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Gestion, conservation et valorisation
durable des forêts

Les forêts étant des écosystèmes complexes qui requièrent une gestion durable et équilibrée, l’un des plus grands défis contemporains est de concilier les priorités souvent conflictuelles de ceux qui en dépendent pour toute une gamme de biens et de services. Il faut en outre tenir compte des interactions réciproques entre les forêts et les politiques extérieures au secteur. Une démarche intégrée de ce type passe par l’établissement de partenariats novateurs et par une amélioration des liaisons à tous les niveaux et entre les différents secteurs. Cela est plus important que jamais, comme le démontrent les exemples présentés dans ce chapitre.

Une synthèse de six études de cas réalisées dans des pays en développement à faible couvert forestier montre que les différents départements gouvernementaux, les organisations et les autres parties intéressées doivent travailler ensemble pour résoudre les problèmes associés aux arbres plantés dans les zones arides et semi-arides, en milieu urbain comme en zone rurale. En 2002, l’Année internationale de la montagne a attiré l’attention sur ce qu’apportent les forêts de montagne à des centaines de millions de personnes, et la communauté forestière a accueilli favorablement l’établissement d’une nouvelle alliance internationale pour la mise en valeur durable des montagnes. Le présent chapitre met aussi en relief les plans d’aménagement intégrés des forêts du bassin méditerranéen qui invitent depuis longtemps à associer les parties prenantes à leur élaboration et à leur mise en œuvre. La gestion des feux de forêt à travers le monde requiert aussi des approches basées sur la collaboration, et on note un intérêt croissant, au niveau international, pour la coordination des interventions et la mise en commun du personnel et de l’équipement dans les situations d’urgence. On cherche à résoudre le problème de la chasse non durable dans les forêts tropicales, en particulier en Afrique, par le biais d’un certain nombre d’arrangements de collaboration. Enfin, dans le contexte d’accords internationaux sur les changements climatiques où le rôle unique des forêts est reconnu, des partenariats entre pays du Nord et pays du Sud sont à la base de l’élaboration du Mécanisme d’exécution conjointe et du Mécanisme pour un développement propre.

RÔLE DES ARBRES PLANTÉS DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT À FAIBLE COUVERT FORESTIER: LES CONCLUSIONS DE SIX ÉTUDES DE CAS

La déforestation et la dégradation des forêts, conjuguées à des conditions écologiques difficiles dans plusieurs régions du monde, ont considérablement réduit le couvert forestier dans de nombreux pays. La situation est exacerbée là où les faibles précipitations ralentissent la régénération et le reboisement et où les forêts sont mises à rude épreuve par l’agriculture itinérante, le pâturage du bétail et le ramassage incontrôlé de bois de feu. Dans les pays en développement, les forêts naturelles et plantées sont d’une importance capitale pour les communautés rurales; la baisse de leur productivité et la perte de leur diversité biologique constituent une sérieuse menace pour les moyens d’existence et la qualité de vie des populations.

L’Evaluation des ressources forestières mondiales 2000 effectuée par la FAO (ERF 2000) a estimé à 56 le nombre de pays à faible couvert forestier (LFCC), ayant moins de 10 pour cent de leur superficie classée comme forêt (voir tableau 4). En revanche, la superficie forestière mondiale représente près de 30 pour cent de la superficie totale des terres (FAO, 2001a). Le faible couvert forestier de ces pays, que l’on trouve principalement dans les zones arides et semi-arides de l’Afrique et du Proche-Orient, reflète souvent une grave dégradation de l’environnement, qui a des répercussions directes sur la vie des populations. Les LFCC ont une superficie totale de terres de 2,726 milliards d’hectares et une population totale d’environ 900 millions d’habitants, dont 64 pour cent vivent en Asie. Sur ces 56 pays, 13 seulement ont plus de 0,1 ha de forêt par habitant. Toutefois, le faible couvert forestier ne coïncide pas toujours avec les frontières d’un pays, de sorte que le problème pourrait être plus étendu. En outre, certaines nations, par exemple la Chine, ont un couvert forestier supérieur à 10 pour cent, mais une faible superficie de forêt par habitant.

Dans les LFCC d’Afrique, d’Asie et du Proche-Orient, les plantations forestières ne représentent qu’une faible proportion du couvert forestier. L’Afrique du Sud, l’Algérie, le Bangladesh, l’Irlande, le Maroc, le Pakistan, la République islamique d’Iran et l’Uruguay sont les seuls pays qui possèdent plus de 500 000 ha de forêts et d’arbres plantés, alors que la moitié des pays en ont moins de 10 000 ha. La majorité des programmes de plantation d’arbres ont été lancés entre 1960 et 1980, sauf en Afrique du Sud, au Danemark et en Ethiopie, où les efforts de boisement à grande échelle ont débuté plus tôt. Le taux de boisement annuel est sensiblement plus élevé en Asie et au Proche-Orient qu’en Afrique, avec toutefois de grandes variations entre les pays. Seuls 10 pays en développement plantent au moins 10 000 ha par an.

Beaucoup de LFCC du monde en développement, en particulier dans les zones arides, comptent sur les arbres pour prévenir l’érosion, enrayer la désertification et protéger la diversité biologique, les cultures, les établissements humains et les bassins versants. De plus, leurs populations rurales sont tributaires des arbres qui leur fournissent du combustible, des poteaux, du bois de construction et toute une gamme de produits non ligneux (PFNL), comme le fourrage, les aliments et les médicaments. Dans ces pays, le potentiel de production de bois industriel est limité, de sorte qu’il est pratiquement impossible de financer le développement du secteur par la vente du bois.

TABLEAU 4

Estimation des superficies de plantations forestières et des taux de boisement annuels dans les pays à faible couvert forestier, par région a

Région

Nombre de pays

Superficie totale des terres (milliers ha)

Total forêtsb (milliers ha)

% du couvert forestier

Plantations forestières c

Boisements annuels (milliers ha)

(milliers ha)

(% de la superficie totale de forêts)

Afrique

20

1 407

55 985

4,0

3 739

6,7

85

Asie et Océanie d

27

1 238

46 067

3,7

4 976

10,8

141

Amériques

5

57

1 503

2,7

656

43,6

53

Europe

4

24

1 470

6,0

944

64,2

n.d. e

Total

56

2 726

105 025

3,9

10 315

9,8

 

a Les pays à faible couvert forestier sont ceux où les forêts occupent moins de 10 pour cent de la superficie des terres.
b Sont classées comme forêts les terres ayant un couvert arboré supérieur à 10 pour cent et une superficie supérieure à 0,5 ha. Sont exclues de cette catégorie les terres principalement utilisées à des fins agricoles.
c Les plantations forestières ne comprennent pas les plantations d’une superficie inférieure à 0,5 ha, ou d’une longueur inférieure à 20 m, ce qui exclut quelques plantations agroforestières et les arbres hors forêt.
d Inclut le Proche-Orient, l’Asie et le Pacifique.
e Nondisponible.
Source: FAO, 2001a.


Les études de cas

En 2002, des ateliers régionaux ont été tenus au Proche-Orient (Iran) et en Afrique (Kenya), afin de mettre au point des stratégies, des plans d’action et des propositions pour renforcer le rôle des plantations forestières et des arbres hors forêts dans les PFCF. Pour préparer ces ateliers, des équipes de la FAO se sont rendues dans six pays d’Afrique et du Proche-Orient (Ethiopie, Iran, Mali, Namibie, Oman et Tunisie), afin d’entreprendre des études de cas. Ces études (qui seront publiées en 2003) sont centrées sur des pays où les problèmes sont particulièrement aigus, en raison du climat sec et du faible couvert forestier. Alors que l’Ethiopie, l’Iran et le Mali sont représentatifs de grands pays, la Namibie est de taille moyenne, et Oman et la Tunisie sont relativement petits. L’Ethiopie est un pays densément peuplé, très rural et très pauvre. A l’autre extrême, Oman est essentiellement urbain et ses habitants sont plus riches. Les climats arides et semi-arides dominent, avec toutefois des types de climat différents à l’intérieur de chaque pays. Tous les pays ont des déserts, et l’élevage extensif est plus couramment pratiqué que l’agriculture.

Chaque étude de cas présente les causes et les effets de la dégradation des forêts, décrit les enseignements à retirer et propose des stratégies et des méthodologies pour surmonter les problèmes. La présente section résume leurs principales conclusions et observations (voir tableau 5).

TABLEAU 5

Données relatives aux six pays à faible couvert forestier ayant fait l’objet d’études de cas

Pays

Superficie des terres (milliers ha)

Total forêts (milliers ha)

Forêts (%)

Variation annuelle du couvert forestier

Plantations forestières
(milliers ha)

Population au km²

Population rurale
(%)

PNB par habitant
(1997$EU)

Climat dominant

(milliers ha)

(%)

Ethiopie

110 430

4 593

4,2

-40

-0,8

216

61,1

83

112

Aride à tempéré

Iran

162 201

7 299

4,5

n.

-

2 284

41,2

39

1 581

Continental/aride

Mali

122 019

13 186

10,8

-99

-0,7

15

9,0

71

259

Aride à semi-aride

Namibie

82 329

8 040

9,8

-73

-0,9

0.3

2,1

60

2 196

Aride à semi aride

Oman

21 246

1

0

n.

-

1

11,6

18

9 500

Essentiellement

Tunisie

16 362

510

3,1

+1

+0,2

202

60,9

35

2 092

Méditerranéen

n. = négligeable.
Source:
FAO, 2001a et FAO, monographies nationales (sous presse).

Conclusions: caractéristiques et questions communes

Dégradation de l’environnement. Bien que cela ne soit pas toujours démontré avec précision, dans les six pays étudiés la déforestation et la dégradation des forêts et des sols ont été importantes, et la superficie de terres nues a augmenté au fil des années. Le besoin de bois de feu et de pâturages est la principale cause de la dégradation des forêts, qui aboutit souvent à la destruction du couvert forestier et de la diversité biologique, à l’érosion, la désertification et l’appauvrissement des ressources en eau. La situation est particulièrement préoccupante dans les pays à forte densité de population rurale et à taux de natalité élevés (Ethiopie, Mali et Namibie). Dans tous les pays, sauf Oman, l’élevage extensif de bétail sur des parcours souvent en partie boisés représente une importante utilisation des terres. Les populations rurales comptent davantage sur les forêts et les terres boisées pour le bois de feu et le fourrage que pour le bois d’œuvre. Ces ressources sont aussi une importante source de poteaux, de matériaux pour l’artisanat, d’ombrage et de produits forestiers non ligneux comme les fruits et les médicaments. En outre, elles abritent la faune et la flore sauvages, alimentent la chasse, favorisent le tourisme et sont riches en diversité biologique.

Données d’évaluation des ressources forestières. Partout sauf en Tunisie, le manque de données fiables sur les forêts naturelles et artificielles constitue une entrave considérable pour la formulation et la mise en œuvre des politiques et plans forestiers nationaux, ainsi que pour le suivi et les rapports des conditions actuelles et des tendances. Tant que les données ne seront pas améliorées, l’analyse des scénarios futurs risque de fournir une évaluation du potentiel des plantations forestières qui ne correspondra pas à la réalité.

Variation du couvert forestier. La Tunisie a été le seul pays à accroître son couvert forestier (+ 0,2 pour cent) entre 1990 et 2000 (FAO, 2001a). En Ethiopie, au Mali et en Namibie, la perte annuelle a été comprise entre 0,7 et 0,9 pour cent, alors qu’en Iran et à Oman le changement n’a pas été significatif. Sauf peut-être en Tunisie et en Iran, les forêts naturelles étaient gravement menacées. A cet égard, les études ont souligné la nécessité de conserver et de protéger des échantillons représentatifs d’écosystèmes naturels et de types de forêts uniques.

Culture du mil sous des peuplements
d’
Acacia albida dans des parcs
agroforestiers au Mali – les arbres
améliorent le cycle nutritif et créent un
microclimat, ce qui permet d’accroître
la production végétale et de fournir du
bois de feu, du fourrage, des gousses et
de l’ombre pour les animaux


FAO/15859/R. FAIDUTTI

Rôle et étendue des plantations forestières. La superficie des plantations forestières en Ethiopie, au Mali, en Namibie et à Oman est modeste par rapport à la taille et aux besoins de ces pays. Les agriculteurs et le secteur public plantent des forêts à des fins non industrielles, principalement pour obtenir du bois de feu et des poteaux, mais les taux de survie et la productivité des arbres sont souvent faibles. Bien que les plantations forestières s’accroissent d’environ 2000 et 700 ha par an respectivement en Ethiopie et au Mali (FAO, 2001a), cette expansion ne compense pas le recul des forêts naturelles.

En Tunisie, le recul du couvert forestier s’est dans une large mesure stabilisé grâce aux boisements, à d’autres changements dans l’aménagement des terres et à une diminution de la population rurale. Compte tenu de la difficulté à distinguer les forêts naturelles et les forêts plantées, pour certaines espèces indigènes, et de l’absence d’inventaire récent, on ne connaît pas la superficie totale des plantations forestières. Le taux de boisement annuel est toutefois estimé à 14 000 ha.

En Iran, les plantations forestières couvrent 2,3 millions d’hectares et s’étendent au rythme de 63 000 ha par an. Elles contiennent une grande diversité d’espèces feuillues indigènes et introduites. Les plantations à vocation industrielle représentent environ 10 pour cent du total, les autres ayant principalement pour fonctions de protéger l’environnement, de stabiliser les sols, et de fournir du bois de feu et des poteaux. Grâce à la promotion par le gouvernement des plantations forestières industrielles à croissance rapide, on estime que la superficie des plantations de peupliers est comprise entre 110 000 et 150 000 ha (FAO, 2000a).

Rôle des arbres hors forêts. Les arbres hors forêts prennent diverses formes, les plus répandues étant l’agroforesterie, les plantations villageoises et urbaines, les boisements des bords de route et les vergers. Entre 1986 et 2000, les activités agrosylvicoles et sylvopastorales du Mali ont consisté à planter 4 000 km de rideaux-abris, 14 000 ha de parcelles boisées et 5 000 ha d’arbres autour de points d’eau ou dans des pâturages. Le Mali est aussi connu pour ses parcs agroforestiers, principalement composés d’arbres naturels, qui recouvrent 39 pour cent du territoire. Dans les parcs traditionnels sahéliens, on cultive souvent du mil et du sorgho, en association avec Acacia albida. Sur ces sols peu fertiles, les plantes cultivées dans un rayon de 5 à 10 m autour des arbres ont un rendement deux ou trois fois supérieur à celui que l’on obtient en terrain ouvert, grâce à l’amélioration du cycle nutritif et à une modification du microclimat. Outre le fait qu’ils accroissent le rendement des cultures, les arbres fournissent du bois de feu, du fourrage, des gousses et de l’ombre pour les animaux durant la saison sèche. Il existe aussi de vastes étendues d’autres types de parcs agroforestiers au Mali, où des arbres indigènes comme le karité (Vitellaria paradoxa) produisent de l’huile, alors qu’Acacia senegal fournit de la gomme arabique.

La Namibie a des systèmes de parcs agroforestiers similaires. Dans le nord, où est concentré l’essentiel de la population, des arbres qui produisent des fruits, de l’huile, des noix, des produits médicinaux ou des matériaux pour l’artisanat servent aussi à améliorer la fertilité des sols ou à fournir de l’ombre, de sorte qu’ils sont souvent laissés sur pied dans les champs cultivés. Le droit et la coutume reconnaissent leur importance, en assujettissant ceux qui les abattent à des sanctions et des amendes. En outre, des arbres procurant ombre ou fruits sont plantés autour des fermes et des parcelles agricoles boisées, ou pour former des haies vives. La Direction des forêts encourage actuellement à planter des parcelles d’arbres.

En Tunisie, les pratiques d’agroforesterie comprennent la plantation d’espèces d’Acacia, d’Atriplex et de Medicago pour le brout et le fourrage à l’intérieur et à l’extérieur des forêts, ainsi que pour l’établissement de brise-vent; en 2000, ces derniers protégeaient environ un huitième des terres agricoles irriguées. L’accent est également mis sur la plantation d’essences polyvalentes (noyer, pistachier, pacanier, noisetier et caroubier), en particulier en montagne et dans les clairières.

L’établissement de parcelles boisées dans les villages et à proximité des centres urbains atténue la pression exercée sur les forêts naturelles pour obtenir du bois de feu, des poteaux et du fourrage. Dans les villes, la plantation d’arbres est préconisée pour ses avantages du point de vue de l’esthétique et de l’agrément. Tous les pays étudiés encouragent la plantation d’arbres dans les zones urbaines et périurbaines ainsi qu’en bordure de routes, mais la Tunisie est sans doute le pays le plus actif dans ce domaine. Parmi ses initiatives, on peut citer l’établissement d’une ceinture verte autour de Tunis, la création de parcs, les boisements en ligne le long des boulevards et des autoroutes, le boisement d’esplanades côtières et la mise en œuvre d’un programme national en faveur des «arbres du patrimoine».

Au Mali, environ 22 000 ha de plantations ont été établis dans des villages et des zones urbaines depuis 1986, et des arbres ont aussi été plantés en bordure de routes. L’Iran a également été actif, avec un réseau de parcs et de plantations forestières urbaines et périurbaines. Toutefois, des difficultés apparaissent souvent lorsque l’irrigation ne peut pas être maintenue sur une longue période à cause des pénuries d’eau. Dans plusieurs pays, l’utilisation des eaux usées traitées des villes est donc considérée comme une solution possible pour les boisements urbains et périurbains.

Lutte contre la désertification. La lutte contre la désertification est un objectif majeur pour tous les pays, l’Iran et la Tunisie étant apparemment les plus avancés dans ce domaine. L’Iran a mis en place 140 stations de lutte contre la désertification depuis 1963. Aujourd’hui, après 40 ans d’efforts concertés, ce pays signale qu’un cinquième de ses terres gravement touchées ont été contrôlées. En Tunisie, 17 200 ha de forêts ont été plantés pour fixer des dunes entre 1990 et 1999; à ce chiffre s’ajoutent 5 700 ha plantés comme brise-vent.

Planter des arbres pour améliorer l’environnement urbain

Au cours des trois prochaines décennies, la croissance rapide de la population urbaine deviendra un problème critique, qui risque d’affecter plus de 50 pour cent de la population africaine et asiatique, et de 75 à 80 pour cent des habitants de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud (FAO, 1999a). Compte tenu de cette expansion rapide, souvent sur des versants exposés à l’érosion ou dans des zones marécageuses, la majorité des habitants des villes vivront dans des conditions difficiles, confrontés à l’insécurité alimentaire, au manque d’eau potable, à des disponibilités insuffisantes d’énergie à usage domestique, à des pénuries de matériaux de construction, à la pollution atmosphérique et à des conditions d’évacuation insalubres des déchets et des eaux d’égout.

La qualité de l’environnement urbain dépendant étroitement de la régénération économique et sociale des villes, les arbres plantés pour des raisons d’agrément apportent plusieurs avantages, avec l’amélioration esthétique du paysage stimulant les investissements externes, le développement d’entreprises et, par conséquent, l’emploi. L’utilisation des eaux usées traitées pour les plantations d’arbres permet également d’améliorer l’environnement urbain. Tout en réduisant les problèmes de stockage et d’évacuation des eaux usées, les boisements protègent les réservoirs de l’érosion et de l’ensablement, stabilisent les zones urbaines accidentées ou en pente, fournissent de nouveaux espaces verts et créent des revenus. Cela permet d’améliorer de façon notable l’environnement et la santé des populations.

Capacités institutionnelles et plans de boisement nationaux. Les problèmes de l’insuffisance des données et du sous-financement des institutions gouvernementales dépourvues de stratégies bien définies dans le domaine forestier étaient particulièrement aigus en Ethiopie et à Oman. Par ailleurs, la Tunisie s’est fixé pour objectif de planter 70 millions d’arbres par an, et l’Iran a aussi un important programme de boisement. La Namibie, indépendante depuis 1990 seulement, a élaboré des politiques et une législation forestières énergiques, préconisant les boisements et reconnaissant le rôle des forêts et des terres boisées. Le Mali, qui préfère se concentrer sur la gestion des forêts naturelles, a un programme de boisement relativement modeste.

La centralisation des prises de décision, les restrictions frappant la propriété des terres et l’insuffisance des recherches sont d’autres inconvénients qui ont été identifiés dans tous les pays étudiés. En outre, on a noté que plusieurs institutions s’occupent parfois des mêmes problèmes, sans souci de coordination, ce qui nuit aux résultats.

Les enseignements

Les études de cas suscitent les observations ci-après.

En Tunisie, les plantations
forestières effectuées au rythme
de 14 000 ha par an ont aidé à
enrayer le déboisement et la
dégradation des forêts

FAO/13985/J. ISAAC

La voie à suivre

On trouvera ci-après quelques suggestions qui peuvent être utiles pour améliorer la contribution des arbres à l’environnement et aux moyens d’existence durables dans les pays en développement à faible couvert forestier.

Une réunion des LFCC, tenue à Téhéran en 1999 (FAO, 2000b) a souligné la nécessité d’une action concertée, d’un engagement des gouvernements et d’une collaboration entre les pays qui ont des problèmes similaires. La déclaration instituant le Processus de Téhéran exhorte à augmenter les investissements provenant de l’intérieur de la région, de la communauté de donateurs et des institutions internationales. La Déclaration indique également que les organisations non gouvernementales (ONG), le secteur privé, les institutions de recherche et de formation et les ruraux pauvres pourraient jouer un rôle positif, tout particulièrement à l’échelon local. Le Processus de Téhéran offre de bonnes possibilités d’opérer un changement réel à l’avenir, surtout si les efforts sont orientés vers la planification forestière nationale, l’aménagement des forêts et des programmes de boisement visant à accroître le couvert forestier et à répondre aux besoins des populations rurales.

L’aménagement des bassins versants boisés urbains: un exemple de partenariat

TreePeople, une organisation à but non lucratif basée à Los Angeles (Etats-Unis) donne un exemple des avantages que l’on peut obtenir dans le cadre de partenariats visant à doter les villes d’approvisionnements en eau durables. Dans les paragraphes qui suivent, TreePeople rend compte d’un projet réussi pour aider Los Angeles à couvrir la moitié de ses besoins en eau, grâce à l’aménagement du bassin versant urbain, tout en améliorant la qualité de vie. Le projet s’appuie sur 10 années de recherche, de conception, d’analyse des coûts et avantages, de projets de démonstration et de processus faisant intervenir de multiples parties prenantes.

DÉFAILLANCES DE LA GESTION TRADITIONNELLE DES SYSTÈMES D’INFRASTRUCTURE

La majorité des villes n’ont pas été planifiées, organisées ou aménagées dans le cadre de l’écosystème naturel dont elles font partie. Les systèmes d’infrastructure pour l’approvisionnement en eau, les eaux usées, les déchets solides et l’eau de pluie sont gérés par des institutions publiques distinctes, ordinairement sans souci de coordination. Au fur et à mesure que les villes s’accroissent, ces systèmes d’infrastructure continuent généralement à se développer séparément, se disputant de maigres ressources financières et compromettant sans le vouloir les efforts des autres systèmes en cherchant individuellement à faire face à des inondations plus nombreuses, aux ruissellements d’eau de pluie polluée et aux pénuries d’eau. Plus les problèmes et les coûts augmentent, plus les solutions deviennent difficiles et plus les ressources disponibles pour répondre aux autres besoins sociaux s’amenuisent. En adoptant des approches intégrées basées sur le bassin versant boisé urbain, les villes peuvent parvenir à des solutions durables sur le plan environnemental, économique et social

Los Angeles est à la recherche de solutions techniquement et économiquement réalisables pour faire face aux divers problèmes associés à la gestion des infrastructures urbaines. Une pluviométrie moyenne de 381 mm par an permet de couvrir jusqu’à la moitié des besoins en eau de la ville pour l’année. Toutefois, comme près des trois quarts de la superficie de la ville sont devenus imperméables par suite de l’expansion urbaine incontrôlée (constructions, parkings, pavage) et des codes du bâtiment qui stipulent que tous les ruissellements de surface doivent être canalisés vers des réseaux de collecte des eaux pluviales, plus de 85 pour cent des pluies qui tombent sur la ville constituent désormais une grave menace d’inondations toxiques. Pour remédier à ce problème, diverses institutions ont planifié des projets de construction distincts, qui auraient coûté au total plus de 20 milliards de dollars EU mais qui, réunis, n’ont pas résolu le problème de manière durable.

UNE APPROCHE DE PARTENARIAT

En 1992, TreePeople a proposé d’adopter des pratiques d’aménagement des bassins versants pour résoudre ces problèmes, mais la proposition a été rejetée comme trop coûteuse, le seul but étant de lutter contre les inondations. Pour pallier le fait que les institutions concernées n’étaient ni équipées ni habilitées pour prendre en compte des avantages additionnels, comme l’approvisionnement en eau, la prévention de la pollution, la conservation de l’énergie et le développement économique, TreePeople a constitué en 1994 un partenariat réunissant plusieurs institutions (Service forestier des Etats-Unis, Département de l’eau et de l’électricité de Los Angeles, Division de la gestion des eaux pluviales de Los Angeles, Institution de protection de l’environnement des Etats-Unis, Metropolitan Water District, Municipalité de Santa Monica et District de lutte contre les inondations du comté de Los Angeles). Le projet, connu sous le nom de TREES (Trans-agency Resources for Environmental and Economic Sustainability), a réalisé les activités suivantes: conception de pratiques de gestion améliorées pour remettre en état les bassins versants de la ville et gérer leur utilisation; tests de la viabilité technique des plans dans le cadre de projets pilotes; création d’un outil de modélisation des coûts et avantages; conduite d’une analyse des coûts et avantages; application des résultats à plus grande échelle. 

LES RÉSULTATS D’UNE APPROCHE NOVATRICE 

L’expérience et les démonstrations du projet TREES se sont traduites par d’importants changements dans les organismes de travaux publics de Los Angeles et dans les politiques locales. En 2000, l’Organisme de lutte contre les inondations du comté de Los Angeles avait été rebaptisé Division de l’aménagement des bassins versants, pour refléter sa nouvelle mission. La ville de Los Angeles a suivi son exemple un an plus tard, en transformant sa Division de la gestion des eaux pluviales en Division de la protection des bassins versants.  

Le projet TREES s’est vu octroyer un contrat pour réaménager un bassin versant secondaire urbain du Los Angeles River couvrant 1 100 ha et desservant 8 000 ménages. Après une longue étude de faisabilité, la Division de l’aménagement des bassins versants du comté de Los Angeles met actuellement au point le plan d’aménagement, des études d’impact environnemental et des projets pilotes à grande échelle pour le bassin versant de Sun Valley. Les ingénieurs prévoyaient à l’origine de construire un système de collecte des eaux de pluie, d’une valeur de 42 millions de dollars EU, pour maîtriser l’un des problèmes d’inondation les plus étendus et les plus difficiles à résoudre du comté. Au lieu de cela, le nouveau bassin versant boisé urbain a coûté 100 millions de dollars, ce qui est beaucoup, mais peut dégager un profit de 400 millions de dollars, dont près de 180 millions de dollars en eau conservée, 370 nouveaux emplois, des économies d’énergie, un air plus propre et des écoles «vertes». Les meilleures pratiques d’aménagement envisagées comprennent le captage, le nettoyage et l’infiltration des eaux de pluie dans des lieux comme les parcs, les cours d’école, les parkings des centres commerciaux et, éventuellement, les pelouses des maisons individuelles.  

Le programme d’aménagement du bassin versant de Sun Valley doit sa réussite à un vaste partenariat entre de nombreuses institutions pour la conception, le financement, la gestion et le suivi du projet, mais aussi à un nouvel esprit de collaboration entre le gouvernement, les particuliers, les familles, les entreprises et les organisations communautaires. Conscient de ce fait, le comté de Los Angeles soutient le processus de planification des parties prenantes, et conduit un programme d’enseignement et de vulgarisation communautaires sans précédent.

Pour de plus amples informations sur TreePeople et ses projets, consulter le site Internet: www.treepeople.org.

Près de Los Angeles, en Californie, le sol pavé d’une école élémentaire s’est transformé en terrain gazonné

TREEPEOPLE

LES FORÊTS D’ALTITUDE ET LA MISE EN VALEUR DURABLE DES MONTAGNES

Les forêts d’altitude représentent 28 pour cent des forêts denses du monde (FAO, 2001a) (voir tableau 6), et leur importance pour la mise en valeur durable des montagnes est de plus en plus reconnue. Les problèmes des montagnes bénéficient d’une attention particulière en 2002, avec la célébration de l’Année internationale de la montagne.

Du fait qu’elles font partie d’écosystèmes complexes comprenant des bassins versants, les forêts de montagne captent et emmagasinent l’eau de pluie et l’humidité, maintiennent la qualité de l’eau, régularisent le débit des fleuves, réduisent l’érosion et constituent une protection contre les glissements de terrains, les avalanches, les chutes de pierre et les inondations. Elles sont souvent plus riches en diversité biologique et en espèces endémiques que les forêts adjacentes d’aval, même si la valeur de leur diversité biologique est encore mal connue. Par ailleurs, les forêts de montagne sont sensibles aux fluctuations climatiques, qui peuvent avoir une incidence – positive ou négative – sur leur aptitude à continuer à fournir d’importants services aux habitants des montagnes et aux centaines de millions de personnes qui vivent en aval. C’est pourquoi il est impératif de mieux comprendre les changements climatiques possibles, de façon à pouvoir commencer à planifier leur impact potentiel.

Dans les communautés de montagne, les forêts font souvent partie de systèmes d’utilisation polyvalente des terres, en tant que pâturages et sources de matière organique pour l’agriculture. Dans de nombreuses zones d’altitude, en particulier dans les pays en développement, le bois est la principale source de combustible pour les habitants locaux, mais aussi pour les communautés des alentours de piémont et de plaine. Les forêts de montagne fournissent aussi des produits forestiers non ligneux et des services d’agrément; elles ajoutent à la beauté des paysages, des parcs nationaux et autres aires protégées. Dans bon nombre de régions, elles renferment également des bois et des arbres sacrés, d’où leur importance culturelle.

Dans de nombreux pays industrialisés, les forêts de montagne sont constituées d’espèces plantées vieillissantes, qui ne sont plus exploitées parce que le bois de feu a été remplacé par d’autres sources d’énergie et que leur exploitation n’est pas viable sur le plan économique. Ces forêts ont donc une vitalité et une fonction de protection réduites. Dans de nombreux pays en développement, la situation est diamétralement opposée: les forêts sont surexploitées en raison de la forte demande de bois de feu et de terres agricoles, des pratiques sylvicoles non durables et de l’attribution trop facile de concessions forestières.

Les forêts de montagne doivent être gérées dans le cadre des écosystèmes montagneux dont elles font partie, et la participation des communautés montagnardes est indispensable. Il existe un certain nombre de cas, en particulier dans les régions montagneuses d’Europe, où la foresterie communautaire est pratiquée depuis des siècles, créant des emplois et des revenus. De nos jours, la foresterie communautaire est également mise en œuvre avec succès dans les zones montagneuses de beaucoup de pays en développement.

Une manifestation importante de l’Année internationale de la montagne, la quatrième Consultation internationale sur les forêts de montagne, a eu lieu à Navarre (Espagne) en juin 2002. L’une de ses principales conclusions a été que le sort des forêts de montagne dépend souvent des politiques et des incitations des gouvernements dans d’autres secteurs, tels que l’agriculture, l’énergie et le commerce. En Europe, par exemple, les forêts de montagne sont en phase de régénération grâce à la réduction de la pression du pâturage, à la diminution de la pollution atmosphérique et à l’amélioration générale de l’économie rurale de montagne, due au tourisme et à d’autres activités (voir aussi OEFM, 2000).

Pour sauvegarder les forêts de montagne et garantir leurs multiples contributions, les politiques et les pratiques sylvicoles doivent mieux intégrer leurs fonctions de production et de protection, de même que leur rôle social et culturel. Cela suppose d’étudier plus à fond le rôle des forêts dans les écosystèmes montagneux, ainsi que les avantages qu’elles procurent, même au-delà des zones montagneuses. Enfin, il convient de multiplier les possibilités de renforcer les capacités et la formation dans les domaines de la gestion, de la conservation et de la mise en valeur des forêts de montagne. L’établissement du premier stage d’études supérieures sur la sylviculture de montagne, à l’Institut de pédologie de l’université de Vienne, est un pas dans la bonne direction.

L’année internationale de la montagne: forger des partenariats

En 1998, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé l’année 2002 Année internationale de la montagne, et a invité la FAO à être l’organisation chef de file pour la préparation et la coordination d’activités visant à:

  • améliorer la prise de conscience et la connaissance des écosystèmes de montagne;
  • encourager la conservation et la mise en valeur durable des ressources des montagnes;
  • promouvoir et défendre le patrimoine culturel des communautés montagnardes;
  • trouver des solutions pour régler les conflits qui surgissent fréquemment dans les zones de montagne.

Au Sommet mondial pour le développement durable de 2002, le Gouvernement suisse a établi au nom de plusieurs pays, du PNUE et de la FAO, le Partenariat international pour le développement durable des régions de montagne, dont l’objectif est de promouvoir et de renforcer la coopération entre les donateurs, les organismes d’exécution, les ONG, le secteur privé, les communautés de montagne et d’autres parties prenantes. Opérant sur la base de buts, d’engagements et de priorités communes, le partenariat s’attaque à des questions comme la pauvreté, la conservation de la diversité biologique, la sécurité alimentaire et des problèmes institutionnels clés. La FAO a joué un rôle actif dans ce partenariat dès son établissement et a également organisé en 2002 une réunion satellite durant le Sommet mondial de l’alimentation: une conférence cinq ans après, au cours de laquelle les participants ont annoncé leur appui.

Pour de plus amples informations sur l’Année internationale de la montagne et le partenariat, consulter Internet: www.mountains2002.org.

L’Himalaya au Népal

Département des forêts de la FAO/FO-0279/T. Hofer

TABLEAU 6

Types de forêts de montagne, par superficie et par principales régions

Types de forêts de montagne

Superficie totale (milliers km²)

(%)

Principales régions

Forêts tropicales et subtropicales humides de montagne

2 237

25

Andes tropicales, Amérique centrale, Afrique de l’Est et Madagascar, Asie du Sud-Est

Forêts tropicales et subtropicales sèches de montagne

534

6

Afrique australe, Inde

Forêts de montagne tempérées et boréales sempervirentes de conifères

2 762

30

Amérique du Nord, Europe, Asie centrale, Himalaya

Forêts de montagne tempérées et boréales décidues de conifères

1 317

14

Asie centrale, Asie du Nord-Est

Forêts tempérées et boréales de montagne feuillues et mixtes

2 247

25

Amérique du Nord, Andes du Sud, Europe, Himalaya, Asie de l’Est

Total

9 097

100

 

Source: PNUE-WCMC, 2000.

Association internationale des forêts méditerranéennes: une approche multidisciplinaire

L’Association internationale des forêts méditerranéennes (AIFM) encourage les échanges de connaissances et d’expériences pour résoudre la problématique des forêts méditerranéennes. Elle s’appuie sur des réseaux nationaux d’experts provenant de tous les secteurs pour trouver des solutions, notamment pour que les politiques reflètent les mesures qui doivent être prises. En partenariat avec la Communauté européenne, des gouvernements et d’autres entités nationales et régionales, l’AIFM a récemment dirigé un projet qui a culminé dans la Déclaration de Marseille sur les forêts méditerranéennes. Cette déclaration attire l’attention sur la méconnaissance des caractéristiques des forêts méditerranéennes et sur le manque de coordination des prises de décision en rapport avec leur gestion durable. Elle invite également à organiser un premier Congrès méditerranéen des forêts et des espaces naturels terrestres en 2003, en vue de renforcer l’efficacité des réseaux, de façon que les forêts méditerranéennes tiennent une plus grande place dans les politiques d’utilisation et d’aménagement durable des terres.

Pour de plus amples informations sur l’AIFM et sur les forêts méditerranéennes, consulter Internet: www.aifm.org


LES FORÊTS ET LES TERRES BOISÉES DU BASSIN MÉDITERRANÉEN

Dans les pays du bassin méditerranéen, la végétation est fragmentée en une mosaïque de différentes formations, résultant des variations du climat, de la topographie et des sols, mais aussi d’une longue histoire d’activité humaine. Il existe une grande variété de paysages, allant des écosystèmes naturels inexploités aux sites modelés par des siècles de colonisation humaine. La flore est riche et comprend quelque 25 000 espèces phanérogames, dont approximativement la moitié sont endémiques (FAO, 1999b). Les forêts et les terres boisées, qui ont une grande valeur écologique, historique et culturelle, sont gérées essentiellement pour leurs multiples produits non ligneux (fruits, semences, gommes, résines, écorce, fourrage), plutôt que pour le bois. Elles protègent également contre l’érosion, contribuent à rétablir la fertilité des sols et à maintenir des conditions favorables à l’agriculture.

Les forêts de la partie nord-ouest de la Méditerranée sont exposées à un risque croissant d’incendies à cause des carences de l’aménagement, des défrichements illicites et de l’abandon de l’agriculture. Quant aux forêts de la partie sud-est, elles sont soumises à de fortes pressions qui aboutissent à leur destruction et à leur dégradation.

Partant du principe qu’il est impossible de résoudre les problèmes sans prendre en compte les conditions institutionnelles, sociales et économiques des communautés vivant à l’intérieur ou à proximité des forêts, les forestiers méditerranéens ont été parmi les premiers à concevoir des plans d’aménagement forestier à buts multiples réellement intégrés, qui exigent une collaboration entre les administrations, les institutions locales et nationales, les ONG et le secteur privé. La coopération entre pays de la région, déjà bien établie depuis longtemps, a été renforcée par les efforts de certaines organisations internationales et, plus récemment, de la Communauté européenne (CE) et des gouvernements locaux.

Le Comité des questions forestières méditerranéennes – Silva Mediterranea, un organe de la Commission des forêts et de la faune sauvage pour l’Afrique, de la Commission européenne des forêts et de la Commission des forêts pour le Proche-Orient, soutient depuis plus de 50 ans divers aspects de la foresterie dans la région méditerranéenne. Silva Mediterranea a récemment subi une restructuration pour pouvoir mieux répondre aux besoins et aux problèmes émergents. A sa dix-huitième session, le comité a identifié les activités prioritaires qui seront entreprises par la FAO et d’autres partenaires dans divers domaines, notamment les aspects socioéconomiques de l’aménagement durable, la lutte contre la désertification et l’application des résultats des recherches (FAO, 2002a).

FIGURE 3

Forêts du bassin méditerranéen

Forêt fermée: superficie boisée avec couvert forestier supérieur à 40 pour cent et arbres de plus de 5 m de hauteur. Comprend les forêts naturelles et artificielles.

Forêt ouverte et fragmentée: superficie boisée avec couvert forestier de 10 à 40 pour cent et arbres de plus de 5 m de hauteur (forêt ouverte) ou forêt en mosaïque et terres non boisées (forêt fragmentée). Comprend les forêts naturelles et artificielles.

Autres terres boisées: superficie boisée avec couvert forestier de 5 ou 10 pour cent et arbres de plus de 5 m de hauteur, ou couvert forestier supérieur à 10 pour cent composé d’arbustes ou de broussailles de moins de 5 m de hauteur.

Source: FAO, 2001a.

COORDONNER LES RÉPONSES POUR LUTTER CONTRE LES FEUX DE FORÊT

Une réunion internationale d’experts sur la gestion des feux de forêt, organisée par la FAO et l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) en 2001, a souligné l’importance d’une réponse internationale coordonnée pour la gestion des feux de forêt. Pour donner suite aux recommandations des experts, la FAO examine des mécanismes pour l’établissement d’accords inter-Etats visant à promouvoir et à faciliter la mise en commun des ressources, du personnel et de l’équipement dans les situations d’urgence. A cette fin, elle a dressé une liste des accords internationaux traitant des feux de forêt, en particulier dans les cas d’urgence, et identifié des éléments communs. Les résultats de cette analyse ont servi de base pour l’établissement d’un schéma type dont peuvent s’inspirer les pays qui souhaitent mettre au point un accord sur les feux de forêt. Toutefois, la pertinence de chacun des éléments de ce schéma pour les pays individuels et leurs environnements spécifiques dépend des conditions particulières des parties qui adhèrent à un accord et du type d’accord souhaité. Le schéma comprend les éléments suivants:

La FAO a aussi dressé un inventaire des législations nationales spécifiques aux feux de forêt, et des législations sectorielles couvrant cette question. De plus, l’Evaluation mondiale des feux de forêt 1990-2000, qui contient des profils de pays sur cette question, est disponible sur CD-ROM.

En travaillant avec des partenaires, la FAO continuera à élargir son réseau, à renforcer les capacités des pays, à aider les gouvernements à élaborer des stratégies et des politiques de gestion des feux de forêt et à répondre aux demandes d’assistance pour la rédaction des accords.

Des informations plus détaillées sont disponibles sur Internet: www.fao.org/forestry/fire.

La lutte contre les incendies en Asie du Sud-Est

Source: FAO, 2001a. En juin 2002, les ministres de l’environnement de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) ont signé un accord en vue d’accroître la coopération et de renforcer les mesures de prévention des feux de forêt dans la région. Dans le passé, ces feux ont donné naissance à d’énormes nuages de brume et à une pollution transfrontières. L’accord établit des systèmes d’alerte rapide et requiert un renforcement des moyens de lutte anti-incendie. Sa mise en œuvre complétera les efforts en cours du projet conjoint Fonds mondial pour la nature (WWF) et Union mondiale pour la nature (UICN) pour la lutte contre les incendies en Asie du Sud-Est. Lancé en mars 2000 avec l’appui de la Communauté européenne, le projet opère à l’échelon national et régional, afin de lutter plus efficacement contre les nuisances des feux de forêt au moyen de réformes des politiques et de la législation. Le projet a publié plusieurs rapports sur l’état des connaissances dans ses trois domaines d’activité: rationalité économique de l’utilisation des feux; gestion communautaire des feux; aspects juridiques et normatifs des feux dans les forêts et les espaces naturels.

LA CHASSE AUX ANIMAUX SAUVAGES POUR LA VIANDE: UNE MENACE POUR LA DURABILITÉ DE LA RESSOURCE

La viabilité de la chasse dans les forêts tropicales, en particulier en Afrique, suscite de grandes préoccupations pour la faune sauvage des forêts. Par exemple, la quantité de viande d’animaux sauvages (gibier ou viande de brousse) récoltée chaque année dans le bassin du Congo est évaluée à 5 millions de tonnes (Fa, Peres et Meeuwig, 2002), ce qui indique que le taux d’exploitation est deux fois plus élevé que le taux de production. A titre de comparaison, en Amazonie, on récolte environ 0,15 million de tonnes de gibier, ce qui correspond à un taux d’exploitation de 0,081 pour cent par rapport au taux de production, un ratio 30 fois inférieur à celui du bassin du Congo.

Bien que ces chiffres provisoires n’aient qu’une valeur indicative, ils confirment les préoccupations exprimées dans un certain nombre de débats régionaux et internationaux, concernant les graves menaces qui pèsent sur la faune sauvage des forêts tropicales africaines. A défaut de mesures correctives, la faune sauvage des forêts sera réduite de manière catastrophique, ce qui aura de graves conséquences pour la sécurité alimentaire, les forêts et leur intégrité écologique.

Reconnaissant qu’il était impératif et urgent de trouver des solutions, la onzième Conférence des parties à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), tenue en avril 2000, a établi un Groupe de travail sur la crise de la viande de brousse (voir p. 51). Parmi les autres mesures prises au niveau international, on peut citer la création d’Ape Alliance, une coalition d’ONG de conservation spécialisées dans la crise des primates, et l’établissement de la Bushmeat Crisis Task Force, basée aux Etats-Unis, un consortium d’organisations de conservation et de scientifiques dont l’action consiste à préserver des populations d’animaux sauvages menacées par la chasse commerciale.

En septembre 2001, la FAO et ses partenaires ont tenu un atelier international pour identifier les étapes futures. La FAO fournit aussi une assistance pour l’élaboration de plans d’action nationaux destinés à la protection du gibier au Cameroun et au Gabon, et collabore avec plusieurs organisations et institutions pour renforcer la gestion des aires protégées et l’application des lois en Afrique centrale, et associer les communautés locales à la gestion et à la protection de la faune sauvage des forêts.

Lutte contre les pratiques de chasse non viables

Source: FAO, 2001a. Une récente étude sur la chasse dans les forêts tropicales (Bennett et Robinson, 2000) a identifié les mesures qui pourraient être prises pour éliminer les pratiques non viables. Quelques exemples de ces mesures sont donnés ci-après.

  • Les gouvernements pourraient concéder des droits de jouissance sur les terres ou sur les ressources, afin d’inciter les communautés locales à utiliser la viande de brousse de manière durable.

  • Le secteur du développement pourrait estimer la valeur de la viande de brousse et l’inclure dans ses évaluations des moyens d’existence ruraux.

  • Divers secteurs pourraient mettre au point ensemble d’autres stratégies de subsistance, étant entendu que l’établissement d’aires protégées est le meilleur moyen de conserver la diversité biologique. • Le secteur privé pourrait réduire la chasse illicite et la vente de viande de brousse à l’intérieur de ses concessions.

FAITS NOUVEAUX INTÉRESSANT LES FORÊTS ET LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Les forêts dans les négociations sur les changements climatiques

Après les négociations ininterrompues depuis la conclusion de l’accord relatif au Protocole de Kyoto en 1997, les parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ont posé un nouveau jalon dans la bataille contre les changements climatiques, avec la signature de l’Accord de Marrakech, à la septième session de la Conférence des Parties (COP-7), en novembre 2001. Les parties ont reconnu les quatre principaux rôles des forêts dans les changements climatiques: sources de dioxyde de carbone lorsqu’elles sont détruites ou dégradées; indicateurs sensibles d’un changement du climat; sources de biocombustibles susceptibles de remplacer les combustibles fossiles; et puits à carbone lorsqu’elles sont gérées de manière durable. En absorbant le dioxyde de carbone atmosphérique, en le stockant dans la biomasse, les sols et les produits, et en offrant une solution de remplacement durable aux combustibles fossiles, les forêts ont un rôle écologique unique.

L’une des principales raisons de l’enlisement des négociations de la COP-6 en novembre 2000 est que l’on n’est pas parvenu à un accord sur les forêts. Cet échec a également failli empêcher une conclusion positive des discussions qui ont repris en juillet 2001, et la question des forêts est restée controversée jusqu’aux dernières heures de la COP-7, à Marrakech. Aujourd’hui, pourtant, les forêts pourraient représenter la part du lion dans les engagements des parties relatifs à la première période (2008-2012) (voir figure 4).

FIGURE 4

Contribution des forêts aux engagements des pays dans l’Accord de Marrakech

La fixation du carbone dans la foresterie et les autres utilisations des terres

Les forêts, les terres agricoles et les autres écosystèmes terrestres offrent un potentiel important pour le stockage du carbone. Bien qu’elles ne soient pas nécessairement permanentes, la conservation et la fixation du carbone peuvent laisser suffisamment de temps pour tenter d’autres options. Le potentiel mondial cumulé des options biologiques de réduction du changement climatique est de l’ordre de 100 gigatonnes de carbone d’ici à 2050, ce qui représente entre 10 et 20 pour cent des émissions projetées de combustibles fossiles. C’est dans les régions tropicales et subtropicales que le potentiel est le plus élevé. Les estimations des coûts varient dans une ample fourchette: de 0,1 à 20 dollars EU par tonne de carbone dans les pays tropicaux, et de 20 à 100 dollars EU dans les pays non tropicaux (GIEC, 2001).

Troisième rapport d’évaluation

Le troisième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, 2001) soulève quelques incertitudes qui entourent encore les changements climatiques et met en évidence leurs dimensions actuelles et futures, leurs causes et les périls qu’ils entraînent pour les écosystèmes terrestres et la société. Les changements observés dans les écosystèmes forestiers de la planète depuis quelques décennies peuvent préfigurer les événements à venir.

Le rapport du GIEC souligne aussi qu’une adaptation est nécessaire. Les forêts pourraient être à l’avant-garde à cet égard, du fait de la longévité naturelle de la majorité des essences forestières et de leur aménagement sur des rotations longues, qui font que la plupart des forêts établies aujourd’hui connaîtront de nombreux changements climatiques au cours de leur vie. Les forestiers ont conçu et mis en œuvre des stratégies pour protéger les forêts contre les changements climatiques et adapter leur aménagement pour faire face à leurs effets (Spiecker, Lindner et Kahle, 2000). Dans de nombreux cas, ces stratégies représentent aussi de bonnes pratiques de gestion dans les circonstances actuelles, et le changement climatique ne fait qu’accentuer leur importance.

Il peut arriver que les stratégies actuelles d’adaptation réduisent les futurs rendements en bois et le stockage maximal de carbone, mais renforcent la permanence du stockage de carbone et la diversité biologique (voir chapitre sur les forêts et la diversité biologique, p. 86). Cela se produit par exemple dans de nombreuses régions d’Europe centrale, lorsque’on remplace une espèce à haut rendement mais vulnérable, comme l’épicéa commun (Picea abies), par une espèce moins productive mais résistante, comme le chêne (Quercus petrea, Q. robur) ou le hêtre (Fagus silvatica) (voir figure 5). Le sapin de Douglas (Pseudotsuga menziesii) est une espèce exotique en Europe, qui a derrière elle une longue histoire dans cette région, avec une production durable de bois à des taux de croissance élevés. Elle est bien adaptée aux sécheresses estivales et aux hivers doux. Certains pourraient contester que cette espèce exotique, plantée sur des sites appropriés, aura un l’impact sur la diversité biologique, mais cette opération est bénéfique à la fois du point de vue de l’adaptation, de l’atténuation des changements climatiques et de l’économie. Etant donné que des interactions irréversibles sont possibles dans les sphères climatiques, écologiques et socioéconomiques, cette adaptation anticipée semble nécessaire. Toutefois, le rapport d’évaluation établit clairement que l’adaptation ne saurait remplacer l’atténuation des changements climatiques. Dans ce contexte, le groupe d’experts insiste sur l’importance du rôle des forêts.

L’énergie de la biomasse, en particulier la dendroénergie, est un élément essentiel des stratégies futures de réduction des émissions de gaz à effet de serre, puisqu’elle pourrait représenter jusqu’à 30 pour cent des réductions totales des émissions entre 2030 et 2050. De nombreux pays visés à l’annexe 1 (pays industrialisés et pays en transition vers une économie de marché) considèrent la dendroénergie comme une composante majeure de leurs efforts de réduction des émissions. La Commission européenne, par exemple, a lancé un programme ambitieux pour porter de 5 à 12 pour cent en 2010 la part de l’énergie renouvelable (y compris la bioénergie) dans l’utilisation totale d’énergie. La bioénergie produite à partir des résidus agricoles et forestiers et des cultures énergétiques fournirait alors environ 7 pour cent de l’énergie totale consommée.

FIGURE 5

Augmentation des stocks moyens de carbone en fonction de la rotation de diverses espèces, calculée pour une station forestière en Allemagne

 

Mesures d’adaptation de la sylviculture et des forêts aux changements climatiques

  • Sélectionner les provenances et les espèces, y compris éventuellement des espèces exotiques adaptées

  • Assortir les espèces et les provenances aux sites

  • Adapter les densités de plantation

  • Préférer les forêts mixtes à structure diversifiée et inéquiéennes, dans la mesure du possible

  • Eviter les monocultures

  • Améliorer la résistance au vent

  • Adapter les opérations d’entretien et les éclaircies

  • Adapter les rotations

  • Adapter les techniques d’exploitation

  • Adapter la nutrition des peuplements pour tenir compte de l’amélioration de la croissance

  • Adapter la gestion des feux aux changements du climat et de la croissance des forêts

  • Remettre en état les forêts dégradées

  • Remplacer progressivement les peuplements inadaptés au site

  • Eliminer les causes de stress supplémentaires

  • Réduire la fragmentation des forêts

  • Faire des prospections pour détecter la présence de ravageurs et de pathogènes

  • Se préparer aux catastrophes naturelles et à la récupération du bois

  • Adapter la régénération aux changements affectant la reproduction et la concurrence

  • Protéger et conserver les habitats rares

  • Protéger les stocks génétiques

Les écosystèmes forestiers réagissent aux changements climatiques

DANS L’ALASKA CENTRAL, LE DÉGEL DU PERGÉLISOL MENACE LES FORÊTS NATURELLES DE BOULEAUX DES BASSES TERRES

La dégradation du pergélisol s’est généralisée, par exemple en Chine, en Mongolie, au Canada et aux Etats-Unis dans l’Etat de l’Alaska. Lorsque les couches de glace emprisonnées dans des horizons de sol à texture fine fondent, sous l’effet de la hausse des températures et de l’épaississement du manteau neigeux, les sols s’affaissent de manière inégale, formant un paysage de dépressions, appelé «thermokarst». En Alaska, on a observé que les peuplements naturels de bouleaux à papier (Betula papyrifera) meurent sur ces sols, qui sont envahis par des espèces aquatiques et se transforment en tourbières basses et en prairies marécageuses en l’espace de 30 à 40 ans. Contrairement aux attentes, l’affaissement des couches de pergélisol et de l’écosystème forestier qui lui est associé renforce la fixation du carbone, car la matière organique s’accumule rapidement dans ces terrains marécageux, compensant largement la perte du carbone qui était emprisonné dans les arbres. Toutefois, les tourbières émettent du méthane, un gaz à effet de serre, dont la capacité de réchauffement de la planète est 21 fois plus élevée que celle du dioxyde de carbone, de sorte qu’il est difficile de prévoir quelles seront les retombées globales pour le réchauffement de la planète (Jorgenson et al., 2001).

ÉVOLUTION DE LA CROISSANCE DES FORÊTS DANS DE NOMBREUSES RÉGIONS DU MONDE

Une augmentation de la photosynthèse ou de la croissance des arbres a été observée dans de nombreuses régions du monde. En Autriche, l’accroissement annuel de l’épicéa de Norvège (Picea abies) a augmenté d’environ 17 pour cent, principalement par suite de la hausse des températures et de l’allongement de la saison de végétation qui en a découlé pendant la période 1961-1995 (Hasenauer, 2000). Toutefois, la croissance des forêts ne peut être renforcée que de façon temporaire et à un rythme spécifique au site, à l’âge, à l’espèce et au génotype (Egli et al., 2001). La croissance peut également être réduite, par exemple dans les forêts boréales, si le réchauffement est accompagné d’un stress hydrique (Lloyd et Fastie, 2002). L’équilibre entre les espèces concurrentes dans les forêts mixtes peut changer, les espèces peuvent devenir plus ou moins exposées à la cassure, et l’élagage naturel peut être retardé (Spinnler et al., 2001). Les gaz à effet de serre peuvent modifier la phénologie des essences forestières, en altérant des processus comme le bourgeonnement, la floraison, la fructification, la sénescence des feuilles, la résistance au gel, la qualité du bois, la ramification et la résistance aux insectes, de façon très différente suivant les espèces (Jach, Ceulemans et Murray, 2001).

Quand le pergélisol se dégrade dans les plaines centrales de l’Alaska, les forêts de bouleaux disparaissent et sont remplacées par des tourbières flottantes composées de mousse du type Sphagnum

T. JORGENSON


Nouveau régime pour les forêts dans le changement climatique

Ensemble, la CCNUCC, le Protocole de Kyoto et l’Accord de Marrakech définissent les règles et les modalités pour la réduction des changements climatiques par la foresterie et les utilisations des terres, mais aussi pour l’enregistrement, le suivi, la notification et la vérification des variations et des flux des stocks de carbone dans tous les secteurs pertinents (Torvanger, 2001a). De plus, des directives détaillées (GIEC, OCDE et AIE, 1996), dont la mise à jour est en cours, établissent des méthodes pour l’évaluation des variations des stocks de carbone et proposent des modèles pour l’établissement des rapports sur les utilisations des terres et la foresterie.

Toutes les parties à la Convention doivent présenter des communications nationales périodiques, dans lesquelles elles font aussi un rapport sur les forêts. En outre, les pays développés doivent fournir, chaque année, des informations sur les inventaires de carbone. Ces obligations de rapport annuel sont strictes, et les pays développés peuvent perdre leur droit de participation aux mécanismes flexibles, en particulier aux échanges de droits d’émissions, en cas de non-conformité de leurs rapports sur les forêts.

Pendant la période d’engagement commençant en 2008, tous les pays industrialisés accumuleront des crédits et des débits pour les variations des stocks de carbone résultant des activités de boisement, de reboisement et de déboisement entreprises depuis 1990. Pendant la première période d’engagement, des dérogations spéciales s’appliquent aux débits provenant de la coupe des forêts à rotation courte, ainsi qu’aux débits nets qu’enregistrent de nombreuses parties lorsque de jeunes forêts nouvellement établies ne compensent pas les débits provenant du défrichement de forêts plantées, ordinairement plus âgées.

Outre la gestion des terres cultivées, la gestion des pâturages et la restauration du couvert végétal, les parties peuvent désigner la gestion des forêts établies avant 1990 comme une activité admissible. Toutefois, des plafonds spécifiques (voir figure 4) limitent les crédits que les pays peuvent acquérir ou perdre chaque année par suite de la gestion des forêts. Pour la majorité des parties, ces plafonds correspondent à la plus faible de ces deux valeurs: 15 pour cent de la variation annuelle du stock de carbone des forêts, ou 3 pour cent des émissions totales de carbone en 1990. Ils sont considérablement plus élevés pour le Canada, le Japon et la Fédération de Russie.

En introduisant un abattement de 85 pour cent sur les augmentations de carbone dans les forêts établies avant 1990, l’Accord de Marrakech cherche à tenir compte des avantages découlant de la plantation régulière de forêts composées d’espèces jeunes à croissance rapide qui dominent dans la plupart des pays développés, et de l’amélioration de la croissance résultant indirectement des activités humaines, en les déduisant des émissions de dioxyde de carbone, d’azote et des effets négatifs, en termes de réchauffement de la planète. Les pays sont libres d’atteindre les plafonds établis pour la gestion des forêts, dans le cadre d’activités de routine ou d’autres projets qui renforcent la fixation du carbone.

Le Protocole de Kyoto établit également des mécanismes d’application flexibles. Parmi ceux-ci, l’Exécution conjointe et le Mécanisme pour un développement propre comprennent des projets forestiers. L’Exécution conjointe permet aux pays développés d’entreprendre des projets dans d’autres pays développés et de rapatrier les crédits. Sauf s’ils comprennent des activités de boisement et de reboisement, ces projets abaissent le plafond du pays hôte pour les crédits résultant de la gestion de ses forêts.

Un autre plafond, égal à 1 pour cent des émissions de 1990, limite les crédits que peuvent revendiquer les pays développés, pour les activités de boisement et de reboisement qu’ils entreprennent dans des pays en développement au titre du Mécanisme pour un développement propre. Ces projets peuvent accumuler des crédits rétroactivement à partir de 2000, sous réserve de remplir certaines conditions préalables, qui seront définies en 2003. D’ici là, il faudra aussi établir les définitions, les règles, les lignes directrices et les modalités applicables aux projets forestiers mis en œuvre au titre du développement propre, en ce qui concerne en particulier les aspects sociaux, environnementaux et de développement des projets et la protection contre une éventuelle inversion du processus de fixation du carbone dans les arbres.

Si le boisement et le reboisement demeurent les seules activités forestières admises au titre du développement propre durant la première période d’engagement, les projets de conservation, d’adaptation et de remise en état des forêts peuvent recevoir une assistance financière du Fonds spécial pour le changement climatique, du Fonds pour les pays les moins avancés et du Fonds aux fins de l’adaptation.

Orientations futures

Les négociations relatives à la prochaine période d’engagement débuteront en 2005. Elles porteront sur les questions suivantes: traitement du carbone stocké dans les produits ligneux; définitions forestières; et différenciation entre les variations des stocks de carbone résultant directement de l’activité humaine et celles qui ont d’autres causes. Les pays devront établir des systèmes nationaux pour faire face aux changements climatiques et décider de la manière dont ces systèmes intégreront les forêts et ceux qui les gèrent. A l’appui de ce processus, l’harmonisation des définitions (FAO, 2002b) et les méthodes de mesure des stocks de carbone présents dans les forêts et de leurs variations deviennent rapidement de nouvelles disciplines de l’évaluation des ressources forestières (Brown, 2001; MacDicken, 1997).

En mars 2001, les Etats-Unis ont annoncé qu’ils ne ratifieraient pas le Protocole de Kyoto, et en février 2002 ils établissaient leur propre Initiative pour le changement climatique, qui prévoyait entre autres mesures des réductions volontaires de l’intensité des émissions. Les compagnies américaines peuvent toutefois acquérir des crédits auprès de parties au Protocole de Kyoto (Torvanger, 2001b), ou encore mettre en œuvre à l’étranger un projet de compensation des émissions de carbone, qui leur est propre.

Le rôle des forêts et des produits forestiers dans le changement climatique et dans les marchés émergents du carbone évoluera en fonction des prix du carbone; du degré d’urgence que l’on attribuera aux mesures d’adaptation et d’atténuation des effets des changements climatiques; de l’avancement futur des négociations; et des dispositions concernant les forêts et la dendroénergie dans les systèmes nationaux. Les décisions relatives aux forêts prises à la COP-7 de la CCNUCC et les nouvelles informations fournies par le troisième rapport d’évaluation du GIEC pourraient avoir d’importantes répercussions sur la situation et la gestion des forêts du monde et l’utilisation de leurs produits à l’avenir.

RÉFÉRENCES

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