6. AUTRES CONSÉQUENCES ET PROBLÈMES D'ORDRE GÉNÉRAL DÉCOULANT DU PSSA

6.1 Les effets sur les politiques nationales

194. Il est certain que le Sommet mondial de l'alimentation a aiguisé la prise de conscience quant à l'importance cruciale de la sécurité alimentaire. Le PSSA en a élargi le rayonnement en contribuant à l'élaboration de nouveaux instruments de politiques alimentaires dans certains des pays visités, à savoir en Équateur et en Tanzanie et, dans une moindre mesure, au Sénégal et au Bangladesh. Les degrés variables enregistrés dans la contribution du PSSA sont déterminés par l'engagement au niveau individuel ou collectif, le degré de consensus d'un pays à propos de la politique alimentaire nationale, l'évolution de la situation alimentaire du pays et/ou les changements politiques survenus depuis 1996.

195. Dans l'un des groupes de pays visités, le PSSA a eu une profonde incidence sur la politique de sécurité alimentaire. À titre d'exemple:

196. Dans un autre groupe de pays visités par l'Équipe chargée de l'évaluation, le PSSA n'a pas eu d'impact sur la politique alimentaire et agricole d'ensemble ; il a néanmoins contribué à renforcer certains éléments:

197. Dans les autres pays à l'étude, le PSSA n'a pas eu d'incidence discernable sur les politiques nationales, lesquelles ne comportent pas encore de volet majeur et/ou spécifique concernant la sécurité alimentaire à long terme.

6.2 Incidence sur la communauté des donateurs

198. L'Équipe chargée de l'évaluation considère que le PSSA n'a pas eu d'effet marquant sur la stratégie des donateurs. Certaines initiatives et approches ont peut-être exercé une influence modérée, mais pas au point de modifier la stratégie des donateurs.

199. L'interaction la plus intense enregistrée à ce jour entre la FAO et un donateur a été l'étude analytique conjointe FAO/DFID portant sur l'application d'approches favorisant les moyens d'existence durables dans le cadre du PSSA. L'étude a conclu que les concepts et les principes sous-jacents de l'approche du DFID en la matière sont incorporés aux modalités d'exécution du PSSA en Tanzanie, et elle recommande une incorporation encore plus poussée. Il ne semble pas que le PSSA ait eu une incidence sur la stratégie du DFID - en fait, ce serait plutôt le contraire. L'étude perçoit un potentiel de collaboration ultérieure, à condition que le PSSA:

Ces recommandations, entre autres, si elles sont suivies par la FAO, auraient pour effet d'élargir la stratégie du PSSA.

200. L'approche du DFID est conforme aux vues des autres donateurs, lesquels considèrent généralement que l'approche du PSSA devrait être plus large. La plupart des donateurs impliqués dans les problèmes de sécurité alimentaire ciblent leurs interventions sur les régions, les ménages ou même les particuliers les plus exposés à l'insécurité alimentaire, et ils s'intéressent aux activités génératrices de revenu, voire - au besoin de façon implicite - aux moyens d'existence. Leur perception initiale du PSSA comme système de conception rigide, hiérarchique dans son orientation, étroitement axé sur les rendements agricoles et ne cherchant pas à cibler les régions les plus vulnérables à l'insécurité alimentaire mais plutôt les zones de fort potentiel de manière à obtenir rapidement des résultats permettant d'atteindre l'autosuffisance alimentaire nationale, cette perception, disions-nous, a persisté dans la plupart des cas même si, ces dernières années, le PSSA a assoupli son approche. En effet, une fois les impressions créées, il est difficile de les modifier, notamment en l'absence d'un système crédible de compte-rendu/évaluation. C'est pourquoi les perceptions des donateurs dépendent en grande partie de la communication orale, avec toutes les forces et les faiblesses que présente cette dernière, sauf s'ils se rendent eux-mêmes sur le terrain, comme cela a été le cas pour le DFID, l'ACDI et la Coopération belge.

201. Les représentants des donateurs que l'Équipe chargée de l'évaluation a rencontrés au niveau national, lorsqu'il leur arrive de connaître le PSSA, tendent à le percevoir comme extrêmement modeste relativement à leurs propres programmes. Leurs points de vue contrastent avec l'objectif ambitieux du PSSA, qui consiste à élaborer de nouvelles approches devant être adoptées par des programmes d'investissement de grande envergure et par des projets susceptibles d'attirer un appui financier. La FAO et les représentants gouvernementaux, pour leur part, tendent à considérer la dimension financière sous un autre angle. Ainsi, l'appui accordé par le Gouvernement japonais au PSSA du Bangladesh, à hauteur de 3,3 millions de dollars E.-U. sur une période de cinq ans (2001-06), est considéré par la FAO comme un succès remarquable du PSSA. Cependant, ce soutien annuel de 0,66 million de dollars E.-U. ne représente qu'une part infime du programme annuel du JICA au Bangladesh, lequel programme se monte, pour 1999, à 226 millions de dollars E.-U. rien que pour les dons. Autre exemple, dans le même pays, celui du PSSA comme composante de l'analyse des sols et de gestion de la fertilité, soit un montant de 0,33 million de dollars E.-U. pour une période allant de mars 2000 à décembre 2002, qui s'inscrit dans un programme très ambitieux financé par la Banque mondiale/AID et le DFID. Parmi les six organisations mettant en œuvre des activités d'analyse des sols, une ONG (BRAC), dispose, pour l'année 2001, d'un budget prévisionnel de 152 millions de dollars E.-U. Les contributions financières relatives des agences partenaires ne devraient pas, en principe, faire obstacle à l'influence exercée sur les stratégies au niveau qualitatif. Toutefois, cela suppose, pour être réalisable, que l'on s'appuie sur des résultats exceptionnels.

202. Même si les réalisations du PSSA ne semblent pas avoir eu d'incidence sur les stratégies des donateurs, elles n'ont pas manqué de susciter de la part de ces derniers un certain soutien dans les pays visités, comme nous l'avons montré précédemment (tableau 3).

6.3 Le rapport avantages-coûts du PSSA au niveau national

203. Il n'existe pas, au niveau du projet, d'analyse crédible du rapport avantages-coûts. L'absence de suivi et d'évaluation au niveau du projet, qui a été justifiée à l'Équipe chargée de l'évaluation par la ponction qu'elle représente sur les ressources destinées à la mise en œuvre, est considérée par l'équipe comme un point faible dans un projet pilote. Rappelons que l'expansion et la reproduction des ensembles technologiques et des mécanismes institutionnels nécessitent, outre la diffusion spontanée, l'application d'une politique active appuyée par des données économiques et financières crédibles, notamment lorsqu'on désire attirer le financement des donateurs.

204. Dans de telles conditions, l'Équipe chargée de l'évaluation ne saurait se prononcer à propos du rapport avantages-coûts du PSSA. Il n'est en effet pas possible d'estimer le coût par agriculteur, et il reste à déterminer si les avantages que retirent les participants persistent, et pendant combien de temps. En outre, on manque de données, mêmes relatives, concernant le nombre d'agriculteurs non participants qui adoptent les techniques promues. Comme on le voit dans la Section 5.5.5, l'Équipe chargée de l'évaluation considère que le PSSA n'a eu qu'un impact limité au niveau communautaire et qu'il n'a pas eu d'effet à l'échelle nationale, sauf, comme nous l'avons déjà souligné, lorsqu'il a parfois contribué à améliorer la prise de conscience à l'égard de l'importance cruciale des questions de la sécurité alimentaire à long terme.

7. LES OPTIONS CONCERNANT L'AVENIR DU PSSA

7.1 Les enseignements du passé

205. Lorsque le PSSA a été lancé dans sa forme initiale, il répondait, de l'avis de l'Équipe chargée de l'évaluation, à une conception rigide. En outre, il devait être mis en œuvre dans les régions présentant un potentiel d'augmentation rapide de la production, avec généralement de bonnes possibilités d'irrigation. Ainsi, l'accent mis sur la production devait, selon l'approche retenue, contribuer à résoudre les problèmes de sécurité alimentaire tant au niveau du ménage qu'à l'échelle nationale.

206. Or, il devait rapidement apparaître que cette orientation "micro" donnée à la production dans les premiers temps ne suffisait pas à garantir les progrès recherchés en matière de sécurité alimentaire, et qu'il fallait également prendre en compte les questions de type "macro" et "méso" pour obtenir des augmentations de production, mais aussi pour que les producteurs en tirent profit. Avec les années, la mise en œuvre du PSSA s'est faite moins "rigide" et plus "souple", comme l'illustre le tableau évolutif communiqué par le Bureau régional de la FAO pour l'Amérique latine et les Caraïbes (voir tableau 5). Ainsi, les réalités concrètes de la mise en œuvre ont contraint les programmes du PSSA à incorporer, dans la période préliminaire de la Phase I, des éléments antérieurement conçus pour être traités durant la Phase II ou, au plus tôt, lors de l'élargissement de la Phase I. On a observé que de telles initiatives sont particulièrement appropriées lorsqu'elles peuvent être prises au niveau local sans nécessiter de modifications des politiques.

 

Tableau 5: Évolution du PSSA en Amérique latine, données communiquées par le Bureau régional de la FAO pour l'Amérique latine et les Caraïbes

1995

Début 1998

Fin 1998

2000

Bolivie

Équateur

Amérique centrale

Venezuela

· Transfert de technologie

· Cultures vivrières

· Cultures et élevage

· Cultures, bétail, aquaculture, mariculture et pêcheries rudimentaires

· Cultures vivrières

· Irrigation

· Systèmes de production

· Systèmes de production

· Irrigation

· Sous-systèmes

· Irrigation

· Irrigation

 

· Corrélations: marchés et secteur agro-alimentaire

· Corrélations: marchés et secteur agro-alimentaire

· Corrélations: marchés et secteur agro-alimentaire

   

· Analyse des contraintes

· Analyse des contraintes

   

· Conservation des sols

· Conservation des bassins versants au niveau micro

   

· Ressources en eau et conservation des bassins versants

· Éducation nutritionnelle

   

· Éducation nutritionnelle

· Promotion et organisation

   

· Promotion et organisation

· Gestion du développement

 

Note: En fait, après avoir visité l'Équateur, l'Équipe chargée de l'évaluation s'est déclarée d'avis que la situation dans ce pays était plus proche de celle dépeinte pour l'Amérique centrale.

 

 

207. Outre les défauts de conception, ressortis lors des activités de mise en œuvre du PSSA, l'Équipe chargée de l'évaluation a constaté l'existence d'un problème plus conceptuel lors de ses visites dans les pays à l'étude. Ce problème a trait aux compromis que semble exiger la poursuite des objectifs énoncés dans les lignes directrices du PSSA, afin d'atteindre la sécurité alimentaire tant au niveau national qu'à celui des ménages. En règle générale, la prescription selon laquelle les activités du PSSA doivent être lancées dans des régions présentant un fort potentiel a de meilleures chances de déboucher sur une amélioration de la sécurité alimentaire nationale. En effet, même si ces régions ont de fortes chances de comporter des foyers de pauvreté et, partant, d'insécurité alimentaire au niveau du ménage, il est probable que cette pauvreté sera moins aiguë que dans les régions agricoles plus démunies.6 Il s'ensuit que dans les pays à l'étude, les sites généralement sélectionnés pour les activités du PSSA avaient une productivité relativement élevée, par comparaison avec les régions plus marginales plus touchées par la malnutrition, alors que le potentiel d'augmentation de la productivité agricole est, lui, plus faible. Ainsi, bien que de l'avis de l'Équipe chargée de l'évaluation, les secteurs sélectionnés pour les activités PSSA semblent les plus idoines pour ce qui est d'améliorer la sécurité alimentaire nationale, lorsque l'objectif consiste à améliorer la sécurité alimentaire des ménages considérés individuellement, il est probable que l'impact du PSSA sera supérieur dans les régions à caractère marginal. On peut en déduire que des compromis seront nécessaires entre les deux objectifs, par ailleurs, louables, que représentent l'amélioration de la sécurité alimentaire des ménages et celle du pays.

208. La conception rigide qui caractérisait le PSSA à ses débuts présentait un autre défaut, à savoir que cette rigidité le rendait impropre à des adaptations aux priorités et aux points forts spécifiques d'un pays, ce qui, dans certains cas, est venu entraver le développement de relations de solidarité et de prise en charge du PSSA dans certains pays. En outre, le PSSA a été introduit comme programme isolé, sans corrélation avec les autres activités en cours ou prévues des autres organismes, y compris des ONG.

209. Au cours de ses visites dans les pays à l'étude, l'équipe a pu observer un autre problème, à savoir que la période initialement prévue pour la portion pilote de la Phase I du PSSA, deux ou trois ans en principe, était trop courte et le nombre de sites sélectionnés trop restreint pour que le Programme puisse avoir un impact digne de ce nom sur les stratégies de production et de sécurité alimentaires. En effet, si l'on veut que les approches participatives soient efficaces, il faut leur donner le temps d'agir; ce facteur, conjugué aux variations annuelles des conditions climatiques et socio-économiques ainsi qu'au temps nécessaire à la mise sur pied de systèmes durables de distribution des intrants et de commercialisation des produits, concourt à rendre insuffisante la période initialement prévue. En fait, dans les pays visités, alors que des activités du PSSA se déroulaient encore (à l'exclusion de la Zambie), la priorité continuait d'être accordée, à l'exception du Sénégal, à des sites et à des communautés où ces activités avaient été lancées cinq ou six ans auparavant. Rappelons que le succès de l'approche de type PSSA est étroitement tributaire de la solidité des structures institutionnelles, y compris au niveau de la vulgarisation, de la distribution des intrants, de la commercialisation et des réseaux de crédit. Lorsque ces structures sont déficientes, il n'y a guère de chances qu'une période de deux ou trois ans suffisent à obtenir un impact démontrable. Le Sénégal est, en fait, le seul pays présentant des preuves tangibles de la mise en œuvre du segment d'élargissement de la Phase I, à savoir l'extension des activités du PSSA à toutes les zones agro-écologiques du pays; dans les autres pays, les projets n'existent que sur le papier. Par ailleurs, aucun pays n'a encore abordé la Phase II du PSSA

210. Compte tenu des problèmes évoqués ci-dessus, que peut-on faire pour améliorer la conception et la mise en œuvre des activités du PSSA dans l'avenir, de manière à en renforcer l'efficacité, l'impact et l'acceptation aux niveaux des programmes nationaux comme des donateurs potentiels? Pour répondre à cette question, l'Équipe chargée de l'évaluation a, dans un premier temps, dressé un bilan des points forts actuels du PSSA, de manière à les utiliser comme point d'appui des futures initiatives. Forte de ce bilan, l'Équipe chargée de l'évaluation a ensuite établi les principales priorités du PSSA, ce qui a conduit à une recherche de la stratégie optimale pour le Programme.

7.2 Les points forts du PSSA

211. Le PSSA, dans sa forme actuelle, présente un certain nombre de caractéristiques positives ou points forts, qui manquent parfois aux autres programmes appuyés par les donateurs et par la FAO mais qui méritent que l'on en prenne acte afin de les utiliser comme tremplin pour la conception et la mise en œuvre de futures initiatives liées au PSSA. Ces principales caractéristiques sont les suivantes:

7.3 Autre approche possible pour l'avenir du PSSA

7.3.1 La FAO devra établir une échelle de priorités entre les pays pour l'application des initiatives liées au PSSA

212. À l'heure actuelle, le PSSA est mis en œuvre dans 62 pays. Toutefois, l'Équipe chargée de l'évaluation se demande avec préoccupation si, compte tenu des ressources limitées dont dispose la FAO aux plans financier et humain, elle est en mesure d'intervenir de façon adéquate dans tous les pays actuellement éligibles au PSSA. Le critère d'éligibilité en vigueur, qui permet aux pays de participer au PSSA ou d'en bénéficier, est généralement celui d'appartenance à la catégorie des pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV), même si quelques pays actuellement bénéficiaires du PSSA ne répondent pas à ce critère.

213. L'application de ce critère présente les avantages suivants:

214. Par ailleurs, l'application de ce critère présente les inconvénients suivants :

215. Après avoir examiné les facteurs à peine mentionnés, l'Équipe chargée de l'évaluation est parvenue à la conclusion qu'il convient d'établir une certaine échelle de priorités entre les PFRDV, de manière à éviter que les ressources limitées de la FAO ne soient dispersées de façon exagérée, et afin d'améliorer les chances d'impact du PSSA. Se pose alors la question des critères à appliquer dans l'établissement de priorités. L'Équipe chargée de l'évaluation est d'avis que les critères appliqués doivent être différents, selon que le pays concerné s'attache à planifier un projet PSSA ou qu'il est désireux de poursuivre une activité de PSSA déjà amorcée.

216. Pays souhaitant lancer une activité de PSSA. Selon l'Équipe chargée de l'évaluation, quatre critères devraient être pris en considération une fois qu'un pays, généralement un PFRDV, a exprimé son intérêt envers une activité PSSA:

    1. l'incidence de la faim et de la malnutrition dans le pays;
    2. le potentiel en matière d'infrastructure institutionnelle, capable d'appuyer une initiative PSSA; par exemple, se demander si les services de vulgarisation et de soutien offerts par le secteur public ou le secteur privé sont suffisants, ou encore si les politiques gouvernementales permettent, pour atteindre la sécurité alimentaire, l'application d'une approche participative partant de la base des agriculteurs;
    3. l'existence de perspectives de développement non exploitées telles que la disponibilité d'options technologiques appropriées, les possibilités en matière de diversification ou encore l'accès à des débouchés appropriés, notamment pour les zones marginales;
    4. le potentiel en matière d'action complémentaire ou intégrée avec les initiatives prévues ou déjà en cours lancées par le pays ou par les donateurs.

217. Pays souhaitant recevoir un appui pour la poursuite d'une activité de PSSA déjà amorcée. Les critères seront les mêmes que ceux retenus plus haut pour une nouvelle activité de PSSA; on ajoutera trois critères visant à déterminer si:

    1. un engagement national précis a été pris en vue de la solution des questions de sécurité alimentaire;
    2. le gouvernement a assumé la prise en charge et la direction du PSSA;
    3. des progrès satisfaisants ont été réalisés en ce qui a trait à l'adoption de l'approche PSSA, aux résultats obtenus et au potentiel réuni en vue d'un appui national ou émanant des donateurs.

218. Étant donné que, du fait de son statut d'organisation d'envergure mondiale, la FAO se doit de se montrer sensible et équitable dans le traitement réservé à ses États Membres, notamment les États défavorisés, l'Équipe chargée de l'évaluation est d'avis que l'établissement de priorités ne doit pas être considéré comme un mécanisme d'exclusion de certains pays. Elle propose donc que, lorsqu'un pays se voit attribuer une faible priorité en matière d'initiatives de type PSSA parrainées par la FAO, ce pays bénéficie d'une priorité élevée pour d'autres initiatives de l'Organisation, telles que l'aide au renforcement et/ou à l'amélioration du service de vulgarisation, afin de remédier aux carences ayant justifié la faible priorité accordée au pays par le PSSA. En outre, dans certaines situations, avant de poursuivre des activités PSSA déjà entamées - à savoir, selon la terminologie PSSA, l'élargissement de la Phase I - il serait peut-être bon que la FAO contribue d'autres manières à la sécurité alimentaire, notamment en intervenant au niveau de l'établissement des politiques, du renforcement de la capacité institutionnelle de développement dans la région, et d'aide dans des secteurs tels que l'alerte rapide, la prévention des catastrophes et l'organisation de programmes ciblés visant à éviter les pénuries alimentaires.

7.3.2 Le PSSA devra accorder une priorité accrue à la sécurité alimentaire des ménages

219. L'Équipe chargée de l'évaluation appuie sans réserve la priorité accordée par le PSSA à la sécurité alimentaire; toutefois, comme nous le mentionnons plus haut, elle se préoccupe des éventuels compromis à établir entre la sécurité nationale et celle des ménages. Afin de résoudre ce problème, l'Équipe chargée de l'évaluation suggère que l'on prenne en considération les éléments suivants:

7.3.3 Facteurs à prendre en compte dans la conception d'initiatives spécifiques du PSSA

220. L'Équipe chargée de l'évaluation, prenant appui sur les observations précédemment formulées dans ce rapport, recommande que trois principes fondamentaux viennent étayer le lancement ou l'élargissement des initiatives PSSA dans un ou plusieurs pays donnés, à savoir:

    1. la conception doit tirer parti des points forts ou des caractéristiques du PSSA dans sa forme existante, précédemment décrite;
    2. il conviendra de renforcer l'infléchissement de la conception, qui a fait évoluer cette dernière d'une approche rigide et monolithique à une démarche plus souple et "inspirée par la base" visant à répondre aux besoins, à saisir les occasions et à atténuer les contraintes. Cela signifie, de façon spécifique, que l'on devra renoncer quelque peu à la priorité accordée à la production pour prendre également en compte les dimensions économiques, financières et sociales, de même que les aspects liés à la commercialisation des produits et des intrants, ainsi qu'à l'octroi de crédits. Pour ce faire, il faudra mettre à la disposition des agriculteurs les outils analytiques et les moyens qui permettent de se prendre en main et de réussir, dans la mesure du possible, à influencer, voire à diriger leur propre destinée;
    3. lors de la phase de conception, il conviendra de prendre acte des priorités et des avantages comparatifs des gouvernements nationaux ainsi que des donateurs et, conséquence directe, de s'attacher à définir des démarches permettant de développer les initiatives liées au PSSA afin de cultiver la convergence et le partenariat avec les gouvernements nationaux et les donateurs, plutôt que de s'obstiner à promouvoir une approche et des modus operandi immuables. De la sorte, les conceptions de projets PSSA bénéficieront des expériences des partenaires du développement, lesquels se trouveront pleinement associés au programme plutôt que de rechercher un appui a posteriori.

221. S'agissant de la phase de conception en tant que telle, l'Équipe chargée de l'évaluation pense que six domaines spécifiques devraient bénéficier d'une attention accrue, en vertu du fait qu'ils influent non seulement sur la manière dont sont élaborées les stratégies visant à assurer la sécurité alimentaire des ménages, mais également sur la portée, la durabilité et l'effet multiplicateur potentiels des activités liées au PSSA. Nous examinons ci-dessous les éléments précités.

222. La prise en compte explicite du caractère saisonnier. S'agissant des ménages pauvres étroitement tributaires de l'agriculture comme moyen de subsistance, la sécurité alimentaire varie selon les saisons. C'est pourquoi les recommandations à caractère technologique devront prendre en compte le caractère "normal" des bonnes et mauvaises années. Pour les ménages ruraux démunis, la sécurité alimentaire est en outre influencée par le cycle productif agricole, le volume de nourriture entreposée et les liquidités disponibles. L'effet conjugué de ces facteurs est particulièrement aigu dans les régions marginales de cultures pluviales saisonnières, mais il se fait également sentir dans les régions irriguées, et représente un problème crucial pour les ménages agricoles indigents. Tant dans les régions de culture pluviale que dans les zones irriguées, les activités de diversification relativement indépendantes contribuent de manière importante à protéger ces ménages contre les effets négatifs du caractère saisonnier et en améliorent, grâce à la diversification de leurs systèmes de production et de leurs sources de revenu, la capacité de résistance et d'adaptation aux imprévus et aux évolutions négatives. Pour l'Équipe chargée de l'évaluation, il est impératif de partir de façon rationnelle et systématique du caractère saisonnier de la sécurité alimentaire pour élaborer des stratégies visant à améliorer la sécurité alimentaire des ménages tout au long de l'année. Les composantes d'une telle démarche, à laquelle conviendrait bien l'appellation de "stratégie de contre-saison", sont les suivantes:

223. Dans les pays où s'est rendue l'Équipe chargée de l'évaluation, le PSSA s'en est principalement tenu à la SCS1, avec des activités limitées au niveau de la SCS2, et des activités plus soutenues pour la SCS3a - à l'exception, toutefois, de la plupart des régions d'insécurité alimentaire - des activités sporadiques intéressant la SCS3b (quelques activités de transformation des aliments) et, dans quelques cas, un soutien au micro-crédit (SCS4). Si l'on souhaite, toutefois, que les futures initiatives liées au PSSA présentent une identité perceptible et que leurs périmètres soient circonscrits avec précision autour des problèmes de disette saisonnière et de stratégie de contre-saison, il faudra poursuivre les efforts visant à améliorer la production alimentaire à différentes périodes de l'année, renforcer la mise en œuvre de stratégies concernant l'entreposage de la nourriture, les pertes après-récolte, les banques de céréales, la commercialisation, la transformation et le crédit, et former en outre des partenariats avec d'autres organismes disposant d'une expérience et d'un savoir-faire pertinents, par exemple en matière d'activités génératrices de revenus - y compris hors exploitation - et d'institutions financières rurales. L'établissement de partenariats mutuellement satisfaisants avec d'autres organismes nécessite, de la part de la FAO, qu'elle renonce à être la seule titulaire des initiatives et à occuper le devant de la scène - ce qui lui permettra de concentrer ses efforts sur ses domaines de spécialisation. En outre, il conviendra d'insister sur la collaboration avec les associations et groupements d'agriculteurs, comme au Sénégal, et avec les communautés.

224. Prendre en compte de façon plus explicite les problèmes environnementaux et garantir l'harmonisation entre la production et la préservation du milieu ambiant. Bien que le concept de PSSA souligne l'importance d'une augmentation de la production prenant en compte la préservation du milieu ambiant, l'Équipe chargée de l'évaluation considère, au moins s'agissant des pays à l'étude, que ce volet n'a pas toujours reçu une attention explicite. L'accent a été mis de façon vigoureuse sur les technologies tendant à améliorer les rendements, même si dans deux pays, à savoir l'Équateur et le Cambodge, une certaine attention a été accordée à la intégrée contre les ravageurs et aux méthodes de production biologique; il reste toutefois que les questions d'ordre écologique auraient dû être davantage prises en compte. C'est pourquoi elle recommande que, dans l'avenir, l'on élabore des stratégies prenant mieux en compte la nécessaire compatibilité entre la production et la protection du milieu ambiant. Une telle orientation deviendra encore plus importante à mesure que les activités liées au PSSA s'étendront vers des régions plus marginales.

225. Une attention plus explicite envers la parité hommes-femmes. L'Équipe chargée de l'évaluation pense qu'il convient d'accorder une attention plus explicite à l'intégration de la parité hommes-femmes au programme national du PSSA, tout en tenant compte des particularités locales. Le Plan d'action "Parité hommes-femmes et développement», récemment élaboré par la FAO, fournit des lignes directrices permettant au PSSA d'intégrer la parité hommes-femmes, dans un esprit de partenariat, avec les politiques mises en œuvre dans ce domaine par les gouvernements nationaux.

226. Une attention accrue pour les liens. Nous avons déjà indiqué dans ce rapport que le PSSA devrait s'attacher de façon plus explicite, plus systématique et mieux planifiée à rétablir un réseau de liens, non seulement avec les organismes donateurs mais également avec les autres acteurs et organismes coopérant dans le domaine du développement, dont les ONG. Un tel souci doit se manifester dès l'étape de la conception, car ce volet pourra jouer un rôle important dans la détermination du caractère spécifique des stratégies envisagées, lorsqu'elles sont réalistes, tout en améliorant la portée et l'impact potentiels des activités de PSSA mises en œuvre. Les liens très utiles qui peuvent être établis avec les ONG spécialisées dans le développement et les instituts de recherche en constituent deux excellentes illustrations. Les ONG spécialisées dans le développement peuvent, dans certains cas, appuyer la mise en œuvre de programmes d'épargne et de crédit, la constitution de banques de céréales et la mise en place de mécanismes communautaires de transformation et de commercialisation, tout en appuyant la diversification vers des domaines ne relevant pas des activités du PSSA, tels que l'artisanat et les emplois non agricoles. Du fait de son mandat, la FAO doit se concentrer sur les activités liées à l'agriculture; toutefois, il existe des sources de revenu non agricoles que l'on pourrait exploiter grâce au développement de réseaux novateurs avec d'autres organismes spécialisés, et qui pourraient contribuer à la sécurité matérielle des ménages de même qu'à la constitution de moyens d'existence durables. De telles orientations seraient conformes au droit à la nourriture, tel qu'analysé dans la documentation accompagnant le Sommet mondial de l'alimentation - cinq ans après.

227. Une attention plus explicite envers les problèmes institutionnels et de politique aux niveaux macro et méso. Au niveau macro, il s'agit en particulier de la distribution publique de nourriture, des politiques d'établissement des prix, des subventions et des questions liées à l'OMC. Au niveau méso, ces problèmes concernent le crédit, le financement, la distribution des intrants, l'identification et le développement des marchés, les négociations au niveau communautaire, les décisions et les actions concernant la mise en valeur des bassins versants ainsi que les questions liées au régime foncier. Toutes ces questions doivent fréquemment être traitées en partenariat avec d'autres organismes.

228. Acceptation d'une période plus longue pour l'obtention de résultats. Il convient d'adopter un laps de temps plus réaliste - pouvant atteindre cinq ans - pour pouvoir mettre en œuvre et incorporer de façon adéquate les considérations ci-dessus.

7.3.4 La mise en œuvre du projet de conception des initiatives PSSA

229. L'Équipe chargée de l'évaluation, s'appuyant sur les observations précédentes concernant l'assouplissement de la conception des initiatives PSSA, se déclare d'avis qu'il serait souhaitable de faire précéder la conception elle-même par une ou deux activités, à savoir:

    1. si le PSSA existe déjà dans le pays, faire procéder à une évaluation indépendante détaillée, afin non seulement d'en préciser l'impact mais également d'émettre des suggestions/propositions pour l'avenir;
    2. lors du lancement du PSSA dans le pays, monter une mission exploratoire, laquelle, sans prendre d'engagement ferme à propos de l'avenir, explorerait de façon officieuse les avantages et les inconvénients d'un projet PSSA dans le pays, sur la base des considérations émises précédemment. En cas de pronostic favorable, l'étape suivante consisterait à élaborer un concept formalisé de mission ; celle-ci serait destinée à demeurer, dans toute la mesure possible, sous la responsabilité du pays hôte et serait composée de ressortissants nationaux, d'une représentation FAO et, le cas échéant, d'une représentation des donateurs.

230. Il conviendra d'élaborer à l'avance et de mettre en œuvre par étapes une stratégie de sortie pour la FAO, lorsque, la période de mise en œuvre achevée, il lui appartient de transmettre la responsabilité du projet. Nous recommandons, à cette fin, l'application d'une approche participative durant la phase de conception, et de la transformer en approche participative dynamique soumise à révision périodique afin d'en faciliter le suivi et l'évaluation relativement aux objectifs, aux indicateurs, aux moyens de vérification/mesure et aux hypothèses/prévisions/risques associés au projet. Le dernier élément est d'une importance particulière, du fait de sa corrélation avec le contexte d'élaboration des politiques et de la passerelle qu'il constitue avec l'analyse de contraintes.

231. Enfin, il conviendra d'élaborer quatre stratégies complémentaires, à savoir:

    1. intensifier les efforts consacrés à la cartographie de la sécurité alimentaire (SICIAV), de manière à faciliter l'identification des régions exposées à l'insécurité alimentaire;
    2. introduire des mécanismes systématiques, simples et efficaces permettant d'améliorer la gestion aux différents niveaux et l'évaluation indépendante au niveau du projet, et à collecter et à diffuser auprès des organismes nationaux et des partenaires les expériences et les enseignements découlant de la mise en œuvre du PSSA et des mesures propres à améliorer les initiatives extérieures tout en renforçant la crédibilité de la FAO;
    3. aider les pays à organiser des programmes de formation et de renforcement des capacités en vue de la planification et de la formulation des projets;
    4. après avoir évalué les besoins réels de chaque pays sous l'angle du niveau d'expertise requis (faible, moyen ou élevé) et avoir harmonisé ces besoins avec les ressources techniques et humaines disponibles dans les autres pays de la Coopération Sud-Sud, mettre en œuvre des programmes d'écoles pratiques d'agriculture faisant appel à un nombre restreint de coopérants munis de qualifications linguistiques suffisantes, afin qu'ils puissent donner une formation pratique aux experts et techniciens locaux et en assurer l'encadrement.

 

_________________________________

 

6 Même si le nombre de personnes relativement pauvres peut être assez élevé dans les régions à fort potentiel, le type de stratégie sélectionnée par le PSSA, à savoir l'amélioration de la productivité agricole, risque de ne profiter que de façon indirecte aux ménages concernés, par la création de perspectives d'emplois saisonniers intéressant les nombreux travailleurs sans terre. S'il est vrai que certains types d'activités de diversification sont de nature à fournir des avantages directs, il est probable que les stratégies les plus utiles, dans l'optique de ces ménages, ne sont pas du ressort des activités spécifiques du PSSA – comme la création d'emplois non agricoles.

7 Rappelons que ces données ne couvrent pas tous les pays; en outre, elles ne sont pas aussi fiables que celles ayant trait aux PFRDV, lesquelles font davantage autorité.

 


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