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Opportunités offertes en Ukraine pour la réalisation de projets forestiers à exécuter conjointement

P.I. Lakyda, I.F. Buksha et V.P. Pasternak

P.I. Lakyda et I.F. Buksha travaillent au Département de gestion forestière de l’Université nationale d’agriculture, à Kiev, Ukraine.

V.P. Pasternak exerce au Laboratoire de surveillance et de certification des forêts, de l’Institut ukrainien pour la recherche forestière et l’amélioration des forêts, à Kharkiv, Ukraine.

Un pays espère attirer des investissements vers des activités de boisement et de reboisement, dans le cadre du Protocole de Kyoto.

L’Ukraine offre un bon potentiel pour accueillir des projets de boisement visant à piéger le carbone (ici, une jeune plantation de pins)
UKRAINIAN RESEARCH INSTITUTE OF FORESTRY
AND FOREST MELIORATION

Le Protocole de Kyoto engage les pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. L’Ukraine a ratifié la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 1997, puis le Protocole de Kyoto début 2004. Le Protocole prévoit un certain nombre de «mécanismes de flexibilité». Parmi ceux-ci, le plus prometteur pour l’Ukraine est la Mise en œuvre conjointe, qui permet à un pays développé de compenser une partie des émissions qu’il fait sur son territoire en investissant dans un projet dans un autre pays développé ou dans un pays en phase de transition économique, en échange de crédits de réduction d’émissions. La Phase pilote des activités exécutées conjointement» est en vigueur depuis 1995.

Le Protocole de Kyoto autorise les projets de gestion des forêts, de boisement et de reboisement, au titre de la Mise en œuvre conjointe. Des projets forestiers de ce type sont déjà en cours dans plusieurs pays d’Europe de l’Est. Par exemple, en Fédération de Russie, un projet pilote de boisement de la zone de Saratov, exécuté en partenariat avec l’Université d’Oregon (États-Unis) dans le cadre des activités exécutées conjointement, a planté, protégé et surveillé 900 ha de forêts de pin depuis 1994. Un projet similaire a été mis au point en 1996 pour planter 2 000 ha de forêts dans la région de Vologda. En Roumanie, le Fonds prototype carbone géré par la Banque mondiale a signé un accord de projet pour financer le boisement de 6 852 ha de terres agricoles dégradées.

L’Ukraine est l’un des pays d’Europe qui offre le plus de potentiel pour accueillir des projets visant à renforcer la fixation du carbone par des activités de boisement (Shevchuk et al., 2001). Dans ce pays, le couvert forestier est parmi les plus bas d’Europe, à 16,5 pour cent, contre 46 pour cent pour l’Europe prise dans son ensemble (FAO, 2001). Le pays possède de vastes étendues de terres impropres à l’agriculture qui pourraient être boisées; selon l’Académie ukrainienne des sciences agricoles, environ 10 millions d’hectares devraient cesser d’être utilisés pour la production agricole et converties en forêts ou en prairies (Bulygin, 2001). Dans le cadre du Programme de l’État «Forêts d’Ukraine 2002-2015», de nouvelles forêts doivent être établies sur plus de 560 000 ha, et leur biomasse devrait contenir plus de 20 millions de tonnes de carbone en 2050 (Schelhaas et al., 2004). Toutefois, pour obtenir un pourcentage optimal de couvert forestier (19 à 20 pour cent) pour ce pays, il faudrait établir environ 2,5 millions d’hectares de forêts. Un tel effort de boisement nécessite évidemment des capitaux considérables, et c’est pourquoi la possibilité d’attirer des investissements supplémentaires grâce au mécanisme de Mise en œuvre conjointe du Protocole de Kyoto, est inespérée pour l’Ukraine.

Une recherche conduite pendant une longue période sur l’accumulation de carbone dans les forêts ukrainiennes témoigne du potentiel significatif des forêts du pays, comme puits à carbone. La densité moyenne de carbone par hectare de forêt (65 tonnes/hectare en 1996) est plus élevée que dans les pays voisins (45, 46, 53 et 63 tonnes/hectare respectivement en République de Moldova, dans la partie européenne de la Fédération de Russie, au Bélarus et en Lituanie en 1996) (Lakyda, Nilson et Shvidenko, 1996), et a augmenté de 17 pour cent entre 1988 et 1996 (Buksha, 2002). D’après les estimations fondées sur les Évaluations des ressources forestières de l’État, le volume de carbone emmagasiné dans les peuplements forestiers du pays a augmenté de près de 40 pour cent entre 1983 et 1996 (tableau 1), principalement par suite d’un changement dans la structure des âges et dans la superficie des forêts. Entre 1990 et 2001, près de 140 000 ha de nouvelles forêts ont été créées et environ 230 000 tonnes de carbone y sont actuellement stockées (Buksha, 2002).

Des projets pilotes de boisement portant sur un total de 5 120 ha dans le centre, l’est et l’ouest de l’Ukraine (tableau 2), ont été mis au point dans une série de séminaires régionaux tenus par le Comité forestier d’État, en association avec l’Initiative sur les changements climatiques, et l’Institut ukrainien pour la recherche forestière et l’amélioration des forêts. Les séminaires ont été préparés par d’éminents experts nationaux et étrangers sur les changements climatiques et la foresterie, et suivis par des forestiers et des experts de haut niveau, provenant d’associations forestières régionales, d’Entreprises forestières publiques, d’institutions de recherche et de ministères. Les séminaires ont présenté de récentes décisions liées aux forêts découlant de négociations internationales sur le changement climatique et assuré une formation pratique pour la préparation de projets sur le piégeage du carbone dans les forêts, couvrant les phases de planification, de préparation, de mise en œuvre, de suivi et de vérification. Des groupes de travail régionaux ont préparé des projets de fixation du carbone reposant sur des méthodes et des approches différentes, que des experts ont jugées réalistes et scientifiquement rationnelles. Les investisseurs potentiels incluent le Fonds prototype carbone et des organisations du Canada, du Japon et des Pays-Bas.

Les zones sélectionnées pour des activités de boisement relevant de ces projets s’ajoutent à celles que le Comité forestier d’État prévoyait déjà de boiser. Les concepteurs des projets ont principalement choisi des terres impropres à l’agriculture qui n’avaient pas porté de forêts depuis au moins 50 ans. La composition spécifique de ces forêts a été décidée en fonction des sites, de manière à se rapprocher le plus possible des forêts naturelles. L’une des principales composantes d’appui à ces projets, est le contrôle du piégeage du carbone qui devrait garantir une estimation appropriée de la capacité de fixation du carbone, sur la base de techniques internationalement reconnues.

Pour le site de Polissya, un projet a été conçu pour régénérer les forêts sur des terres polluées par des nucléides radioactifs, après la catastrophe de Tchernobyl. Outre le fait qu’elles permettront de piéger plus de carbone, les forêts établies sur ces terres contribueront à prévenir la distribution des nucléides radioactifs en les fixant dans la végétation forestière et en prévenant l’érosion du sol. Le Comité forestier d’État de l’Ukraine et la Banque mondiale ont signé une lettre d’entente concernant l’exécution de ce projet, aux termes de laquelle environ 15 000 ha devraient être boisés dans le nord du pays.

Les effets économiques des projets ont été évalués sur une période de 30 à 60 ans (suivant la composition spécifique des forêts). Approximativement, durant le cycle de vie des projets, les nouvelles forêts emmagasineront 546 800 tonnes de carbone, ou 107 tonnes de carbone par hectare de terres recouvertes de végétation forestière. C’est pendant le cycle de vie des projets que les nouveaux peuplements forestiers absorberont le plus de carbone, mais ils continueront à le faire même après. Ces nouvelles forêts ne seront pas seulement utiles pour piéger le carbone. Elles renforceront aussi la biodiversité, protégeront les sols contre l’érosion due au vent et à l’eau et serviront d’aires de récréation. Après l’achèvement des projets, lorsque les arbres auront atteint l’âge d’exploitabilité, les forêts seront utilisées pour la production à long terme.

Les nouvelles forêts plantées pour piéger le carbone procureront aussi d’autres avantages, notamment en protégeant le sol de l’érosion
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TABLEAU 1. Dynamique de la biomasse aérienne et souterraine des forêts en Ukraine (à l’exclusion du sol, du bois mort et de la litière)

Année

Superficie forestière
(millions ha)

Volume
(millions m3)

Volume moyen
(m3/ha)

Densité de carbone
(tonnes/ha)

Volume de carbone
(millions de tonnes)

1983

8,59

1 240

144

51

441

1988

8,62

1 320

152

54

469

1996

9,40

1 736

186

65

615

Source: Buksha, 2002.

TABLEAU 2. Projets de boisement proposés à des fins de démonstration, dans le cadre du Protocole de Kyoto

Région

Superficie
(ha)

Volume de CO2 absorbé
(tonnes)

Coût de l’absorption de 1 tonne de CO2
($EU)

Polissya

1 299

138 323

5,7

Centre - Ukraine

933

131 147

4,3

Ouest - Ukraine

1 127

80 288

6,9

Est - Ukraine

1 761

197 026

6,0

Total/moyenne

5 120

546 784

5,8

Bibliographie

Buksha, I. 2002. Contribution of Ukraine’s forestry to minimize climate change risk. In Some aspects of global climate change in Ukraine, p. 132-148. Kiev, Ukraine, FADA. [en ukrainien]

Bulygin, S. 2001. General conception of forming of environmentally sustainable and high productive agrolandscapes. Dans Bulletin of the conference “Condition of Land Resources of Ukraine: Problems and Ways for Solution”, p. 69-74. Kharkiv, Ukraine. [en ukrainien]

FAO. 2001. Évaluation des ressources forestières mondiales 2000 – Rapport principal. Étude FAO Forêts no 140. Rome.

Lakyda, P., Nilson, S. et Shvidenko, A. 1996. Estimation of forest phytomass for selected countries of the former European USSR. Biomass and Bioenergy, 11(5): 371-382.

Schelhaas, M.J., Cerny, M., Buksha, I., Pasternak, V., Cienciala, E., Csoka, P., Galinski, W., Karjalainen, T., Kolozs, L., Nabuurs, G.J., Pussinen, A., Sodor, M. et Wawrzoniak, J. 2004. Scenarios on forest management in the Czech Republic, Hungary, Poland and Ukraine. EFI Research Report 17. Leiden, Pays-Bas, Brill Academic Publishers.

Shevchuk, V., Trofimova, I., Trofimchuk, O., Ivanenko, N., Parasuk, N., Kublanov, S. et Tolkachov, V. 2001. Issues and strategy for fulfilling United Nations Framework Convention on Climate Change. Kiev, Ukraine, Ukrainian Institute of Environment and Resources Research. [en ukrainien]

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