression que les aliments transgéniques sont dangereux ou portent préjudice à l'environnement et rejette donc certains produits, les entreprises peuvent refuser les OGM. À l'heure actuelle, dans le secteur de l'alimentation, certaines entreprises importantes ont retiré de leurs produits les ingrédients dérivés d'OGM parce qu'elles craignent que les consommateurs les rejettent. Les changements intervenant dans la demande d'ingrédients dérivés d'OGM de la part des transformateurs et des détaillants se répercutent en amont de la chaîne d'approvisionnement alimentaire et influencent les agriculteurs au moment de décider s'ils doivent ou non cultiver des OGM.

Les poissons et les animaux d'élevage transgéniques sont encore absents de la chaîne d'approvisionnement alimentaire

Après certains problèmes initiaux, le développement et la commercialisation des cultures transgéniques ont connu une croissance considérable, mais les produits dérivés d'animaux d'élevage transgéniques ne sont pas encore présents dans les grands systèmes de production alimentaire. Plus de 50 transgènes différents ont été insérés expérimentalement dans des animaux d'élevage, mais cela reste un exercice très difficile qui ne se pratique pas aussi couramment que pour les plantes. Les premières recherches portant sur les animaux d'élevage transgéniques ont également été accompagnées de certaines perturbations physiologiques, notamment une réduction de la capacité de reproduction. Ces expériences ont soulevé des problèmes éthiques concernant le bien-être des animaux, ce qui a encore réduit l'intérêt des consommateurs.

Jusqu'à présent, l'idée que des denrées alimentaires puissent provenir d'animaux transgéniques n'a pas été bien acceptée par les consommateurs. Il ressort constamment des enquêtes que le public est mieux disposé à l'égard des plantes transgéniques que des animaux transgéniques. L'expérimentation avec des animaux et leur altération suscitent davantage de réticences et ont des répercussions éventuelles de plus grande ampleur. Diverses cultures et religions limitent ou interdisent la consommation de certains aliments d'origine animale. Le public semble toutefois plus enclin à consommer par voie orale ou sous forme d'injection des produits pharmaceutiques provenant d'animaux transgéniques.

Des recherches effectuées sur des poissons transgéniques ont donné d'excellents résultats, mais aucun poisson ainsi modifié n'a été commercialisé. Il s'agit, dans la plupart des cas, d'espèces d'élevage auxquelles on a inséré des gènes régissant la production des hormones de croissance, pour accroître le taux de croissance et le rendement de ces poissons. Diverses questions éthiques ont été soulevées à propos du bien-être de ces poissons transgéniques et de leur impact sur l'environnement, mais certains affirment également que ces poissons ont de nombreux attributs en commun avec les génotypes et les espèces de poisson exogènes sélectionnés selon les méthodes conventionnelles, et l'expérience a prouvé qu'on peut ainsi accroître la production d'animaux aquatiques sans rencontrer d'opposition de la part du public.

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