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Système d’exploitation agricole céréales-maraîchage à grande échelle


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Le système d’exploitation agricole céréales-maraîchage à grande échelle est typique des pays en transition moins avancés ayant de bonnes conditions agroécologiques - par exemple l’Ukraine et la Moldavie - mais peut aussi être rencontré dans les pays voisins. Il couvre un total de 100 millions d’hectares, dont 40 millions sont cultivés. La pluviométrie annuelle varie de 360 mm (dans la péninsule de Crimée où l’irrigation est indispensable pour satisfaire les besoins en eau des cultures d’été) à 1 600 mm dans les montagnes des Carpates du nord-ouest de l’Ukraine. Les sécheresses sont fréquentes dans les zones de sud et de l’est. Cependant, seule 10 pour cent de la surface cultivée est irriguée, particulièrement dans les zones où le niveau de la nappe souterraine a baissé de façon importante à cause d’un drainage excessif.

Encadré 4.5 Données de base: système agricole céréales-maraîchage à grande échelle

Population totale (m)

68

Population agricole (m)

15

Superficie totale (m/ha)

100

Zone agroécologique

Subhumide/
semi-aride

Superficie cultivée (m/ha)

38

Superficie irriguée (m/ha)

4

Population animale (m)

24

La population totale est d’environ 70 millions de personnes, la population agricole est estimée à 15 millions. La taille de la plupart des exploitations est comprise entre 500 et 4 000 ha. Il existe encore des exemples d’exploitations de très grande taille dépassant 10 000 ha où vivent de grandes communautés rurales de 500 à 800 personnes, dont beaucoup sont employées. Les ouvriers agricoles travaillent aussi leurs parcelles individuelles. Les principales cultures sont le blé, l’orge, le maïs, le tournesol, la betterave à sucre et le maraîchage. Il y a près de 25 millions de têtes de bétail dans ce système.

Encadré 4.6 Une ferme typique du système agricole céréales-maraîchage à grande échelle

Un modèle de production typique de ce type d’exploitation est constitué de 45 pour cent de céréales (blé, orge et maïs), 13 pour cent de tournesol, 15 pour cent de betterave à sucre et 2 à 5 pour cent de maraîchage. La taille de l’exploitation varie entre 500 à 4 000 ha, elle emploie environ 250 ouvriers agricoles. La plupart de la surface est cultivée sans irrigation, toutefois certaines exploitations disposent d’irrigation (dans ce cas, environ un tiers de la terre peut être irrigué). La production est mécanisée, en utilisant la plupart du temps de vieilles machines en mauvais état. En raison des difficultés financières, l’utilisation des engrais minéraux est très réduite. De faibles doses de pesticides sont appliquées.

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME CÉRÉALES-MARAÎCHAGE À GRANDE ÉCHELLE

Ce système est caractérisé par un potentiel de production très élevé. Ce potentiel ne fut pas pleinement utilisé pendant l’ère soviétique et la productivité a chuté depuis. Les sols de tchernoziom qui s’étendent de l’Ukraine à la Russie voisine et à l’Asie centrale confèrent à ce système son potentiel élevé de rendement. Ces sols sont parmi les premiers sols à blé du monde. Les principales contraintes sont la faible pluviométrie et, pour le blé, les hautes températures pendant la période végétative. La pluviométrie est insuffisante, très peu de pluie s’infiltre dans le sol et atteint la nappe phréatique ou les rivières. Cependant, la fonte des neiges sur les terres gelées peut entraîner du ruissellement et de l’érosion. Au cours des années 80, les rendements moyens des exploitations collectives et d’état furent de 3 tonnes/ha pour le blé d’hiver et de 25 à 30 tonnes/ha pour la betterave à sucre[108]; ces rendements ont depuis baissé pour atteindre 2 tonnes/ha pour les céréales et 10 tonnes/ha pour la betterave à sucre. Cependant, l’expérience a montré que les rendements des céréales, même sur les grandes exploitations collectives, pouvaient atteindre 7 à 8 tonnes/ha et être maintenus à ce niveau sans effets négatifs apparents sur l’environnement. Les rendements des betteraves à sucre peuvent atteindre 60 tonnes/ha avec des technologies relativement simples.

La technique qui permit au pays d’Europe de l’Ouest, à la fin des années 70, de débloquer le potentiel de production de leurs systèmes agricoles de production de céréales fut la synergie entre l’utilisation des engrais azotés et des fongicides modernes[109]. Le paquet technologique est simple, il se compose de doses modérées d’azote et de phosphate, d’un fongicide moderne et d’un simple régulateur de croissance. Les équipements agricoles disponibles peuvent être utilisés pour les céréales, la betterave à sucre et les oléagineux, mais il est souvent nécessaire d’améliorer le système de filtration et de distribution des pulvérisateurs. Cependant, les responsables des exploitations n’ont pas encore adopté ces technologies, en raison de leurs coûts relativement élevés par rapport aux rendements attendus. Néanmoins, le recours aux cultures à système racinaire profond permet une utilisation efficace des ces sols profonds et fertiles. Le potentiel technologique et écologique des sols noirs de certaines zones de l’Ukraine est directement exploitable, même à court terme, pour la récupération du secteur vivrier. Le blé d’hiver, l’orge de brasserie de printemps, la betterave à sucre et les oléagineux, particulièrement le tournesol et le colza, sont des cultures qui ont ou auront très rapidement un avantage comparatif dans ce système et qui intéressent les industries de transformation.

L’ancienne organisation du travail, basée sur une main d’œuvre abondante et une responsabilité individuelle très limitée a laissé en héritage, aussi bien chez les ouvriers que chez les cadres, une faible motivation et de très mauvaises pratiques de travail. L’information disponible était alors utilisée non pour améliorer la gestion et la productivité mais pour éviter d’encourir des blâmes. Cette déresponsabilisation est probablement le problème le plus difficile à résoudre de l’ancien système.

La formation en gestion des affaires et direction d’entreprise revêt, pour le long terme, une grande importance; toutefois, la formation en agronomie, y compris en gestion intégrée des cultures (GIC) est encore plus vitale à court terme pour la mise en place et le maintien d’une agriculture durable. Les agriculteurs privés ont besoin du même type de formation: gestion d’entreprises agricoles, technologie de production, GIC et commercialisation. Un certain nombre d’employés des grandes fermes d’état ne sont pas directement impliqués dans les activités agricoles, mais travaillent dans des emplois tels que la restauration, l’enseignement, le transport et la réparation du matériel agricole. La formation pourrait les aider à se reconvertir dans des petites entreprises privées de service et permettre ainsi aux grandes exploitations de se débarrasser de ce type d’activités pour se concentrer sur des activités vraiment agricoles.

Les exploitations privées n’ont pas accès aux services agricoles de vulgarisation. Les grandes entreprises agricoles ont encore leur propre expertise interne, elle sera certainement inadaptée au passage à l’économie de marché. Il est donc nécessaire de mettre à la disposition, aussi bien des petites exploitations que des grandes entreprises, des systèmes de vulgarisation efficaces, capables de fournir de l’information technique et des conseils. Cette assistance devrait couvrir toutes les activités agricoles, de la production animale - en particulier pour les petites exploitations privées - à la production végétale et à la commercialisation. Il faut absolument éviter que l’information provienne exclusivement des entreprises chargées de la commercialisation des intrants. L’information de ces entreprises est de type commercial, elle ne saurait couvrir l’ensemble des besoins des agriculteurs.

PRIORITÉS DU SYSTÈME CÉRÉALES-MARAÎCHAGE À GRANDE ECHELLE

La réduction de la pauvreté des ménages des petites exploitations passe par: i) l’accroissement de la taille des exploitations (ou tout au moins de la terre travaillée individuellement), ii) l’intensification des modèles de production existants; et iii) la diversification des activités.

La continuation du processus de privatisation des exploitations demeure la grande priorité afin de créer des exploitations familiales bien gérées. Cette privatisation (distribution des terres et répartition des actifs des entreprises collectives) permettra à une grande partie de la population rurale de subvenir à ses besoins, réduisant ainsi sa pauvreté, et de participer à la valeur ajoutée de la production agricole nationale. Une attention particulière doit être portée à la distribution des terres et des actifs aux individus et aux entreprises collectives, ainsi qu’à la possibilité pour les ouvriers agricoles de les conserver lorsqu’ils s’en vont. Toutefois, ceci serait encore une garantie insuffisante pour donner confiance à tous les nouveaux entrants potentiels. Il est important d’analyser les raisons pour lesquelles un certain nombre d’ouvriers agricoles hésitent à se mettre à leur compte - même si les exploitations privées ont de meilleurs résultats que les grandes exploitations. La possibilité d’octroyer une aide initiale, par exemple sous la forme de petits prêts comme capital de démarrage, devrait être étudiée.

L’introduction des techniques de production des céréales de l’Europe de l’Ouest pourrait s’avérer efficace pour aider à revitaliser ce système et pour assurer la rentabilité et permettre la recapitalisation des exploitations agricoles, plus particulièrement en terme de fertilité des sols et d’équipement (voir encadré 4.7). De tels programmes devraient mettre l’accent sur: la collaboration entre agriculteurs et scientifiques afin de valider et d’ajuster les techniques proposées; la formation et les courtes visites d’exploitations d’Europe de l’Ouest; l’accès renforcé à l’assistance technique et à certains équipements spécialisés.

Les agriculteurs privés, qui devraient répondre plus vite que les grandes exploitations, devraient être les premiers impliqués. La communication sera aussi un facteur important pour faire accepter les changements par les communautés agricoles, les cercles gouvernementaux et le secteur privé.

Le développement des ressources humaines est prioritaire pour modifier et diversifier le système céréale-maraîchage à grande échelle. Les directeurs d’exploitation ont besoin de formation en gestion financière, en stratégie des entreprises et en développement et gestion des ressources humaines. Les ouvriers agricoles, quant à eux, ont besoin de formation pour développer leurs compétences techniques et les responsabiliser: les agriculteurs privés sortiront de leur rang.

Encadré 4.7 Utilisation des ressources naturelles et viabilité économique des systèmes agricoles en Ukraine du Sud[110]

La mauvaise utilisation, sur une longe période, des ressources physiques, financières et naturelles entraîna une chute de rendement de près de 30 pour cent vers la fin des années 90. Une mauvaise gestion des terres, un emploi inadéquat des engrais et des pesticides et une érosion non contrôlée ont causé des pertes en éléments nutritifs et la dégradation des terres. Un déséquilibre entre terres cultivées, pâturages naturels et zones forestières, associé à des techniques de travail du sol inefficaces, entraîna une détérioration de l’environnement et une mauvaise utilisation des ressources naturelles.

Il existe cependant un certain nombre d’exemples de grandes exploitations agricole du sud de l’Ukraine qui ont su utiliser les ressources à leur disposition d’une façon durable en: i) mettant en place des nouveaux modèles de rotation qui excluent les cultures non rentables précédemment fortement subventionnées; et ii) en mettant en œuvre des programmes de conservation des terres incorporant des légumineuses et des pâturages de bétail. Les exploitations complexes et surdimensionnées ont été divisées en unités plus petites, spécialisées et plus faciles à gérer.

L’introduction de nouveaux assolements, associé à des technologies améliorées, a permis d’augmenter la production et le profit. Au départ, les exploitations étaient endettées et perdaient de l'argent; les nouveaux programmes ont permis de générer des profits et de payer les dettes. Ces changements ont permis d’améliorer la balance hydrique et la qualité des sols, et d’accroître la biodiversité des terroirs. L’utilisation de techniques de conservation des sols dans la production végétale a amélioré leur fertilité et leur contenu en matière organique.


[108] Comme élément de comparaison, les rendements de l’Europe de l’Ouest étaient à peu près le double et continuent à augmenter.
[109] L’adoption et l’utilisation par les agriculteurs de cette nouvelle technologie s’est répandue rapidement et créa une demande pour les services de vulgarisation. La quantité de fongicide appliquée est assez faible et n’entraîne pas de risque pour l’environnement, en particulier en raison de la faible percolation du sol.
[110] Martinenko, 2001.

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