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V. APPROFONDISSEMENT DE LA METHODE ACTIVE DE RECHERCHE PARTICIPATIVE.

Selon, Assane GOUDIABY, Géographe-Botaniste-Environnementaliste et chercheur marpiste de l’Institut des Sciences de 1’Environnement de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal, et l’un des animateurs principaux de l’atelier de KAOLACK, la méthode active de recherche participative, ou MARP, utilisée en milieu rural s’appuie surtout sur les équipes pluridisciplinaires. Ces équipes utilisent un certain nombre de méthodes et de techniques de recherches conduisant à la connaissance effective des problèmes et situations au sein du monde rural.

La MARP en tant que méthode de recherche met en priorité l’accent sur la connaissance et le savoir des populations locales, savoir se référant non seulement à une longue expérience, mais aussi à la connaissance scientifique. Il s’agit donc d’une liaison de deux savoirs en vue de tirer le meilleur résultat de la recherche effectuée par le Marpiste.

La MARP a fait son apparition dans les années 1960 au moment où les chercheurs s’étaient déjà rendus compte de l’échec du transfert technologique en direction des pays pauvres. Les années 1970/80 virent l’apparition de cette nouvelle méthode surtout dans les pays d’Asie. Et c’est vers 1985 que cette méthode fit son entrée, effective en Afrique.

Il s’agit d’une méthode de recherche simple pouvant être utilisée dans la planification l’étude et l’évaluation de toute action de développement.

Pendant un minimum de quatre à cinq jours, l’équipe MARP procédera à la collecte d’informations et établira un répertoire des différentes données du milieu.

L’équipe devra aussi prévoir des moments d’interactions pour évaluer ses activités et programmes, les tâches des jours suivants.

Avant de boucler la mission précurseur, elle présentera les résultats de ses enquêtes aux populations afin de les corriger ou les améliorer.

POUROUOI LA MARP ?

Parce que c’est une méthode participative, peu coûteuse, fiable et rapide. Elle repose sur une meilleure connaissance des populations locales et des réalités du monde rural, c.à.d. l’ensemble des expériences et connaissances accumulées des siècles durant et qui constituent des éléments de base de la culture et. de la technologie locales. Ainsi le savoir traditionnel reçoit le respect qu’il mérite et constitue une pièce  maîtresse sur laquelle on peut effectuer la recherche.

DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE MÉTHODOLOGIE DE LA MARP :

Il en exista 4 :

*    La MARP exploratoire :

Il s’agit du déblayage du terrain ou des premières étapes du projet pour définir les hypothèses préliminaires pour ure recherche approfondie.

*    La MARP thématique :

Utilisée pour répondre à une question clé, spécifique ou pour approfondir un problème.

*    La MARP participative :

Implication des populations rurales à tous las stades de l’oeuvre de développement depuis l’identification jusqu’ à l évaluation finale du projet.

*    La MARP suivi-évaluation :

Il s’agit comme le mot l’indique du suivi et de l’évaluation des actions entreprises.

Différents concepts clés de la MARP.

a)    Processus d’apprentissage

La MARP dans sa méthodologie effectue la collecte des données sur le terrain et les analyse au fur et à mesure afin de renforcer le jugement et la compréhension des chercheurs sur les phénomènes a étudier.

b)    Le savoir traditionnel

Le chercheur ne se fie pas seulement à ses connaissances; il doit respecter et tenir compte des connaissances de la communauté villageoise.

c)    Processus itératif

La méthodologie de la MARP encourage le chercheur à revoir son approche et ses hypothèses au fur et à mesure qu’il acquiert une meilleure connaissance des problèmes étudiés.

d)    Flexibilité

La vision claire du type d’information recherchée est nécessaire. Le chercheur doit être flexible et préparé à s’adapter à toute situation nouvelle.

e)    Innovation

Les techniques et outils utilisés évoluent; d’o ù le chercheur doit être ouvert à toute technique nouvelle.

f)    L’interaction

La MARP met l accent sur l’interaction entre chercheurs d’une part, et chercheurs et populations locales d’autre part.

g)    Participation

Le chercheur ne doit pas considérer les personnes interrogées comme objet d’étude, mais plutôt comme des acteurs dans le processus de recherche.

h)    La multidisciplinarité

La MARP s’appuie sur la multidisplinarité des problèmes et des enquêteurs.

i)    L’exploration

Les meilleurs résultats de recherche sont ceux auxquels on ne s’attend pas. La curiosité étant une des vertu de la MARP, le chercheur doit être préparé à découvrir des centres d’intérêt pouvant modifier le cours de l’étude.

LA CLÉ ET LA PORTÉE DU DIAGNOSTIC RAPIDE EN MILIEU RURAL.

La clé du Diagnostic Rapide en Milieu Rural ou RRA, l’autre nom de la MARP repose sur deux thèmes :

-   

La recherche de l’ignorance optimale (spécifique)

-   

Le processus de triangulation (diversification)

La méthodologie de la MARP n’a pas la prétention d’une précision absolue. Elle met plutôt l’accent sur l’approche qualitative, c’est à dire qu’elle s’attelle à découvrir sil y a dégradation ou amélioration d’une situation. Toutefois elle a le souci d’optimiser les résultats. C’est pourquoi la MARP recommande d’éviter toute dispersion. Avant de se lancer dans une recherche sur le terrain, les objectifs spécifiques et précis  devront être fixés.

Quant à la diversité dans 1'analyse, elle est atteinte à travers la triangulation, c. à.d.1'utilisation de plusieurs sources (au moins trois) dans la collecte de 1'information ou dans 1'analyse d'un phénomène. Le principe étant que "plus les sources sont diversifiées, moins il y a d'erreurs."

Par ailleurs, la MARP recommande que la composition des équipes de chercheurs tienne compte de la multidisciplinarité, et que celles-ci soient composées d'hommes et de femmes pour éviter des biais, c. à. d.les obstacles ou les handicaps.

Cependant la MARP reconnaît 1'impossibiliteé d'éliminer tous les biais qui sont du reste de plusieurs natures:

-   

biais spatial (tendance des chercheurs à favoriser les zones accessibles)

-   

biais de saison (tendance à mener les recherches pendant les périodes confortables de l'année)

-   

biais liés au statut économique et social (tendance à rencontrer les personnalités influentes ou les plus aisées)

-   

biais sexuel (tendance à rencontrer plus d'hommes que de femmes)

-   

biais de politesse : information livrée par politesse et non loyalement)

-   

biais lié aux attentes des populations (perception de l'équipe de recherche comme porteuse d'une action de développement).

L’INGNORANCE OPTIMALE

Le temps est une ressource précieuse pour 1'équipe MARP. Le concept d’ignorance optimale prend en compte le principe de faire un meilleur usage du peu de temps dont on dispose, c. à. d. qu'il faut arriver à. collecter le maximum d’information en un minimum de temps possible; d'où il faut focaliser 1'attention sur les informations utiles, même si cela n'est pas facile dans la pratique. C'est pour cela qu'il faut définir clairement d'avance les objectifs de l'enquête.

LE DEGRÉ ACCEPTABLE D'IMPRÉCISION

La MARP ne cherche pas forcément des dates précises, par exemple. C'est pour cela qu'elle permet un minimum d'imprécision.

Par ailleurs les outils utilisés par la MARP pour collecter des données sont nombreux : l'observation directe, les interviews de groupe, les diagrammes, les jeux et les jeux de rôle, les anecdotes, les proverbes, le travail en atelier, ou des outils visuels dont la nature varie selon le type d'informations recherchées. Ainsi, pour collecter des données temporelles, on utilise le profil historique qui permet de connaître l'historique du village choisi pour une étude, la signification de son nom, ceux qui l'ont fondé, ainsi que les grands événements qui l'ont marqué dans le temps. Pour obtenir des données temporelles, on utilise également le calendrier saisonnier comme cutil. II permet d'avoir des informations sur les activités des populations au cours de l'année, davoir une idée précise des problèmes qui se posent à elles, comment le temps est localement divisé et quelles sont les activités des populations au cours des différentes périodes de l'année. On peut enfin se servir de la Matrice historique : surtout dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, cet outil permet de mieux connaître la situation d'un potentiel donné dans le temps.

Pour collecter des données spatiales, la MARP confectionne des cartes destinées à représenter le terroir villageois, à visualiser l'espace et son occupation, à localiser les ressources, les activités et les problèmes des populations. Elle utilise généralement deux types de cartes : les cartes du village (habitations, infrastructures) et les cartes de ressources (l'utilisation des terres, les types de sol et leur utilisation). Les cartes reproduisent également des informations sur la topographie, la végétation, les zones agro- écologiques, la disponibilité en eau, etc. On utilise également le transect qui est un outil de synthèse du terroir, une coupe topographique montrant les principales zones d'utilisation des terres. Il est utilisé par les villageois qui connaissent bien leur terroir.

Les données socio-institutionnelles quant à elles sont collectées grâce au diagramme de Venn qui est un schéma simplifié présentant l’information sous forme visuelle et condensée de manière à mieux faciliter la compréhension. Le diagramme de Venn sert notamment à collecter des informations sur les personnes et les organisations (à l' intérieur et à l'extérieur du village).

Le diagramme de Venn doit être fait sur le terrain après l'élaboration d'un guide d'entretien, et de manière suivante :

-   

les limites du villages sont matérialisées par un cercle; 

-   

les individus, regroupements, associations, institutions etc. sont représentés selon leur nature par des figures découpées généralement en 4 ordres de grandeur;

-   

tout ce qui est dans le village est représente dans un cercle;

-   

tout ce qui est extérieur au village est représente hors du cercle;

-   

les intersections sont représentées par des cercles superposés;

-   

le degré de superposition traduit l’étroitesse de la collaboration entre deux ou plusieurs éléments en relation;

-   

l’idéal est de laisser les populations elles mêmes se charger de cette tâche;

-   

au fur et à mesure que les figures sont placées, on remarque les critères de différenciation;

-  

or. peut également marquer l ‘intensité des relations par des flèches. 

Il existe aussi le diagramme des flux il montre les relations de flux entre les différentes entités et permet de voir les localités avec lesquelles le village entretient des relations, la nature et l’intensité de ces relations. 

Quant à la collecte des données socio-économiques, elle utilise comme outils la Matrice préférentielle (gui présente les préférences des populations par ordre de grandeur), la Matrice de classement par ordre de richesse (gui permet de connaître les catégories sociales gui existent dans le village, ainsi que l’arbre .à problèmes qui établit des relations de cause à effet entre les phénomènes.

En guise d’exemple, 7 thèmes pouvant faire l’objet d’une recherche et d’une application de la MARP dans le cadre de l’atelier de Kaolack ont été inventoriés le maraîchage, l’alphabétisation fonctionnelle, la lutte contre l’érosion, le choléra et le Programme Elargi de Vaccination, l’auto promotion paysanne dans la gestion des ressources naturelles, la scolarisation des filles, l’état civil.

Des représentants des services techniques concernés par ces thèmes sont même venus pour donner d’amples explications sur les sujets en question. Et l’on ne saurait tirer des leçons de la MARP si l’un ne va pas jusqu’au bout de l’exercice, à savoir des travaux pratiques sur le terrain. C’est ainsi par exemple que des exercices d’interviews semi-structurées ont aussi été organisés autour des thèmes suivants:

  1. Maraîchage
  2. Erosion des sols
  3. Scolarisation des filles

Dans chacun des trois groupes constitués à cet effet, un des membres devait jouer le rôle du chercheur, un autre celui de l’informateur clé, un troisième devait prendre des notes. Chaque groupe devait élaborer rapidement un guide d’entretien.

ORGANISATION ET GESTION D’UNE MARP. 

- Le choix du thème détermine le type de MARP en fonction des objectifs de l’étude et des critères de choix du 21 village.

- La répartition des aspects logistiques de la MARP et la négociation des dates avec le village se font en fonction des réalités locales.

- La composition de l’équipe doit tenir compte de la pluridisciplinarité, si possible inclure au moins une femme, une personne connaissant le milieu, et un chef expérimenté.

- Il faut des séances de travail pour préciser les informations à collecter pour chaque objectif, et confectionner les premiers guides d’entretien ainsi que les types d’outils pour chaque objectif.

- Séjour au village : Insertion daris le milieu, précision des objectifs et des conditions de travail, choix du moment propice pour faire le profil historique, la carte des ressources pouvant être faite le soir, par exemple; répartition des tâches du lendemain, division des tâches au sein de l’équipe, collecte et traitement analytique des données, discussion et interactions avec les habitants, synthèse des informations et restitution des informations avec les habitants. 

- Rédaction du rapport. Lecture des notes, suivie de compléments des autres membres de l’équipe, mise en commun des informations, organisation de l’ information, analyse de l’information, réflexion sur le plan de la rédaction qui comporte quatre parties : la méthodologie, la présentation du terroir, le thème, et les conclusions et recommandations.

NOTE SUR LA GESTION DES CONFLITS

Des conflits peuvent surgir au sein de l’équipe, par manque d’esprit d’équipe, mauvais fonctionnement de l’interdisciplinarité, taille démesurée de l’équipe, définition insuffisante de l’objectif, divergences de points de vue, monopole de la parole par certains membres de l’équipe, autoritarisme du chef d’équipe etc.

Des conflits peuvent également surgir entre l’équipe et la population. Ceux là sont dus pour la plupart du temps au manque d’expérience, au mauvais choix des interlocuteurs, aux conflits antérieurs du village avec d’autres équipes de chercheurs, au non respect des coutumes, aux objectifs mal définis, à une mauvaise approche des questions sensibles.

Démarche à suivre avant, pendant et après le séjour au village.

Il faut. bien sûr désigner un chargé de la logistique et un responsable du protocole; consulter le cahier des rôles du village chaque jour, connaître les noms et activités des personnes avec lesquelles l’équipe a travaillé; faire un plan de travail salle après le séjour au village; faire un tour de table pour confier la rédaction et la conclusion à un seul membre de l’équipe en fonction des domaines de compétence et des centres d ‘intérêt analyser les graphiques et tableaux. Des discussions sont nécessaires sur la nature des cadeaux à donner au village et sur ceux que l’équipe pourrait accepter du village. Ici le mieux est de se conformer aux coutumes en vigueur. Par ailleurs, à propos de la restauration de l’équipe, il est vivement recommandé de ne jamais constituer une charge pour le village.

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