Ce chapitre donne des directives quant à la méthode à suivre pour établir et réviser des plans de gestion dans le cadre dune gestion écosystémique. Ces directives sappliquent dans tous les cas, que la pêche soit nouvelle, quelle passe dune gestion axée sur les ressources ciblées (ou autre méthode de gestion) à lapproche écosystémique ou quelle soit régulièrement gérée par une méthode écosystémique mais en voie de transformation (adoption de nouveaux engins, de nouvelles zones dexercice, etc.). Les étapes décrites dans ces directives font déjà, pour bon nombre dentre elles, partie des bonnes pratiques détablissement des plans de gestion selon la méthode axée sur les ressources ciblées.
Comme lindiquent les Directives pour laménagement des pêcheries, la définition dun plan de gestion est un élément fondamental de la gestion. Celui-ci doit consister en un arrangement formel ou informel entre lautorité compétente en matière de pêche et les parties intéressées. Le plan devrait décrire le contexte de la pêche, y compris tous les principaux acteurs (ou parties intéressées), les objectifs convenus (comprenant les composantes économiques, sociales et écologiques de la pêche) et les règles et règlements spécifiques qui lui sont applicables (pour plus de détails, voir lencadré n° 3).
Le processus détablissement et de modification dun plan de gestion écosystémique requiert une série détapes répétitives (voir la figure 1) qui comprennent: définition du champ daction initial; recueil dinformations générales et analyse; fixation dobjectifs (objectifs dorientation et objectifs opérationnels avec leurs indicateurs et leurs mesures des résultats respectifs); définition de règles et suivi, évaluation et révision.
Les présentes directives se veulent aussi complètes que possible, et décrivent donc une situation idéale. Dans de nombreux cas, il ny aura pas assez de capacités et dinformations pour traiter tous les points. Les méthodes présentées dans les directives méritent cependant dêtre utilisées même lorsque les données sont rares et quil faudrait développer substantiellement les capacités. Le résultat de la méthode indiquera comment la gestion peut constituer un commencement dapplication des objectifs dorientation présentés dans les divers accords internationaux [ceux-ci sont résumés dans la section «Généralités» et développés à lannexe I]. Concrètement, le seul fait dappliquer la méthode permettra daméliorer la gestion halieutique.
Encadré n° 3 TITRE GÉNÉRALITÉS Aspects sociaux et institutionnels
Description de lactivité et des ressources halieutiques et de lécosystème
Problèmes écologiques
OBJECTIFS
MESURES DE GESTION
RÈGLES DE DÉCISION
DROITS DACCÈS
ÉVALUATION DE LA GESTION
SUIVI, CONTRÔLE ET SURVEILLANCE
COMMUNICATION
BILAN
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Figure 1. Mise en place dune gestion écosystémique Représentation schématique de lélaboration, de la modification et de la mise en oeuvre dun plan de gestion écosystémique. Les chiffres renvoient aux section du texte qui suit. On notera que les étapes définies dans lencadré n° 1 sont des subdivisions de la section 4.1.4 Fixation des objectifs |
En raison des différentes échelles de temps auxquelles se déroulent les processus développés dans lencadré n° 3, il peut se révéler nécessaire davoir au moins deux composantes du plan, par exemple un plan de haut niveau mis en place pour une période de 3 à 5 ans, qui définit les grands objectifs de la gestion et les mesures permettant de les atteindre, et un autre plan ou rapport correspondant au cycle annuel de la fixation et de la révision des objectifs opérationnels spécifiques, des indicateurs et des mesures des résultats. Avec le temps, les objectifs opérationnels devenant plus stables ces derniers éléments pourraient être inclus formellement dans le plan de haut niveau.
Pour que les intéressés sinvestissent dans le plan et son application, il faut quils soient associés à tous les stades du processus par la concertation et la participation. De même que leur nombre, léventail des intérêts et des aspirations sera probablement plus grand que dans la gestion axée sur les ressources ciblées, et il faudra trouver des manières de faire pour sassurer que la diversité des points de vue est suffisamment représentée par ceux qui seront appelés à participer sans que le groupe devienne trop important et difficile à manier. Il faudra également traiter soigneusement les questions de capacité et dengagement des parties intéressées, et créer des procédures formelles transparentes pour permettre à toutes les parties de travailler en collaboration. Dans certains cas, des contraintes logistiques pourront amener à limiter la participation des intéressés. Il conviendra alors de veiller soigneusement à maintenir la transparence, la crédibilité et lappropriation des résultats.
4.1.2.1 Identification de la pêcherie, de la zone et des parties intéressées
Le premier pas dans lélaboration dun plan de gestion écosystémique consiste à identifier la ou les pêcherie(s) et les zones géographiques qui seront concernées. Pour lapproche écosystémique, ce travail risque dêtre beaucoup plus difficile que dans le cas dune gestion axée sur les ressources ciblées, bien que la ou les pêcheries relevant du plan de gestion soient parfois spécifiées avant le commencement du processus. Lidéal serait que la couverture spatiale du plan de gestion coïncide avec un écosystème nettement et précisément défini. Cependant, les écosystèmes ne sont pas des entités clairement définies et dotées de frontières univoques, ils peuvent être à cheval sur des zones de gestion, ou celles-ci en contenir plusieurs. En dernier ressort, le choix de la ou des pêcheries et de la zone géographique à inclure dans le plan de gestion dépendra des questions identifiées à létape 4.1.2.2, mais une délimitation préliminaire de la zone concernée est nécessaire, ne serait-ce que pour permettre didentifier les parties intéressées. Dans la pratique, les étapes préliminaires sont interactives et les choix initiaux peuvent être adaptés à mesure que les étapes ultérieures révèlent de nouveaux éléments dinformation ou font apparaître de nouveaux sujets de préoccupation. Dun point de vue concret, lapproche écosystémique devra reconnaître les pêcheries, les entités de gestion et les juridictions existantes sur lesquelles elle sappuiera en les complétant. Dans certains cas, il sagira dajouter des éléments au plan de gestion dune pêcherie donnée, alors que dans dautres il faudra coordonner des mesures supplémentaires concernant plusieurs pêcheries (voir la section 4.2).
4.1.2.2 Identification des principaux problèmes de la pêche
Létape suivante consiste, pour les parties impliquées dans le processus, à procéder à une première évaluation des problèmes associés à la pêche dans le but didentifier, autant que faire se peut, toutes les conséquences possibles de la (ou des) pêche(s) et les outils et options de gestion susceptibles dêtre employés.
Lévaluation devrait porter sur les composantes économiques, sociales et écologiques du développement durable et sinspirer des objectifs dorientation de haut niveau fixés au niveau national ou régional. Les considérations écologiques devraient comprendre:
lexploitation durable des espèces retenues (espèces ciblées et prises accessoires);
la gestion des effets directs de la pêche (en particulier sur les prises accessoires rejetées et lhabitat); et
la gestion des effets indirects de la pêche sur la structure et les processus de lécosystème.
Plusieurs schémas utiles pour diriger ce processus ont été décrits dans les Directives techniques concernant des indicateurs pour le développement durable des pêcheries marines[9]. Il existe par exemple lapproche «pression - situation - réponse», ou celle du schéma hiérarchique. Le schéma permet de rassembler toutes les questions pertinentes. Dans les présentes directives, la subdivision hiérarchique adoptée en Australie a été retenue (voir la figure 2)[10]. La force de cette approche réside dans le fait quelle traite explicitement de la hiérarchie des questions et des objectifs intrinsèques de la gestion halieutique qui concordent avec la réalisation dun développement durable, les reliant aux objectifs dorientation fixés à un niveau plus élevé. Larborescence commence avec les deux principales visées du développement durable, à savoir le bien-être humain et le bien-être écologique, et elle inclut la capacité de gestion en y ajoutant une troisième composante relative à la capacité de réalisation (comprenant la gouvernance et leffet de lenvironnement sur la pêche).
Figure 2. Schéma hiérarchique permettant didentifier les grands problèmes dune pêcherie |
Lorsque les questions écologiques et socioéconomiques importantes ont été définies, il convient de compiler et danalyser les informations pertinentes pour permettre la formulation dobjectifs plus détaillés. Il sagit normalement dune étude sur documents consistant à recenser les informations disponibles. Dans le cadre dune approche écosystémique, laccent portera davantage que dans celui dune gestion axée sur les ressources ciblées sur lanalyse des effets de la pêche sur lenvironnement, en termes dhabitat et deffets directs et indirects sur les biotes autres que les espèces ciblées (les données et les informations requises sont indiquées au chapitre 2).
4.1.4.1 Fixation des grands objectifs de la pêcherie
Les grands objectifs de la pêcherie définissent les résultats que lon voudrait obtenir du plan de gestion pour traiter lensemble des questions définies au point 4.1.2.2. Ces grands objectifs constituent le lien entre les principes, les objectifs dorientation, les grands problèmes et ce quune pêcherie donnée sefforce de réaliser. Par exemple, les grands objectifs de gestion dune pêcherie donnée pourraient être de:
maintenir les stocks des espèces exploitées à des niveaux écologiquement viables en évitant la surexploitation et en maintenant et optimisant les rendements à long terme;
maintenir les habitats et les stocks des espèces non retenues (prises accessoires) à des niveaux écologiquement viables;
maintenir à un niveau acceptable les effets sur les structures, les processus et les fonctions de lécosystème;
maximiser les recettes nettes; et de
favoriser lemploi au niveau régional.
Il importe que ceux qui sont chargés de fixer les grands objectifs fassent participer ceux qui sont chargés de mettre en oeuvre les politiques et les accords concernés. Dans la plupart des situations, il sagira de mobiliser plusieurs niveaux de gouvernement et plusieurs grands groupes dintéressés.
4.1.4.2 Conception des objectifs opérationnels à partir des grands objectifs
Pour lapplication de lapproche écosystémique, les grands objectifs doivent être traduits en objectifs opérationnels directement et concrètement perceptibles dans le contexte de la pêcherie et qui serviront de repères pour évaluer les résultats de la pêche et de sa gestion. Le processus consistant à élaborer des objectifs opérationnels à partir des grands objectifs devrait être transparent et participatif. Cela permettra aux parties intéressées de comprendre la conception et le choix des objectifs opérationnels, dy participer et de sapproprier ces objectifs, et contribuera à mieux les faire respecter.
Les pêcheries et leur écosystème comportent de nombreux problèmes potentiels, mais il existe une limite concrète au nombre des objectifs opérationnels (et des indicateurs liés) qui peuvent être utiles pour prendre des décisions de gestion. La définition des grands objectifs devrait aussi consister à trier parmi un grand nombre de possibilités pour ne retenir que les plus importantes et les plus réalistes. Les modalités de concertation et de décision pour la conception des objectifs opérationnels à partir des grands objectifs varient dune pêcherie à une autre. Toutefois, elles doivent nécessairement comporter trois étapes:
identifier les problèmes qui se posent concrètement à la pêche dans chacun des grands objectifs,
hiérarchiser les problèmes selon le risque quils représentent; et
définir des objectifs opérationnels pour les problèmes prioritaires et, au besoin, des modalités de suivi des problèmes moins urgents.
Lidéal serait que des experts techniques compétents puissent participer à ces étapes en procédant à une estimation dont les modalités sont décrites à la section 4.1.6. Linformation devra circuler entre ce processus et lanalyse et lévaluation effectuées par léquipe chargée de lestimation. Par exemple, la définition des priorités peut nécessiter une analyse exploratoire et lidentification ou la spécification dun objectif opérationnel possible, et elle peut comporter plusieurs étapes aboutissant à dégager et à essayer des options envisageables. Il peut être décidé, en particulier lors de la fixation de lobjectif opérationnel, que les informations disponibles ne permettent pas de traiter de manière satisfaisante un problème important, et quil y a lieu de recueillir certaines données pour pouvoir continuer à progresser dans lélaboration des plans de gestion écosystémique. Si les compétences techniques ou la possibilité décrite nexistent pas, il peut néanmoins être utile et constructif de poursuivre de quelque manière que ce soit, par exemple en recourant à des jugements qualitatifs.
i) Recenser les problèmes relevant de chacun des grands objectifs
La manière la plus facile de procéder pour cette étape est de commencer par un grand objectif et de développer larborescence hiérarchique en y ajoutant tous les problèmes relevant de cet objectif pour une pêcherie donnée. La ramification se fait en passant du haut niveau du problème au niveau opérationnel, en ajoutant autant de branches quil le faut pour que le problème puisse être traité par une ou plusieurs des mesures définies au chapitre 2. Un exemple est donné à la figure 3.
La figure 3 montre deux problèmes spécifiques relevant du grand objectif applicable aux espèces exploitées:
grand objectif: maintenir les espèces exploitées à des niveaux de populations écologiquement viables en évitant la surexploitation et en préservant et optimisant les rendements à long terme;
problème spécifique: le stock des reproducteurs tombe à un niveau qui freine le recrutement;
problème spécifique: le stock des reproducteurs tombe à un niveau qui ne maximise pas le rendement à long terme et ne permet plus la variabilité antérieure du recrutement.
Par un processus analogue, dautres grands objectifs peuvent être traduits en problèmes spécifiques pouvant servir à élaborer des objectifs opérationnels tels que minimiser les prises de certaines espèces vulnérables ou menacées, maintenir le niveau de certains habitats essentiels non exploités, maintenir certaines populations servant de proies à un niveau supérieur à 75 pour cent de la biomasse non exploitée pour nourrir les prédateurs et réaliser un revenu net sur investissement comparable à celui dautres industries. Ces exemples nécessiteront tous de poursuivre la ramification jusquà des niveau de spécificité variant selon la pêcherie (les tortues, par exemple, peuvent poser problème dans une pêcherie et nécessiter des objectifs spécifiques, alors que pour une autre, le problème viendra des oiseaux de mer).
Figure 3. Identification des problèmes spécifiques par la méthode de la hiérarchisation
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Il faudra donner des interprétations opérationnelles de certaines notions et intentions faisant partie des objectifs dorientation de haut niveau et qui sont actuellement mal définis ou mal compris, tels que biodiversité, intégrité de lécosystème, fonction de lécosystème. Cela demandera des prises de position, mais, surtout, le fait de définir progressivement le problème en termes de plus en plus opérationnels incitera à prendre des positions explicites et fournira les arguments permettant de les expliquer. On peut, par exemple, arriver à la conclusion que la fonction de lécosystème est susceptible dêtre réalisée par un objectif opérationnel selon lequel toutes les espèces ciblées et les prises accessoires seront gérées à des niveaux de population dérivés de leur rendement constant maximal à long terme et quaucun grand type dhabitat ne sera réduit par rapport au niveau actuel. Dun autre côté, la conclusion peut être que la fonction de cet écosystème est susceptible dêtre réalisée par un objectif opérationnel selon lequel 40 pour cent de la superficie occupée par la communauté écologique contenant lespèce ciblée doivent être placés en ZMP.
Figure 4. Étude qualitative des risques permettant de repérer les problèmes les plus urgents |
A mesure que les connaissances scientifiques des écosystèmes samélioreront, les raisons seront plus nombreuses de choisir certains objectifs opérationnels particuliers pour atteindre les objectifs dorientation relatifs à la biodiversité et à la fonction des écosystèmes, mais il nen reste pas moins nécessaire de donner des interprétations opérationnelles élaborées pour la pêche et de les justifier.
ii) Classer les problèmes
Les problèmes susceptibles de se présenter dans cette première étape du processus sont nombreux et leur pertinence varie souvent considérablement. La seconde étape consiste à classer par ordre de priorité les problèmes qui se présentent aux échelons inférieurs de larborescence pour déterminer ceux qui nécessiteront lélaboration dobjectifs opérationnels détaillés, dindicateurs et de points de référence. Une approche pragmatique consiste à procéder à une évaluation des risques. Lévaluation des risques peut être qualitative et subjective, ou être hautement quantitative et fondée sur des données. Le niveau qui convient dépend des circonstances, mais il devra toujours être fait appel aux meilleures pratiques compte tenu des informations disponibles pour réaliser au moins une étude qualitative des risques et une évaluation des capacités. De nombreuses méthodes sont bien décrites pour réaliser les études qualitatives des risques. Lune dentre elles consisterait, par exemple, à noter sur une échelle, disons de 1 à 5, la probabilité et les conséquences dun échec pour chaque problème. Les problèmes hautement prioritaires sont ceux ayant de fortes chances de se produire et dont les conséquences seraient importantes (voir la figure 4).
iii) Concevoir des objectifs opérationnels pour les problèmes prioritaires et, au besoin, une méthode de suivi pour certains problèmes moins urgents
Ensuite, chaque problème peut être traité dans le plan de gestion selon le risque quil comporte. Les problèmes à haut risque sont subdivisés en objectifs opérationnels détaillés. Certains problèmes à risque moyennement élevé pourraient justifier la mise au point dun mécanisme de suivi dans le cadre du plan et dune sorte de plan dintervention. Les problèmes à faible risque pourraient être notés dans le plan avec une mention expliquant pourquoi ils sont considérés comme étant à faible risque. Dans le prolongement de lexemple des espèces ciblées donné plus haut, lobjectif opérationnel correspondant aux deux problèmes spécifiques relatifs à lespèce ciblée pourrait consister à maintenir le stock des reproducteurs au dessus de 40 pour cent du niveau non exploité estimé.
Pour élaborer les objectifs opérationnels, on tient compte du degré de connaissance et dincertitude concernant le problème considéré, et en particulier de lincertitude résultant du fait que lon ne sait pas précisément avec quel degré de fiabilité lobjectif correspond au grand objectif, et donc dans quelle mesure la pêche contribuera à un développement durable. Lobjectif opérationnel devrait devenir plus rigoureux à mesure que lincertitude augmente, de sorte quen atteignant lobjectif opérationnel on atteindra le grand objectif auquel il correspond avec un degré de risque aussi faible, et ce malgré lincertitude.
Certains objectifs opérationnels peuvent être contradictoires parce quils correspondent à des objectifs dorientation ou des grands objectifs de pêche contradictoires ou encore à des interprétations contradictoires de ces objectifs. Il convient déviter les contradictions inutiles, mais il peut aussi sagir de demandes réellement concurrentes que le plan de gestion de la pêche cherche à équilibrer. La conciliation de ces demandes concurrentes seffectue par interaction entre la fixation des objectifs opérationnels et la fixation des indicateurs et points de référence (section 4.1.4.3), en tenant compte des méthodes techniques décrites à la section 4.1.6. Les divers indicateurs et points de référence se rapporteront à des aspects très variés de lécosystème et de la pêche auxquels il peut être difficile, voire impossible, de satisfaire en même temps. Certaines combinaisons despèces ciblées, par exemple entre espèces prédatrices et proies, peuvent nêtre pas possibles en raison de leurs interactions biologiques.
4.1.4.3 Méthode de sélection des indicateurs et des points de référence pour chaque objectif opérationnel
Létape suivante consiste à convenir des indicateurs, des points de référence et des mesures de lefficacité (voir lencadré n° 4). La fixation des objectifs et des mesures de lefficacité fait maintenant partie de la gestion axée sur les ressources ciblées, mais elle doit être élargie pour inclure tous les objectifs opérationnels écologiques, sociaux et économiques.
Selon lapproche écosystémique, la fixation de points de référence ciblés peut poser davantage de problèmes que dans la gestion axée sur les ressources, surtout pour ce qui concerne les propriétés moins spécifiques des écosystèmes. Il est par exemple clair que lon pourrait raisonnablement prendre pour objectif la superficie dhabitat benthique à protéger, mais que ce serait plus difficile sagissant du flux dénergie traversant une partie donnée dun niveau trophique. La difficulté tient aux incertitudes que lon a au sujet des processus écosystémiques et à la nature extrêmement dynamique et variable des écosystèmes. Pour des raisons pratiques, lindicateur devrait être une propriété de lécosystème dont on pense quelle est modifiée par la pêche, de sorte quau moins il y ait un effet vérifiable de la pêche dont on ait repéré un degré ciblé de changement. Si les circonstances ne se prêtent pas à la fixation dun point de référence ciblé, il convient au moins de fixer un point de référence limite.
Le choix final des indicateurs et des points de référence devrait tenir compte des problèmes techniques, des problèmes de gestion et des problèmes opérationnels dune pêcherie donnée. Lidéal serait que les indicateurs correspondent aux paramètres qui peuvent être mesurés ou estimés avec un plus grand degré de certitude en tenant compte de la dynamique de la population ciblée et de lécosystème, et quils puissent être estimés à partir de données qui ont été recueillies ou sont susceptibles de lêtre. Le choix devrait aussi dépendre de ce qui peut raisonnablement être accompli daprès le système de gestion et la pêcherie. A la fin du processus, tous les intéressés devraient être assurés que les indicateurs sont à la fois significatifs et maniables. Cest pourquoi le choix des indicateurs et des points de référence doit obligatoirement être un processus itératif consistant à suggérer des possibilités et à les mettre à lessai, impliquant tous les participants sur le plan technique (discussion à la section 4.1.5) et les partenaires dans lélaboration du plan de gestion.
Encadré n° 4 La fixation dindicateurs, de points de référence et de mesures de lefficacité a pour but général de servir de cadre pour évaluer les règles de gestion et lefficacité avec laquelle la pêche atteint ses objectifs. Lindicateur permet de suivre le résultat recherché défini par lobjectif opérationnel et, lorsquil est mis en regard des points de référence cibles ou limites, de mesurer lefficacité de la gestion. Si les objectifs opérationnels sont clairs et mesurables, lindicateur qui les accompagne va souvent de soi. Pour un objectif portant sur le niveau de la biomasse du stock des reproducteurs, par exemple, lindicateur est évidemment la biomasse du stock des reproducteurs. Cependant, il se peut quil faille modifier lindicateur en fonction des données disponibles, des possibilités de communication avec les responsables ou de leur aptitude à modifier la gestion en conséquence. Les indicateurs et les points de référence donnent des mesures quantitatives simples de lefficacité: la différence entre la valeur de lindicateur et son point de référence cible ou limite pour une année donnée. La cible devrait représenter létat recherché de lindicateur et la limite la frontière quil nest pas souhaitable de franchir (il peut sagir dune limite supérieure ou dune limite inférieure, voire des deux). La cible et la limite peuvent être quantitatives (par exemple une valeur cible à laquelle la valeur de lindicateur devrait se trouver, ou une limite spécifiée que la valeur de lindicateur ne devrait pas dépasser) ou elles peuvent exprimer une tendance (par exemple lindicateur devrait augmenter pendant la durée du plan). |
Si les objectifs opérationnels sont en concurrence, il se peut que les cibles et les limites fixées se contredisent. Il faudra trouver et caractériser, en procédant aux évaluations décrites à la section 4.1.5, quels sont les arbitrages à faire pour résoudre ces différences, et affiner les objectifs opérationnels, les indicateurs et les points de référence. Certains ajustements pourront obliger certains des intéressés à revenir sur les résultats quils attendaient des écosystèmes ou de la pêche, et pour que le plan soit crédible, les négociations devront être menées par les intéressés eux-mêmes. Comme pour le choix des objectifs opérationnels, les critères retenus pour le choix des indicateurs et des points de référence devront être clairement exposés.
Les publications sur la pêche et les plans de gestion constituent des sources dindicateurs et de points de référence dont on peut sinspirer, particulièrement en ce qui concerne les espèces ciblées. Les indicateurs ou objectifs ayant trait à la structure et à la fonction de lécosystème et à divers aspects de la biodiversité sont beaucoup moins développés, mais la littérature écologique fournit plusieurs indicateurs qui peuvent être envisagés à condition de pouvoir être mis en relation avec des objectifs opérationnels (on en trouvera certains exemples à lannexe 4). Les données scientifiques à lappui des critères retenus peuvent différer selon les circonstances, et lon peut espérer quelles samélioreront avec le temps à mesure que lon parviendra à répondre aux besoins de lapproche écosystémique en termes de recherche et dinformations. Toutefois, le manque de certitudes scientifiques ne devrait pas empêcher de choisir des indicateurs et des points de référence jugés importants ou dexposer clairement les critères dun choix.
Après la compilation des informations (voir la section 4.1.3) et la fixation des objectifs opérationnels (section 4.1.4), létape suivante consiste à choisir une mesure ou un ensemble de mesures de gestion permettant datteindre chacun des objectifs. Ainsi, par exemple, le contrôle des prises peut être la solution préconisée pour une espèce et la limitation de leffort pour une autre. La fermeture de certaines zones peut être envisagée pour respecter les valeurs assignées à une pêche multispécifique ou pour répondre aux objectifs de protection de lhabitat. Ce processus devra tenir compte à la fois de la qualité des données et de leur accessibilité, dans limmédiat et à lissue dun programme de surveillance accrue.
La mise au point des mesures et des règles de décision (voir lencadré n° 5) devrait, dans lidéal, sappuyer sur des analyses de données rigoureuses, et notamment sur une modélisation de la dynamique du système ou du soussystème. Toutefois, comme les auteurs le soulignent tout au long des présentes directives, des capacités insuffisantes à cet égard ne sont pas une raison de ne pas appliquer lapproche générale. Même lorsque les données existantes sont rares, il convient étudier et danalyser objectivement les meilleures informations disponibles. En pareil cas, une extrapolation à partir des régions mieux étudiées peut donner des indications sur les objectifs opérationnels à retenir avec les règles de décision qui les accompagnent.
Encadré n° 5 Le recours à certaines mesures de gestion devrait saccompagner de règles de décision concernant la manière de les appliquer. Les règles définissent les mesures de gestion quil convient de prendre dans différentes circonstances, souvent déterminées par la valeur dun indicateur par rapport à un point de référence cible ou limite (voir lencadré n°4). Les règles de décision devraient fixer la manière de déterminer la mesure de gestion à prendre, les données à recueillir et la manière de les utiliser pour déterminer la mesure. Elles peuvent être quantitatives (par exemple fixation de limites de capture pour lespèce considérée en fractions dabondance spécifiées à lavance et dérivées détudes) ou être qualitatives (par exemple une certaine valeur dun indicateur déclenche la décision davancer le bilan de la gestion). Des règles de décision fondées sur une approche écosystémique sont appliquées en Afrique du Sud aux pêcheries de sardine et danchois, régies principalement par des totaux admissibles de capture (TAC). Un TAC est fixé pour chaque espèce, mais les sardines juvéniles constituant des prises accessoires dans la pêche à lanchois, le TAC de sardine doit tenir compte des prises probables dans la pêche à lanchois. Les règles qui étaient utilisées pour fixer le TAC de sardine entre 1994 et 1996 sont ici données à titre dexemple. Les données utilisées dans les règles de décision sont les estimations dabondance tirées détudes hydroacoustiques des populations de sardines et danchois effectuées chaque année: lune en novembre pour estimer la biomasse des adultes et la seconde au milieu de lannée pour estimer le recrutement de lannée. Un TAC initial est fixé au commencement de lannée sur la base de lestimation de la biomasse du mois de novembre précédent, et il est révisé au milieu de lannée lorsque le recrutement a été estimé. Les règles de décision pour le TAC de sardine sont les suivantes:
· Prises ciblées = 10 pour cent de la biomasse de la population adulte estimée au mois de novembre précédent; · Prise accessoires = 7 500 tonnes + 6 pour cent du TAC initial danchois (déterminé dans le cadre dune procédure de gestion distincte);
· Prises ciblées = sans changement par rapport au TAC initial; · Prises accessoires = 7 500 tonnes + y pour cent du TAC révisé danchois (déterminé dans le cadre dune procédure de gestion distincte), y variant entre 6 et 12 selon le recrutement total de lannée estimé dans létude de milieu dannée. Les règles de décision sont de simples équations quil est facile dappliquer lorsque les résultats de létude ont été calculés. Le TAC initial de prises accessoires constitue un TAC minimal qui ne peut être augmenté quau moment de la révision de milieu dannée, ce qui correspond au fait quil est très probable que le TAC initial ait déjà été pris au milieu de lannée, au moment de la révision. Les paramètres essentiels des équations ont été soigneusement choisis sur la base des nombreuses études de la dynamique de la population de sardines et de la pêche utilisant un modèle mathématique. On a constaté que les valeurs de ces paramètres constituaient des règles de décision permettant de sapprocher de très près des objectifs opérationnels de la pêche à la sardine. |
Plusieurs méthodes danalyse peuvent être employées pour mettre au point les règles de décision. Lune dentre elles pourrait être une forme développée de gestion annuelle axée sur les ressources ciblées qui utiliserait toutes les données disponibles pour évaluer au mieux la productivité et labondance dune espèce. Cette approche est celle employée, par exemple, par la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de lAntarctique qui fixe, par mesure de précaution, des limites de capture des espèces servant de proies pour tenir compte de laction des prédateurs.
Les autres méthodes sintéressent davantage au plus long terme et peuvent sinspirer dune approche de «procédure de gestion» élargie ou dévaluation de la stratégie de gestion» (voir lencadré n°6). Jusquici, celle-ci a été appliquée principalement à la gestion axée sur les ressources ciblées, mais il pourrait être utile de la développer pour y ajouter les considérations plus vastes de lapproche écosystémique. Cependant, étant donné que lon connaît mal les formes précises des interactions entre les espèces, les degrés dincertitude ne pourront quaugmenter si lon tient compte des interactions entre espèces.
Une autre approche consiste à exploiter les interactions observées entre les espèces dans les pêches multispécifiques (par exemple le pourcentage de prises accessoires de lespèce B dans la pêche à lespèce A) pour calculer un vecteur multispécifique de capture admissible despèces ciblées de manière à atteindre les objectifs fixés pour les espèces non ciblées. La Commission internationale des pêches de lAtlantique du Nord-Ouest (NAFO) applique une programmation linéaire aux taux de prises accessoires pour optimiser un vecteur multispécifique de TAC.
Le plan de gestion écosystémique devrait prévoir des réexamens à intervalles réguliers permettant dapprécier dans quelle mesure la gestion appliquée réussit à atteindre les objectifs. Ces réexamens bénéficient des données recueillies dans le cadre dun programme de suivi efficace et bien dirigé et analysées par des experts techniques compétentes. Ils doivent être effectués sous légide dun groupe désigné dintéressés auquel des rapports sont régulièrement adressés, et doivent porter sur le court et le long terme.
Encadré n° 6 Lévaluation de la stratégie de gestion sefforce de modéliser et de simuler le processus de gestion dans sa totalité. Elle consiste à établir des projections de létat des ressources halieutiques et dautres paramètres de lécosystème sur plusieurs années en suivant diverses options de décisions. Cela permet alors de choisir et dappliquer la mesure et les règles de gestion donnant les meilleurs résultats au regard des objectifs spécifiés. Cette procédure est très utile pour définir des stratégies de gestion qui résistent aux incertitudes scientifiques. Les mesures de précaution et les règles de décision sont définies en jaugeant leur efficacité par rapport à une série de facteurs complexes susceptibles dêtre à loeuvre dans la pêche concernée à laide dun choix de points de référence comportant des degrés de risque acceptables. Une évaluation de ce type donne généralement des résultats analogues à ceux dune étude des risques classique: plus lincertitude est grande, plus la gestion devra être prudente pour maintenir les risques à des niveaux acceptables. La procédure peut tenir compte des incertitudes grâce à une règle de décision qui évolue et saméliore avec le temps, reposant sur la remontée de linformation sur les résultats des années antérieures. Les mesures de gestion peuvent aussi être automatiquement ajustées dans le temps pour tenir compte des nouvelles données à mesure quelles deviennent disponibles, ce qui permet de réduire le niveau dincertitude. Jusquà présent, cette méthode a principalement été appliquée pour la gestion de stocks uniques dans laquelle un modèle du processus de décision et de gestion est coulé sur le modèle de la dynamique du stock. Lapproche doit être élargie pour tenir compte des objectifs de lapproche écosystémique, dont la première étape consiste à traduire les principes et des objectifs dorientation en objectifs opérationnels, comme on la indiqué dans le texte. |
Les réexamens à court terme, par exemple dans le cadre dun cycle annuel, devraient évaluer labondance et la productivité dune espèce lorsquil sagit de ressources ciblées, les effets de la pêche sur dautres aspects écologiques plus vastes et les incidences socioéconomiques. Étant donné que le processus (décrit à la section 4.1.4) requiert la fixation dobjectifs opérationnels et dindicateurs et de points de référence sy rapportant, la mesure de lefficacité devrait évaluer les progrès accomplis sur la voie de lobjectif opérationnel concerné. Par ailleurs, en raison des liens existant entre ces objectifs et les objectifs de plus haut niveau, il convient dapprécier si ces objectifs plus vastes et à plus long terme sont en voie dêtre atteints. Des mesures de gestion appropriées peuvent aussi être prises pour empêcher le dérapage des indicateurs en utilisant les règles définies, comme indiqué plus haut.
Si lexercice produit des résultats inattendus, des mécanismes devraient être prévus pour avancer le réexamen à plus long terme décrit en détail plus bas. Dans cet examen, il conviendrait de voir si le suivi permet de recueillir la quantité et la qualité de données requises pour actualiser régulièrement les mesures de gestion.
Le réexamen à plus long terme devrait être effectué régulièrement. Lintervalle indiqué peut être compris entre trois et cinq ans, sa durée étant choisie en fonction de la dynamique de lespèce concernée et des systèmes dexploitation et de gestion. En présence dune évolution plus lente, les réexamens peuvent être plus espacés. Le réexamen devrait porter sur la totalité des modalités de la gestion y compris la collecte des données et le suivi des ressources et comprendre une réévaluation générale et une nouvelle appréciation des règles de décision et des progrès accomplis sur la voie des objectifs à plus long terme.
Les réexamens à plus long terme peuvent apporter la preuve quun objectif fixé auparavant (par exemple le retour à un certain niveau cible dabondance à une date donnée) nest plus adapté. Il se peut aussi que les objectifs sociétaux aient changé, ou que des failles soient apparues dans le système de gestion. Pour tenir compte de ces circonstances, il faudrait prévoir que le groupe des intéressés donne des objectifs opérationnels révisés dun commun accord et, au besoin, les indicateurs et les points de référence qui les accompagnent. La procédure de réexamen a encore pour but de planifier la recherche future en vue de réduire le niveau des incertitudes les plus importantes.
Comme dans les Directives pour laménagement des pêcheries, le terme «législation» est ici utilisé dans son sens le plus large et englobe tous les types dinstruments internationaux et le droit national et local. Les instruments internationaux contenant des dispositions applicables à la pêche et qui doivent être pris en considération pour la mise en oeuvre de lapproche écosystémique sont présentés à lannexe 1. Leurs dispositions doivent être reprises dans la législation nationale et dans toute la réglementation et les pratiques gouvernant la pêche.
Lapproche écosystémique est encore peu représentée dans le droit international contraignant, que ce soit expressément en tant quapproche écosystémique stricto sensu ou implicitement sous la forme de principes de développement durable, mais elle figure principalement dans des instruments à caractère facultatif tels que la Déclaration de Rio, le plan Action 21, le Code de conduite pour une pêche responsable et la Déclaration de Reykjavik.
De ce fait, rares sont les organisations ou les arrangements régionaux de pêche qui reconnaissent explicitement lapproche écosystémique dans leurs instruments. En outre, cette approche est rarement intégrée dans les politiques ou les législations nationales en matière de pêche. Il en résulte de nombreuses lacunes dans les régimes actuels de gestion de la pêche, telles que i) linsuffisance de la concertation et de la coopération intersectorielles, et ii) labsence de prise en considération des influences externes telles que la pollution ou la détérioration des habitats, ou labsence de prise sur elles des instruments légaux. Il convient de sattaquer à ces problèmes et de les corriger au besoin. Dans le cas des politiques et des législations nationales, en particulier, lapproche écosystémique peut nécessiter de prendre en considération et dadapter les instruments juridiques existants et les pratiques dautres secteurs ayant des interactions avec la pêche ou des effets sur elle.
Lapproche écosystémique est donc susceptible de faire appel à des règles ou des réglementations plus complexes tenant compte des effets de la pêche sur dautres secteurs et de ceux dautres secteurs sur la pêche. Il peut être souhaitable de réglementer par des lois-cadres les interactions les plus importantes, celles qui sont plus ou moins constantes, entre secteurs. Il pourrait sagir, par exemple, des lois régissant laménagement côtier et la protection des habitats côtiers, la création de ZMP permanentes et la création dinstitutions intersectorielles. En revanche, de nombreuses interactions entre la pêche et dautres secteurs sont dynamiques et il peut être souhaitable, dans ces cas, de rechercher un mode dinteraction plus adaptable et plus souple que ne le permettent généralement les lois cadres. Il serait préférable de sappuyer sur des règles convenues. Cest ce que préconisent les Directives pour laménagement des pêcheries, à savoir que les mesures de contrôle courantes susceptibles dêtre fréquemment révisées devraient être énoncées dans les textes dapplication plutôt que dans la réglementation cadre (section 4.3.1, vi).
Il est dit, dans les Directives pour laménagement des pêcheries, que la législation cadre devrait préciser les «fonctions, les pouvoirs, les responsabilités du gouvernement ou dautres institutions concernées par laménagement des pêcheries» [(section 4.3.1 iv)]. Il y est dit aussi que la juridiction devrait comprendre la zone géographique, les parties intéressées et les institutions chargées de laménagement des pêcheries [(section 4.3.1 v)]. Il faut y ajouter, pour une approche écosystémique, que i) la juridiction territoriale devrait coïncider autant que possible avec des frontières écologiques naturelles et que ii) la législation devrait spécifier le niveau approprié de concertation et de coopération entre lorganisme responsable dune pêcherie donnée et les institutions responsables des autres pêcheries ou dautres secteurs ayant des liens avec elles.
Hormis le fait que lapproche écosystémique est rendue plus complexe et plus large par lajout de nombreux éléments à plusieurs niveaux et dans plusieurs fonctions, ses tâches et ses méthodes, résumées à la figure 1, section 4.1, restent, pour lessentiel, identiques à celles de la gestion axée sur les ressources ciblées. Les structures institutionnelles et les méthodes en place pour une gestion écosystémique doivent permettre daccomplir ces tâches, y compris celles de la dimension ajoutée, examinées dans cette section.
Lapproche écosystémique veut que les institutions assurent une coordination, une concertation et une coopération, voire la prise de décisions communes, entre les pêcheries opérant dans la même zone géographique et entre une pêcherie et dautres secteurs ayant des liens avec elle. Lorsque, par exemple, une pêcherie a pour cible une ou plusieurs espèces servant de proies à un prédateur recherché par une autre pêcherie, il doit y avoir une institution ou un dispositif pour coordonner la gestion des deux pêcheries et concilier leurs objectifs.
La mise au point et lapplication dune politique et dune législation en matière de gestion écosystémique relèvent normalement du ministère de la pêche ou de linstitution de gestion désignée (au niveau national) et des organisations de gestion halieutique (au niveau régional). La mise au point dune gestion écosystémique risque de se heurter au problème majeur de la discordance entre les frontières des écosystèmes et les limites de juridiction. Ce problème devra être abordé de la manière suivante, par exemple:
Dans les zones côtières, les administrations chargées de laménagement des mers et celles chargées de laménagement des terres doivent coopérer pour créer des systèmes dinformation intégrés et une gouvernance capable daffecter des ressources et de faire respecter les droits dusage. La création de zones peut être un moyen daffecter des ressources fixes. Dans bien des cas, les frontières des zones économiques exclusives et celles des écosystèmes côtiers ne coïncident pas, ce qui oblige à procéder à des négociations bilatérales (ou multilatérales). Au niveau infranational, la délégation des responsabilités de gestion aux communautés riveraines devra tenir compte des frontières des écosystèmes et nécessitera éventuellement la mise en place dune coordination intercommunautaire.
En haute mer, les frontières juridictionnelles des organisations de pêche peuvent ne pas correspondre convenablement aux frontières des écosystèmes (par exemple les frontières des grands écosystèmes marins). Celles-ci ont par ailleurs tendance à être floues et à fluctuer dune saison ou dune année sur lautre, ce qui nécessite, de la part des organisations concernées, de prévoir une certaine flexibilité dans les accords quelles concluent.
Dans le contexte de la gestion axée sur les ressources ciblées, il est fréquent que des conflits surviennent entre différents groupes dintérêt et compromettent lefficacité de la gestion des pêches. Le nombre de conflits ne pourra quaugmenter dans le cadre de lapproche écosystémique puisque le nombre des parties intéressées et des objectifs est plus grand. Ce problème peut revêtir une grande acuité et, comme dans le cas de la gestion axée sur les ressources ciblées, il sera souvent impossible de réaliser des compromis entre les parties concurrentes. Des arrangements institutionnels doivent être définis «pour éviter les conflits potentiels et faciliter leur règlement lorsquils se produisent» (Directives pour laménagement des pêcheries, section 4.3.1 xii). Dans certains cas, il peut être nécessaire de recourir à une décision politique pour déterminer les priorités relatives de deux ou plusieurs usages en conflit.
Lapproche écosystémique veut que soient respectés les mêmes principes de transparence et de gestion en partenariat préconisés dans lapproche axée sur les ressources ciblées (Directives pour laménagement des pêcheries, section 3.3), notamment:
transfert des décisions et des responsabilités de gestion aux organisations ou groupes relevant dun niveau inférieur au niveau national central (par exemple aux communautés littorales) lorsque cest possible, afin daméliorer le respect des plans et la rentabilité de la gestion et de mettre à profit les pratiques de gestion traditionnelles et autres moyens de ce type;
développement des capacités au niveau des délégataires pour sassurer que lorgane chargé de la gestion est en mesure de sacquitter de ses responsabilités;
due participation des intéressés à la prise des décisions, par exemple par louverture des institutions, lélargissement des débats publics, le développement des moyens de participation du secteur;
amélioration de la transparence et développement de la diffusion de linformation; et
création (ou confirmation) de systèmes appropriés de droits dusage.
Sil est souhaitable de transférer une certaine partie des responsabilités et des compétences aux niveaux de décentralisation les plus bas (la communauté locale), la décision de le faire doit être conciliée avec la nécessité de veiller à ce que les décisions et les mesures de gestion soient coordonnées et compatibles au niveau le plus élevé que comporte lapproche écosystémique dans la situation en question. Pour cela, les institutions devront être structurées efficacement de manière à coordonner les décisions et les actions entre les différentes échelles géographiques et halieutiques prévues par lapproche écosystémique.
La limitation de laccès et la mise en place de régimes appropriés de droits daccès sont des éléments essentiels pour une pratique réussie et responsable de la pêche selon lapproche axée sur les ressources ciblées (section 3.2 des Directives pour laménagement des pêcheries) et qui seront développés pour lapproche écosystémique. Il faut admettre que, selon cette dernière approche, le régime des droits daccès devra fréquemment englober dautres usages que celui des ressources ciblées qui fait à présent partie de la gestion axée sur les ressources ciblées, et que cela risque de compliquer le choix et la mise en oeuvre de régimes équitables et efficaces de droits dusage. Parmi les autres droits daccès susceptibles dêtre revendiqués dans le cadre dune approche systémique, on peut citer:
la place explicitement faite par cette approche aux relations proie-prédateur fait quune partie du potentiel de production des espèces servant de proies doit être attribuée au prédateur plutôt quentièrement réservée à la pêcherie ou aux pêcheries qui exploitent ces espèces; et
la gestion en faveur dune multitude dutilisateurs (pêcheries multiples, tourisme, conservation, pêche de loisirs, et ainsi de suite) nécessitera une répartition appropriée des ressources et de laccès à tous les groupes différents dusagers.
Ces problèmes de répartition ne sont pas nouveaux, mais on a eu tendance à les négliger dans le passé. Dans lapproche écosystémique, les problèmes daccès et de répartition des ressources devront être formellement reconnus. Il sera peut-être nécessaire denvisager lattribution et le contrôle de droits pour des activités à terre ayant des effets néfastes sur la pêche tels quune pollution. Il faudrait pour cela que la société modifie radicalement la manière dont elle traite les conséquences telles que la pollution, mais cela aurait le mérite de désigner le problème et dobliger les gens à réfléchir aux liens entre les choses et à leurs conséquences.
La gestion axée sur les ressources ciblées reconnaît lintérêt de faire participer les parties intéressées à la gestion des pêcheries et donc de les informer de la nécessité de cette gestion et des principes qui la régissent. Dans certains cas, cela leur a permis mieux comprendre la gestion et dy participer plus étroitement, mais, la plupart du temps, il ny a pratiquement pas eu de changement. Pour que la mise en application dune approche écosystémique réussisse, il faudra que les parties intéressées (organismes de gestion compris) comprennent et acceptent la nécessité de cette gestion plus large de la pêche et quelles semploient à la faire comprendre et accepter. Dun autre côté, les scientifiques et les autorités compétentes doivent apprécier et tirer parti des connaissances quont les pêcheurs des écosystèmes, de même que celles de leurs représentants et de leurs communautés. En labsence de telles relations, les partenaires risquent de ne pas vouloir participer à la gestion écosystémique. Laugmentation de leur nombre et de leur diversité augmentera les disparités des moyens disponibles pour participer à la gestion. Les organismes de gestion devront faciliter le renforcement des capacités et donner leurs chances à toutes les parties intéressées pour que la participation soit équitable.
La mise en oeuvre de lapproche écosystémique peut entraîner des changements dans les tâches et les priorités du personnel des organismes compétents. Il se peut quil faille donner une formation appropriée et efficace à tout le personnel qui sera aux prises avec de tels changements. Cette formation devrait expliquer la raison dêtre de lapproche écosystémique, sa nécessité et ce que lon espère accomplir grâce à son application.
Dans le cadre dune gestion écosystémique, les structures administratives continueront de refléter les divers systèmes de gouvernement existant comme le font les méthodes de gestion telles que celle axée sur les ressources ciblées, mais elles devront être mieux intégrées et jouer un rôle plus actif dans le contrôle et la surveillance.
Le système de suivi, de contrôle et de surveillance doit permettre lapplication complète et rapide de la politique de la pêche en général et des modalités de conservation et de gestion dune pêche spécifique (Directives pour laménagement des pêcheries, section 4.3.3 i)). Comme pour toutes les autres fonctions de lorganisme de gestion, lapproche écosystémique peut avoir pour effet délargir les tâches des services chargés du suivi, du contrôle et de la surveillance et de leur en ajouter de nouvelles. Leurs tâches spécifiques dépendront de la nature des mesures de gestion mises en oeuvre pour atteindre leurs objectifs.
Les fonctions de contrôle et de surveillance de lorganisme dépendront dune combinaison de composantes de lécosystème considéré (espèces, types dhabitat, et autres) et des mesures de gestion appliquées, comme dans le cas dune gestion axée sur les ressources ciblées. Lapproche écosystémique prendra en considération un nombre plus grand de composantes de lécosystème et pourra également imposer de recourir à des mesures de gestion plus variées. Elle portera normalement sur un plus grand nombre de problèmes ayant trait aux prises accessoires, aux espèces rejetées et aux espèces menacées. Pour faire respecter des dispositions visant à protéger ces espèces, il faudra presque certainement utiliser régulièrement des programmes efficaces dobservation à bord des navires de pêche. Il sera peut-être aussi nécessaire de recourir plus couramment à la fermeture de zones, y compris à des ZMP, ce qui exigera de mettre au point et dappliquer des techniques appropriées (par exemple des dispositifs de surveillance des bateaux), de prévoir du personnel de patrouille et dinspection ou, le cas échéant, de faire assurer le contrôle par les communautés locales qui bénéficient de lexistence des ZMP. Dans ce dernier cas, une formation et un certain appui logistique resteront néanmoins nécessaires. Les organismes de gestion devront prévoir le maintien, voire laugmentation, avec lapproche écosystémique, des dépenses de suivi, contrôle et surveillance.
En accord avec lidée actuelle du rôle et des responsabilités des parties intéressées dans une gestion responsable, il faudra multiplier les efforts pour créer un environnement socio-politique et un régime de gestion favorisant un haut degré de respect et une autodiscipline rigoureuse. Il est probable que le passage à de tels systèmes prendra du temps dans beaucoup de pêcheries.
[9] FAO, Division des
ressources halieutiques, Indicateurs pour le développement durable des
pêcheries marines, FAO Directives techniques pour une pêche
responsable, n° 8, 1999. [10] www.fisheries-esd.com |