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Conservation de la diversité biologique des forêts et des ressources génétiques forestières[17] (Christel Palmberg-Lerche[18])

La conservation de la diversité biologique des forêts, y compris des ressources génétiques forestières, est essentielle pour soutenir les fonctions de production des forêts, pour maintenir la santé et la vitalité des écosystèmes forestiers et, ce faisant, pour maintenir leur rôle de protection et écologique.

La plus grande menace qui pèse sur les forêts et la diversité qu’elles renferment est la conversion des forêts à d’autres utilisations des terres. La pression croissante exercée par les populations humaines et leur désir d’améliorer leurs conditions de vie, sans tenir dûment compte de la durabilité des ressources sous-tendant ces changements, augmentent les préoccupations à cet égard. Il faudrait prévoir les changements qui interviendront inévitablement dans l’utilisation des terres, de manière à ce que des objectifs complémentaires soient atteints. Pour ce faire, il suffit d’inclure les préoccupations pour la conservation en tant que composante majeure dans les stratégies de planification et de gestion des utilisations des terres.

Les aires protégées constituent une composante importante des stratégies de conservation. Toutefois, elles ne peuvent à elles seules assurer la conservation des arbres et d’autres espèces liées aux forêts. Même si l’objectif global souvent cité de 10-12% était atteint et que les aires conservées étaient bien situées et correctement gérées, ce qui malheureusement n’est pas toujours le cas actuellement, on a estimé que seulement 50% environ des espèces dans les zones tropicales pourraient être sauvegardées dans ces aires au cours des prochaines décennies[19].

Les forêts de production aménagées jouent un rôle clé dans les programmes visant à la conservation des ressources génétiques et de la variation intra-spécifique chez les espèces importantes sur le plan socio-économique et complétent avantageusement la gestion pour la conservation dans les aires protégées. Il faudrait prêter attention à la fois à la gestion des forêts secondaires généralement riches en espèces à divers stades de développement, et à la conservation des ressources génétiques des espèces caractéristiques de la phase de maturité ou de la forêt climax. La conservation in situ, c’est-à-dire sur le site, devrait être complétée par la prise en compte des problèmes génétiques dans les programmes d’amélioration des arbres, et par la conservation de matériel génétique particulièrement précieux dans les arboretums, et d’autres collections ex situ (hors du site).

La prédominance de forces commerciales et économiques à court terme sur des considérations écologiques et techniques a souvent été la cause des échecs enregistrés dans le passé pour parvenir à la gestion et à la conservation durables des forêts naturelles. Aujourd’hui encore, la récolte du bois est en général la seule mesure de gestion de grande échelle dans les forêts tropicales. Selon le calendrier, l’intensité et la fréquence, les méthodes de sélection employées et l’efficacité de la protection et de la gestion de la régénération consécutive, la récolte peut soit réduire soit renforcer l’espèce et la diversité intra-spécifique. Selon les méthodologies globales ainsi que les caractéristiques intrinsèques des écosystèmes spécifiques en question, la récolte peut aussi conduire à divers degrés de transition à d’autres stades successifs et à d’autres changements cycliques, au fil du temps. Du point de vue de la production, de la protection et de la conservation biologique, il est important que la récolte soit complétée par des interventions sylvicoles appropriées qui tiennent dûment compte des principes génétiques.

Il n’y a pas d’obstacles techniques fondamentaux pour atteindre les objectifs de conservation dans les forêts aménagées pour le bois, les produits non ligneux et la protection des sols et des eaux. Le principal problème réside dans le manque de cadres institutionnels et politiques adéquats dans lesquels les choix concernant l’utilisation des terres et la gestion opérationnelle, justes pour toutes les parties prenantes, puissent être envisagés, efficacement mis en oeuvre et suivis. Outre les changements non planifiés dans l’utilisation des terres, la non-observance des prescriptions en vigueur concernant l’aménagement des forêts a été jusqu’ici une cause commune de dommages non nécessaires au site, à la végétation et à la régénération dans tous les types de forêts.

Si la plantation d’arbres et l’établissement de plantations forestières peuvent contribuer à la conservation, s’ils sont correctement planifiés, des ressources génétiques des essences forestières prioritaires, il y a des risques génétiques associés au transfert accru de matériel de reproduction forestier aux niveaux national et international. Il y a risque de pollution génétique du patrimoine génétique local par le pollen provenant de populations introduites d’espèces ou de provenances qui s’hybrident. La plupart des essences forestières affichent d’énormes divergences entre les populations concernant des caractéristiques de nature génétique. La perte de populations locales ou de leur identité génétique par la contamination par le pollen de sources étrangères, peut diminuer les possibilités d’adaptation future des populations au changement environnemental continuel. Cela augmenterait aussi sensiblement la quantité d’efforts nécessaires en matière d’amélioration et de sélection pour des utilisations finales ou des environnements spécifiés. Ainsi, il est important d’examiner attentivement l’introduction de matériel de reproduction non indigène et de documenter avec soin ces introductions, au cas où elles seraient justifiées. L’identité génétique des provenances locales doit, de toute manière, être sauvegardée par le biais de mesures de conservation parallèles et efficaces.

La gestion des ressources génétiques visant à leur conservation, leur renforcement et leur utilisation durable est une tâche complexe, comportant des solutions qui varieront non seulement en fonction de la variation et des modes de variation des espèces ciblées, de leurs caractéristiques génétiques intrinsèques et de leur comportement biologique et sylvicole, mais aussi en fonction de la quantité de connaissances de base disponibles sur ces espèces, les menaces perçues, le caractère immédiat de leur emploi. Les niveaux actuels d’appui institutionnels et de stabilité, les capacités institutionnelles pour remplir cette tâche d’une manière techniquement rationnelle, économiquement faisable et socialement acceptable, et les niveaux de financement pour soutenir les responsabilités connexes à court comme à long terme, ont aussi une importance décisive lorsqu’il s’agit d’arrêter des stratégies et de faire un choix. Du fait que les décisions concernant les priorités dépendront des jugements de valeur, il est clair que le dialogue et la participation de toutes les parties intéressées à la planification ainsi qu’à l’exécution des programmes sont de la plus haute importance.

Outre les tâches techniques et scientifiques, qui mobilisent souvent la grande partie de l’attention du personnel technique et scientifique, il est nécessaire et obligatoire d’informer les politiciens, les décideurs et le public dans son ensemble des stratégies et des méthodes disponibles pour relever les défis posés par la conservation et la gestion des ressources génétiques, les priorités et les conséquences probables de la non-intervention. Ce n’est que si ces points sont bien compris que nous pouvons espérer obtenir un appui indispensable à tous les niveaux, y compris durant l’élaboration des politiques nationales, qui est essentiel pour un soutien institutionnel et une clause absolue pour une allocation durable des ressources.

Les efforts à déployer pour conserver et améliorer les ressources génétiques forestières pour leur utilisation actuelle et future comporteront des actions dans le domaine de la gestion des aires protégées, de l’aménagement durable des forêts de production et de protection, de la planification soignée de l’établissement de plantations forestières et de la gestion rationnelle des activités de sélection des arbres. La prise en compte des préoccupations concernant la conservation dans tous ces domaines constitue la seule solution durable au problème posé par la conservation.

La clé de la réussite résidera dans l’élaboration de programmes qui harmonisent la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique et des ressources génétiques forestières dans une mosaïque d’options pour les utilisations des terres et qui, en même temps, comprennent un élément rigoureux de gestion active des ressources génétiques[20]. La durabilité de l’action dans le temps sera fondée sur de sérieux efforts pour répondre aux besoins et aux aspirations de toutes les parties intéressées, et nécessitera une collaboration, un dialogue et une participation étroits et continus des parties prenantes à la planification et à l’exécution des programmes connexes, y compris des instituts de recherche et des établissements universitaires gouvernementaux et nationaux, des propriétaires privés, des industriels et des organisations non gouvernementales nationales. Des mécanismes doivent aussi être mis en place pour faire en sorte que les besoins et les aspirations des communautés locales soient dûment pris en compte.

PRINCIPALES SOURCES:

FAO (1993). Conservation of Genetic Resources in Tropical Forest Management: principles and concepts. Forestry Paper 107. FAO, Rome.

FAO (2000). Forestry Department Information Note: Management of Forest Genetic Resources: their conservation, enhancement and sustainable utilization. FAO, Rome. 2 pp. Available from the author, or at: http://www.fao.org/forestry/FODA/Infonote/en/t-fgr-e.stm

FAO/IPGRI/DFSC (2001). Conservation and Management of Forest Genetic Resources. Volume 2: In managed natural forests and protected areas (in situ). IPGRI, Rome. Sous presse.

Namkoong, G. (1986). La génétique et les forêts de l’avenir. Unasylva 38(152):2-18.

Palmberg-Lerche, Christel (1999). Conservation and management of forest genetic resources. Journal of Tropical Forestry Research 11(1):286-302.

Palmberg-Lerche, Christel (1998). La gestion des ressources génétiques forestières: quelques réflexions sur les options et les nouvelles possibilités. Ressources génétiques forestières, n°26:, pp. 45-46. FAO, Rome.

Wilcox, B.A. (1995). Ressources forestières tropicales et biodiversité: risques de disparition et de dégradation des forêts. Unasylva 46 (181): 43-49. FAO, Rome.


[17] Pour un complément d’information, adressez-vous au: Chef du Service de la mise en valeur des ressources forestières, Division des ressources forestières, FAO, Viale delle Terme di Caracalla, I-00100 Rome.
[18] Division des ressources forestières, Département des forêts, FAO, Rome.
[19] Voir Soulé, M.E. et Sanjayan, M.A., (1998). Conservation targets: do they help? Science 279:2060-2061.
[20] Wilcox, B.A. 1990. Requirements for the Establishment of a Global Network of in situ Conservation Areas for Plants and Animals. Division des ressources forestières, Département des forêts, FAO, Rome (Italie) (non publié, 41 pages, disponible auprès de la FAO, Rome).

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