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III - INVENTAIRE DES MOYENS TRADITIONNELS


Province du Centre et Sud

Dans les deux provinces, les moyens sont les mêmes. C’est ainsi que les moyens ci-après ont été recensés: le tam-tam, les chansons, les xylophones, le messager du chef, le cor, «Etsiga» et les contes.

Moyens traditionnels ayant disparus

La plupart de ces moyens traditionnels ont aujourd’hui disparu. Le Messager du chef a disparu avec l’autorité du chef; dans les provinces du Centre et du Sud, cette autorité est aujourd’hui bafouée. D’autre part, le modernisme a enterré ce moyen de communication avec l’arrivée de la radio, des moyens de transports (vélos, motocyclettes, voitures). Le cor, qui est un genre de flûte faite de cornes de sanglier ou de buffle qui servait jadis à appeler les gens a disparu, à cause de la rareté des initiateurs, des fabricants et des joueurs: anciens ayant disparu avec leur savoir; rareté des animaux fournissant la matière première et des chasseurs; et enfin, le modernisme et le manque d’intérêt des populations à l’acquisition des moyens de communication. Les contes, naguère récités au cours des veillées par des adultes, n’ont plus droit de cité aujourd’hui à cause de la sorcellerie, de la jalousie et même de l’exode rural des jeunes. Les regroupements au clair de lune sont devenus rares. L’«Etsiga», est un cri d’appel pratiqué surtout par les femmes, il n’existe plus de nos jours à cause du modernisme.

Moyens traditionnels existants

Le tam-tam est le moyen de communication par excellence des régions du Centre et du Sud. Il est utilisé pour mobiliser les populations, pour annoncer des nouvelles: deuils, arrivée d’un étranger, présence d’un voleur au village; pour animer des événements: fêtes religieuses et aussi surtout pour communiquer avec un parent, un ami. Aujourd’hui les initiateurs à l’utilisation de l’instrument, les joueurs et surtout les fabricants deviennent de plus en plus rares. Des neuf villages enquêtés, quatre seulement ont encore un fabricant de tam-tam. L’initiation dépend de l’utilisation qu’on veut en faire. Elle est un peu complexe quand il faut annoncer des nouvelles ou converser avec un ami ou un parent. Il faut dès lors avoir un maître qui vous initie d’abord à connaître le «NDAAN», sorte de pseudonyme par lequel on interpelle l’individu ou la communauté à qui le message est destiné. Chaque individu a un «NDAN»: celui de son homonyme. Après cette phase, le reste de l’initiation est la même, c’est-à-dire qu’il faut fréquenter les joueurs de tam-tam en activité, être en contact permanent avec l’instrument, avoir la volonté et dextérité. L’initiation peut durer de un à cinq mois. Quant à sa portée, elle dépend de plusieurs facteurs c’est-à-dire: de la qualité du bois avec lequel l’instrument est fabriqué: l’«Ebè» (Bilinga) donne de meilleur résultat; du lieu où le tam-tam se joue: la portée est plus grande en altitude; des dimensions du tam-tam: les plus petits sont aigus mais les plus grands sont plus perçants, et leur son peut aller à plus de 25 km quand toutes les conditions ici énumérées sont réunies. Après la pluie, tôt le matin ou le soir, la portée est plus grande et dépend aussi de l’énergie du frappeur.

Les messages véhiculés par le tam-tam sont ésotériques. Cependant la majorité de la population sait faire la différence entre un tam-tam annonçant le deuil et les autres, sans pour autant pouvoir en décrypter le message. L’instrument étant assez rarement utilisé, les quelques tam-tams qu’on trouve dans les villages ne sont plus accessibles à tout le monde; l’accès n’est réservé qu’aux joueurs patentés. Aujourd’hui son utilisation est confrontée à trois grandes contraintes, à savoir: la rareté du bois et des fabricants de l’instrument; la rareté des maîtres disponibles à transmettre les connaissances; le décryptage difficile des messages. En réalité, le tam-tam dont le décryptage des messages nécessite un apprentissage certain a aussi besoin de grands joueurs. Les messages sur la SR ne peuvent être transmis par cet unique instrument. Des chants pourront le faire; accompagnés des tam-tams. En conclusion, le tam-tam sert beaucoup plus à mobiliser la population qu’à converser avec un individu.

Le xylophone

C’est un instrument de musique fait de lamelles d’un bois spécial, sur lesquelles on frappe avec deux baguettes en bois. Il est surtout utilisé lors des manifestations de réjouissance. Contrairement au tam-tam, c’est un orchestre avec un solo, un accompagnement, une basse, qui interprète les chansons, de façon instrumentale. Les personnes-ressources qui sont aussi des fabricants sont devenues aussi rares que l’instrument. En effet, sur les neuf villages enquêtés, on y a trouvé les xylophones dans un seul village, et ils servent à animer les cultes de dimanche. L’initiation est faite avec un maître de musique. C’est une tâche ardue qui demande de la volonté, de la patience et surtout un contact permanent avec l’instrument. Il faut connaître le solfège. Le temps d’apprentissage est fonction du génie de l’apprenti et peut durer de cinq à 12 mois. La portée des xylophones peut aller à plus de 1500m. Tout le monde peut jouer de l’instrument: petits, jeunes ou adultes des deux sexes mais c’est la rareté de l’instrument qui limite aujourd’hui son accessibilité et son utilisation. En outre, les grands joueurs ne courent plus les rues. En effet, toute sorte de messages peuvent être transmis par les xylophones en chansons.

Les chansons

Elles sont interprétées par les femmes pour véhiculer des messages. Les femmes chantent en dansant soit au rythme de la musique, tam-tam, tambour, soit à celui des battements de mains. C’est lors de leurs réunions qu’elles le font. Des messages sur la SR peuvent être transmis à travers ces chansons accessibles généralement à tous.

Moyens de communication pouvant être revalorisés et vulgarisés

Ce sont par ordre, les xylophones, les chansons et le tam-tam. Par les xylophones et les chansons, des messages sur la SR préalablement conçus peuvent être transmis aux populations. Le tam-tam qui sert beaucoup plus à mobiliser les gens, peut être utilisé à cet effet. Ce sont des moyens de communication reconnus et acceptés par les populations.

Stratégie de vulgarisation à mettre en place

Pour faire revivre ces moyens, il faudrait sensibiliser et mobiliser les populations surtout les jeunes à leur utilisation. Les xylophones et les tam-tams devraient être disponibles dans chaque village et l’initiation par des personnes patentées à leur utilisation suivra, l’accent étant mis sur la transmission des messages sur la SR.

Province de l’Est

INVENTAIRE DES MOYENS TRADITIONNELS DE COMMUNICATION

Dans la province de l’Est, les moyens traditionnels de communication utilisés dans tous les villages enquêtés et communs sont dans cet ordre: le griot, le tam-tam; la cloche, les balafons, le clairon, les morceaux de bambous, les chansons et le théâtre communautaire.

Moyens traditionnels ayant disparus

Ceux des moyens traditionnels ayant disparu sont le clairon ou cornes de buffle, les morceaux de bambous, et le théâtre communautaire. Les promoteurs et les utilisateurs sont morts, les vieux sont fatigués et les jeunes ne sont pas formés par les vieux à cause des conflits de génération.

Moyens traditionnels en vogue

Le griot

Le griot est un habitant du village désigné par le chef pour exercer cette fonction, de par son aptitude à donner l’information dans le village et sa disponibilité. Généralement le griot est un homme adulte. Les annonces faites par le griot portent sur l’invitation de la population à prendre part à une réunion présidée par le chef sur des sujets variés tels que: l’arrivée d’une autorité traditionnelle, la tenue d’un tribunal coutumier, l’entretien du village et tout autre problème de développement du village. Ces annonces se font entre 4h30 et 6 heures le matin ou entre 18h30 et 21h00 le soir. Ces heures sont considérées comme celles pendant lesquelles tout le monde est au village. Le message ou l’annonce s’insère dans le cadre de la communication de proximité car le griot parle aux gens dans le village. Les griots, actuellement ne sont pas motivés par la population; par conséquent, ils deviennent réticents à la diffusion de l’information en provenance de la chefferie. Dans certaines localités, la lutte des clans freine l’activité. En conclusion, dans le cadre de la Santé de la Reproduction, le griot peut mobiliser les masses populaires afin qu’elles prennent part aux réunions de sensibilisation/animation.

Le tam-tam

Le tam-tam, comme moyen traditionnel de communication sert à annoncer à la population du village et ses environs, le deuil de l’homme ou de la femme du village, l’arrivée d’une importante personnalité dans la localité ou un danger survenu. Le tam-tam communément utilisé est un tronc d’arbre de dimension variable dont le noyau à été enlevé. Le prix d’acquisition d’un tam-tam pour les événements sus-cités, varie entre 12 000F et 30 000F suivant les régions et sa taille. Tous les villages enquêtés disposent des fabricants et des batteurs de tam-tam. Le futur batteur s’initie auprès du spécialiste pendant la transmission des nouvelles. L’initié utilise parfois le tronc du papayer durant son apprentissage. L’expert n’exige souvent aucune rémunération du volontaire. Le décryptage du son du tam-tam est facile chez les initiés qui savent distinguer généralement le rythme relatif au deuil de celui de tout autre événement. La portée moyenne du son du tam-tam est de l’ordre de 5 km le jour et 12 km la nuit. A côté du grand tam-tam ci-dessus mentionné, on trouve les petits tam-tams, le tambour qui sont surtout des instruments de musique qui accompagnent certaines danses traditionnelles lors des fêtes, des cérémonies de mariage, des funérailles ou de l’accueil des hôtes du village. Le coût des petits tam-tams varie entre 2500F et 5000F la paire. Les villages ne disposant pas de grands tam-tams cherchent les voies et moyens pour en obtenir. Le tam-tam ne peut pas aider à la diffusion des messages éducatifs en Santé de la Reproduction. Il servira surtout à mobiliser les masses pour des séances de sensibilisation/animation.

Les balafons

Les balafons sont utilisés comme instrument d’animation des messes ou cultes à l’église; ils sont en bois et sont fabriqués localement. Avec les balafons, on peut interpréter des chansons de façon instrumentale. La portée des balafons est très limitée et les sons sont facilement décryptés; comme pour le tam-tam, le futur joueur des balafons s’initie chez le spécialiste et par habitude. Associés à la chanson, ils peuvent servir à la diffusion des messages de la Santé de la Reproduction.

Moyens de communication pouvant être revalorisés et vulgarisés

Le griot, le tam-tam, les balafons, les chansons et le théâtre en français ou en langues nationales peuvent être revalorisés et aider à la diffusion des messages de la Santé Reproductive. Le griot pourra être davantage motivé et interviendra dans la mobilisation des masses en faveur de la Santé de la Reproduction. Le tam-tam est à réinstaurer dans certains villages et les futurs batteurs ou joueurs devront être formés. Le tam-tam et les balafons seraient plus efficaces pour la partie musique. Les chansons et le théâtre communautaire en français ou en langues nationales pourront véhiculer un bon nombre de messages relatifs à la Santé Reproductive. Il faudra préparer ces messages et les mettre à la disposition des personnes-ressources. En conclusion, il existe dans la province de l’Est des moyens traditionnels de communication dont certains pourront être revalorisés et vulgarisés; ils pourront dans certains cas véhiculer des messages liés à la Santé de la Reproduction.

Province de l’Extrême Nord

INVENTAIRE DES MOYENS TRADITIONNELS

Les moyens traditionnels de communication identifiés lors de l’enquête dans la Province de l’Extrême-Nord sont: les collaborateurs des chefs traditionnels (Lawans et Djaoros), les messagers à cheval et à pied (Tchimadjo), les chansons accompagnées des danses, les griots (Bambado), tam-tam (Toumtéré), les proverbes, le gardien de la tradition (le Masaî) le muezzin et les cris

Moyens traditionnels ayant disparus

Il s’agit surtout des cornes de boeufs utilisées lors des guerres. Ces instruments utilisés sous forme de flûte, ont disparu de nos jours avec l’absence des guerres.

Moyens traditionnels de communication utilisés de nos jours

Les collaborateurs des Chefs Traditionnels (Lawans et Djaoros)

Le collaborateur du chef traditionnel est utilisé pour la diffusion des messages en provenance de la chefferie et sous les ordres du chef. Ces messages sont destinés aux chefs de familles et autres autorités du village (notables), ainsi qu’à la population. Les personnes-ressources sont les vieillards. L’initiation des collaborateurs du chef se fait par héritage. La portée d’un collaborateur du chef est grande, étant entendu qu’il peut parcourir tout le village. Le degré d’accessibilité est réduit du fait que ce métier se transmet par héritage et n’est réservé qu’aux notables. Les contraintes liées à l’exécution de sa tâche sont de plusieurs ordres: le déplacement difficile, la lenteur et la déformation des messages, la discrimination de cette fonction pour certaines familles. Les messages que l’on peut transmettre à travers les collaborateurs du chef traditionnel sont les annonces des fêtes traditionnelles, les épidémies et les grands événements, les questions de discipline sociale et autres activités dans le village.

Les messagers à cheval et à pied

Utilisés pour la diffusion des messages dans tout le village et auprès des populations, les messagers à cheval et à pied ont pour personnes-ressources les vieillards. Leur initiation se fait à la chefferie par les notables. Le messager à pied parcourt de petites distances alors que le messager à cheval peut couvrir tout le village. Seules les personnes initiées peuvent jouer ce rôle. Les contraintes vis-à-vis des messagers sont les suivantes: la lenteur des messages, l’insuffisance des chevaux à cause de leur coût élevé, le manque de motivation et la possibilité d’être agressé. A travers le messager à cheval ou à pied on transmet les messages sur la discipline sociale, les faits d’actualité: épidémies, calamités, les visites des étrangers et responsables administratifs ou techniques, les convocations.

Le griot (Bambado)

Personne utilisée dans le cadre de l’animation culturelle. Les personnes-ressources sont les anciens (vieillards). On devient griot par héritage ou par don. La portée du griot se limite à une faible distance (300 à 500 mètres), où il est appelé à animer. Les personnes douées sont capables d’hériter de ce rôle ou alors à la suite d’un apprentissage prolongé. Les messages transmis sont les louanges, les calomnies, les informations relatives au vol ou au banditisme, les informations sur la santé et la scolarisation, les manifestations devant le Lamida et autres événements sociaux.

Chansons accompagnées des danses

Celles-ci sont utilisées à l’occasion des manifestations culturelles. Les personnes-ressources sont les vieillards. L’initiation se fait lors des manifestations culturelles, par un apprentissage continu, par les anciens ou des personnes expérimentées. Les chansons accompagnées des danses peuvent être entendues à une distance allant de 300m à 1 km. Celles-ci sont chose facile et très pratique, parfois identiques dans des villages voisins, une même contrée ou une même région. Les contraintes sont liées aux épidémies et à la saison de pluies, périodes durant lesquelles il est difficile de se regrouper. Les messages véhiculés à travers les chansons sont les souhaits, les soucis, les prières, les bénédictions, les injures, les calomnies, et les messages de santé, notamment la santé de la reproduction.

Tam-tam (toumtéré)

Le tam-tam est utilisé à l’occasion des grands événements sociaux, le tam-tam sert à la diffusion des nouvelles ou pour un regroupement. Les vieillards en sont les principales personnes-ressources. La formation est assurée par des personnes initiées. La portée de cet instrument peut aller à une distance de 10 à 20 km. Le plus souvent, chasse gardée des chefs de village, des notables et membres des groupes de danses, le tam-tam demande un apprentissage prolongé. L’héritage du tam-tam reste difficile et le décryptage des messages n’est pas à la portée de tout le monde. Les messages véhiculés sont liés à l’intronisation des chefs à l’arrivée des étrangers, à la convocation des réunions, aux agressions et cérémonies diverses (mariages, deuils...).

Le Muezzin

Le muezzin communique dans le cadre des annonces durant les heures de prière à la mosquée. Les personnes-ressources sont les Imam. Leur initiation se fait grâce à un apprentissage à la mosquée. Le muezzin peut être écouté à une distance de 1 à 2 km. Seuls les initiés sont à mesure d’exercer ces fonctions. Il n’est utile que pour la mosquée et ne peut véhiculer d’autres informations. Les messages transmis sont relatifs à la religion musulmane

Moyens de communication pouvant être revalorisés et vulgarisés

Pour les besoins de communication en SR, les moyens traditionnels ci-après peuvent être retenus: collaborateurs du chef traditionnel (Lawan et Djaoro), chansons accompagnées des danses, messagers à cheval et à pied (Tchimadjo), griot (Bambad). S’agissant des collaborateurs du chef traditionnel à savoir les Lawans et les Djaoros, leur rôle est indispensable pour la diffusion des messages dans le village. Ils transmettent souvent les informations relatives aux grands événements tels que: Les épidémies, les fêtes traditionnelles, la discipline sociale, les différentes activités etc. Dans le cadre du projet, ces derniers peuvent mobiliser les différentes cibles à l’acceptation des messages sur la SR.

En ce qui concerne les chansons diverses accompagnées des danses, il est à noter que leur composition avec des thèmes de SR/PF peut constituer un véritable moyen de transmission des messages pertinents aux groupes cibles.

Quant aux messagers à cheval et à pied (Tchimadjo), ceux-ci peuvent être utilisés comme personnel d’appui à l’animation sociale en faveur de la SR/PF. Le griot (Bambado) qui joue le rôle d’animateur culturel pourrait être utilisé comme un leader villageois ou un éducateur pour la diffusion des messages SR

Stratégie de vulgarisation a mettre en place

La stratégie de vulgarisation des moyens traditionnels de communication tels que: les collaborateurs des chefs traditionnels, les chansons accompagnées par des danses, le tam-tam, le griot, nécessite un certain nombre de procédures. Il faudrait recenser les fabricants d’instruments et les personnes-ressources afin de concevoir des messages en SR, former les jeunes promoteurs et vulgariser ces moyens pour les besoins de communication en la matière.


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