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Priorités stratégiques de l’Asie du Sud


La population agricole totale de l’Asie du Sud est la deuxième du monde juste après celle de l’Asie de l’Est et du Pacifique, mais son taux de croissance est bien supérieur. Comparée à plusieurs autres régions, l’Asie du Sud a relativement peu de réserves de terres fertiles et bien arrosées (irrigation ou pluviométrie). La région a une longue histoire d’agriculture intensive, qui a entraîné une dégradation importante des ressources de certains sites. Durant les 30 dernières années, contre toute attente, la recherche et les services d’appui à l’agriculture du système ont permis une croissance de la production alimentaire supérieure à celle de la population et ont ainsi réduit la proportion de personnes vivant dans la pauvreté. Le développement économique de la région a eu, au cours des dix dernières années, un impact profond sur la dynamique des systèmes d’exploitation agricole. A l’image des changements technologiques, institutionnels et des marchés, les systèmes d’exploitation agricole de la région devraient évoluer rapidement au cours des 30 prochaines années; le rythme de ces changements devrait s’accélérer.

On prévoit une amélioration des indicateurs de réduction de la faim et de la pauvreté au cours des prochaines années, à un rythme toutefois plus lent que celui qui serait nécessaire pour atteindre l’objectif de développement international de diminuer de moitié la faim et la pauvreté[161]. Des efforts accrus de la part des organisations publiques et privées et des communautés rurales seront nécessaires pour atteindre cet objectif. Le tableau 5.4 montre, pour chaque système de la région, le potentiel de croissance et de réduction de la pauvreté. Bien que le système arboricole, qui se concentre sur des productions de valeur relativement élevée avec des gains très importants de productivité, ait peut être le plus grand potentiel de croissance, les possibilités les plus importantes de réduction de la pauvreté proviendront plus probablement du système d’exploitation agricole riz-blé où la pauvreté est sévère et très répandue.

Le tableau 5.4 montre aussi l’importance relative des cinq stratégies des ménages pour échapper à la pauvreté. En raison de leur importance dans la plupart des systèmes, il apparaît clairement qu’il sera nécessaire d’aider, à la fois, la diversification des petites exploitations et la croissance des possibilités d’emploi hors exploitation. Les mesures pouvant aider les ménages à quitter l’agriculture constitueront une troisième priorité importante; elles devront inclure l’amélioration de l’enseignement rural et la formation à des qualifications professionnelles. Il est aussi possible de réduire fortement la pauvreté en intensifiant les productions existantes, en particulier par l’amélioration de la gestion de l’eau et l’adoption de technologies améliorées. Les possibilités de réduction de la pauvreté par l’augmentation de la taille des exploitations ou de celle des troupeaux des ménages pauvres sont assez faibles, en raison de la pression existant sur les terres. Les sections suivantes résument les priorités stratégiques des actions, dans les domaines des politiques, des marchés et des informations; des technologies et ressources naturelles; de la libéralisation du commerce et du développement des marchés; de l’information et du capital humain; de la science et de la technologie; et des ressources naturelles et du climat.

Tableau 5.4 Potentiel et importance relative des stratégies des ménages pour la réduction de la pauvreté en Asie du Sud




Stratégies de réduction de la pauvreté

Système d'exploitation agricole

Potentiel de croissance agricole

Potentiel de réduction de la pauvreté

Intensifi-
cation

Diversifi-
cation

Accroissement de la taille de l'exploitation

Accroissement du revenu hors exploitation

Sortie de l'agriculture

Riz

Moyen

Moyen

2

3

0,5

2,5

2

Pêche côtière artisanale

Faible

Moyen

0

3

0

3

4

Riz-blé

Moyen à fort

Fort

2

3,5

1

2,5

1

Mixte des hautes terres

Moyen

Moyen

1

3

0

2

4

Mixte pluvial

Moyen

Moyen

2

3

1

2

2

Pluvial sec

Moyen à fort

Moyen

2

4

1

2

1

Pastoral

Faible

Faible

1

1

1

2,5

4,5

Dispersé (aride)

Faible

Faible

0

1

0

2

7

Dispersé(montagne)

Faible

Faible

0,5

1,5

0

3

5

Arboricole

Fort

Moyen

2

3

1,5

2,5

1

Urbain

Faible

Faible

1

3

2

4

0

Moyenne pour la région



1,8

3,1

0,8

2,3

1,9

Source: Avis d’experts.

Note: Le total de chaque système agricole est égal à 10. Les évaluations ne concernent que les agriculteurs pauvres. La moyenne régionale pondérée des populations agricoles des systèmes est tirée du tableau 5.1.

POLITIQUES, INSTITUTIONS ET BIENS PUBLICS

La plupart des pays de la région ont des politiques qui, en fait, favorisent les zones urbaines et le secteur manufacturier plutôt que les zones rurales et le secteur agricole; les distorsions existant dans les prix et le commerce national ont un impact négatif sur la commercialisation des produits agricoles. Par exemple, le besoin de maintenir les prix des denrées alimentaires à des niveaux accessibles aux populations urbaines croissantes et capable de s’exprimer politiquement, entraîne, de la part de certains gouvernements, des politiques visant au maintien des prix à un niveau artificiellement bas, en déstockant des céréales lorsque les prix montent; ces pratiques ont des effets négatifs sur les prix au niveau des exploitations. La majorité des pauvres se trouvant dans les zones rurales, la réduction de la pauvreté devrait être axée sur l’accroissement du revenu des ménages agricoles. De plus, la réduction de la pauvreté rurale a un impact positif sur la pauvreté urbaine, l’inverse n’étant pas vrai. Le débat est vif dans ce domaine, les efforts conjoints des organisations de la société civile pourraient aider les gouvernements à résoudre ces problèmes.

La décentralisation et l’amélioration du fonctionnement des institutions locales seront les grandes priorités stratégiques pour le développement de la plupart des systèmes agricoles. Dans la plupart des pays, les départements exécutifs ont déjà abandonné certaines de leurs anciennes fonctions au secteur privé; ils prévoient de renoncer à certaines autres afin de renforcer le pouvoir des communautés. Cette tendance devrait s’accentuer à l’avenir, son fonctionnement efficace nécessitera probablement un suivi attentif en raison des relations étroites pouvant exister entre les organisations des communautés rurales et les politiciens. Le développement rural dépendra finalement surtout de l’efficacité des institutions locales, y compris de celle des institutions des communautés. Pour cette raison, il faudra mettre en place des schémas de stimulation des performances. Les ressources publiques devraient être investies dans la formation des capacités organisationnelles au niveau des communautés et du district. Parallèlement à la décentralisation, le rôle croissant des femmes dans les prises de décisions locales, par exemple dans les panchayats de l’Inde, doit être encouragé. Le développement du partenariat public privé au niveau local, si important pour la détermination des priorités en matière de recherche agricole, devrait être encouragé.

Durant la révolution verte indienne, l’accroissement de la production des céréales s’est fait dans les districts bénéficiant de l’irrigation et d’un bon réseau local de transports. L’absence d’infrastructure a limité le développement agricole de nombreuses autres zones de la région. En particulier, le manque de routes dans les zones éloignées et peu peuplées entraîne une augmentation des coûts de transports des produits et des intrants[162], et la faiblesse des services de santé et d’éducation réduit la productivité du travail[163]. Les investissements en matière de routes et de services d’éducation, devraient donc être un élément essentiel de la stratégie d’augmentation de la production agricole et du développement rural.

La gratuité de l’eau d’irrigation était, dans de nombreuses zones, souvent considérée comme une façon d’aider les agriculteurs et de maintenir les prix des denrées alimentaires bas. Cependant, il ne sera possible d’améliorer réellement la gestion de l’eau que si des systèmes de payement réalistes de cet intrant sont mis en place. Les systèmes de redevance pour les eaux de surface, devront prendre en compte, d’une façon équitable, les services fournis aux usagers en aval, comme l’irrigation et l’énergie électrique, et le bien-être des communautés en amont, dans le bassin versant, et autour des barrages.

La révision des anciennes lois foncières pourrait avoir un double bénéfice, pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté. L’augmentation de la surface des parcelles cultivées facilitera, avec le temps, l’amélioration de la gestion des ressources, l’intensification et la diversification. De plus, le régime de libre accès aux ressources doit être adapté pour prendre en compte, dans un cadre légal efficace, les situations de pauvreté existant.

L’existence de liens entre la croissance de la productivité agricole proprement dite et la croissance économique en dehors des exploitations est démontrée[164]. Cependant, on connaît moins bien l’intégration des économies des exploitations agricoles et des économies hors exploitation, en particulier les types de développement capables de les renforcer mutuellement et de favoriser la réduction de la pauvreté.

LIBÉRALISATION DU COMMERCE ET DÉVELOPPEMENT DES MARCHÉS

Les trois principaux problèmes qui affectent cette région sont: i) l’accès aux marchés des pays développés de l’OCDE; ii) la détérioration des conditions de commercialisations des produits agricoles; et iii) la continuation des subventions à l’agriculture dans les pays développés. Les conditions de commercialisation du riz, du blé et des autres céréales se sont détériorées et l’ouverture en cours des économies au marché mondial expose les agriculteurs, spécialement ceux des systèmes d’exploitation agricole intensifs riz et riz-blé. Certains producteurs de ces systèmes intensifs peuvent rester compétitifs sur le marché mondial; cependant, des ajustements de marché seront inévitablement nécessaires, même pour les zones favorables. Généralement, les priorités des systèmes intensifs en matière de marchés doivent répondre à deux problèmes: i) la réduction des risques associés à la monoculture par la promotion de la diversification des productions et de la transformation locale donnant de la valeur ajoutée; et ii) le développement d’autres sources de revenu pour les producteurs sans terre ou marginaux. Il existe sur le marché un grand nombre de produits secondaires capables d’apporter des revenus aux ménages pauvres; les galettes de fumier et de fourrage séchés en sont deux exemples importants.

Les producteurs des autres systèmes pour lesquels le potentiel des produits traditionnels est plus faible devront développer des stratégies commerciales à partir d’autres avantages. Dans les zones où la pauvreté est relativement importante, telles que celle du système d’exploitation agricole mixte des hautes terres, les activités nécessitant beaucoup de main-d’œuvre, comme l’horticulture et la production laitière, sont, lorsque l’accès au marché existe, de bonnes voies de diversification. Ces systèmes peuvent aussi avoir des besoins particulier en matière de développement des infrastructures, telles que routes d’accès et équipements des marchés, afin de faciliter la commercialisation. Cependant, les ménages plus isolés qui échoueront devront quitter le système; ils auront pour cela besoin de formation et de services d’appui à la sortie de l’agriculture.

La résolution des problèmes globaux est importante; néanmoins, les petits agriculteurs sont plus directement intéressés par le fonctionnement des marchés des produits locaux et des systèmes d’information sur les prix. L’expérience d’un passé récent a démontré que la croissance à partir du marché ne bénéficie pas nécessairement aux pauvres, à moins que de puissantes institutions ne soient en place. Des investissements considérables sont nécessaires dans ces zones, surtout dans les systèmes agricoles les plus éloignés, tels que les systèmes d’exploitation agricole mixte des hautes terres et pastoral. De même, le développement ultérieur de services financiers ruraux, y compris au niveau local, et leurs liens avec les services bancaires centraux, sont nécessaires pour le complet développement des systèmes agricoles.

INFORMATION ET CAPITAL HUMAIN

L’investissement dans l’éducation rurale est nécessaire pour deux principales raisons: i) donner aux ouvriers les qualifications nécessaires à leur passage de l’agriculture à une économie en dehors de l’exploitation (localement ou après une migration permanente); et ii) former ceux qui restent dans l’agriculture à la gestion des nouveaux systèmes agricoles intensifs, qui requièrent beaucoup plus de connaissances. Les besoins totaux en main-d’œuvre de l’agriculture ne vont probablement pas augmenter; toutefois, il sera nécessaire d’améliorer les qualifications pour accroître l’efficacité et la productivité. Ces améliorations du capital humain au niveau local sont nécessaires à la diversification vers des exploitations plus spécialisées, aux productions de plus grande valeur et au développement de la petite industrie rurale locale.

De plus, l’investissement ultérieur dans la formation des professionnels pour la recherche et les services d’appui agricole devrait suivre. L’accent devrait être mis sur deux aspects. D’abord, les professionnels les plus âgés devraient être recyclés aux approches modernes et aux qualifications nécessaires au développement rural. Ensuite, certaines institutions de formation supérieures devraient incorporer de nouvelles approches pour l’enseignement agricole.

Le changement vers une approche plus commerciale des systèmes agricoles intensifs nécessite d’améliorer l’accès à l’information sur les technologies et les marchés, à la fois pour les agriculteurs et pour les services d’appui. Cela pourrait tout à fait se réaliser dans le cadre d’un partenariat public-privé. Les systèmes d’information gérés sur financement public, surtout ceux fournissant des données sur les marchés, entraînent des coûts opérationnels importants à long terme et se sont souvent montrés peu efficaces pour aider les petits agriculteurs. Des technologies existent aujourd’hui pour faciliter l’accès des villages à l’information grâce aux systèmes informatiques ou à Internet. Les investissements permettant l’accès des petits agriculteurs à l’information sur les marchés, sur les services et sur les technologies, grâce à Internet seront prioritaires au cours des 30 prochaines années.

SCIENCE ET TECHNOLOGIE

Bien qu’il existe toute une gamme de technologies prêtes à être adaptées et adoptées par les agriculteurs, il est nécessaire de continuer les efforts de recherche pour répondre aux besoins de ceux-ci et à un certain nombre de questions stratégiques et prioritaires concernant la production. Ces questions sont relatives à la dégradation des sols dans les systèmes intensifs de culture, à l’amélioration continue des ressources génétiques des cultures vivrières et, peut être la plus importante à long terme, à la fixation biologique efficace de l’azote pour accroître la productivité des céréales par des rotations avec des légumineuses. Un certain nombre de réussites ont déjà montré la capacité des principaux systèmes nationaux de recherche agricole (SNRA) à utiliser les techniques modernes de recherche telles que la biotechnologie, par exemple pour la création de nouveaux génotypes à haut potentiel, résistants aux stress biotiques. D’autres possibilités existent aussi dans les domaines suivants: reproduction animale, techniques de recyclage tel le biogaz[165] et valeur ajoutée grâce aux nouvelles technologies de l’agro-industrie.

Les banques de ressources génétiques des SNRA et le Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale (GCRAI), ce dernier sous les hospices de la FAO, constitueront d’importantes ressources pour la recherche des secteurs public et privé en matière de sélection des plantes. Les investissements en faveur de la recherche agricole et de la vulgarisation - y compris pour l’élevage, la forêt et les pêches - seront particulièrement utiles s’ils sont utilisés dans le cadre d’une approche multidisciplinaire destinée à résoudre les problèmes au niveau des exploitations. Deux axes prioritaires consisteraient à: i) maintenir et étendre la capacité de la recherche publique, tout en assurant son adéquation aux besoins des agriculteurs; et ii) développer parallèlement des partenariats entre le secteur public, le secteur privé et les organisations d’agriculteurs. Des structures de recherche répondant à la demande seront donc essentielles dans le futur.

Dans de nombreux pays de la région, il est possible d’augmenter grandement l’efficacité des engrais chimiques. A court terme, l’amélioration de la gestion des éléments nutritifs au niveau de l’exploitation est une priorité. Elle doit se faire en combinant les sources d’engrais minéraux et organiques et en aidant financièrement l’utilisation de formules équilibrées, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ces améliorations devraient être associées aux améliorations technologiques telles que les engrais capables de libérer lentement leurs éléments (lorsqu’ils sont rentables) afin de réduire les pertes en éléments nutritifs. A long terme, les progrès de la fixation biologique de l’azote, s’ils ont lieu, pourraient avoir un impact très important sur l’agriculture.

Il est généralement admis qu’une croissance agricole vigoureuse est un préalable au développement de l’économie rurale en dehors des exploitations et que ces deux sous-secteurs sont étroitement associés au niveau de la consommation, de la production et du marché du travail. Cependant, la politique agricole et la planification du développement devront tenir compte du fait que les rôles sont souvent inversés. Dans de nombreux cas, l’emploi hors exploitation favorise l’économie agricole rurale et la croissance de l’agriculture dépend des investissements réalisés à partir de revenus hors exploitations, y compris les apports d’argent de l’extérieur. Le revenu fréquemment plus bas d’une journée de travail dans l’agriculture comparé à celui hors exploitation ainsi que le caractère saisonnier de l’emploi hors exploitation ont des implications importantes sur la disponibilité en main d’œuvre au niveau de l’exploitation - particulièrement au moment des pics de besoin en main-d’œuvre. Il est nécessaire de mener des recherches socioéconomiques afin de déterminer l’impact de ce phénomène sur les activités de l’exploitation et de proposer des solutions pour que l’agriculteur puisse s’adapter aux demandes d’emploi hors exploitation. Le gouvernement doit mieux comprendre les implications politiques de ce phénomène, par exemple la nécessité de faciliter les services de mécanisation de la préparation des terres et de la récolte par des groupes d’agriculteurs ou par le secteur privé.

RESSOURCES NATURELLES ET CLIMAT

La croissance de la demande en aliments et en autres produits agricoles, liée à la croissance démographique, entraîne une pression accrue sur les ressources naturelles. La pression démographique sera probablement plus importante chez les systèmes agricoles déjà très éprouvés, comme les systèmes d’exploitation agricole riz, riz-blé et mixte des hautes terres. Aussi la gestion durable des ressources dépend-elle des mesures prises pour limiter l’augmentation de la pression démographique sur les ressources naturelles de base, spécialement en zones marginales.

La pression déjà exercée sur la forêt (ses surfaces sont aujourd’hui très réduites) devrait s’accentuer au cours des trois prochaines décennies. Dans la plupart des pays de la région, les départements des forêts ont été lents à modifier leur approche de la gestion de leurs forêts. Ce manque de réaction s’est produit en dépit de l’intérêt évident d’un système conjoint de gestion forestière pour l’accroissement durable de la productivité pour les communautés habitant les forêts. La réorientation des politiques de développement forestier et le changement des réglementations départementales pour faciliter l’établissement de systèmes de gestion conjoint des forêts devraient être des priorités. Ces changements donneraient un pouvoir accru aux communautés locales, et entraîneraient ainsi une production plus efficace des produits forestiers. La redéfinition des limites des forêts, conduisant au développement de systèmes de gestion optimale pour des zones de gestion conjointe et à des zones de gestion départementale conventionnelle des forêts, sera nécessaire au développement harmonieux de celles-ci. De telles mesures devraient s’accompagner d’incitations au développement de l’agroforesterie - production de fourrages et d’espèces commerciales, et parcelles communales pour le bois de chauffe et le bois de construction.

La gestion des ressources en eau a des dimensions transnationales, nationales et locales. Des accords équitables sur le partage de l’eau entre états faciliteront son utilisation optimale. Aux niveaux national et local, la conservation des ressources en eau dans les zones cultivées nécessitera la mise en place de stimulants pour son utilisation efficace et de mécanismes de suivi et de réglementation de l’emploi de l’eau - particulièrement pour l’eau souterraine et pour la qualité de l’eau. Les ressources en eau peuvent être encore développées par des moyens traditionnels, tels que la construction ou la réhabilitation des réservoirs et les forages, et l’amélioration de la gestion de l’eau.

L’introduction de taxes réalistes sur l’eau pourrait probablement améliorer la situation. Cette mesure sera de toute façon nécessaire car les gouvernements de la région seront incapables de supporter longtemps le poids financier des périmètres irrigués. Il existe toute une série de techniques pour l’amélioration de la gestion de l’eau, comme par exemple le nivellement des parcelles au laser, l’irrigation par aspersion et au goutte-à-goutte. Les techniques les plus propres à améliorer la gestion de l’eau sont: i) la conservation de l’humidité du sol au moyen de mulch, diguettes, cultures relais, brises vents; ii) la plantation d’arbres; et iii) la plus importante: la conservation de l’eau. La conservation de l’eau devrait permettre de doubler la productivité des zones semi-arides et subhumides[166].

La dégradation des sols est un problème grave dans la plupart des systèmes d’exploitation agricole. Les programmes en cours et les nouveaux programmes de recherche participative et de vulgarisation qui traitent de ces problèmes, tel que le Consortium riz-blé pour les plaines de l’Indus et du Gange qui a déjà permis le développement spectaculaire de la culture du blé sans labour dans le système d’exploitation agricole riz-blé, doivent être prioritaires. Un certain nombre de projets pilotes de gestion participative communautaire des bassins versant des systèmes d’exploitation rurale mixte pluvial et mixte des hautes terres, sont des modèles de réussite. Leur approche méthodologique peut être utilisée pour améliorer la gestion d’un grand nombre de bassins versants de la région[167].

Afin d’assurer un niveau satisfaisant d’autosuffisance, à un prix acceptable, pour les principales cultures vivrières, les gouvernements vont probablement, et avec raison, continuer à prêter une grande attention aux zones céréalières bien arrosées des systèmes d’exploitation agricole riz et riz-blé à potentiel relativement élevé. La principale stratégie technique consistera à améliorer l’efficacité de la production. Les zones où des forages relativement peu chers permettent d’irriguer afin d’assurer le repiquage du riz au bon moment (entraînant ainsi une augmentation du rendement du riz et de la culture suivante), ce que les systèmes d’irrigation gérés par l’état ne peuvent souvent pas faire, ont des potentiels évidents. Le paiement de l’eau entraînera très probablement des changements importants dans la gestion de l’eau (nivellement des parcelles au laser, irrigation par aspersion, au goutte-à-goutte, techniques de conservation de l’humidité dans le sol comme le travail minimum du sol, le mulch, les brises vents et les cultures relais.

La gestion des sols devra être considérablement améliorée dans les zones à haut potentiel. On est en train de mettre au point des solutions pour améliorer la gestion des sols dans les systèmes d’exploitation agricole riz-blé, où la culture intensive et l’utilisation de formules d’engrais déséquilibrées ont entraîné la détérioration de la structure des sols et de leur fertilité. Il est impératif de développer une gamme de technologies capables d’assurer une bonne gestion des sols sous culture intensive, continue et irriguée. La fertilisation équilibrée est nécessaire non seulement pour assurer une bonne formation des grains mais aussi pour minimiser la pollution de l’eau souterraine. Il est aussi nécessaire d’améliorer la gestion des ravageurs, si possible par voie biologique, pour la plupart des cultures et, de plus en plus, pour l’élevage. Ces zones devraient rester très spécialisées dans la production céréalière. On assistera toutefois à un certain degré de diversification vers des productions de plus grande valeur telles que les vergers et l’élevage. Les moyens de subsistance des ménages se diversifieront aussi, une part croissante du revenu des petits agriculteurs proviendra d’activités hors exploitation.

Le potentiel de production des cultures vivrières des systèmes d’exploitation agricole mixtes pluvial et pastoral est, par nature, plus faible que celui des basses terres. La gestion durable des ressources et la conservation de l’eau sont nécessaires pour assurer la diversification vers des productions commerciales de plus grande valeur. La grande pauvreté de ces zones entraînera probablement des migrations saisonnières et permanentes, réduisant ainsi la pression démographique sur les ressources de base.

Cependant, le potentiel de développement est important. Une approche au niveau des communautés des petits bassins versants, à l’exemple de ce qui se fait dans certaines parties de l’Inde, devrait permettre le développement du système d’exploitation agricole mixte pluvial. Il sera nécessaire d’introduire l’agriculture de conservation ainsi qu’une plus grande intégration de l’élevage et des arbres dans les systèmes agricoles (arbres à fourrage, cultures de rente et engrais vert). De tels programmes devraient conduire à la création d’entreprises commerciales pour la production laitière et les cultures fruitières partout où l’accès au marché est possible. La conservation du sol et de l’eau doit être un élément essentiel de ces programmes. Le développement d’une agroforesterie durable et d’activités forestières en gestion participative, sera nécessaire au maintien d’une bonne couverture forestière dans les parties en amont des bassins versants ainsi que dans les vastes étendues de terres incultes de la région.

CONCLUSIONS

Le développement agricole restera une composante importante des programmes de réduction de la pauvreté de l’Asie du Sud dans un proche avenir. La dégradation importante des ressources et les liens avec l’économie rurale hors exploitation devront être sérieusement pris en compte. Les meilleurs moyens de réduire la faim et la pauvreté sont dans l’ordre: i) la diversification vers des productions de plus grande valeur et leur transformation au niveau local; ii) l’augmentation du revenu hors exploitation; iii) l’intensification des assolements existants; et iv) la sortie de l’agriculture. L’augmentation de la taille des exploitations devrait avoir moins d’importance. Quatre initiatives stratégiques générales sont proposées:

Amélioration de la gestion des ressources en eau. L’amélioration de la gestion de l’eau est essentielle pour permettre l’intensification et la diversification de la production et pour réduire l’appauvrissement des ressources en eau, aussi bien pour les périmètres irrigués avec l’eau de surface que pour ceux utilisant l’eau souterraine. Les principales composantes sont: l’utilisation de technologies efficaces; la taxation de l’eau et autres mesures réglementaires; les associations d’usagers de l’eau; et la protection des bassins versants.

Renforcement des groupes d’utilisateurs des ressources. Le renforcement des groupes d’utilisateurs des ressources permet de lutter contre la dégradation importante des terres et des eaux dans les plaines et les collines, et de protéger les ressources des bassins versants. Les principales composantes sont: les groupes de gestion des ressources pour la gestion des bassins versants dans les zones montagneuses et de collines; les groupes de gestion des parcours dans les zones pastorales; et les politiques d’encouragement de gestion des ressources en propriété commune.

Réorientation des services agricoles. La réorientation de la recherche agricole, de l’enseignement, de l’information et des systèmes de vulgarisation afin d’assurer l’entière participation des agriculteurs, permettra l’intensification et la diversification des exploitations et la promotion d’une gestion durable des ressources. Les principales composantes sont: les modèles de fourniture de services conjoints public-privé; les services de conseils pluridisciplinaires; la fourniture d’informations techniques et sur les marchés délivrées à partir d’Internet aux petits agriculteurs; et l’incorporation d’approches et d’études multidisciplinaires dans les systèmes d’enseignement supérieur.

Amélioration de l’infrastructure rurale. Les retours sur investissement dans le domaine des transports et de la santé sont importants et bénéficient aux pauvres, spécialement dans les zones à bas potentiel des hautes terres de la région. Les composants comprennent: les routes, l’eau potable, les écoles, les dispensaires et des modèles fonctionnels de participation du secteur privé.


[161] FAO, 2000a.
[162] Fan et al. (2001) indiquent, en Inde, des taux de rentabilité plus élevés pour les investissements en matière de routes et de recherche en zones pluviales qu’en zones irriguées. Leurs potentiels de réduction de la pauvreté étaient aussi plus importants.
[163] Les études des relations entre le SIDA et l’agriculture ont été principalement conduites en Afrique; on réalise aujourd’hui que le SIDA entraînera beaucoup de souffrance et affectera la productivité agricole des 30 prochaines années partout dans le monde, y compris en Asie du Sud.
[164] Voir chapitre 1.
[165] La découverte de digesteurs tolérants au froid, qui permettrait la production de biogaz dans les zones d’altitude, aurait un impact positif dans la lutte contre la déforestation, la diminution du travail des femmes et l’amélioration du recyclage des éléments nutritifs pour la production végétale.
[166] Agarwal, communication personnelle.
[167] L’approche de la gestion améliorée des bassins versants, combinée avec la génération de revenu (qui a été mise en œuvre avec succès en Tunisie, encadré 3.6 du chapitre 3) a d’abord été essayée dans un réseau global qui comprenait un projet pilote dans un système d’exploitation agricole mixte des hautes terres du Népal couronné de succès. Certains aspects de cette approche pourraient être utilisés dans la gestion participative des bassins versants de la région.

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