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INTRODUCTION


Il est désormais communément admis que la communication est un soutien indispensable au développement économique, social et culturel d’un pays.

Le Niger a très tôt pris conscience de cette donnée. En effet, dès les toutes premières années de son indépendance, le pays avait entrepris de mobiliser les populations, d’obtenir leur adhésion libre et volontaire et de les conduire par elles-mêmes au développement. Il mit en œuvre, à cet effet, un vaste programme de communication alliant différents modes et méthodes. Mais l’étendue du territoire, l’inexistence quasi totale d’infrastructures et de moyens de transport modernes, rendaient évidente l’urgente nécessité de recourir aux outils émergents de communication de masse, particulièrement la radiodiffusion. Pour optimiser les facultés de la radio, et surtout mettre à profit son ubiquité afin de contourner les obstacles que constituent les distances et les diversités, il fallait:

1) une diffusion couvrant les différentes zones du pays;

2) un programme prenant en compte toutes les diversités, notamment linguistiques, régionales et sociales.

Malgré la modicité des moyens de diffusion (deux émetteurs ondes courtes de 4 kW chacun), mais grâce à d’astucieux procédés techniques, la couverture avait permis d’assurer des conditions relativement confortables d’écoute dans toutes les régions.

Le programme était, quant à lui, réalisé dans cinq langues nationales et le français. Les émissions traitaient des problèmes et des préoccupations de l’immense majorité de la population, c’est-à-dire les ruraux. Toutes les émissions s’efforçaient de donner la parole aux auditeurs et d’organiser un dialogue entre les administrations et la population.

Avec le développement du transistor, très vite la radio était devenue le fidèle compagnon du berger, du forgeron, du tisserand. Elle leur parlait, dans la langue qu’ils pratiquent, des problèmes qu’ils vivaient, de situations qu’ils connaissaient, d’un monde qu’ils découvraient et qui les séduisait autant qu’il les intriguait.

En 1961, le Gouvernement élabora le premier Plan de développement économique et social pour une période de trois ans. Ce plan prévoyait, bien sûr, des réalisations physiques et matérielles, notamment les routes, les écoles et les centres médicaux, mais il se définissait surtout comme un programme de sensibilisation et de mobilisation des populations en vue du développement. Cela avait révélé la nécessité d’une stratégie en vue d’un dialogue entre les différentes composantes de la société, entre les centres urbains et les campagnes, entre le pouvoir et les citoyens. La campagne de popularisation de ce premier plan avait offert les sujets thématiques aux différentes émissions radiophoniques dans une approche participative.

De cette démarche naquit l’association des radio-clubs, les services de l’animation pour le développement, l’alphabétisation, etc. Tous ces organes contribuèrent efficacement à l’éveil des consciences, particulièrement pendant la première décennie de l’indépendance. Leurs actions amenèrent les populations à avoir une perception plus exacte de leur état et de la situation de leur pays par rapport aux pays voisins et au monde dans son ensemble.

Elles découvraient les fantastiques progrès de l’humanité et, en même temps, l’état médiéval où se trouvait le Niger. En 1960, il n’existait pas un mètre de route bitumée; sur 100 Nigériens, pas plus de trois allaient à l’école alors que ceux qui avaient accès aux soins médicaux étaient encore moins nombreux. Les femmes marchaient la journée entière pour rapporter une jarre d’eau rarement potable. C’est pour cela que les premières émissions des radio-clubs avaient pour thèmes «Tous participent aux développement», «Connaissons le monde dans lequel nous vivons», «Des récoltes plus abondantes», «Les écoles et leurs maîtres», etc.

La nécessité incontournable et urgente de mobiliser les populations imposait de pratiquer ce que l’on appelle aujourd’hui la communication pour le développement, à travers l’association des radio-clubs. L’Article 3 des statuts de cette association indique en effet que l’association a pour but, «...par l’utilisation des techniques audiovisuelles, de contribuer à la promotion éducative, sociale et culturelle des auditeurs». Pour ce faire, chaque année de janvier à juillet, une campagne est organisée sous forme d’émissions radiophoniques, en direction des populations rurales pour les sensibiliser et les amener à prendre part, à conduire elles-mêmes l’effort de développement économique et social. Une autre campagne a lieu elle, d’août à septembre, à l’intention des populations nomades à l’occasion de la «Cure salée».

Ces campagnes, ainsi que l’action de l’animation pour le développement, ont eu un impact certain sur les populations. Les connaissances qu’elles acqueraient dans les échanges, ainsi que le fait même de participer, de s’exprimer, de se voir écoutées, avaient apporté des changements dans les comportements qui se traduisaient par un enthousiasme certain.

Cela peut être observé dans une publication réalisée en 1980 par Boubacar Danrani, Directeur des radio-clubs, dans laquelle il rapporte des propos d’adhérents. Ainsi, Boureïma, un paysan de Namaro affirme: «c’est grâce à l’émission des radio-clubs que certains paysans mettent des ordures ménagères et des déchets d’animaux dans les champs pour que cela serve d’engrais, de fumier».

Serkin Noma Abdou de Maradi, lui, demande que les radio-clubs «nous parlent toujours des semences sélectionnées, des coopératives, des fongicides et de l’engrais pour nous aider dans notre travail». Dans les radio-clubs, comme dans l’animation pour le développement et même dans l’alphabétisation, la méthode privilégiée est celle de la communication de groupe qui favorise la participation effective de tous, l’expression sans réticence des idées et des opinions.

A l’avènement de la télévision en 1978, le même souci d’une communication sociale avait conduit à l’implantation, dans toutes les zones de couverture, des centres de réception collective.

On peut par conséquent estimer que la communication pour le développement est réellement en œuvre au Niger et se poser la question de savoir d’où vient l’idée du gouvernement de solliciter l’UNICEF et la FAO pour une assistance technique et financière en vue de la définition d’une Politique nationale de communication pour le développement (PNCD)

C’est qu’en réalité, si la communication sociale a toujours été depuis l’indépendance une priorité au Niger, et qu’elle a une grande part dans les changements positifs intervenus, les faiblesses et l’anachronisme du dispositif et des méthodes sont évidents.

En effet, paradoxalement, au cours de la période que nous venons de parcourir, le développement des médias a été d’une lenteur de tortue. Jusqu’en 1978, avec la création de la télévision nationale «Télé-Sahel», il n’y avait que la radio nationale, un quotidien et un hebdomadaire.

Il a fallu l’avènement de la démocratie et du pluralisme pour que des changements significatifs aient lieu dans le paysage médiatique. Plus de 20 journaux privés ont paru, presque tous des hebdomadaires, tandis que des radios commerciales et communautaires ainsi qu’une télévision s’installaient aussi bien à Niamey que dans d’autres villes et villages du pays.

Toutefois, les faiblesses et l’anachronisme demeurent. Cela parce que les difficultés auxquelles sont confrontés les médias sont telles que seul un cadre juridique pour entretenir les synergies, peut favoriser les progrès, c’est-à-dire notamment l’implication des médias publics et privés dans le développement. Car la communication toute seule ne peut engendrer le développement. Elle n’a de sens que si elle est conçue dans un cadre institutionnel approprié qui lui confère un rôle, des missions.

Il s’agit d’organiser les médias de façon plus cohérente et dynamique pour soutenir les acteurs du développement notamment dans la lutte contre la pauvreté, la protection de l’environnement, la santé et l’éducation. Il s’agit d’inventorier de manière exhaustive tous les moyens de communication, tous les supports qui servent à la transmission de messages, du plus ancien au plus récent, afin d’organiser leur implication dans le soutien aux différentes actions de développement.

C’est en vue précisément de cet inventaire que 10 consultants ont été sollicités dans le cadre de la définition de la Politique nationale de communication pour le développement afin de prospecter le terrain, d’identifier les atouts et les faiblesses, d’analyser les situations, bref d’établir un état des lieux.

Le présent document présente une synthèse, c’est-à-dire l’essentiel des informations étudiées par les consultants dans les thèmes suivants:


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