INTRODUCTION
On entend par diversité génétique la base de laptitude des organismes à sadapter aux changements survenant dans leur environnement par le biais de la sélection naturelle. Les populations présentant une faible variation génétique sont plus vulnérables à larrivée de nouveaux parasites ou de nouvelles maladies, à la pollution, au changement climatique et à la destruction de lhabitat dus aux activités humaines ou à dautres catastrophes. Lincapacité de sadapter aux changements augmente sensiblement le risque dextinction. La gestion de la conservation de la diversité génétique visant à sauvegarder la diversité génétique adaptative devrait être fondée sur la connaissance de la base génétique dadaptation.
La présente note est extraite dun nouveau document de travail de la FAO. Lobjectif consiste à décrire brièvement comment la diversité génétique adaptative peut être mesurée à laide de nouvelles méthodes de génétique moléculaire et des nouveaux progrès de la génomique forestière. Les conclusions sont résumées ci-après.
RÉSUMÉ DES RÉSULTATS ET CONCLUSIONS
Létude de ladaptation est fondamentale pour la foresterie et la conservation des ressources génétiques forestières. Les généticiens forestiers se sont appuyés pendant longtemps sur des essais au champ (expériences de jardins communautaires) et, dans une mesure moindre, sur les marqueurs moléculaires pour étudier les modes dadaptation dans les arbres forestiers. Les essais au champ permettent destimer les paramètres génétiques des caractères mesurables, mais ils ne peuvent ni fournir des informations sur des gènes particuliers ni indiquer comment nombre dentre eux participent à ladaptation, ni dans quelle mesure la variation phénotypique peut être expliquée par la variation génétique dans les gènes.
Une autre méthode, généralement complémentaire, pour estimer la diversité génétique adaptative consiste à mesurer la variation génétique à laide de marqueurs moléculaires. Il existe de nombreuses techniques de marqueurs moléculaires, mais la plupart mesurent la variation génétique soit neutre soit très conservatrice de la capacité dadaptation limitée. Il est nécessaire de mettre au point des méthodes diagnostiques rapides et informatives pour évaluer de grands nombres de gènes adaptatifs et la variation génétique pour la conservation in situ. La génomique offre de nouveaux instruments pour étudier ladaptation chez les arbres. Les généticiens forestiers peuvent utiliser des techniques automatisées, efficaces et rapides pour identifier les séquences de lADN et déterminer le génotype dun grand nombre dindividus. Ils peuvent enfin identifier les gènes responsables de ladaptation des arbres forestiers au moyen de loci quantitatifs et de la cartographie de gènes candidats à laide dune séquence EST pour des gènes adaptatifs exprimés dans le génome. Ensuite, à laide de technologies génotypiques modernes et détudes dassociation, les généticiens peuvent déterminer la diversité allélique pour des gènes candidats dans des populations darbres forestiers et mesurer directement la diversité allélique adaptative pour des milliers de gènes simultanément.
Malgré des progrès remarquables, il reste beaucoup à faire pour comprendre la nature de la variation génétique qui sous-tend les phénotypes des arbres forestiers adaptatifs. Pour bien comprendre le processus, il faudrait dabord découvrir, annoter et cataloguer tous les gènes dans le génome des arbres forestiers. Pour atteindre cet objectif, on dispose dune méthode moderne qui consiste à déterminer la séquence de lADN de tout le génome et de déduire les gènes provenant de la séquence de lADN, bien quune séquence complète ne permette pas à elle seule de comprendre le contrôle génétique des caractères adaptatifs. Il faut ajouter aux problèmes qui se posent en foresterie la complexité et la grande dimension des génomes des arbres. La dimension du génome du pin (20 000-30 000 millions de paires de base), par exemple, est 6 à 8 fois plus grande que celle du génome humain (3 400 millions de paires de base), et 150 à 200 fois plus grande que le génome de lespèce végétale modèle Arabidopsis thaliana (125 millions de paires de base). Même la dimension physique relativement petite du génome de Populus (500 millions de paires de base), qui est 40 fois plus petite que le conifère le plus étudié, Pinus taeda, et peut donc être une bonne espèce modèle darbre forestier, est encore environ 4 fois aussi grande que celle de Arabidopsis (bien que semblable au riz et six fois plus petite que le maïs, les deux étant presque complètement séquencés). De plus, les caractères adaptatifs sont en général très complexes, ont une hérédité quantitative et sont contrôlés par de nombreux gènes ayant chacun des effets relativement limités.
Une méthode alternative (ou parallèle) consiste à déterminer les séquences de lADN pour les gènes exprimés uniquement. Pour cela, on peut isoler les ARN messagers, en préparant des bibliothèques dADN complémentaires à partir des ARN messagers et en séquençant les ADN complémentaires. Ces séquences EST sont soumises à des bases de données et comparées à toutes les autres séquences dans les bases de données pour voir si elles conviennent aux gènes dont la fonction a été déterminée. Des bases de données contenant des dizaines de milliers de séquences EST ont déjà été produites et sont à la disposition du public pour Pinus, Picea, Populus et Eucalyptus.
La deuxième étape pour comprendre ladaptation comporte la construction du génome, des loci quantitatifs, des cartes de liens comparatifs et consensuels pour la majorité des essences forestières (par exemple, Sewell et al. 1999). Les cartes génétiques montrent la position des gènes et sont utiles pour comprendre lorganisation et lévolution du génome. Ce sont des outils très utiles pour identifier les gènes en contrôlant les phénotypes intéressants. Des loci contrôlant des caractères hérités quantitativement, les loci quantitatifs, ont déjà été identifiés dans de nombreuses essences forestières pour divers caractères liés à la croissance, à la qualité du bois et dautres caractères économiques et adaptatifs. Ces données sont utiles pour lamélioration des arbres et la conservation des gènes.
Ensuite, on peut recourir à lanalyse du microarray de lADN pour étudier les modes dexpression des gènes et pour comprendre la fonction de tous les gènes et leurs interactions. Le rapport entre la grande quantité de diversité allélique dans les gènes et la gamme de différents phénotypes trouvés dans les populations darbres forestiers peut être étudiée. Un catalogue des variantes communes de séquence codante dans les gènes darbres forestiers peut être créé et mis à lessai pour association avec un phénotype. Des cartes génomiques haute résolution à léchelon du génome de polymorphisme connu peuvent être utilisées pour scanner le génome à des fins dassociations marqueurs-caractères adaptatifs.
Lanalyse ne doit pas être limitée aux séquences codantes. Il se pourrait que la majorité des mutations importantes résident dans des régions régulatrices. Il faudra donc identifier les variantes dans au moins les séquences régulatrices proximales et distales, car notre connaissance limitée des éléments «régulateurs» dicte le besoin dune méthode plus globale. Une méthode dans laquelle on cherche des associations marqueurs-caractères nécessitera la construction dune carte de variantes génétiques haute résolution. Les polymorphismes de nucléotides sont les candidats naturels pour cette carte parce quils sont abondants, quils ont un plus petit taux de mutation que les microsatellites et peuvent être soumis à un génotypage en masse à laide de la technique des microarrays.
Il est possible de procéder à une recherche dassociation fondée sur des cartes pour de multiples loci adaptatifs, chacun contribuant au phénotype total dune manière petite mais mesurable, grâce à lanalyse dhaplotype. Les allèles de ces loci peuvent être indirectement reconnus par leurs associations historiques avec dautres variantes génétiques (par exemple, polymorphisme des nucléotides) dans leur voisinage. Lassociation non aléatoire de variantes avec une autre (déséquilibre de liaison) est une caractéristique bien connue des génomes de plantes et danimaux. Les microarray de lADN auront un rôle plus important dans le génotypage de milliers de gènes simultanément, dans la création de cartes précises et dans létablissement dune carte des composantes de phénotypes adaptatifs complexes. La génomique forestière a un avenir brillant et aura des applications excitantes dans le domaine de la gestion des arbres forestiers et de la conservation des gènes.
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE:
Boshier, D.H and A.G. Young (2000) Forest conservation genetics: limitations and future directions. In: Forest conservation genetics: Principles and practice (A. Young, D. Boshier and T. Boyle, eds), pp. 289-297. CABI Publishing, Royaume-Uni.
Mandal, A.K. and G.L. Gibson (eds.) (1998) Forest genetics and tree breeding. CBS Publishers, New Delhi, Inde.
Sewell, M.M. and D.B. Neale (2000) Mapping quantitative traits in forest trees. In: Molecular biology of woody plants. Forestry Sciences, Volume 64 (S. M. Jain and S. C. Minocha, eds), pp. 407-423. Kluwer Academic Publishers, Pays-Bas.
Young, A., D. Boshier and T. Boyle (eds) (2000) Forest Conservation Genetics: Principles and Practice. CABI Publishing, Royaume-Uni.
LA PRÉSENTE NOTE EST TIRÉE DU DOCUMENT SUIVANT: Krutovskii, K.V. and Neale, D.B. 2001. Forest Genomics for Conserving Adaptive Genetic Diversity. Forest Genetic Resources Working Papers, Working Paper FGR/3, Forest Resources Development Service, Forest Resources Division. FAO, Rome (publié en anglais seulement et disponible sur la page daccueil de la FAO). Le document de travail sappuie sur une conférence de M. Krutovskii, K.V., intitulée: Forest genomics and new molecular genetic approaches to measuring and conserving adaptive genetic diversity in forest trees. (Génomique forestière et nouvelles méthodes de génétique moléculaire pour mesurer et conserver la diversité génétique adaptative des arbres forestiers). Présentée lors dun atelier de formation organisé par lInstitut international des ressources phytogénétiques (IPGRI), Rome et le Ministère fédéral autrichien de lagriculture, de la foresterie, de lenvironnement et de la gestion des eaux (BMLFUW), avec la collaboration technique de la FAO. Latelier de formation sest tenu à Gmunden (Autriche) du 30 avril au 11 mai 2001. Le texte intégral, disponible gratuitement auprès de la FAO (Rome), comprend les principales sections ci-après: 1. Introduction- Pourquoi il est important de mesurer et de sauvegarder la diversité génétique dans les populations darbres forestiers2. Comment la conservation des ressources génétiques forestières peut-elle tirer parti des nouveaux progrès de la génomique |