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Promouvoir la volonté politique de lutter contre la faim

Introduction

2.1

Ce chapitre donne une vue d'ensemble de la détermination politique et de son impact sur la mise en oeuvre des engagements pris lors du Sommet mondial de l'alimentation de novembre 1996. Il s'agit d'une version révisée du document présenté pour examen à la vingt-septième session du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA)1, qui tient compte des observations et des suggestions faites par des membres du CSA et par des spécialistes de la question, ainsi que des récents développements pertinents.

2.2

Le chapitre commence par rappeler les principaux engagements pris par les gouvernements lors du Sommet. Il fait ensuite un tour d'horizon rapide des changements survenus dans l'environnement sociopolitique et économique international depuis 1996, et analyse les effets qu'ils ont eus sur la capacité et la volonté des gouvernements et de la communauté internationale d'adopter des mesures efficaces pour mettre en oeuvre leurs engagements. La section suivante traite des principales actions menées par la FAO pour renforcer la détermination de toutes les parties intéressées de lutter contre la faim2. Il évalue en outre la mesure dans laquelle l'engagement politique de lutter contre le fléau de la faim aux niveaux international et national s'est - ou ne s'est pas - affermi. Enfin, ce chapitre récapitule les divers aspects du consensus qui commence à se dégager à propos de la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation, qui pourraient constituer le noyau central du renouvellement des engagements et du renforcement des partenariats.

Engagements du Sommet mondial de l'alimentation

2.3

Le Sommet mondial de l'alimentation, qui s'est tenu à Rome en novembre 1996, était la troisième réunion internationale sur les questions d'alimentation et de nutrition depuis les années 70: il avait été précédé par la Conférence mondiale de l'alimentation en 1974 et la Conférence internationale sur la nutrition organisée par la FAO et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1992. Le Sommet mondial de l'alimentation a été marqué par la présence d'un très grand nombre de représentants de haut niveau, 112 des 186 pays présents étant représentés par leur chef d'État ou de gouvernement ou leur représentant. Une telle participation s'imposait pour une réunion destinée à susciter l'engagement politique requis pour s'attaquer aux multiples causes sous-jacentes de la famine et de la malnutrition, dont la solution requiert l'intervention de nombre de ministères et d'éléments de la société civile. Le Sommet avait aussi pour caractéristique de fixer un objectif doté d'une date butoir et dont la réalisation progressive pouvait être mesurée, tout en étant suffisamment réaliste pour reconnaître que l'éradication complète de la faim à l'échelle mondiale n'était pas possible à moyen terme.

2.4

Le Sommet s'est conclu avec la publication de deux documents majeurs: la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et le Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation3. La Déclaration était essentiellement une déclaration commune d'objectifs et de politiques, se terminant par sept grands engagements (encadré 1.1), alors que le Plan d'action spécifiait les actions que les pays étaient convenus de mener pour mettre en oeuvre ces engagements.

2.5

Les deux premiers paragraphes résument de manière éloquente le consensus qui s'était dégagé pendant le Sommet sur les politiques et les objectifs spécifiques:

Nous, Chefs d'État et de gouvernement, ou nos représentants, réunis pour le Sommet mondial de l'alimentation à l'invitation de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, réaffirmons le droit de chaque être humain d'avoir accès à une nourriture saine et nutritive conformément au droit à une nourriture adéquate et au droit fondamental de chacun d'être à l'abri de la faim.

Nous proclamons notre volonté politique et notre engagement commun et national de parvenir à la sécurité alimentaire pour tous et de déployer un effort constant afin d'éradiquer la faim dans tous les pays et, dans l'immédiat, de réduire de moitié le nombre des personnes sous-alimentées d'ici à 2015 au plus tard.

2.6

Un des éléments particulièrement importants de la Déclaration est la reconnaissance du droit de tous à une nourriture adéquate et de la nécessité implicite d'une action commune de tous les pays en vue d'éradiquer la faim.

2.7

Ces engagements constituent le cadre de 27 objectifs spécifiques et de 182 propositions d'action, dont un grand nombre devait être mis en oeuvre par divers pays travaillant en collaboration les uns avec les autres et avec la communauté internationale ou en partenariat avec les acteurs de la société civile. La longueur de la liste des propositions d'action est déjà en soi révélatrice de la complexité relative des problèmes de sécurité alimentaire et de la nécessité de s'y attaquer simultanément sous plusieurs angles.

2.8

Aucune proposition de création de nouvelle institution ou d'engagement de ressources supplémentaires n'a été avancée pendant le Sommet. Le processus préparatoire tout entier reposait sur le postulat que le monde est en mesure de nourrir sa population de manière adéquate aujourd'hui et à l'avenir, que la plupart des arrangements institutionnels internationaux nécessaires à cette fin existent déjà et qu'il devrait être possible de mobiliser les ressources voulues auprès des sources existantes. La principale préoccupation était, en revanche, de définir les moyens de susciter et de renforcer la volonté politique de transformer les engagements en actions.

2.9

Le Sommet mondial de l'alimentation, comme d'autres sommets, partait du principe qu'en rassemblant des dirigeants nationaux dans un forum public pour qu'ils s'engagent collectivement à s'attaquer à des problèmes préoccupants au niveau mondial, il renforcerait leur détermination de faire changer les choses et les responsabiliserait. Il renforcerait aussi les partenariats entre les gouvernements eux-mêmes et entre les gouvernements et la communauté internationale et la société civile, préalable indispensable à la réalisation des objectifs. Toutefois, en réalité, la capacité et le pouvoir des dirigeants de lancer les processus complexes nécessaires pour réduire rapidement la faim dépendent dans une grande mesure de leur prestige dans leur pays, de la capacité des institutions qu'ils président, de l'existence de solutions théoriquement possibles et de la conviction personnelle des personnes appelées à prendre les mesures prescrites. On peut donc imaginer des cas où la force de l'enga-gement de tel dirigeant ne fait aucun doute, mais où, pour des raisons indépen-dantes de sa volonté, les mesures nécessaires ne sont pa prises ou ne le sont que partiellement.

L'environnement politique mondial

2.10

Comme indiqué au premier chapitre, l'une des grandes réussites du siècle dernier a été la production d'une nourriture suffisante non seulement pour répondre aux exigences d'une population qui a doublé en 40 ans, passant de 3 à plus de 6 milliards d'habitants entre 1960 et 2000, mais aussi pour assurer généralement une meilleure nutrition, avec une augmentation de bien plus de 20 pour cent de l'apport alimentaire quotidien moyen qui est passé d'environ 2 250 à 2 800 kcal par personne au cours de la même période. Outre qu'elle a permis d'accroître la production, la révolution agricole du XXsiècle a entraîné une augmentation remarquable de la productivité de la main-d'oeuvre et de la terre, qui s'est traduite par une baisse progressive des cours mondiaux des céréales4. Il est possible toutefois que cet accroissement se soit en partie produit au détriment de l'utilisation durable des ressources natu-relles, vu l'impact négatif sur l'environnement de certaines des technologies sur lesquelles repose désormais l'agriculture intensive.

2.11

Lorsqu'ils se pencheront sur le siècle écoulé, les futurs historiens ne manqueront sans doute pas de s'étonner que la faim ait pu coexister à grande échelle avec un approvisionnement alimentaire global plus que suffisant, et que parallèlement à plus de 800 millions de personnes sous-alimentées, on recensait également 300 millions d'obèses. La persistance simultanée de la famine à grande échelle et d'approvisionnements alimentaires pléthoriques dans un monde doté d'excellents moyens de communication et de transport montre clairement les failles dans le mode de fonctionnement des nations et la gestion et la gouvernance des rapports qu'elles entretiennent les unes avec les autres. La Déclaration de Rome qualifiait la situation d'inacceptable, et pourtant elle perdure sans que le monde ne s'en soucie. Le présent chapitre examine comment les récents changements dans les relations politiques mondiales et dans les modes de pensée, ainsi que les changements institutionnels concomitants, semblent affecter l'incidence de la faim et la capacité et la volonté des gouvernements de l'éradiquer.

2.12

La chute du mur de Berlin en 1989 a suscité une vague d'optimisme qui a déferlé partout dans le monde. De nombreux observateurs pensaient que la combinaison de politiques économiques fondées sur les forces du marché et de la démocratie allait induire une croissance rapide dans les pays de l'Europe de l'Est et de l'Ex-Union soviétique, que l'arrêt de la confrontation entre les superpuissances allait mettre fin aux guerres par pays interposés et entraîner une chute rapide des dépenses consacrées aux armements, ce qui libérerait des ressources qui seraient alors canalisées vers les pays les plus pauvres pour accélérer leur développement. Plus de 10 ans plus tard, ces espoirs, pour la plupart, ne se sont pas réalisés. Des problèmes structurels fondamentaux ont bloqué la transition et la croissance dans la plupart des anciens pays à économie planifiée. Des situations de plus en plus difficiles du point de vue de la politique et de la sécurité, combinées à un marché international des armes florissant, ont attisé des conflits armés et le terrorisme international, anéantissant les espoirs de développement, forçant des millions de personnes à fuir leur foyer dans la plus grande pénurie et déstabilisant de vastes régions. Les dividendes de la paix n'ont pas non plus contribué à augmenter le flux de l'aide vers les pays les plus pauvres, aide qui a bien au contraire constamment diminué pendant toute la décennie en dépit de la prospérité sans précédent des pays développés. En vérité, la fin du clientélisme des superpuissances a fait chuter l'aide à un niveau déterminé davantage par l'altruisme que par des considérations géopolitiques.

2.13

On constate néanmoins une reconnaissance accrue de l'interdépendance mondiale, et des efforts ont été faits pour qu'elle puisse profiter à tous. Après la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995, les obstacles au commerce ont commencé à tomber et on a de grands espoirs que la libéralisation des échanges, lorsqu'elle sera symétrique, contribuera à élargir les marchés et à réduire les coûts des transactions au profit des pays en développement. On a vu une croissance massive des investissements étrangers directs (IED) par le secteur privé, qui représentent maintenant 82 pour cent des flux financiers nets vers les pays en développement, contre 44 pour cent en 19905. De même, les progrès rapides dans les communications et les technologies de l'information accélèrent la diffusion des connaissances et donnent aux ressortissants des pays en développement une occasion unique de sauter directement dans le XXIe siècle. En 1992, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement avait sensibilisé l'opinion sur les dangers que l'activité humaine faisait courir à l'environnement, lançant ainsi un processus de création de nouveaux organes de réglementation et d'instruments de financement.

2.14

Toutefois, si la mondialisation des échanges, des relations économiques, des communications et de la gestion de l'environnement offre des perspectives intéressantes aux populations des pays en développement, c'est aussi une arme à double tranchant. Ainsi, dans la mesure où les pays développés conservent des obstacles au commerce ou subventionnent largement leurs exploitants agricoles (à hauteur de plus de 300 milliards de dollars EU par an), les perspectives d'un élargissement des marchés aux denrées que les pays en développement peuvent produire avec un avantage comparatif diminuent. La vente de produits alimentaires à des prix inférieurs à leur coût de production peut profiter aux consommateurs à faible revenu, mais elle peut aussi saper les incitations à la production dont bénéficient les agriculteurs et ainsi causer des dommages à long terme à l'agriculture de subsistance des pays en développement et contribuer à l'appauvrissement des populations rurales. De même, l'augmentation rapide des flux de capitaux privés, combinée au rétrécissement du rôle du secteur public, a pu sans le vouloir servir d'excuse parmi d'autres à la réduction de l'aide publique au développement (APD), qui est tombée au cours des années 90 de 0,33 pour cent à 0,24 pour cent du PNB des pays de l'OCDE. Cela s'est produit au détriment de la majorité des pays en développement et plus particulièrement des pays les moins avancés d'Afrique qui ne reçoivent pratiquement aucun apport de fonds privés.

2.15

Au cours des années 90, le «consensus de Washington», fondé sur l'application de politiques macroéconomiques destinées à libéraliser les marchés, a profondément influé sur la manière dont les gouvernements des pays développés envisageaient leur rôle et sur les conseils de politique économique qui ont été donnés aux gouvernements des pays en développement par les institutions de Bretton Woods. Partout dans le monde, les instances publiques ont commencé à se retirer des activités que le secteur privé était considéré comme mieux à même de mener. Les gouvernements se sont ainsi concentrés sur leur rôle de fournisseur de biens publics; les marchés intérieurs ont été dérégulés et les régimes de commerce et d'investissement libéralisés; les entreprises parapubliques ont été privatisées; la fonction publique a été réduite; et la discipline financière renforcée. La controverse règne toujours sur l'impact de ces programmes d'ajustement structurel. Si certains pays en ont profité, dans d'autres, la croissance économique a été faible, le fossé entre les riches et les pauvres s'est élargi, la fonction publique n'a pas la force de fournir les biens publics indispensables, et le secteur privé n'a pas répondu avec toute la célérité attendue aux nouvelles possibilités. L'exode rural simultané, outre son impact démographique considérable, peut aussi avoir contribué à l'érosion du poids politique accordé aux affaires rurales, renforçant ainsi la tendance à un parti pris urbain dans les processus d'élaboration des politiques et d'allocation de ressources.

2.16

Les Sommets des années 90, y compris le Sommet mondial de l'alimentation, ont réussi à sensibiliser l'opinion publique aux grands problèmes mondiaux, à préparer des plans destinés à s'y attaquer et à mobiliser d'importants niveaux d'engagements pour des actions conjointes par les pays et les organismes internationaux. On s'attendait donc à voir des actions entreprises, à une échelle jusqu'alors inconnue, destinées à s'attaquer aux problèmes les plus importants de l'humanité. Mais c'est alors que la capacité de réaction du système des Nations Unies a commencé à souffrir de restrictions budgétaires imposées par des gouvernements réformateurs, dont un bon nombre avait déjà adopté des politiques «nombrilistes» qui ne prenaient guère en compte les questions de développement. Autre conséquence imprévue des Sommets, le calendrier du développement s'est trouvé surchargé, et l'attention des gouvernements s'est trouvée sollicitée par toute une série de grands thèmes se succédant avec une telle rapidité que la détermination des priorités s'en est trouvée extrêmement compliquée et que les efforts ont été dilués. Le manque de progrès visibles dans nombre des domaines retenus, joint à la montée des doutes sur l'efficacité des programmes d'assistance multilatérale, a contribué à saper encore davantage la crédibilité des organismes parrainant ces programmes.

2.17

Dans les années qui ont suivi le Sommet mondial de l'alimentation, on a donc vu de nombreux pays en développement se débattre avec des problèmes d'ajustement et des contraintes financières et faire face à une liste de plus en plus longue d'engagements internationaux qu'ils avaient entrepris d'internaliser. Beaucoup des pays les plus pauvres étaient engagés dans des conflits qui sapaient leurs ressources et leur énergie; d'autres étaient frappés par de terribles catastrophes naturelles, tandis que d'autres encore se démenaient pour maintenir des démocraties naissantes en dépit du mécontentement public causé par des mesures d'austérité. Certains pays se sont aussi rendus compte au milieu des années 90 de l'énormité de l'impact social et économique du VIH/SIDA, qui a un effet particulièrement dévastateur sur la capacité des communautés rurales pauvres et des familles de maintenir la sécurité alimentaire dans une situation d'altération adverse des rapports de dépendance. Il n'est guère surprenant que la plupart des pays en développement, suivant en cela la sagesse traditionnelle et la prudence, décident d'affecter leurs ressources à la réduction des déficits budgétaires et à la maximisation du taux de croissance économique. L'hypothèse de départ était que de telles actions contribueraient à réduire la pauvreté, même en l'absence de mesures spécifiques de redistribution des actifs et des revenus. De ce fait, en dépit des engagements pris au Sommet, peu de pays se sont lancés dans de grands programmes destinés à améliorer leur sécurité alimentaire. Et ils n'ont pas toujours été encouragés à le faire par leurs partenaires en développement qui, tout en discréditant l'efficacité des approches de relance par le haut pour réduire la pauvreté, continuaient, dans leurs stratégies d'assistance aux pays, à privilégier des politiques et des investissements soutenant la croissance économique comme principal objectif du développement6 et persistaient à utiliser des techniques d'analyse économique traditionnelles qui accordent peu de poids aux facteurs de distribution dans les décisions d'investissement.

2.18

Cette priorité donnée à la croissance économique, à l'efficacité et à la transparence des échanges commerciaux, jointe aux pressions exercées - par le biais d'une publicité incessante - sur les ressortissants des pays développés pour qu'ils consomment davantage, est de plus en plus en désaccord avec le souci de justice sociale et le bien-être des pauvres du reste du monde. Parmi les donateurs, l'engagement pris vis-à-vis des problèmes humanitaires et du développement s'est érodé aussi du fait de leurs doutes quant à l'efficacité de l'aide, des préoccupations suscitées par la corruption et la mauvaise gouvernance, de l'affaiblissement des raisons géopolitiques de l'assistance, de l'apparition de nouvelles inquiétudes touchant le secteur agricole intérieur et la sécurité alimentaire7 et, dans certains cas, de la nécessité de lancer des mesures d'austérité dans leur propre pays.

2.19

La montée de l'indignation publique devant cette apparente indifférence aux questions liées à l'injustice et au gaspillage des ressources naturelles a donné naissance à ce qui est peut-être le phénomène politique le plus important des dernières années du XXe siècle: l'émergence de mouvements transnationaux de défense de la société civile, formant des coalitions de groupes d'intérêts divers mécontents de la manière dont le monde est géré, et qui font preuve d'une capacité extraordinaire d'influencer la conduite des affaires mondiales. Bien qu'ils prospèrent dans les sociétés démocratiques, ces mouvements n'utilisent pas les mécanismes institutionnels normaux: ils tirent leur influence du fait qu'ils utilisent la puissance des médias et des technologies de l'information pour constituer des groupes à l'échelon mondial, extrêmement visibles et capables de se faire entendre, pour appuyer leurs causes (voir encadré 2.1). D'autres adoptent des profils moins visibles, travaillant tout aussi efficacement par le biais de vastes réseaux d'activistes locaux qui influencent les processus de prise de décisions nationaux et internationaux en écrivant à leurs représentants politiques et en faisant discrètement pression sur eux. Qu'il s'agisse des droits de l'homme, de l'environnement, du commerce, de la dette ou de la sécurité alimentaire, ces mouvements montrent que partout dans le monde il existe un très grand nombre d'individus qui s'efforcent d'instaurer une société mondiale administrée de manière plus juste et plus durable et qui sont déterminés à se faire entendre à la fois de ceux qui sont au pouvoir et du grand public. Selon certains observateurs, le terrorisme international se nourrirait des frustrations des personnes qui se sentent profondément touchées par l'inégalité économique et sociale qui caractérise de plus en plus la société moderne, et qui est la plus péniblement évidente là où sévissent la faim et la pauvreté.

2.20

Il ne fait pas de doute que ces voix qui s'élèvent à l'occasion de rencontres de personnalités avec Sa Sainteté le Pape, de chaînes humaines aux sommets du G-8 ou d'émeutes dans les rues de Seattle, de Prague ou de Gênes sont entendues, vu la rapidité avec laquelle réagissent les dirigeants mondiaux, les Nations Unies, les institutions de Bretton Woods, les sociétés transnationales et les philanthropes. L'un des succès les plus notables de ces mouvements, notamment pour de nombreux pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV), a été l'accélération de l'allégement de la dette dans le cadre de l'Initiative en faveur des PPTE (voir encadré 2.1). La décision du Sommet du G-8 de Cologne en 1999 de lier l'accélération de l'allégement de la dette à des mesures concrètes de réduction de la pauvreté prises par les pays en développement8 est devenue l'élément moteur du calendrier du développement au début de ce XXIe siècle. De même, les organisations de la société civile (OSC) ont été l'élément moteur en alertant les gouvernements et la communauté internationale sur la nécessité urgente d'un programme mondial de grande envergure pour lutter contre le VIH/SIDA.

ENCADRÉ 2.1

Le pouvoir des groupes de promotion de la société civile


L'ampleur de la réduction de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) et la rapidité avec laquelle elle s'est faite, à un moment où l'attitude officielle de la majorité des pays développés était de réduire l'aide, sont dans une très grande mesure dues à l'efficacité de la campagne menée et orchestrée par la coalition Jubilée 2000. Au nombre des raisons du succès relatif du Jubilée 2000, on peut citer:

  • des objectifs clairs, exprimés simplement, réitérés à satiété et assortis de délais précis - une date butoir rapprochée à valeur symbolique;
  • son appel au sens de la justice commun à tous les individus, quelles que soient leur religion, leur race, leur affiliation politique ou leur richesse;
  • la construction d'une coalition des organes de la société civile (dont des organisations non gouvernementales, des groupes religieux, des organisations civiques, des groupes parlementaires, etc.), dotés pour la plupart de larges réseaux;
  • le recours maximal aux médias et aux dernières technologies de l'information et de la communication, en plus des méthodes traditionnelles (offices religieux, concerts télévisés, démonstrations) pour mobiliser rapidement un large soutien visible à l'échelle de la planète;
  • une recherche et un suivi de qualité, débouchant sur la formulation de messages simples mais clairs (par exemple, «trop peu, trop tard»);
  • le ciblage de dirigeants clés, dans le monde entier, pour obtenir leur appui en échange d'une assurance de soutien populaire à des mesures qui pourraient être perçues comme potentiellement impopulaires parmi les électeurs;
  • le choix d'enceintes de prise de décisions, notamment les Sommets du G-8, assurant ainsi que la question de la dette reste à l'ordre du jour et que les dirigeants sont tenus responsables de leurs engagements.

Lutter contre la faim dans le monde est une cause qui pourrait mobiliser la société civile en faveur d'une action internationale aussi efficace.


2.21

Certains signes montrent également que des sociétés transnationales (STN) commencent à porter plus d'attention aux considérations éthiques dans la conduite de leurs affaires, notamment dans les domaines du travail des enfants, des modifications génétiques des espèces végétales et animales, du commerce des diamants de la guerre ou des dommages causés à l'environnement par les opérations minières et manufacturières, et l'élimination des déchets toxiques. En témoigne la réaction généralement positive des transnationales à l'Accord mondial des Nations Unies dans le cadre duquel celles-ci s'engagent à respecter les principes de bonne conduite dans les affaires. Considérant les préoccupations grandissantes des consommateurs des pays développés quant à la sécurité sanitaire des aliments, il est à prévoir que les compagnies alimentaires internationales joueront un rôle de premier plan dans le processus d'encouragement de nouvelles normes.

2.22

La nouvelle vague de philanthropie à grande échelle, ciblée sur les problèmes des pauvres dans les pays en développement, est sans doute moins influencée par les pressions de la société civile que par l'altruisme de ceux qui redistribuent une partie de leurs richesses. Bien qu'elle soit tout à fait appréciable, cette forme d'intervention ne doit toutefois pas se substituer à la mobilisation de ressources par des moyens plus formels pour la fourniture de biens publics mondiaux destinés à réduire la pauvreté sous ses diverses facettes.

2.23

Toujours est-il que le nouveau millénaire a commencé avec un large consensus sur le fait que le principal objectif du développement doit être d'éliminer la pauvreté. L'éradication de la pauvreté est donc l'un des grands thèmes de la Déclaration du Millénaire des Nations Unies9, et occupe une place importante dans les récentes déclarations de principe faites par la plupart des institutions de financement internationales qui demandent que l'accent soit davantage mis sur la réduction de la pauvreté. Bien que la faim soit une manifestation immédiate de la pauvreté, les stratégies de réduction de la pauvreté préconisées par ces institutions mettent toutefois rarement au premier plan les questions de sécurité alimentaire tandis que la faim ne préoccupe souvent que dans les situations de crise.

2.24

Le fait que l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation à l'horizon 2015 (malgré les vives protestations de la FAO) soit exclu des Objectifs de développement international souscrits par l'OCDE, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et le Programme des Nations Unies pour le développement10, constitue bien la preuve que la communauté internationale ne reconnaît pas le rôle fondamental de la résolution du problème de la faim pour réduire la pauvreté. Les signes d'une véritable volonté de la part des pays développés et en développement de dégager les ressources nécessaires pour éradiquer la faim, sont rares. Le danger le plus grand est que le débat sur les stratégies de réduction de la pauvreté se poursuive dans les antichambres du pouvoir, retardant ainsi l'adoption des mesures même les plus évidentes, alors que plus de 800 millions de personnes souffrant de sous-alimentation chronique, dont beaucoup d'enfants, se voient privées de l'occasion de vivre une vie pleine et entière. Le danger existe aussi que la réussite de la révolution agricole du XXe siècle et l'adéquation actuelle de l'offre alimentaire mondiale encouragent une indifférence généralisée, face à la nécessité d'adopter d'urgence des solutions au problème de la faim chronique.

Actions de la FAO destinées à renforcer l'engagement politique, et progrès constatés

2.25

Les actions de la FAO destinées à renforcer la volonté politique d'atteindre l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation se fondent sur la conviction qu'à condition de le vouloir vraiment, la communauté internationale dispose des capacités techniques, institutionnelles et financières nécessaires pour éradiquer la faim - et en un laps de temps très court, si elle l'affronte directement et non pas indirectement. De fait, faute de s'attaquer en priorité à la faim, qui est à la fois cause et conséquence de la pauvreté, on ne pourra guère réaliser de progrès dans l'éradication de la pauvreté sous toutes ses formes. Ce n'est pas de nouveaux débats ou des recherrches sur la question dont il est besoin, mais de la détermination renouvelée des gouvernements, fortement appuyés par les organismes internationaux et la société civile, de mettre en oeuvre les mesures clés qu'ils ont approuvées il y a cinq ans.

2.26

La réponse du système des Nations Unies, de la société civile et des gouvernements aux crises alimentaires - causées par l'homme et naturelles - s'améliore constamment avec, dans bien des cas, la manifestation d'un grand courage de la part de ceux qui s'efforcent d'assurer des approvisionnements alimentaires adéquats dans des conditions particulièrement dangereuses. Il s'ensuit que, par rapport à ce qui se passait au début du XXe siècle, aujourd'hui, relativement peu de personnes meurent de faim du fait de catastrophes complexes11, comme cela est normal compte tenu de l'existence d'excédents alimentaires à l'échelle de la planète et de la puissance des systèmes de communication modernes12. En revanche, on a fait bien moins de progrès dans la lutte contre les problèmes de plus grande envergure, mais moins visibles, de la sous-alimentation chronique, alors qu'ils contribuent probablement à une invalidité permanente et à un décès prématuré d'un nombre plus important de personnes et que, d'un point de vue logistique, ils devraient être plus faciles à résoudre que les pénuries alimentaires dans des situations d'urgence complexes.

2.27

C'est précisément à cause de la nature insidieuse de la faim chronique que la FAO s'est sentie obligée de rappeler leurs engagements aux Membres et d'attirer l'attention sur le manque de progrès dans la réalisation des objectifs fixés lors du Sommet. Si les progrès se poursuivent au rythme actuel, il faudra plus de 60 ans pour atteindre l'objectif de réduire de moitié le nombre des personnes sous-alimentées fixé pour 2015 au plus tard13. C'est en raison de cela, et parce que «peu, si tant est qu'il y en ait» des 91 pays et des neuf organisations internationales qui ont fait rapport au CSA en septembre 200014 ont pu se prévaloir de progrès importants dans la mise en oeuvre de leurs engagements au titre du Sommet mondial de l'alimentation, que les dirigeants du monde entier sont à nouveau invités par la FAO à renouveler leurs engagements et les traduire en programmes concrets.

Actions principales

2.28

Dans l'optique du renforcement des engagements, la FAO a commencé par elle-même, en demandant à ses organes directeurs de lui préparer un Cadre stratégique organisationnel pour la période 2000-2015, dans lequel elle fait du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation un «nouveau point de référence», de façon que les allocations de ressources prévues dans le Plan à moyen terme pour les six prochaines années renforcent la capacité de l'Organisation à s'acquitter de son mandat, conformément aux décisions du Sommet15.

2.29

Une grande partie des efforts faits par la FAO pour renforcer la détermination politique a porté sur les gouvernements et surtout ceux des PFRDV. L'expansion du Système d'information et de cartographie sur l'insécurité alimentaire et la vulnérabilité (le programme SICIAV), qui couvre aujourd'hui 67 pays, a permis de mieux connaître l'ampleur, les causes, la localisation et l'impact de la faim. Programme de suivi de la sécurité alimentaire, réunissant plusieurs institutions et dont la FAO assure le secrétariat, le SICIAV utilise des indicateurs approuvés par tous ses principaux membres participants.

Des consultations avec les gouvernements sur les propositions de «Stratégies nationales pour l'agriculture à l'horizon 2010» et une série de consultations régionales (menées conjointement avec l'OMS) visant à renforcer la détermination politique de mettre en oeuvre les Plans d'action nationaux pour la nutrition ont souligné la nécessité d'allouer des ressources suffisantes au développement rural et à la réforme des politiques afin d'améliorer l'accès à la nourriture. Le lancement du Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA) dans plus de 60 pays a attiré l'attention sur les possibilités d'accroître la productivité agricole et les moyens d'existence ruraux en favorisant des modifications simples dans les systèmes culturaux, dans un environnement politique favorable. Les accords de coopération Sud-Sud à l'appui du PSSA ont renforcé la visibilité politique des questions de sécurité alimentaire. En outre, l'engagement national des partenaires de la FAO pour le développement et des gouvernements dans la lutte contre la faim a pu être renforcé grâce à l'expansion du Réseau du Comité administratif de coordination des Nations Unies (CAC)16 sur le développement rural et la sécurité alimentaire dans les pays en développement membres. Les efforts inlassables du Directeur général, pour promouvoir une lutte active contre la faim, n'ont certainement pas manqué de renforcer davantage la volonté politique d'agir.

2.30

De nombreuses mesures ont été prises pour que la société civile s'implique davantage dans le suivi du Sommet. La FAO a publié des déclarations de politique destinées à jeter les bases d'une collaboration plus étroite entre l'Organisation, les organisations non gouvernementales (ONG) et le secteur privé. En 2000, des consultations régionales entre les ONG et les OSC ont été organisées, aboutissant à la présentation d'un rapport à la 26e session du CSA - au cours de laquelle les organisations intéressées se sont engagées à renforcer leurs actions en faveur de la sécurité alimentaire. Les OSC ont été particulièrement actives et ont oeuvré aux côtés du personnel juridique de la FAO lors de consultations fructueuses sur le droit à la nourriture. Organisées par le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, conformément aux prescriptions du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation (Objectif 7.4), ces réunions ont contribué à clarifier le contenu du droit à une nourriture adéquate et le droit fondamental de chacun d'être à l'abri de la faim, en accordant une attention particulière à la réalisation progressive de ce droit comme moyen de parvenir à la sécurité alimentaire pour tous (voir encadré 2.2). Ces consultations ont déjà débouché sur l'adoption d'une Remarque générale sur le droit à une nourriture adéquate par le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels. Plus de 800 ONG ont adopté un projet de Code de conduite sur le droit à la nourriture, préparé par elles après le Sommet. Le but de cet instrument est de clarifier les éléments normatifs du droit à la nourriture, et les gouvernements pourront le trouver utile lorsqu'ils définiront les responsabilités afférentes à l'éradication de la faim. Les contacts avec les autorités religieuses ont abouti, fin 2000, à une allocution sur la faim adressée par le Directeur général à Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II, sur les marches de la basilique de Saint-Pierre, à l'occasion du Jubilé des agriculteurs, événement auquel ont participé plus de 100 000 exploitants agricoles venus de nombreux pays. Dans l'arène politique, l'influente Union parlementaire internationale (UPI) a pris l'initiative de soutenir aux niveaux national et international les efforts de mise en application des engagements du Sommet et, en 1998, elle a organisé une Conférence interparlementaire sur la réalisation des objectifs du Sommet mondial de l'alimentation par le biais d'une stratégie de développement durable. Cette conférence, fort courue, a débouché sur un document final dans lequel l'Union interparlementaire (UPI) engageait les parlements à soutenir la mise en oeuvre du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation aux niveaux national et international. La participation du Directeur général de la FAO au Forum économique mondial de Davos (Suisse) a donné l'occasion aux dirigeants du secteur privé, notamment aux directeurs de grandes entreprises agro-industrielles, de prendre des engagements importants et de participer ainsi à la quête d'un monde libéré de la faim - objectif partagé par les membres des groupes industriels italiens «amis de la FAO».

ENCADRÉ 2.2

Qu'est-ce que le droit à la nourriture?


Le droit à une nourriture suffisante est reconnu dans plusieurs instruments internationaux ayant force contraignante, dans ces États qui sont parties à ceux-ci; le premier parmi ces instruments est le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, où il est reconnu, d'une part, comme faisant partie des conditions de vie adéquates au même titre que le logement et l'habillement et, d'autre part, comme le droit fondamental d'être à l'abri de la faim.

Le droit à la nourriture implique le droit aux moyens de production ou d'achat d'une nourriture en quantité et de qualité suffisantes, exempte de substances nocives et culturellement acceptable. Ce droit peut être rempli par chaque individu personnellement ou avec d'autres dans la communauté, et tout un chacun doit pouvoir en jouir sans distinction de race, religion, sexe, langue, opinion politique ou autre statut.

À l'échelon international, les États Parties au Pacte «doivent toujours éviter des embargos alimentaires ou mesures analogues susceptibles de compromettre les conditions de production vivrière et l'accès à la nourriture dans d'autres pays. La nourriture ne doit en aucun cas constituer un instrument de pression politique et économique1».

Dans le cadre du Pacte, les États Parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées, dans la limite maximale de leurs ressources disponibles, pour arriver progressivement à la réalisation du droit à une nourriture suffisante. Le Pacte établit une distinction entre les obligations de conduite et de résultats, et les violations peuvent être de commission ou d'omission. Il fait aussi une différence entre la mauvaise volonté et l'incapacité de l'État Partie d'agir.

Le droit à une alimentation suffisante, comme les autres droits de l'homme, impose aux États Parties au Pacte trois types d'obligation: l'obligation de le respecter, l'obligation de le protéger et l'obligation de le concrétiser. Cette dernière se dédouble à son tour en obligation de faciliter, d'une part, et d'assurer, d'autre part, sa réalisation.

S'il convient de souligner qu'il importe de créer un environnement favorable dans lequel chacun peut jouir du droit à la nourriture grâce à ses propres efforts, le Pacte est violé lorsqu'un État n'assure pas la satisfaction des besoins alimentaires minimaux de tout un chacun, de façon que personne ne souffre de la faim.

1 Paragraphe 37, Observation générale 12.
Source: Observation générale 12, Le droit à une nourriture suffisante (Art. 11), Comité international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.


2.31

La détermination politique est cependant très sensible à l'opinion publique. Le Sommet en soi a beaucoup contribué à sensibiliser le public à l'ampleur du problème de la faim dans le monde et à la nécessité de s'y attaquer. Depuis 1996, la FAO multiplie les activités de sensibilisation du public dans le contexte de sa nouvelle Stratégie et politique de communication. Les rapports et alertes spéciales du Système mondial d'information et d'alerte rapide sur l'alimentation et l'agriculture (SMIAR) donnent des renseignements à jour sur les crises alimentaires et, à ce jour, trois éditions de Ltat de l'insécurité alimentaire dans le monde ont été publiées et ont fait l'objet d'une large couverture médiatique au niveau mondial. Le site Web plurilingue de l'Organisation (qui a enregistré une moyenne de 10 millions de contacts par mois en 2000) fait lui aussi connaître les divers aspects du problème de la faim et les mesures prises pour y remédier. Quelque 150 pays célèbrent chaque année la Journée mondiale de l'alimentation et la campagne annuelle du TeleFood, reprise par plus de 80 stations de télévision partout dans le monde et suivie par environ 500 millions de téléspectateurs, a ajouté une nouvelle dimension aux programmes de sensibilisation et de promotion de la solidarité. Enfin, le Directeur général et plusieurs hauts fonctionnaires de l'Organisation ont accordé des entretiens à la presse, à la radio et à la télévision sur des sujets liés au Sommet mondial de l'alimentation, et de nombreux articles ont été publiés dans des magazines populaires et spécialisés.

2.32

Consciente que l'éradication de la faim dépend de mesures prises dans plusieurs secteurs et se renforçant mutuellement, la FAO cherche à collaborer plus étroitement avec les organismes internationaux et les autres organes intergouvernementaux nécessaires au succès de l'entreprise. Les hauts fonctionnaires et les cadres techniques des trois institutions des Nations Unies ayant leur siège à Rome se réunissent régulièrement et une publication annuelle17 montre la portée de leur collaboration effective qui a également fait l'objet d'une présentation conjointe au Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) en 2000. Les trois institutions qui ont également collaboré à la préparation de la Conférence internationale sur le financement du développement ont demandé que l'accent soit davantage mis sur la faim et la pauvreté. Le CAC constitue une enceinte précieuse pour la collaboration interinstitutions dont l'efficacité pour résoudre les problèmes de sécurité alimentaire a été démontrée par les travaux de l'Équipe spéciale pour la sécurité alimentaire à long terme, le développement agricole et les activités connexes dans la corne de l'Afrique18, dirigés initialement par la FAO et aujourd'hui placés sous la direction de la Banque mondiale.

2.33

L'Organisation a depuis longtemps des accords de coopération et des programmes de travail en commun avec toutes les grandes institutions financières internationales, mais elle a maintenant pris des dispositions pour renforcer cette collaboration et l'axer davantage sur l'insécurité alimentaire. Le Directeur général de la FAO et les présidents de toutes les institutions financières internationales et de la plupart des banques sous-régionales sont en contact fréquent pour promouvoir une reprise des prêts au secteur rural. Ce thème a également été évoqué dans des allocutions du Directeur général aux conseils d'administration de plusieurs banques régionales. Dans de nouveaux mémorandums d'accord, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque islamique de développement et la Banque ouest-africaine de développement se sont engagées à financer, à la requête des pays, des activités liées aux PSSA19.Toutes les grandes institutions financières internationales, ainsi que le PAM et le PNUD, étaient représentées au sein du Groupe de haut niveau sur la mobilisation des ressources convoqué en juin 2001 par le Directeur général20.

2.34

Les contacts au plus haut niveau se sont intensifiés avec les gouvernements des pays développés et particulièrement avec les organes intergouvernementaux appropriés, notamment avec la Communauté européenne et le Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Progrès

2.35

Toute évaluation du renforcement de la détermination politique de s'attaquer au problème de la sous-alimentation et de la malnutrition restera subjective tant que l'on n'aura pas de preuves concrètes d'une accélération des progrès accomplis dans l'éradication de la faim, surtout dans les PFRDV. La bonne nouvelle est que quelque 53 pays en développement ont enregistré une baisse de la proportion de leur population sous-alimentée entre 1990-1992 et 1997-1999. Toutefois, dans nombre de ces pays, cette baisse n'a pas été suffisante pour contrebalancer l'effet de la croissance de la population. C'est pourquoi le nombre des sous-alimentés n'a baissé en chiffres absolus que dans 32 pays. Dans les notifications au CSA, toutefois, aucun pays ne prétend que ces réductions sont dues à des mesures prises en réponse aux engagements du Sommet mondial de l'alimentation, impression confirmée par l'importante Société internationale pour le développement qui a constaté, à l'occasion de 32 séminaires (organisés dans 26 pays en 1999 et 2000) que très peu de gouvernements avaient effectivement engagé un processus de suivi du Sommet faisant intervenir des OSC. Comme on le voit au Chapitre 3 de la présente publication, rien n'indique non plus une augmentation dans les ressources nationales ou internationales affectées au développement rural, ce que l'on attendrait de tout programme visant à réduire l'insécurité alimentaire. Au contraire, l'APD pour l'agriculture n'a cessé de baisser, tandis qu'en 2000 les nouveaux engagements de prêt des institutions financières internationales en faveur du développement agricole et rural ont atteint leur minimum historique. Parallèlement, un certain nombre de pays parmi les plus touchés par l'insécurité alimentaire, au lieu de mobiliser des ressources intérieures pour réduire la faim, ont augmenté leurs dépenses militaires.

2.36

Il est encourageant de constater l'apparition d'un vaste consensus dans la communauté internationale concernant la nécessité d'axer l'assistance au développement sur la réduction de la pauvreté, afin d'atteindre l'Objectif international de développement de réduire la pauvreté de moitié d'ici 2015. Un ample consensus semble aussi se constituer sur la nécessité de faire remonter l'APD à l'objectif fixé de 0,7 pour cent du PIB et de centrer principalement cette aide sur les pays pauvres, même si le nombre des pays développés qui ont agi dans ce sens reste faible21. Des progrès ont également été réalisés en ce qui concerne la réduction de la dette, notamment dans le cadre de l'Initiative en faveur des PPTE, et son association avec des investissements visant à réduire la pauvreté.

2.37

Le paradoxe est toutefois que cette volonté louable de réduire la pauvreté, accompagnée à juste titre d'une prise de conscience de la complexité des causes de la pauvreté, risque d'aboutir à une dispersion des efforts et de détourner l'attention des aspects plus tangibles et plus menaçants de la pauvreté, comme la faim. De fait, si l'on ne s'attaque pas de front au problème de la sous-alimentation, on risque de compromettre la réalisation de l'objectif de réduire la pauvreté, dans la mesure où la faim contribue à la pauvreté et la renforce. Les approches holistiques du développement décrites dans le Cadre de développement intégré (CDF) et le Plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement (auxquels la FAO participe) doivent être interprétées et rendues opérationnelles. Des priorités sectorielles doivent être définies dans chacun de ces cadres et ordonnées de manière à toucher les divers aspects de la pauvreté, pour aboutir à des propositions réalistes d'action et la mobilisation des ressources nécessaires à la réalisation de l'objectif poursuivi de la réduction de la pauvreté. Les difficultés inhérentes à l'évaluation de l'incidence de la faim - état qui n'est que trop évident pour ceux qui en souffrent - ne doivent pas servir de prétexte pour minimiser l'urgence mondiale de l'éradication de la pauvreté.

2.38

Le peu d'attention porté à l'insécurité alimentaire en tant que problème spécifique a été très évident jusqu'à récemment dans les enceintes internationales depuis le Sommet mondial de l'alimentation. L'insécurité alimentaire n'a que rarement été à l'ordre du jour des fameux Sommets du G-7, du G-8 ou du G-77 et d'autres réunions internationales majeures, dont celles du G-15 et du Mouvement des pays non alignés. L'exception la plus notable a été celle du Sommet du G-7 de 1997, qui a reconnu la nécessité d'accroître les flux de l'APD en Afrique et de cibler cette aide sur le développement rural, la sécurité alimentaire et la protection de l'environnement. Mais lors des Sommets suivants, aucun rapport n'a été fourni sur les mesures prises à cette fin et le problème de la faim n'a plus été évoqué. Par exemple, à la réunion du G-8 de Cologne en 1999, où il a été convenu d'élargir l'impact de l'Initiative en faveur des PPTE et de l'associer à des mesures de réduction de la pauvreté prises par les pays bénéficiaires, ces mesures ont été assimilées à des améliorations en matière de santé et d'éducation, sans qu'il soit question de sécurité alimentaire, ni même de mesures visant à accroître les possibilités d'acquisition de revenus. À Okinawa, en 2000, le communiqué du G-8 réitérait son soutien à l'annulation de la dette dans l'optique d'une réduction de la pauvreté et soulignait que «la santé est la clé de la prospérité» et que «chaque enfant a droit à une bonne éducation»; il recommandait en outre l'ouverture d'un dialogue sur la sécurité sanitaire des aliments, mais n'a fait aucune référence à la sécurité alimentaire. Il est toutefois encourageant d'observer que la Déclaration finale du G-8 à Gênes en juillet 2001mentionnait spécifiquement les questions de la sécurité alimentaire: «À l'approche du Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après, en novembre 2001, la sécurité alimentaire reste un objectif insaisissable. Plus de 800 millions de personnes, dont au moins 250 millions d'enfants, sont encore gravement sous-alimentées. Un objectif central de notre stratégie de réduction de la pauvreté reste donc l'accès à des ressources alimentaires adéquates et le développement rural. Le soutien à l'agriculture est un instrument essentiel de l'APD. Nous nous efforcerons de développer la capacité de production et de distribution dans les pays pauvres, en intégrant des programmes d'assistance dans les stratégies nationales et en renforçant la formation dans le domaine des sciences agronomiques. Il est nécessaire de déployer les plus grands efforts pour augmenter la productivité agricole. L'introduction de nouvelles technologies éprouvées et expérimentées, y compris des biotechnologies, appliquées de manière sûre et adaptée aux conditions locales, a de vastes potentialités pour accroître sensiblement les rendements agricoles dans les pays en développement, tout en réduisant, par rapport aux méthodes traditionnelles, le recours aux pesticides et la consommation d'eau. Nous sommes déterminés à étudier, partager et faciliter l'utilisation responsable des biotechnologies pour faire face aux nécessités du développement. Nous aurons pour objectif les régions les plus déficitaires sur le plan alimentaire, notamment l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud, et nous continuerons à encourager la coopération Sud-Sud. Nous soutiendrons le rôle crucial que jouent les organisations internationales et les ONG dans les opérations de secours humanitaire. Nous estimons que les stratégies nationales pour la réduction de la pauvreté et les stratégies sectorielles doivent tenir dûment compte des besoins nutritionnels des groupes vulnérables, notamment des nouveau-nés et de leurs mères.»

Très récemment, le Groupe des 77 a également commencé à appeler l'attention sur le problème de la faim, notamment dans ses communications au Comité préparatoire de la Conférence internationale sur le financement du développement.

2.39

La réduction de la faim est oubliée comme élément central de la réduction de la pauvreté dans les Objectifs internationaux de développement établis conjointement par la Banque mondiale, le FMI, l'ONU et l'OCDE qui, comme indiqué plus haut, cherchait à exclure l'objectif de réduction de la pauvreté indiqué par le Sommet mondial de l'alimentation parmi les objectifs spécifiques du développement, malgré les vives protestations émises par la FAO au nom des gouvernements ayant approuvé la Déclaration de Rome22. Les premiers conseils donnés par la Banque mondiale et le FMI pour la préparation des Documents de stratégie de réduction de la pauvreté allaient dans le même sens, bien qu'ils aient été modifiés par la suite de façon à suggérer que l'on ne s'attache pas uniquement aux questions de santé, d'éducation, et d'approvisionnements en eau, mais aussi à celles liées à la pauvreté rurale et à la création de revenus. Toutefois, comme dans la plupart des pays pauvres l'incidence de la pauvreté est plus élevée dans les zones rurales, les mesures destinées à stimuler la croissance de la petite agriculture et à améliorer la sécurité alimentaire des collectivités ne manqueront pas au bout du compte d'occuper la place qui leur revient dans les Documents de stratégie, dans la mesure où ces documents seront élaborés avec la participation des intéressés. Cela serait conforme à la nouvelle «vision» de la Banque mondiale pour le développement rural, axée sur la nécessité de s'attaquer à l'insécurité alimentaire, en tant qu'objectif spécifique de sa mission, qui est de réduire la pauvreté rurale23.

2.40

La déclaration de novembre 2000 du Conseil de l'Union européenne et de la Commission européenne sur leur politique de développement est plus précise en ce qu'elle reconnaît que la sécurité alimentaire est un élément clé de toute une gamme d'actions visant à éradiquer la pauvreté, mais qu'il importe aussi de l'envisager de divers points de vue. La nécessité de s'attaquer à la faim comme problème en soi a été également reconnue (quoiqu'à un stade très avancé de la rédaction) dans la Déclaration du Millénaire des Nations Unies de septembre 2000, où il était dit que son principal objectif était de «réduire de moitié, d'ici à 2015, la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à un dollar par jour et celle des personnes qui souffrent de la faim, et de réduire de moitié, d'ici à la même date, la proportion des personnes qui n'ont pas accès à l'eau potable ou qui n'ont pas les moyens de s'en procurer»24. Il faut espérer que l'esprit de coopération qui s'est manifesté à l'Assemblée du Millénaire des Nations Unies se traduira par des actions conjointes fermes et délibérées.

2.41

On peut avoir des raisons de se montrer prudemment optimiste en voyant l'ampleur - déjà mentionnée - des mouvements transnationaux de la société civile qui apparaissent comme les défenseurs d'un monde plus juste et qui montrent que, contrairement à certaines idées reçues, il existe dans les pays développés un large soutien populaire en faveur de la lutte contre la faim25. De nombreuses ONG travaillent déjà à la résolution des crises alimentaires et fournissent des services de soutien aux collectivités de petits exploitants, mettant souvent l'accent sur les techniques d'utilisation durable des terres. D'autres jouent un rôle de premier plan dans le processus de consultation sur le droit à la nourriture de l'après Sommet dirigé par le Haut Commissaire aux droits de l'homme. Ces organisations vont probablement constituer des coalitions, profitant des nouvelles possibilités de créer des réseaux, et oeuvrer en faveur d'un engagement national et international plus ferme dans la lutte contre la faim.

2.42

Enfin, au niveau international, on semble mieux reconnaître la menace que la faim et la misère extrême qui lui est associée, constituent pour la paix et la sécurité. Les conflits locaux pour la possession de ressources rares peuvent rapidement s'étendre à toute une région et avoir un impact déstabilisant majeur, reléguant au second plan toute tentative de résoudre les questions de sécurité alimentaire à long terme dans les pays concernés. L'extrême misère conduit aussi les familles rurales pauvres à se tourner vers la production de drogues illégales. Il est de l'intérêt de chaque pays de prendre des mesures pour éviter ce genre de situation. Parce qu'il est chargé par la Charte des Nations Unies de préserver la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité s'intéresse de plus en plus aux questions alimentaires, et en particulier à la nécessité de garantir la sécurité alimentaire en cas de catastrophe naturelle et causée par l'homme. Compte tenu de l'ampleur de la sous-alimentation chronique, surtout dans les pays exposés à des conflits, c'est une question qui doit constituer un thème important pour le Conseil de sécurité, dans sa quête de la paix.

2.43

Au niveau national, il semble que plusieurs pays en développement reconnaissent le rôle critique du secteur rural dans un développement économique largement ouvert et se sont engagés à promouvoir la croissance du secteur agricole, grâce notamment aux nouveaux débouchés commerciaux à l'échelon national et international. Mais ces pays constituent l'exception; la plupart des pays en développement poursuivent des politiques axées sur les villes, sans manifester d'empressement visible à éradiquer la faim et la malnutrition chroniques ou à promouvoir le développement rural.

Traduire les engagements en actions

2.44

Le Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après donnera l'occasion aux gouvernements, à la communauté internationale et à la société civile de renouveler leur engagement en faveur de la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et du Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation. Toutefois il s'agit maintenant d'aller au-delà de cet engagement et de déclarer en termes très précis comment toutes les parties prenantes vont oeuvrer pour appuyer les mesures destinées à éliminer la faim, de façon que l'objectif du Sommet puisse être réellement atteint d'ici à 2015. Et cet engagement sera d'autant plus fort qu'il se fondera sur une vision consensuelle des moyens d'éradiquer la faim.

2.45

Tout en restant fermement ancrées dans la Déclaration de Rome, les mesures à prendre par chacune des parties peuvent bénéficier des progrès réalisés dans les connaissances, la réflexion théorique et les rapports institutionnels depuis 1996. Une meilleure compréhension de la nature de l'insécurité alimentaire et de ses causes sous-jacentes est de plus en plus indispensable pour élaborer des stratégies efficaces26. Il est également de plus en plus évident que la faim chronique accentue la pauvreté, confortant ainsi l'intuition que les mesures destinées à réduire la faim sont des préalables indispensables à la réussite des programmes de lutte contre la pauvreté: tant que les gens - adultes ou enfants - ont faim, leurs réactions aux possibilités de développement sont inhibées. De fait, il s'avère que, dans la plupart des économies, la présence à grande échelle de la faim réduit le potentiel de croissance économique nationale27.

2.46

Il faut aussi profiter des progrès sensibles de la décentralisation institutionnelle enregistrés dans de nombreux pays au cours des cinq dernières années et les appuyer par des ressources suffisantes pour permettre aux institutions publiques d'exercer un mandat élargi. La décentralisation offre aux institutions publiques touchées par les multiples facettes de la sécurité alimentaire, de nouvelles occasions de collaborer de manière plus efficace au niveau local. Elle facilite aussi beaucoup les processus de diagnostic et de prise de décisions participatifs qui, de l'avis général, contribuent à renforcer les possibilités de réaction locales à des problèmes cruciaux comme la faim ou la création de moyens d'existence plus stables. Le rôle grandissant des OSC en tant que fournisseurs de connaissances et de services au niveau local doit également être pris en compte lors du développement de stratégies.

2.47

La pensée sur les questions liées aux droits de l'homme a considérablement progressé et notamment quant à la manière dont les concepts informant le droit à la nourriture peuvent contribuer à l'élaboration de programmes efficaces d'éradication de la faim. Ce courant de pensée met l'accent sur la primauté du rôle de l'individu, de la famille et de la collectivité dans la satisfaction des besoins alimentaires, tout en attribuant à l'État une fonction «d'exécution» qui ne commence que lorsque l'assurance de l'accès à une nourriture adéquate et saine dépasse clairement les capacités locales28.

Les gouvernements doivent, pour leur part, créer les conditions nécessaires au succès des efforts locaux et notamment garantir la paix et la participation active aux processus politiques. Ils sont également appelés à veiller à ce que la nourriture ne soit pas utilisée comme un instrument de pression politique ou économique, une question qui est suivie par le Rapporteur spécial sur le droit à la nourriture, nommé en 2000 par le Haut Commissaire aux droits de l'homme.

2.48

Au niveau des institutions internationales, le renforcement de la collaboration entre les divers organismes au niveau national, par le biais du Bilan commun de pays, du Plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement et du Réseau du CAC sur le développement rural et la sécurité alimentaire, offre de nouvelles occasions pour un resserrement mutuel des partenariats interinstitutions en vue de l'éradication de la faim.

2.49

Cependant, en dépit de ces avancées dans la pensée et dans les relations institutionnelles, peu de pays ont lancé des attaques délibérées contre la faim alors qu'elles sont nécessaires pour atteindre l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation. De fait, il semble que l'on n'ait guère réfléchi, sauf dans les consultations sur le droit à la nourriture, à ce que signifie concrètement l'engagement d'éradiquer la faim - outre que d'augmenter la production des petites exploitations agricoles (voir encadré 2.3). C'est peut-être cette absence de vision claire qui affaiblit la détermination de remplir les engagements pris et, par conséquent, freine les progrès vers l'éradication de la faim.

ENCADRÉ 2.3

Augmenter la productivité agricole pour réduire la pauvreté


Dans les pays en développement, la pauvreté se concentre avant tout dans les zones rurales: en milieu urbain, elle est souvent la conséquence des migrations rurales. Dans la population rurale, les familles de petits exploitants sont souvent les plus pauvres et les plus mal nourries. Dans de nombreux PFRDV, l'augmentation de la productivité des petits exploitants peut entraîner, simultanément, une réduction de la pauvreté rurale, une amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition des ménages, une plus grande disponibilité de produits alimentaires sur les marchés locaux et nationaux et une réduction de la facture des importations. L'expérience montre que des investissements relativement modestes associés à des changements technologiques simples peuvent entraîner une hausse substantielle de la productivité de la main-d'oeuvre et de la terre, s'il existe des marchés pour la production supplémentaire. Une partie des investissements peut venir des propres ressources des exploitants, qui peuvent, par exemple, convertir le travail de leur famille en actifs productifs, tels que des petits réseaux d'irrigation et de drainage, des plantations de cultures arbustives ou des améliorations de la terre (terrasses ou nivellement).

L'existence de marchés est indispensable au succès des programmes d'augmentation de la production agricole. Pour les pays en développement, toutefois, l'un des problèmes tient à ce que la baisse à long terme des cours mondiaux des céréales (résultant en particulier à la fois des changements technologiques rapides et des subventions dans les pays développés), tout en permettant d'importer à bas prix et donc de faire tomber les prix des produits alimentaires, tend à réduire les incitations à la production alimentaire et à éroder la principale source de revenus des petits exploitants.

Le lien entre l'agriculture et la sécurité alimentaire peut être renforcé si les pays en développement achètent les aliments utilisés pour les filets de sécurité alimentaire sur le marché local, créant ainsi une demande réelle là où elle n'existait point auparavant.


2.50

À la différence d'autres manifestations de la pauvreté, la faim est relativement facile à identifier, à mesurer et à cibler; les systèmes de surveillance et d'alerte rapide qui permettent de prévoir les pénuries alimentaires sont en effet de plus en plus efficaces. La solution au problème - assurer un accès régulier à une nourriture adéquate, nutritive et saine - est aussi apparemment simple. À la différence de nombreux problèmes de santé, l'éradication de la faim ne demande pas des années de recherches scientifiques coûteuses ou l'administration de médicaments coûteux. Il s'ensuit qu'il existe une solution réelle au problème de la faim, celle de garantir que ceux qui, pour des raisons structurelles, ne peuvent satisfaire la plupart de leurs besoins alimentaires, soit en augmentant leur production agricole, soit par un travail rémunéré, aient accès à une nourriture appropriée ou à des fonds pour l'acheter. Si en périodes de crise des mesures sont souvent prises pour assurer l'accès à la nourriture, en revanche les pays en développement qui ont mis en place des programmes efficaces pour lutter contre la faim chronique sur une base journalière sont encore peu nombreux.

2.51

Un des facteurs les plus surprenants de la quête d'une solution au problème de la faim est que presque tous ceux qui cherchent à l'éliminer - mais probablement pas ceux qui en souffrent vraiment - semblent chercher des raisons pour rejeter les solutions directes au problème de la sous-alimentation chronique au profit d'autres solutions qu'ils considèrent comme plus durables. Paradoxalement, sous cette aversion généralisée pour des solutions directes, on trouve des préoccupations d'ordre éthique concernant la dignité humaine et la dépendance. Or, rien n'est plus dégradant pour la dignité humaine, ou ne cause plus de dépendance, que le fait de manquer constamment de cette nourriture qui, avec l'eau, est l'élément indispensable d'une vie saine et satisfaisante. La plupart des pays développés ont reconnu implicitement la necessité d'assurer l'accès de tous à une nourriture suffisante, et ont mis en place des systèmes de sécurité sociale et des dispositifs de protection sociale pour protéger leurs citoyens des pénuries et garantir à tous une nutrition adéquate. Si la nécessité de systèmes semblables dans les pays en développement, où la vulnérabilité à la faim et les risques sont plus élevés, semble évidente, peu de pays sont encouragés par leurs partenaires du développement à mettre en place de tels systèmes.

2.52

Cette aversion pour les solutions directes à la faim est souvent exprimée par des économistes et des spécialistes du développement qui les accusent à tort de fausser inévitablement les marchés, de faire disparaître les incitations, de ne pas être viables, de coûter trop cher, de ralentir la croissance et de favoriser la corruption. Dans la pratique, toute mesure qui transforme le besoin de nourriture en une demande supplémentaire ne peut que stimuler les marchés, en créant une situation avantageuse pour tous dans laquelle la vente de denrées alimentaires de base locales peut permettre de libérer de la faim à la fois les fournisseurs et les consommateurs. Les incitations à travailler plus ou à produire plus de produits alimentaires ne veulent rien dire pour ceux qui n'ont ni la force, ni les moyens de le faire. Il existe également le risque que la quête de solutions durables, bien qu'elle soit tout à fait noble, ne détourne des ressources qui pourraient être destinées à la couverture des besoins immédiats, permettant ainsi aux populations qui souffrent de la faim de faire des choix adaptés à une croissance plus durable. Lorsqu'elles sont bien ciblées, les mesures de redistribution sont moins coûteuses et, par conséquent, pour la même somme d'argent, parviennent à libérer davantage de personnes de la faim que les investissements nécessaires pour parvenir à des solutions apparemment plus durables, et elles peuvent créer les conditions de base pour une croissance durable. La croissance économique ne peut être ralentie que par la non-participation de ceux qui ont faim; rien ne prouve que la corruption profite plus des fonds affectés à des mesures de redistribution que de ceux alloués à des programmes d'investissement.

2.53

Autrement dit, il faut abandonner les préjugés à l'encontre des mesures de redistribution pour chercher des solutions rapides et pratiques au problème de l'insécurité alimentaire - solutions qui répondent à un besoin humain dont la négation ne peut être que cause de souffrances. Elles devront s'intégrer dans un cadre bien équilibré d'initiatives visant à s'attaquer aux diverses manifestations de la faim, identifiées par un travail diagnostique solide d'une manière ciblée, rentables et institutionnellement réalisables, tenant compte des ressources disponibles. Comme le montre l'expérience réalisée dans l'État du Maharashtra en Inde et dans certaines régions d'Éthiopie, l'effet multiplicateur de tels programmes peut être accru s'ils sont utilisés pour créer des actifs productifs et s'ils sont alimentés par des achats locaux stimulant ainsi les marchés alimentaires internes, et donc la production agricole. Un succès visible dans l'éradication de la faim et dans l'amélioration de la nutrition, accompagné de la preuve des avantages sociaux et économiques qui en résultent, pourrait ainsi servir de catalyseur pour susciter la volonté de terminer le travail le plus rapidement possible.

2.54

On a beaucoup à apprendre des quelques pays, régions et communautés qui ont réussi rapidement à réduire l'incidence de la sous-alimentation grâce à un bon panachage de mesures diverses (voir encadré 2.4). Il conviendrait d'envisager un meilleur partage de ces expériences par le biais d'accords de coopération Sud-Sud élargis.

ENCADRÉ 2.4

Comment la Thaïlande a vaincu la malnutrition


Il y a plus de 30 ans, la Thaïlande a reconnu que la malnutrition était un problème national concentré dans les régions rurales. Le gouvernement a décidé de s'y attaquer par le biais d'un programme de développement rural à base communautaire. L'amélioration de l'état nutritionnel de la nation était considérée comme un investissement productif et non pas une dépense sociale - point de vue qui se manifestait dans une politique nationale de mesures accélérées où l'amélioration de la nutrition était un élément critique de la lutte contre la pauvreté. Une politique et un plan national de développement rural ont été élaborés avec l'aide de spécialistes de la planification, de personnels de nombreux secteurs, d'universitaires et de représentants des collectivités. L'amélioration de la nutrition est devenue l'élément central d'un contrat économique et social entre le gouvernement et la population, qui la liait à la réduction de la pauvreté. La pauvreté devait être considérée dans toutes ses manifestations, et pas uniquement du point de vue des revenus. Cela impliquait la mise en oeuvre de mesures multisectorielles intégrées, liées à des activités rémunératrices, destinées à améliorer le statut nutritionnel des collectivités. Le programme comportait la création d'emplois ruraux, des projets de développement villageois, la couverture complète des services de base pour les collectivités et l'expansion de la production vivrière (axée sur l'amélioration des régimes alimentaires). Au départ, ces mesures ne couvraient que le tiers le plus pauvre du pays, mais elles ont bientôt été appliquées dans l'ensemble du pays.

L'une des raisons pour lesquelles la Thaïlande a réussi à se débarrasser d'une malnutrition qualifiée de modérée à grave en une décennie (1982-1991) réside dans son investissement en capital humain. Elle a reconnu que les mesures introduites devaient avoir une base sociale et que l'autoassistance était au coeur de l'action collective contre la malnutrition. Un partenariat s'est constitué entre le gouvernement et la population sur la base de stratégies de mobilisation sociale à vaste échelle. Des facilitateurs bénévoles, choisis par les collectivités, ont été chargés d'améliorer l'accès de leur collectivité aux services de base et d'engager ses membres à participer à des activités liées à la nutrition. À cette fin, la Thaïlande a utilisé un ensemble d'indicateurs des besoins minimaux de base, qui a aidé la population à identifier et à donner des priorités à ses problèmes de nutrition, puis à prendre les mesures appropriées en exploitant tout le potentiel offert par les ressources locales.


2.55

C'est en s'inspirant des expériences réussies et des événements importants survenus depuis 1996, que l'on peut commencer à jeter les bases pour un renforcement de la lutte contre la faim. Il est certain qu'une avancée durable vers une sécurité alimentaire universelle est étroitement liée aux taux de croissance économique, aux éléments de cette croissance, aux politiques délibérées en faveur des pauvres et au commerce équitable. Tout en reconnaissant les interactions complexes de ces divers facteurs et la façon dont elles influent sur l'incidence de la faim, voici un récapitulatif de réflexions que les pays pourront trouver utiles pour la définition de stratégies d'éradication de la faim.

2.56

Le droit à la nourriture

La pauvreté, la faim et le développement économique

La faim comme conséquence de l'échec du marché

Options pour améliorer l'accès à la nourriture

L'engagement politique

L'interdépendance mondiale

2.57

Les Parties au Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après trouveront peut-être les éléments indiqués ci-dessus utiles pour promouvoir des programmes nationaux visant à atteindre les objectifs du Sommet, à responsabiliser les institutions et à développer des partenariats internationaux efficaces, axés sur des objectifs communs. Ils pourraient également être utiles pour la préparation de directives facultatives concernant le droit à une nourriture adéquate, par exemple un Code international de conduite sur le droit de l'homme à la nourriture.

2.58

Les gouvernements des pays, qui ont entrepris de préparer des stratégies de réduction de la pauvreté, pourraient tenir compte des considérations ci-dessus pour la définition des éléments de leurs stratégies qui touchent l'éradication de la faim, et l'élaboration de plans détaillés pour atteindre d'ici 2015 - du moins à l'intérieur de leurs frontières - les objectifs fixés lors du Sommet. Les programmes adoptés seront évidemment divers, mais un de leurs éléments communs pourrait être le soutien qu'ils accorderaient aux initiatives communautaires décentralisées destinées à assurer la sécurité alimentaire pour tous, comportant une suite de mesures pour la réduction immédiate de la faim et mettant en place les éléments de solutions durables à plus long terme. Ils associeront souvent la fourniture de filets de sécurité sociale à des programmes de développement rural vigoureux. La mise en application de tels programmes exigera la participation non seulement des Ministères de l'agriculture, mais aussi des autres institutions - du secteur public et de la société civile - qui ont pour mission de répondre aux multiples demandes des collectivités et des groupes d'intérêts communs résolus à éradiquer la faim.

2.59

La mise en application par les pays en développement de programmes d'éradication de la faim de l'ampleur voulue exige le plein engagement de la communauté internationale. En adoptant les concepts mentionnés ci-dessus, celle-ci indiquerait qu'elle accepte la nécessité de prendre des mesures délibérées pour éradiquer la faim, plutôt que de supposer que la faim disparaîtra d'elle-même par effet des mesures plus générales prises pour éliminer la pauvreté. Des objectifs d'éradication de la faim devront donc être explicitement inclus dans les Objectifs du développement international qui guident les actions de la communauté internationale. L'adhésion à ces considérations générales implique également la nécessité d'une collaboration plus étroite entre les organismes des Nations Unies (notamment avec les organisations ayant leur siège à Rome, mais aussi avec celles qui s'occupent de la santé, de l'éducation, du bien-être des enfants et de l'environnement), avec les Institutions financières internationales (IFI) et d'autres organes intergouvernementaux, tous travaillant de concert, dans leurs domaines d'avantage comparatif, à la fourniture d'une assistance technique, alimentaire et financière. Le financement international pour l'éradication de la pauvreté doit être renforcé pour être à la mesure du problème et être fourni à des conditions acceptables, afin d'éviter une nouvelle augmentation de la dette des pays en développement29. Outre leur utilisation aux fins du renforcement de la sécurité alimentaire, des ressources internationales pourraient être mobilisées pour compenser les gouvernements et les institutions internationales des coûts supplémentaires dérivant de l'intégration de composantes «éradication de la faim» dans les stratégies de réduction de la pauvreté et dans les programmes correspondants. Il est particulièrement important que tous les engagements extérieurs soient garantis à long terme pour que les gouvernements puissent lancer en confiance les programmes à multiples volets, indispensables à la réussite des objectifs du Sommet mondial de l'alimentation.

2.60

Dans le contexte de la lutte contre la pauvreté, la focalisation sur la faim a également des répercussions au niveau de la mise en oeuvre du Plan à moyen terme de la FAO. Toutes ses grandes activités devront en effet être évaluées quant à leur pertinence aux fins de la réduction de la faim et il lui faudra se demander comment en accroître l'impact sur la sécurité alimentaire. Cela implique, par exemple, que la réflexion stratégique à long terme de l'Organisation soit moins axée sur les prévisions de l'offre et la demande de nourriture, telles que déterminées par les marchés, et plus sur l'identification des besoins de nourriture et sur les moyens de les satisfaire pleinement d'une manière rentable. Les conseils en matière de politique devront porter de plus en plus sur les volets «éradication de la faim» des Documents de stratégie de réduction de la pauvreté, et il faudra évaluer les projets d'investissement en fonction non seulement de leurs avantages économiques, mais aussi de leurs effets sur la réduction de la faim. De plus, le PSSA pourrait être élargi pour devenir un instrument centré sur les personnes et régi par la demande, donnant aux groupes et collectivités, épaulés par un partenariat réunissant divers ministères, la société civile et les organes des Nations Unies intéressés, la possibilité de s'attaquer à la faim sous toutes ses formes, en tant que première étape de la lutte contre la pauvreté. Cela serait conforme avec la reconnaissance de la nécessité de mesures multisectorielles pour éradiquer la sous-alimentation, une reconnaissance qui est implicite dans la Déclaration de Rome et dans l'invitation des chefs d'État à assister au Sommet et au Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après. Il s'ensuit qu'il faudrait aussi arriver avec d'autres partenaires des Nations Unies (notamment le PAM et le Fonds international de développement agricole [FIDA], ainsi que les institutions de Bretton Woods) et la société civile, à une vision commune concernant les modalités d'éradication de la faim. Cette vision commune pourrait trouver une meilleure expression dans les processus de programmation actuels, notamment le Cadre global pour le développement, les Documents de stratégie de réduction de la pauvreté, les évaluations conjointes de pays et le Plan-cadre des Nations Unies pour l'aide au développement. Elle pourrait être raffermie au niveau national dans les pays en développement en donnant un nouvel essor aux Groupes thématiques du Réseau du CAC sur le développement rural et la sécurité alimentaire, et en constituant une Unité de coordination de haut niveau. La FAO a également un rôle de catalyseur et de facilitateur à jouer dans la promotion de l'éradication de la faim, en établissant une solide structure d'appui et en veillant à ce que les divers aspects de la faim occupent une place prépondérante à l'ordre du jour d'autres instances, notamment celles qui s'occupent de l'environnement, du développement durable, de la santé, de la nutrition et du financement. L'Organisation doit aussi renforcer, en coopération avec d'autres institutions, l'efficacité de ses systèmes d'alerte rapide et de contrôle de la situation alimentaire.

2.61

Les pays développés, épaulés par les institutions internationales - notamment celles s'occupant du commerce international - auront ainsi l'occasion de prouver leur volonté de contribuer de manière significative à l'éradication de la faim en ouvrant leurs marchés, surtout aux exportations des pays en développement; en réduisant leur dumping et leurs subventions aux produits agricoles; en partageant leurs technologies et en finançant bien plus largement les biens publics internationaux pertinents (recherche agricole, régulation de l'aménagement des stocks halieutiques communs, suivi de la dégradation des forêts, des terres et de la biodiversité, élaboration de codes de conduite pour un aménagement responsable des ressources, etc.).

2.62

Les OSC, et surtout les ONG nationales et internationales travaillant dans les pays en développement, ainsi que les groupes d'exploitants agricoles, de femmes et de jeunes, devront s'engager à s'attaquer aux problèmes de la faim avec plus de vigueur que jamais, en jouant un rôle important dans la mobilisation des ressources, la fourniture de services techniques et la promotion de leur cause. Elles pourraient aussi assumer la responsabilité du suivi des résultats et de les comparer aux engagements.

2.63

Le secteur privé aura de nombreuses occasions de contribuer à l'éradication de la faim. Dans les pays en développement, il pourra le faire en élargissant les réseaux commerciaux pour inclure les zones rurales et en investissant dans les petites entreprises susceptibles de créer des emplois et de donner de nouvelles compétences aux individus. Au niveau international, le secteur privé pourrait ouvrir de nouveaux marchés pour les produits des pays en développement, en transférant les usines des pays développés dans les pays en développement, et en élaborant et partageant des technologies susceptibles d'améliorer les conditions de vie des pauvres. S'il était possible de canaliser les importantes ressources privées qui devraient attirer le Mécanisme de développement propre vers les petits exploitants démunis pour leur permettre d'adopter des systèmes d'utilisation des terres plus durables, cela aurait des effets bénéfiques à la fois sur la consommation alimentaire et sur l'environnement.

2.64

En conclusion, on peut dire que malgré des progrès décevants au cours des cinq dernières années, les perspectives d'atteindre l'objectif du Sommet mondial de l'alimentation restent bonnes. Il faudra, cependant, que l'éradication de la faim fasse partie des objectifs explicites, aux niveaux national et international, des stratégies de lutte contre la pauvreté. Non seulement il est nécessaire que ces stratégies s'appuient sur la reconnaissance du fait que tant que les gens auront faim, il sera difficile de réduire les niveaux de la pauvreté de moitié grâce à la croissance économique, mais il faut aussi qu'elles reposent sur le fait que l'humanité entière a un droit à la nourriture, droit qui ne peut attendre. Il est possible d'atteindre l'objectif du Sommet en adaptant les programmes aux possibilités et aux besoins locaux, en équilibrant les mesures destinées à réduire immédiatement les privations et les investissements visant à générer des améliorations durables des moyens d'existence des populations, de manière à assurer la sécurité alimentaire au niveau des communautés. L'impulsion devra venir des ménages, des collectivités et des pays où l'insécurité alimentaire est la plus grave, mais la communauté internationale devra soutenir ces efforts en engageant, à titre non recouvrable, des ressources provenant de sources bilatérales ou multilatérales, des Nations Unies ou d'OSC. Les pays développés pourront aussi contribuer à la réalisation de l'objectif du Sommet en réduisant les obstacles à l'importation de produits agricoles et en créant des incitations au transfert des connaissances et à des formes d'IED appropriées, notamment en faveur des zones rurales des pays en développement. Il est dans l'intérêt des populations des pays tant développés qu'en développement - et moralement impératif - d'éradiquer la faim dans un effort conjoint et au plus vite.


NOTES

1 FAO. 2001. Comité de la sécurité alimentaire mondiale (27session) (CFS: 2001/Inf.6). Rome.

2 Le terme «faim» s'applique dans le présent chapitre aux divers aspects de la sous-alimentation et de la malnutrition temporaires et chroniques, et indique l'état de tous ceux qui n'ont pas un accès rapide à une nourriture suffisante, saine et appropriée du point de vue nutritionnel.

3 FAO. 1997. Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et Plan d'action du Sommet mondial de l'alimentation. Rome.

4 M. Mazoyer. 1998. Accès à l'alimentation: éradication de la pauvreté, protection sociale et aide alimentaire. Conférence interparlementaire spécialisée «Atteindre les objectifs du Sommet mondial de l'alimentation par une stratégie de développement durable». Rome, 29 novembre-2 décembre 1998.

5 CNUCED. 2000. Rapport 2000 sur les pays les moins avancés. Genève.

6 Banque mondiale. 2000. La réduction de la pauvreté dans les années 90 - Stratégie de la Banque mondiale. Précis no 202. Washington.

7 Un certain nombre des questions, qui ont surgi à partir de 1996 et intéressent la FAO, sont examinées au
Chapitre I de la présente publication.

8 Définies dans les Documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DRSP).

9 ONU. 2000. Déclaration du Millénaire. Résolution 5/2 adoptée par l'Assemblée générale en 2000. New York.

10 Cela semble avoir été rectifié dans la Roadmap towards the implementation of the Unites Nations Declaration du Secrétaire général de l'ONU (19 septembre 2001).

11 S. Devereux. 2000. Famine in the twentieth century. Document de travail no 105. Brighton, Royaume-Uni. Institute of Development Studies.

12 Cela ne signifie pas qu'il n'existe plus aujourd'hui de graves contraintes qui limitent les réponses nationales et internationales aux catastrophes naturelles et autres, réponses qui interviennent souvent trop tard et ne sont pas suffisamment financées et soutenues, une fois que les projecteurs des médias se sont fixés sur un nouveau sujet. L'absence de tout mécanisme permanent de financement en cas de catastrophes majeures freine considérablement les interventions et limite leur portée.

13 FAO. 2000. L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde 2001. Rome.

14 FAO. 2000. Comité de la sécurité alimentaire mondiale. Suite donnée au Sommet mondial de l'alimentation: rapport sur les progrès accomplis dans l'application du Plan d'action du Sommet - Engagements Un, Deux et Cinq et éléments pertinents de l'Engagement Sept du Plan d'action. (CFS 2000/3-Rév.1). Rome.

15 FAO. 1999. Stratégie de l'Organisation C - Augmenter durablement l'offre et la disponibilité d'aliments et d'autres produits des secteurs agricole, halieutique et forestier. Cadre stratégique de la FAO: 2000-2015. Rome.

16 FAO/FIDA/PAM. 1999, 2000 et 2001. Travailler ensemble pour combattre la faim et la pauvreté. Rome.

17 Rebaptisé Conseil de coordination des chefs de secrétariat des Nations Unies (CEB).

18 FAO. 2000. L'élimination de l'insécurité alimentaire dans la corne de l'Afrique - Stratégie pour une action concertée des gouvernements et des institutions des Nations Unies. Rapport de synthèse de l'Équipe spéciale interinstitutions des Nations Unies pour la sécurité alimentaire à long terme, le développement agricole et les activités connexes dans la corne de l'Afrique. Rome.

19 Voir le Chapitre 3 de la présente publication.

20 Rapport du Groupe de haut niveau sur la mobilisation de ressources aux fins de la sécurité alimentaire et du développement agricole et rural, FAO, Rome, 26-27 juin 2001.

21 FMI/OCDE/ONU/Banque mondiale. 2000. Un monde meilleur pour tous: poursuite des objectifs internationaux de développement. Paris. Voir toutefois, note de bas de page 9, p. 34. Voir aussi les documents pour le Comité préparatoire de la Conférence internationale sur le financement du développement (janvier 2002).

22 Voir paragraphe 2.38.

23 La Banque mondiale prévoit de présenter sa nouvelle «vision» en 2002.

24 Op. cit., note 9, p. 34

25 Selon un récent sondage d'opinion réalisé aux États-Unis par l'Université du Maryland, 75 pour cent des Américains seraient disposés à payer 50 dollars EU d'impôts par an pour réduire de moitié, pour 2015 au plus tard, le nombre des personnes souffrant de la faim (chiffre cité par D. Beckmann, Président de Bread for the World Institute, dans un communiqué de presse daté du 2 février 2001).

26 Op. cit. note 13, p 35.

27 FAO. 2000. Undernourishment and economic growth. The efficiency cost of hunger. Par J.-L. Arcand. Étude FAO: Développement économique et social n147. Rome.

28 FAO. 1998. Le droit à la nourriture en théorie et en pratique. Rome.

29 La nécessité d'une aide concessionnelle (y compris des dons) appropriée aux objectifs et à la situation des pays bénéficiaires a été notée dans l'examen de la coopération pour le développement international, contenu dans le Rapport du Secrétaire général au Comité préparatoire de la Conférence internationale sur le financement du développement.


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