SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO
PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL |
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Une Mission FAO/PAM d’évaluation des récoltes et de la sécurité alimentaire a séjourné en Haïti du 16 juin au 13 juillet 2010 pour estimer la production vivrière de la saison de printemps 2010 et les prochaines récoltes des saisons d’été et d’automne/hiver ainsi que les besoins d’importations céréalières pour l’année commerciale 2010/11. Les techniciens du Ministère de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (MARNDR) ont prêté leur concours à la Mission dans la capitale Port-au-Prince et sur le terrain. En particulier, les responsables de l’unité d’Étude et de programmation et du service statistique du MARNDR ainsi que la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA) avec leur structure d’Observatoires, ont participé activement aux tâches administratives et aux activités sur le terrain et ont fourni des renseignements détaillés sur la situation alimentaire actuelle et à venir.
La Mission a eu des entretiens à Port-au-Prince avec plusieurs responsables de services publics, institutions et organismes de coopération bilatérale, notamment ceux du MARNDR, du Ministère de l’économie et des finances, de la Banque interaméricaine de développement, de la Banque mondiale, de la Commission européenne, de l’USAID ainsi que des ONGs. Parallèlement, la Mission a collecté des données et des documents aux niveaux national et départemental sur les agrégats macro-économiques, la sécurité alimentaire, les conditions météorologiques et l’impact du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Les principaux négociants céréaliers du secteur privé ont également été rencontrés. Une formation de deux jours a été organisée à Port-au-Prince à l’endroit des représentants de la CNSA et des Directions départementales agricoles (DDA) sur la méthodologie de collecte des données utilisée dans l’évaluation des récoltes et de la sécurité alimentaire.
Deux équipes ont été formées pour visiter tous les dix départements et les quatre sous-départements géographiques du pays. La première équipe a visité les départements du Centre, de l’Artibonite et du grand nord et la deuxième les départements de l’Ouest et du grand sud jusqu’à la Grand’Anse. Durant 11 jours sur le terrain, les équipes ont mené plusieurs entretiens avec divers informateurs sur la situation agricole et alimentaire 2010. La Mission s’est beaucoup déplacée sur le terrain pour observer et évaluer les cultures sur pied (Annexe 1); elle s’est entretenue avec les exploitants agricoles au sujet de leur expérience et de leur évaluation de la campagne agricole de printemps 2010 et des niveaux de sécurité alimentaire. Des marchés ont été visités dans tous les départements afin d’évaluer la disponibilité et les niveaux de prix des produits vivriers. La Mission s’est rendue à la frontière avec la République dominicaine pour estimer les flux transfrontaliers et les échanges informels entre les deux pays.
Pour la campagne de printemps 2010, les pluies ont démarré entre avril et mai, selon les zones, avec un retard de un mois à un mois et demi sur la normale. Ce retard est survenu après une période particulièrement sèche durant l’hiver 2009/10, sauf au sud, où l’on a noté des pluies importantes en janvier 2010. Dès le démarrage des pluies en avril/mai, celles-ci ont été généralement plus abondantes que la normale sauf dans le Nord-Ouest, dans certaines Communes de l’Artibonite, ainsi que dans la région de l’épicentre du tremblement de terre. Ce retard des pluies s’est traduit par des réductions des surfaces cultivées durant la campagne de printemps, qui seront en partie compensées par la campagne d’été grâce aux bonnes pluies généralisées de juin/début juillet.
Dans les zones où les pluies ont été insuffisantes, le haricot a été le premier touché alors que le maïs a surtout été affecté dans les montagnes sèches. Dans les zones plus humides du pays (Nord, Nord-Est, Sud, plateau central, Ouest et la Grand’Anse), le retard du démarrage de la saison des pluies n’a pas affecté la campagne car dans ces zones il peut pleuvoir tous les mois et ces pluies permettent aux agriculteurs de préparer leurs terres à temps. Cependant, un excès de pluies a par endroit négativement affecté le haricot, surtout dans les Départements du Sud-Est, Sud, Centre et Nord-Est.
La situation phytosanitaire est un peu plus préoccupante cette année en raison des retards et ensuite de pluies importantes qui ont favorisé le développement de maladies, notamment la mosaïque du haricot (Sud-Est), la Sigatoka noire de la banane, les chenilles sur le maïs (Artibonite, Ouest) ainsi que les attaques de fourmis envahissantes (Grand’Anse, Nord).
Pour la campagne de printemps 2010, la Mission prévoit une diminution de la production de haricot de 17 pour cent et une légère diminution du maïs, du sorgho et de la banane plantain, respectivement de 8,4 et 5 pour cent par rapport à la campagne de printemps de 2009. La production de tubercule se maintient par rapport à l’année précédente. La pluviométrie reste le principal facteur de production car l’emploi d’engrais et de semences améliorées, en dehors des zones irriguées, reste très limitée et ceci malgré les différents programmes mis en place. L’accès aux semences pour les familles les plus vulnérables touchées par le tremblement de terre a toutefois été un facteur limitant. Les périmètres irrigués sont quant à eux bien approvisionnés en eau et grâce à une meilleure disponibilité en intrants (engrais, semences, crédit) par rapport à 2009, la Mission anticipe une augmentation de la production du riz de 15 pour cent pour la campagne d’été 2010.
Les besoins d’importations de céréales, légumineuses et banane exprimés en équivalent céréalier pour la campagne de commercialisation 2010/11 (juillet/juin) sont estimés à près de 711 000 tonnes, dont 525 000 tonnes devraient être importées par voie commerciale. Le déficit non couvert est estimé à 186 000 tonnes.
Les enquêtes de ménages réalisées en février et juin 2010 dans les zones directement affectées par le séisme ont montré que le pourcentage de ménages faisant appel à des stratégies de survie alimentaires et des sources alimentaires et de revenu non durables a baissé de 52 à 39 pour cent tandis que le pourcentage de ménages avec une consommation alimentaire pauvre et limite est passé de 31 à 27 pour cent, bien que le taux de consommation pauvre et limite reste au dessus de celui d’avant le séisme dans ces zones. L’aide humanitaire avec la reprise des activités de l’agriculture, grâce entre autre, à la distribution de semences et d’engrais, l’accès aux activités génératrices de revenus espèces/vivres pour travail, ainsi que la reprise du commerce des denrées agricoles et non agricoles, ont pu avoir un impact positif sur l’accès des ménages à l’alimentation.
La Mission a identifié trois zones du pays nécessitant un suivi particulier de la situation de la sécurité alimentaire dans les prochains mois: il s’agit du Nord-Ouest, du Plateau central et de l’Ouest, qui sont en situation de risque due à de pauvres récoltes. Toutefois, l’insécurité alimentaire reste également présente dans les autres régions du pays.
Haïti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental et est classé parmi les pays à faible revenu et à déficit vivrier. Selon le dernier Rapport mondial sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement en 2007, Haïti se classe au 149ème rang sur 182 pays dans l’indicateur du développement humain, avec un PIB (PPP) par habitant de USD 1 155, le niveau plus bas en Amérique latine. Plus de 47 pour cent de la population vit sous le seuil de pauvreté de USD 1 par jour et 68 pour cent sous le seuil de pauvreté de USD 2 par jour.
Le pays est situé sur la principale trajectoire des cyclones atlantiques et est exposé à des tempêtes importantes de juin à octobre. Le degré élevé de déboisement, accompagné d’une profonde pauvreté et d’une forte densité démographique, rend le pays extrêmement vulnérable aux aléas climatiques. Comme l’illustre le tableau 1 ci-dessous, une impressionnante série de catastrophes naturelles a touché presque 3,5 millions de personnes depuis 2004.
Événement | PIB affecté (%) | Personnes affectées | Décès |
2004 cyclone Jeanne | 7 | 300 000 | 5 000 |
2007 cyclones Dean & Noël | 2 | 194 000 | 330 |
2008 cyclones Fay, Gustav, Hanna & Ike | 15 | 1 000 000 | 800 |
2010 séisme | 120 | 2 000 000 | 222 500 |
Total | 3 494 000 | 228 630 |
Le principal secteur productif est l’agriculture qui connaît toutefois un déclin constant en raison de la diminution de la taille des exploitations agricoles, de l’érosion des sols et d’un investissement insuffisant en matière d’irrigation, de stockage et de transport. En fait, l’agriculture, l’élevage et la pêche représentent environ un quart du PIB et servent de moyens d’existence à environ deux tiers de la population. L’industrie et les services représentent, respectivement, 16 et 52 pour cent.
Le PIB réel a subi une diminution entre 2000 et 2004 dans un contexte tendu résultant de l’incertitude politique. L'amélioration de la stabilité politique et économique, ainsi que l'importance des mouvements de soutien ont contribué à une augmentation de 2 pour cent environ du PIB en 2004/05 marquant ainsi le début d'une phase de relance qui s’est consolidée dans les années suivantes. La seule exception s’est produite en 2008, avec une augmentation de 0,8 pour cent seulement du PIB à la suite d’une saison des ouragans particulièrement active puisque quatre grands ouragans ont frappé le pays en moins de deux mois et ont causé des dommages pour un montant équivalant à 15 pour cent environ du PIB. C’est néanmoins le récent séisme du 12 janvier 2010 qui a durement interrompu le cycle économique globalement positif des cinq dernières années en provoquant des dégâts équivalant à 120 pour cent du PIB. En 2010, les estimations prévoient une réduction de 8,5 pour cent du PIB haïtien qui devrait commencer à regagner du terrain en 2011 grâce à l’importance de l’assistance étrangère et des transferts de fonds, ainsi qu’à une expansion du secteur du bâtiment.
Depuis le milieu des années 90, les envois de fonds de la diaspora haïtienne aux États-Unis d’Amérique, au Canada et en République dominicaine ont suivi une courbe ascendante en tant que pourcentage du PIB et sont aujourd’hui estimés à USD 1 milliard par an en moyenne, soit environ 20 pour cent du PIB. Ce soutien est manifestement crucial en termes de consommation privée. Après avoir enregistré un léger recul de 5 pour cent en 2009 comme conséquence de la crise économique internationale, les fonds reçus durant les trois premiers mois de l’année 2010 ont augmenté d’environ 20 pour cent par rapport à la même période de 2009, en raison de l’élan de générosité des Haïtiens qui vivent à l’étranger face à la crise humanitaire.
On estime environ à 35 pour cent le chômage de la population active, alors que le sous-emploi se maintient à 60 pour cent. Les travailleurs à temps plein sont, en majorité, des paysans qui se consacrent à l’agriculture de subsistance sur 600 000 petites parcelles de terre. Il existe, essentiellement dans les centres urbains, un très grand secteur informel qui, selon les estimations, absorbe plus d’un million de travailleurs. En termes d’emploi formel, le principal employeur est l’administration publique qui offre quelque 50 000 emplois.
En 2008, le taux d'inflation annuel a atteint 15,5 pour cent, soit pratiquement le double qu'en 2007, dû essentiellement à la flambée des prix des aliments et des carburants qui a provoqué par la suite des émeutes populaires. En 2009, l’inflation est restée négative de mai à novembre, date à laquelle les prix ont recommencé à augmenter légèrement en raison de la hausse des cours internationaux du pétrole, le taux final étant estimé de façon préliminaire à environ 2 pour cent. Les prix ont connu une nouvelle flambée après le tremblement de terre et l’inflation devrait, selon les estimations, atteindre environ 11 pour cent à la suite de la réduction des approvisionnements, de la hausse des coûts du transport, de l’afflux de travailleurs humanitaires étrangers et d’appuis financiers provenant de l'assistance étrangère
La gourde haïtienne (HTG) a suivi une tendance graduelle à la dépréciation nominale en 2009: le taux de change était de HTG 39,8 par USD en octobre 2008, puis est passé à HTG 41,9 en octobre 2009. L’interruption temporaire des importations après le séisme (en particulier de carburants qui représentent environ 30 pour cent du total) due essentiellement à la destruction des installations portuaires a eu un effet immédiat sur la valeur de la gourde par rapport au USD, car une plus grande quantité de devises est restée aux mains du système bancaire. Le taux de change officieux s’est revalorisé d’environ 25 pour cent et a atteint HTG 30 fin janvier. La valeur de la gourde a toutefois reculé depuis lors et oscille maintenant autour de HTG 40,5, les mouvements de trésorerie s’étant améliorés avec la réouverture des banques et des agences de transfert.
La baisse de la production nationale, fortement compromise par le tremblement de terre et la brusque augmentation de la demande d’aliments importés et de matériaux de reconstruction vont sans doute se traduire par une aggravation importante des déficits en compte courant et commercial d’Haïti cette année. Dans le même temps, les exportations haïtiennes (essentiellement la confection, l’huile végétale, le cacao et les mangues) vont probablement diminuer sous le coup des effets de la crise financière sur la demande internationale. Les donations étrangères et les envois de fonds vont toutefois aider à compenser partiellement le déficit du compte des opérations avec l'étranger.
Les importations vivrières représentent près de 25 pour cent des importations totales et 50 pour cent des disponibilités alimentaires. Les principales denrées alimentaires importées sont le blé, le riz, le sucre (raffiné et brut), l’huile de palme et l’huile de soja, la viande de poulet et le lait concentré. Les États-Unis d’Amérique sont le principal partenaire commercial et exportent vers Haïti les plus grandes quantités de riz et de blé. Durant ces dernières années, les cultures de rente traditionnelles comme le café, le sisal et le sucre ont été remplacées par des cultures vivrières de subsistances telles que le riz, le maïs, le sorgho, le millet et les fèves.
Depuis l’embargo international qui a suivi le coup d’État de février 1991, les échanges transfrontaliers non enregistrés avec la République dominicaine ont pris de l’importance. Les principaux produits haïtiens exportés vers la République dominicaine sont le bétail, le maïs (environ 12 000 tonnes), le pois congo frais (environ 5 000 tonnes), les mangues, le tamarin et les avocats ainsi qu’une quantité considérable de riz (environ 13 000 tonnes) et de haricots secs (près de 10 000 tonnes) importés des États-Unis. À l'inverse, la République dominicaine exporte informellement vers Haïti quelque 10 000 tonnes de brisures de riz (cabecit) et 12 000 tonnes de semoule de maïs ainsi que des noix de coco, des bananes plantains et des bananes figue-vertes de deuxième classe (environ 20 000 tonnes) et des œufs.
L’investissement et l’accès au crédit commercial sont insignifiants, ce qui accentue la dépendance du pays vis-à-vis de l’aide publique au développement et des prêts. En outre, plusieurs remises de dette sont intervenues pour stimuler la reconstruction, après celles d’un montant de USD 1.4 milliard convenues dans le cadre de l’Initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE) du FMI et de la Banque mondiale. Actuellement, le principal créancier est le FMI auquel le gouvernement doit quelques USD 270 millions.
Le dernier recensement démographique a été effectué en 2003 par l’Institut haïtien de statistique et d’Informatique qui a estimé la population à 8.37 millions d’habitants. Le département de l’Ouest, qui comprend la capitale Port-au-Prince, représente 37 pour cent de la population totale. Viennent ensuite, en termes de population, les départements de l’Artibonite (16 pour cent) et du Nord (10 pour cent). Le Nord-Est et le Centre sont les départements les moins peuplés et à plus faible densité démographique. Près de 60 pour cent de la population vivent dans des régions rurales, mais le taux d’urbanisation s’accélère à un rythme alarmant, étant passé de 3,5 pour cent par an pendant la période 1971-1982 à 4,7 pour cent par an de 1982 à 2003. La densité moyenne est remarquable avec environ de 360 habitants par km carré. La population haïtienne est très jeune ; plus de la moitié des habitants a moins de 21 ans et 5 pour cent seulement ont plus de 65 ans, ce qui traduit la faible espérance de vie.
Selon les dernières projections officielles, la population est estimée, en 2010, à 10 085 000 personnes; sur la base du taux de croissance démographique moyen par an, qui est de 1,84 pour cent, la Mission projette une population de 10 270 000 personnes pour la mi-2011.
Les terres arables et les cultures permanentes représentent environ 40 pour cent de la superficie totale, dont 18 pour cent sont consacrés à des pâturages permanents, le reste étant occupé par des montagnes. La couverture forestière du pays s’est considérablement réduite au cours des 30 dernières années par suite de la demande de terre des agriculteurs et de l'utilisation du bois pour la cuisson ou la production de charbon de bois pour la vente. Actuellement moins de 2 pour cent du territoire peuvent être classés comme forêt dense. Le climat est considéré tropical, mais le relief montagneux rend les écosystèmes très variables, avec des régions sèches et semi-arides dans le nord-ouest et des montagnes très humides dans le sud et le centre.
Selon des données préliminaires du Recensement général de l’agriculture 2010 rendues disponibles par le MARNDR/FAO, l’agriculture est pratiquée par un peu plus d’un million d’exploitations agricoles disposant en moyenne de moins de 1,5 ha divisé en plusieurs parcelles. Les plaines occupent seulement 550 000 ha, mais la forte demande alimentaire pousse les agriculteurs à cultiver environ 420 000 ha des terres marginales inaptes à la production agricole. L’insécurité foncière qui est présente partout à travers le pays, est causée par plusieurs facteurs notamment l’extension des surfaces en indivision, la non-légalisation des transactions foncières, l’aliénation du foncier en fermage, l’appropriation de surfaces importantes par des absentéistes et l’attribution de terres en métayage.
Selon les zones agro-écologiques, on distingue trois campagnes principales: la campagne de printemps dont la récolte à lieu de juin à fin août, la campagne d’été dont la récolte à lieu en septembre/octobre et la campagne d’automne dont la récolte a lieu de janvier à mars. La campagne de printemps représente environ 50 pour cent da la production nationale du maïs, sorgho, légumineuses, tubercules et bananes plantains. Pour le riz, la campagne d’été représente plus de 50 pour cent, essentiellement dans la Vallée de l’Artibonite.
Les cultures pures occupent environ 40 pour cent de la superficie agricole totale et les 60 pour cent restants regroupent les associations de cultures constituées essentiellement du maïs associé au sorgho, aux haricots ou aux pois. Les rendements céréaliers sont en général faibles et les pertes après récolte élevées en raison de l’insuffisance des infrastructures de séchage et de stockage des grains. Ces pertes peuvent atteindre jusqu’à 15 à 35 pour cent des récoltes selon la culture. Les techniques de production sont très rudimentaires avec une disponibilité et un accès très limités aux intrants agricoles tels que semences de qualité, fertilisants, pesticides, produits vétérinaires, aliments pour le bétail, outils, machinerie, etc. La consommation annuelle d’engrais est estimée entre 25 000 et 30 000 tonnes et essentiellement concentrée dans les exploitations productrices de riz et de légumes dans la Vallée de l’Artibonite. L'état des routes en milieu rural est très mauvais à cause du manque d'entretien et des fréquentes pluies torrentielles qui rendent pratiquement inaccessibles plusieurs zones à fort potentiel de production. Le manque de structures adéquates de stockage oblige les producteurs à vendre leurs produits immédiatement après la récolte.
La superficie irriguée ne représente que 80 000 hectares environ, dont plus de 40 pour cent sont concentrés dans la Vallée de l’Artibonite, tandis que le reste couvre en particulier les plaines des Cayes (Département du Sud), Jacmel (Département du Sud-Est) et le Plateau Central dans le reste du pays. Les systèmes d’irrigation ont subi à travers le temps des détériorations importantes imputables au manque d’entretien et aux cyclones périodiques.
En règle générale, les ménages ruraux possèdent quelques têtes de bétail qu’ils élèvent dans le cadre de vastes systèmes pastoraux ou détritivores (animaux se nourrissant des détritus des jardins à l'arrière des habitations). Le bétail est plus important dans les départements du Sud, de l’Artibonite et de l’Ouest. De façon générale, la contribution du bétail au régime alimentaire local est faible et les bovins, les ovins, les chèvres et les cochons constituent une trésorerie pour les dépenses courantes et un capital sur pied pour les investissements importants. Enfin, la pêche est une activité très importante pour de nombreux ménages, occupant à temps plein ou partiel plus de 50 000 d’entre eux.
2.3.1 Les interventions en cours développées par la FAO
En accord avec les objectifs stratégiques du Gouvernement, la FAO a préparé un Programme triennal d’urgence et de réhabilitation en soutien au Plan d’investissement du gouvernement de Haïti. Ce Programme vise à soutenir les efforts du Gouvernement d’Haïti afin d’apporter une réponse immédiate aux besoins en nourriture, tout en redressant, en revitalisant et en modernisant, à plus ou moins court terme, un secteur agricole qui s’avère essentiel pour l’économie et la stabilité sociale du pays. Les interventions proposées doivent permettre de répondre aux besoins immédiats, tout en incluant une vision du développement à plus long terme. L’assistance de la FAO vise à contribuer à réduire les niveaux d’insécurité alimentaire à travers un éventail d’activités efficaces, ciblées et planifiées dans le but d’augmenter la production de nourriture, l’emploi rural et les sources de revenus, ainsi que d’accroître les moyens de subsistance.
Le Programme est conçu autour de trois axes directement liés les uns aux autres:
la coordination ;
l’appui à la sécurité alimentaire ;
la réduction des risques de catastrophes naturelles.
Les activités de la FAO pendant la saison de printemps (principalement la distribution d’intrants agricoles) ont permis d’atteindre plus de 72 000 familles vulnérables et ce sont près de 120 000 ménages ruraux et urbains qui sont visés par l’assistance de la FAO pour la saison d’été.
L’élément principal de la coordination de la réponse agricole est constitué par la mise en place d’un cluster de sécurité alimentaire, en mesure d'intégrer la nutrition et les questions de genre. La FAO fournit également un soutien direct au Ministère de l'Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement (MARNDR) afin qu’il soit en mesure de gérer avec efficacité la coordination des intervention dans le secteur l'agricole, en prenant en compte la nutrition et en s'assurant de la bonne mise en œuvre des projets financés par la communauté des donateurs. Une telle assistance doit permettre de développer une approche commune des interventions pour la sécurité alimentaire, la nutrition et les moyens de subsistance, notamment par la définition de stratégies coordonnées au sein du groupe de concertation sur la sécurité alimentaire.
Parallèlement à l’assistance fournie au MARDNR, la FAO s’attache également à renforcer la capacité de la Coordination Nationale pour la Sécurité Alimentaire (CNSA) à recueillir et à analyser les données au niveau des unités administratives, en concertation avec les observatoires départementaux de la sécurité alimentaire, de manière à ce que la méthodologie du contrôle de la sécurité alimentaire puisse inclure au moins un indicateur de nutrition. Ces données, particulièrement les informations sur la situation des familles par rapport à la sécurité alimentaire et la nutrition, sont régulièrement communiquée aux donateurs et autres partenaires humanitaires.
La FAO concentre son appui à la sécurité alimentaire en la production des cultures vivrières. L'objectif de l'assistance est de réhabiliter la capacité de production alimentaire des familles rurales les plus vulnérables affectées par le tremblement de terre et des communautés qui accueillent les populations déplacées. Cette stratégie est soutenue par une assistance particulière à la production locale de semences afin d’intensifier durablement de la production vivrière. L’utilisation de semences et de matériel végétatif de qualité et de variétés améliorées permet en effet l’augmentation de la productivité et donc de la production vivrière en premier lieu. Cette composante également un appui à la production maraîchère en zone urbaine et périurbaine (HUP) pour l’amélioration des conditions de vie des populations affectées par le tremblement de terre. Cette assistance contribue à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations urbaines vulnérables à la malnutrition, incluant plus particulièrement les populations directement sinistrées et déplacées suite au tremblement de terre. Enfin, la FAO soutient la création d’opportunités d’emploi et de revenu dans le secteur élevage traditionnel ainsi que dans le secteur traditionnel des pêches. Cette assistance contribue à l’augmentation de la circulation monétaire en zone rurale par la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus ainsi que l’offre de produits alimentaires d’origine animale produits localement.
L’appui de la FAO à la réduction des risques liés aux désastres naturels vise avant tout à la relance des exploitations situées dans les bassins versants. La FAO fournit un appui immédiat aux populations affectées par le séisme, tout en construisant les fondations pour des interventions à plus long terme liées au reboisement, au développement de l'agriculture durable et à la gestion des bassins versants. La stratégie de mise en œuvre est orientée sur la génération de revenus à travers des programmes d'investissement à haute intensité de main d'œuvre (HIMO). Pour des raisons stratégiques, la priorité a été donnée aux zones des bassins versants directement reliés à des zones irriguées (nettoyage des canaux primaires et secondaires, réhabilitation des routes rurales dans les zones irriguées), car elles sont en mesure de contribuer de manière significative à l'amélioration de la sécurité alimentaire des populations locales. L’autre élément central de cette composante concerne l’amélioration de la prévention et de la préparation aux désastres naturels. La FAO apporte en effet une assistance directe au Gouvernement d’Haïti afin de soutenir la sécurité alimentaire des agriculteurs et des communautés locales par l’augmentation de la résilience des écosystèmes et par la réduction de la dégradation environnementale et des pertes dans le secteur agricole.
Le séisme du 12 janvier 2010 a eu un impact considérable en termes de pertes de vies humaines et de dommages causés aux infrastructures (en particulier dans les secteurs du logement et du transport) et au système administratif. Il a eu également des effets directs sur l'agriculture et a sérieusement compromis les infrastructures rurales telles que les systèmes d'irrigation, le stockage des produits alimentaires et les installations de traitement dans les zones proches de l’épicentre. L’impact le plus significatif du séisme sur l’agriculture a toutefois été dû aux effets indirects de l’exode de quelque 600 000 personnes qui ont quitté les zones urbaines pour se réfugier dans les zones rurales. Cette situation a créé un choc profond et brutal dans les villages ruraux d’accueil où les ménages pauvres ont du faire face à des dépenses additionnelles pour soutenir et alimenter les personnes déplacées en provenance des villes, ce qui les a obligés à vendre en catastrophe du bétail et des outils agricoles et à puiser dans les stocks de nourriture et de semences.
En mars 2010, le MARNDR a estimé les pertes du secteur agricole dues au séisme à USD 31 275 000 dont USD 5 000 000 représentent les pertes liées au déficit de la production agricole.
La réponse à apporter se base sur le «Plan d’action pour le relèvement et le développement national d’Haïti» préparé dans le cadre du «Post Disaster Need Assessment» (PDNA). Le Plan a les objectifs suivants:
augmenter l’offre de produits alimentaires agricoles dans le pays, à travers la disponibilité des intrants agricoles au niveau des différentes zones de production et l`amélioration des circuits de commercialisation;
définir des programmes et des stratégies d’intégration des populations déplacées;
améliorer l‘accessibilité aux produits alimentaires par une augmentation de la circulation monétaire (création d`emplois dans le milieu rural);
intégrer la production nationale/assistance alimentaire par la recherche de contrats de fourniture de denrées alimentaires locales aux grandes ONG internationales, au PAM, au programme de cantines scolaires, etc.;
préparer la prochaine saison cyclonique.
Ce Plan propose un ensemble d’actions prioritaires devant assurer la stabilité de la production agricole et faciliter l’accès physique et économique à la nourriture pour les ménages. Les actions sont à court terme visant à répondre à l’urgence (6 mois) mais également à moyen-long terme (7 à 60 mois) avec une perspective structurante d`augmentation significative de la production agricole nationale en conformité avec la politique de développement agricole en cours de finalisation. En particulier, les actions à moyen-long terme sont développées dans le «Plan national d’investissement agricole» du MARNDR et s’articulent autour de trois grands axes d’intervention: (i) les investissements en infrastructures rurales (aménagement des bassins versants et irrigation); (ii) les appuis directs à la production et au développement des filières (accès aux intrants, crédit, gestion post récolte, commercialisation, achats locaux); et (iii) le développement des services publics agricoles de base et l’appui institutionnel (accès à la terre, recherche, formation, vulgarisation).
L’agriculture haïtienne est principalement pluviale et la production est fortement influencée par la quantité et la répartition des pluies. En général, les précipitations sont caractérisées par une distribution bimodale durant l’année avec une grande saison de pluies de mars/avril à juin/juillet (saison de printemps) et une petite saison de pluies d’août/septembre à novembre/décembre (saison d’été). Dans les montagnes humides, on observe une troisième saison consacrée à la production des légumineuses.
Pour la campagne de printemps 2010, les pluies ont démarré entre avril et mai, selon les zones, avec un retard d’un mois à un mois et demi par rapport à la normale. Ce retard est survenu après une période particulièrement sèche durant l’hiver 2009/10, sauf au sud, où l’on a noté des pluies importantes en janvier 2010. Dès le démarrage des pluies en avril/mai, celles-ci ont été généralement plus abondantes que la normale sauf dans le Nord-Ouest, dans certaines communes de l’Artibonite, ainsi que dans la région de l’épicentre du tremblement de terre.
Dans le plateau central, en 2010, la saison pluvieuse a commencé le 9 mai, avec un mois de retard par rapport à la moyenne, après une interruption qui avait commencé depuis le début de Novembre 2009, ce qui s’est soldé par une saison particulièrement sèche de sept mois.
Également, dans le département de l’Ouest, les précipitations ont été irrégulières et insuffisantes avec un retard d’un mois dans le nord du département (Croix-des-Bouquets) et dans le sud et des interruptions des pluies d’un mois et demi, à partir de mai, dans la zone montagneuse d’Arcahaie et Cabaret. Postérieurement, dans le nord les pluies sont devenues abondantes dès le début du mois de juin et ont continué jusqu’à la fin juin.
Dans le département du Nord-Ouest, la zone orientale a connu des conditions de sécheresse particulièrement sévère avec une réduction de la production par rapport à la moyenne. Le retard des pluies n’a pas permis un déroulement régulier de la saison de printemps et les pluies de début juin sont arrivées trop tôt pour la prochaine saison.
Au sud, le début de la saison pluvieuse a été précoce, sauf dans la Grand’Anse et la zone est du département du Sud-Est. Puis a suivi une période sèche de quelques semaines. Ensuite, les pluies ont repris en mai et sont restées abondantes jusqu’au début du mois de juillet.
3.2.1 Semences
Au cours de ces trois dernières années, le MARNDR a subventionné les semences de haricot et de maïs à hauteur de 80 pour cent. Pour cette saison de printemps, le gouvernement a mis à disposition 420 tonnes des semences légumineuses et 300 tonnes de semences céréalières1. Le haricot est vendu à HTG 50/marmite2 et le maïs à HTG 15/marmite. La quantité de semences distribuées par les partenaires au développement3 s’élèvent à 1 326,5 tonnes de légumineuses (haricot et pois) et 991,7 tonnes de céréales. Des boutures et plants de tubercules et racines de manioc, patate douce et igname on été également distribuées par les partenaires comme indiqué dans le tableau ci-dessous.
Semences | Unité | MARNDR | FAO | Autres partenaires | Total |
Légumineuses | tonnes | 420.00 | 481.40 | 425.15 | 1 326.55 |
Céréales | tonnes | 300.00 | 243.09 | 448.64 | 991.73 |
Tubercules et racines | tonnes millions de boutures plants | 3.03 | 63.90 0.59 12 115.00 | 63.90 3.62 12 115.00 | |
Bananes | plantules | 116 000.00 | 116 000.00 |
La FAO a distribué des semences et outils à plus de 72 000 ménages comme le montre le Tableau ci-dessus. De manière générale, les producteurs rencontrés par la Mission se sont réjouis de l’assistance en semences du gouvernement et de la Communauté internationale mais ont regretté leur arrivée quelque peu tardive (Jérémie et Léogâne) par rapport au démarrage de la saison de printemps.
Département | Nombre de ménages bénéficiaires | Légumineuse et Céréales (en Kg) | Tubercules et racines (en boutures) | Semences maraichères (en Kg) | Outils (en unité) |
Ouest | 41,733 | 328,835 | 0 | 735 | 27,498 |
Sud Est | 9,814 | 124,650 | 0 | 462 | 14,995 |
Sud | 6,000 | 80,000 | 0 | 0 | 10,500 |
Artibonite | 4,619 | 38,500 | 0 | 0 | 0 |
Nippes | 2,700 | 27,000 | 0 | 0 | 0 |
Centre | 1,500 | 37,000 | 0 | 0 | 0 |
Nord Ouest | 450 | 31,000 | 0 | 0 | 0 |
Nord | 3,500 | 35,000 | 0 | 0 | 0 |
Nord Est | 2,250 | 22,500 | 3,025,000 | 0 | 0 |
Grande Anse | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
TOTAL | 72,566 | 724,485 | 3,025,000 | 1,197 | 52,993 |
Mis à part le riz, il n’existe pas encore de système bien structuré de production semencière pour les autres cultures vivrières (haricot, maïs, sorgho notamment). Cette situation traduit la baisse progressive des rendements observés depuis plusieurs années pour ces cultures. Face aux multiples difficultés de la filière semencière, l’USDA a financé une étude qui porte sur l’évaluation de la sécurité semencière en Haïti. Cette étude permettra une connaissance plus approfondie de la structure et du fonctionnement de la filière semencière en Haïti dans la perspective de la mise en place prochaine d’un système semencier durable.
3.2.2 Engrais
Le niveau de la subvention fixé à 80 pour cent a rendu l’engrais plus accessible aux petits producteurs et a contribué de manière significative à l’augmentation des productions. L’engrais est maintenant vendu à HTG 500/sac de 45 kg alors que sur le marché le même sac était vendu à HTG 2 000 avant 2008. Avec la baisse récente du prix des engrais sur le marché international, la subvention est passée de 80 pour cent à 50 pour cent mais le prix de cession aux producteurs est resté inchangé.
Environ 50 pour cent des engrais sont utilisés dans la culture du riz, 25 pour cent pour les cultures maraîchères, 5 pour cent pour le haricot et 15 pour cent pour les autres cultures. Par type d’engrais, l’urée à elle seule représente près de la moitié du stock (45 pour cent) suivie des engrais composés 20-20-10 (31,5 pour cent) et 12-12-20 (21 pour cent). Au niveau national, l’Artibonite utilise le plus grand stock d’engrais (56 pour cent). Le département de l’Ouest avec 26,76 pour cent occupe la seconde place. La consommation d’engrais dans le département de la Grand’Anse est la plus faible du pays comme l’indique le tableau ci-dessous.
Département | 16–10-20 | 20–20-10 | 12–12-20 | Urée | Total | Pourcentage |
Ouest | 7 150 | 13 225 | 84 096 | 33 762 | 138 233 | 26,76 |
Sud Est | 1 340 | 200 | 12 400 | 2 415 | 16 355 | 3,17 |
Nord Est | - | 2 650 | 700 | 7 700 | 11 050 | 2,14 |
Artibonite | 800 | 122 461 | 1 728 | 164 926 | 289 915 | 56,12 |
Sud | 2 000 | 12 200 | 150 | 11 150 | 25 500 | 4,94 |
Nord Ouest | 500 | - | 1 000 | 300 | 1 800 | 0,35 |
Nord | 550 | 5 500 | 750 | 4 250 | 11 050 | 2,14 |
Nippes | 700 | 2 150 | 6 050 | 3 800 | 12 700 | 2,46 |
Centre | 430 | 4 320 | 400 | 3 250 | 8 400 | 1,63 |
Grand’Anse | 250 | - | 1 050 | 300 | 1 600 | 0,31 |
Total | 13 720 | 162 706 | 108 324 | 231 853 | 516 603 | 100 |
La consommation d’engrais au cours de ces dernières années est en constante augmentation. Les quantités utilisées sont passées de 15 000 tonnes entre 2004 et 2008 à 32 000 tonnes en 2008/09 et pourraient atteindre 50 000 tonnes à la fin 2010 selon les sources gouvernementales. L’objectif du MARNDR est d’atteindre une consommation nationale de 70 000 tonnes d’engrais en 2016 sur des besoins globaux estimés à 150 000 tonnes par an.
3.2.3 Outillage agricole
Les outils représentent l'un des principaux moyens de production surtout pour les producteurs les plus pauvres qui n'ont souvent pas la possibilité de les renouveler. Ils permettent non seulement de cultiver les propres terres mais également d'effectuer des travaux contre rémunération qui assurent le revenue familial.
Ce besoin en semences avait été mentionné dans les analyses réalisés par la FAO en 2008 ou on évidence comme une des principales contraintes à la relance de la production agricole par les agriculteurs est leur manque de capacité à se procurer moyens de production incluant, entre autres, les outils, faute d’une décapitalisation continue par les effets récurrents des désastres naturels.
Suite au tremblement de terre et au déplacement interne de la population des régions affectées vers les zones rurales, cette décapitalisation a accélérée, augmentant la nécessité de support des agriculteurs les plus vulnérables pour faciliter leur accès aux outils agricoles. La FAO, immédiatement après le tremblement de terre a inclus les outils agricoles dans les kits a distribuer aux bénéficiaires des interventions d’urgence.
3.2.4 Main-d’œuvre agricole
Le problème de la main-d’œuvre agricole en Haïti est étroitement lié à l’état de dénuement dans lequel se trouve le secteur agricole. Le manque chronique d’investissement dans ce secteur a constitué un obstacle majeur à son développement. Il est considéré à haut risque du fait des catastrophes naturelles récurrentes qui frappent le pays. Les jeunes de la tranche d’âge 25-35 ans ne sont plus attirés par les travaux agricoles qu’ils considèrent moins valorisants. Ils préfèrent l’exode vers les centres urbains de l’intérieur du pays d’abord et ensuite vers Port-au-Prince. Certains d’entre eux effectuent des séjours temporaires en République dominicaine avant d’immigrer vers les États-Unis d’Amérique.
Comparativement à l’année dernière, les producteurs ont rencontré plus de difficultés cette saison à trouver des ouvriers agricoles pour les travaux du sol et les semis. Le contexte de l’après séisme a exacerbé le manque de main-d’œuvre agricole. D’autres ouvriers directement affectés par le séisme étaient plutôt dans les centres d’hébergement à la recherche d’une assistance. Tous ces facteurs n’ont pas permis une bonne disponibilité de la main-d’œuvre agricole et ont contribué à la diminution des surfaces cultivées au cours de cette saison de printemps. En générale, les jeunes trouvent socialement plus valorisant de travailler dans les centres urbains que de s’adonner aux travaux champêtres.
L’insuffisance de la main-d’œuvre s’est accompagnée d’une hausse des prix payés par rapport à la situation d’avant le séisme. Le prix de la main-d’œuvre a été influencé par la loi nouvellement votée fixant à HTG 200 le salaire minimum journalier. Avec les nouveaux prix proposés, la majorité des ménages ruraux ayant accueilli des déplacés, ne disposaient plus de ressources suffisantes pour payer la main-d’œuvre. Ceci a renforcé dans certaines zones l’entre aide sous forme d’associations appelées «Konbit» qui permettent une assistance mutuelle entre les membres lors de travaux agricoles.
La persistance des difficultés à trouver de la main-d’œuvre au moment de la préparation du sol et des semis a conduit les pouvoirs publics à mettre en place un programme de subvention des labours fixés à HTG 1 500 à HTG 2 000 par hectare labouré contre HTG 10 000 à HTG 13 000 par hectare labouré avec les opérateurs privés. Ainsi, dix huit tracteurs ont été placés dans les Directions départementales de l’agriculture et au niveau des associations de producteurs et ont permis de labourer 500 ha cette saison. Cette initiative du MARNDR constitue un début de réponse au lancinant problème de la mécanisation des travaux du sol et la forte pression de la demande de main-d’œuvre agricole au moment des labours.
3.2.5 Crédit agricole
En 1963, l’État haïtien a mis en place un Bureau de Crédit Agricole (BCA) spécialisé dans le financement des petites et moyennes exploitations agricoles. Le système de financement adopté à partir de 1991 s’appuie sur les services des intermédiaires financiers telles que les coopératives et associations agricoles. Mais à cause des risques élevés des activités agricoles et les faibles remboursements, ces institutions de refinancement ont réorienté le prêt vers le secteur commercial. La part du secteur agricole ne représentait plus que 20 pour cent des prêts accordés et les taux d’intérêt pratiqués pouvaient atteindre 60 pour cent l’an.
Actuellement les prêts du BCA sont accordés contre le dépôt d’un cash collatéral de 30 pour cent du montant demandé. Le montant des prêts peut varier entre HTG 27 000 et HTG 10 millions. La durée du prêt s’étale sur 12 à 18 mois avec un taux d’intérêt de 1.5 pour cent par mois. Les fonds alloués au BCA par l’État en 2007/08 s’élevaient à HTG 36 millions. Ce volume de financement, équivalant à 35 pour cent environ du budget d’investissement du BCA, ne permet de satisfaire que 10 pour cent de la demande nationale.
Par ailleurs, la dispersion des agriculteurs, l’enclavement de certaines zones et le manque de personnel d’encadrement ne facilitent pas l’accès des producteurs au crédit agricole et augmentent par la même occasion le coût du prêt. Aussi, le manque de diversification ainsi que la rigidité des conditions d’éligibilité et de remboursement du prêt ne sont pas adaptées au contexte haïtien dominé par de petits agriculteurs. Cette situation amène certains producteurs à s’orienter vers les institutions de micro-finance ou les privés qui accordent des prêts avec quelques facilités de payements (nature) mais souvent à des taux usuraires (40 pour cent pour une durée de 6 mois).
Face à ces difficultés et au manque de financement de l’État, le MARNDR a mis en place en 2006 une commission nationale chargée de proposer de nouvelles orientations en vue d’assurer une meilleure accessibilité du crédit agricole. La commission a recommandé, entre autres, la création d’une nouvelle institution bancaire chargée du crédit agricole et rattachée à la Banque de la République d’Haïti. Le Colloque tenu en janvier 2009, a défini un programme de crédit intérimaire qui apportera son financement à toute la filière agroalimentaire y compris l’artisanat rural. Les prêts sont désormais accordés à des producteurs individuels mais également aux intermédiaires évoluant dans la micro-finance en milieu rural.
3.3.1 Les maladies et insectes nuisibles
La situation phytosanitaire de cette saison de printemps est particulièrement préoccupante comparée à celle de l’année dernière. Les attaques qui ont plus affecté les cultures ont été dues par la mosaïque dorée, la Sigatoka noire et la Fourmi envahissante.
la mosaïque dorée s’est manifestée cette saison dans toutes les zones de culture du haricot à travers le pays. Avec le décalage de la saison pluvieuse observé dans plusieurs localités, la maturation du haricot a coïncidé avec les pluies de juin. L’humidité excessive surtout en montagne a favorisé le développement de la mosaïque dorée. Les pertes sont considérables pouvant atteindre 40 à 50 pour cent des récoltes dans certaines localités, ou même 70 pour cent dans des localités où la variété améliorée est cultivée;
la Sigatoka s’est répandue dans toutes les zones de production de banane du pays plus particulièrement dans les localités d’Arcahaie, Marigot, Grand’Anse, Jean-Rabel, Bassin bleu et Cayes. Cette maladie s’est développée cette année à cause des fortes pluies qui ont coïncidé avec la floraison. Les pertes de récolte peuvent atteindre par endroit 90 pour cent;
la Fourmi envahissante constitue une menace sérieuse à l’équilibre écologique des localités de Limbé, Plaisance du Nord et Jérémie, en particulier Marfranc. Elle attaque les plantes mais également le cheptel et les humains. La culture du maïs est devenue difficile voire impossible dans la région de Marfranc. D’après les données disponibles actuellement plus de 70 000 hectares sont déjà infestés dans les zones susmentionnées. Dans le cadre du plan quinquennal 2010-2015 de la Direction de la protection des végétaux (DPV) en cours d’approbation, un programme de 36 mois est prévu pour contrôler complètement la fourmi envahissante sur tout le territoire national. Le coût total de ce programme s’élève USD 6 millions environ selon les estimations du gouvernement.
3.3.2 Les pesticides
Aucun contrôle sur les pesticides n’est effectué actuellement en Haïti. Il n’existe pas de cadre juridique et de structures spécialisées pour réglementer les importations et l’utilisation des pesticides. La situation est devenue très inquiétante avec la présence frauduleuse de pesticides dangereux qui inondent les marchés avec des emballages inappropriés. On a noté au cours de ces dernières années à Kenscoff, aux Cayes et Cabaret des empoisonnements souvent mortels dus à des produits toxiques. Face à cette menace constante, les pouvoirs publics ont pris un certain nombre de mesures visant à réglementer l’importation et l’usage des pesticides dans le pays.
3.4.1 L’impact direct
Les estimations d’urgence réalisée par FAO au lendemain du tremblement de terre ont montré que le séisme du 12 janvier 2010 a sérieusement affecté les infrastructures rurales telles que les systèmes d'irrigation, le stockage des produits alimentaires et les installations de traitement dans les zones proches de l’épicentre. Plusieurs canaux d’irrigation ont été endommagés dans les plaines autour de Gressier, Léogâne, Petit-Goâve et Grand-Goâve et dans les régions montagneuses de Bainet, la Vallée de Jacmel, Côte-de-Fer, Jacmel, Cayes-Jacmel et Marigot. Une douzaine de systèmes d’irrigation desservant 3 500 hectares dans les départements de l’Ouest, du Sud-Est et des Nippes ont subi des dommages au niveau des ouvrages de prises et du réseau des canaux d’irrigation. A Momance, dans le département de Léogâne, le système d’irrigation a été paralysé pendant plusieurs semaines suite à un éboulement qui a obstrué le canal principal à hauteur de la station de captage. A Petit-Goâve, ce sont les nombreuses fissures sur les canaux d’irrigation qui ont réduit considérablement la disponibilité en eau au cours de cette saison de printemps.
En outre, l’endommagement des voies de communication a rendu inaccessible durant plusieurs semaines de nombreuses localités. Cet isolement a réduit les activités agricoles et commerciales obligeant les producteurs agricoles à consommer en partie leurs réserves de semences. La perte d’importantes récoltes d’ignames a été signalée à Beaumont par exemple. Plusieurs habitations et magasins ont été détruits en milieu rural. De nombreux outils agricoles sont perdus avec l’effondrement des habitations et autres magasins en milieu rural. En appui aux efforts du MARNDR, la communauté internationale a distribué un lot de 78 778 petits matériels agricoles comprenant des houes, des manchettes, serpettes, pioches, pelles, etc. pour rééquiper les agriculteurs sinistrés.
Dans le sud du département de l’Ouest (Léogane), on a fait état de plusieurs sources d’eau qui ont tari alors dans le nord du département (Croix-des-Bouquets), de nouvelles sources sont apparues (Ganthier et Thomazeau) après le séisme. Cette présence de nouvelles sources a amélioré la disponibilité de l’eau pour les activités agricoles et contribué aux bonnes récoltes attendues dans cette zone. Au niveau des parcelles de patate douce, le séisme et les multiples secousses qui ont suivi, ont provoqué une disparition des sillons et un tassement du sol empêchant toute croissance végétative des plantes. Dans beaucoup de localités directement touchées par le tremblement de terre, les travaux du sol ont dû être repris occasionnant des coûts supplémentaires.
Le tremblement de terre et les nombreuses répliques qui ont suivi, ont provoqué chez les populations des zones affectées une psychose qui les empêchait de travailler. Selon les informations collectées par la Mission, même les agriculteurs qui étaient encore en mesure d’entreprendre les activités culturales car possédant suffisamment d’intrants, n’ont pas osé le faire le mois qui a suivi le séisme. Le traumatisme, les répliques à répétition, l’affaissement des sillons contenant les boutures de tubercules, le tassement de la terre, la peur de perdre les semences «englouties» par la terre ou même de disparaitre soi-même ont causé un retard dans la reprise des activités culturales. Avec moins de récoltes de cette saison, la soudure sera longue et pénible pour ces populations fortement éprouvées par les pertes matérielles et financières.
3.4.2 L’impact indirect
L’impact le plus significatif du séisme sur l’agriculture a toutefois été dû aux effets indirects de l’exode de quelque 600 000 personnes qui ont quitté les zones urbaines pour se réfugier dans les zones rurales. Dans ces départements, l’insuffisance des ressources disponibles au niveau des ménages ruraux a constitué un handicap majeur à la préparation de la saison de printemps. Beaucoup de ménages ont perdu leur stock de semences ou l’ont consommé. Les ménages ruraux qui ne bénéficiaient plus de transferts de fonds, ont du vendre une partie de leur cheptel productif et autres biens domestiques pour couvrir à la fois les dépenses familiales et les frais pour l’achat des intrants agricoles et la main-d’œuvre. Plusieurs programmes «vivres et espèces pour travail» mis en place par les partenaires au développement avant le démarrage de la saison ont permis à des producteurs agricoles d’avoir quelques revenus pour mener leurs activités agricoles. Néanmoins, cette situation a entraîné une baisse de superficies de terres cultivées particulièrement au niveau des plaines dont la préparation exige beaucoup de main-d’œuvre et de disponibilité en semences.
3.5.1 Situation des statistiques agricoles
Le système actuel de statistiques agricoles et rurales en Haïti présente un déficit aigu en données quantitatives d’ensemble, détaillées, actualisées et fiables sur les structures de l’agriculture haïtienne, les systèmes de production, les caractéristiques et typologies des exploitations agricoles et les performances du secteur agricole.
La production agricole annuelle est estimée à l’échelle nationale par les techniciens du MARNDR sur la base de leurs observations de la pluviométrie, des informations obtenues des DDA, des programmes mis en œuvre par le Ministère et des études sectorielles. Cette approche utilise les résultats d’une enquête réalisée sur une base aréolaire développée par l’USDA dans les années 80 à partir d’images aériennes couvrant l’ensemble du territoire.
Pour palier le manque de données statistiques sur le secteur agricole, plusieurs projets sont en cours de réalisation notamment:
le Recensement général pour l’agriculture a démarré depuis 2007 avec un financement de l’UE. A ce jour, les formulaires de l’enquête de terrain sont collectés et l’entrée des données a débuté;
l’enquête agricole par points du Centre national d’Information géo-spatial (CNIGS), financée par l’UE, qui permet d’obtenir des estimations de surfaces cultivées sur la base d’interprétations d’images satellitaires;
l’enquête agricole par points de l’USGS appuyée par l’USAID vise à développer une méthode objective et reproductible pour estimer les surfaces cultivées;
finalement, les efforts de la CNSA qui conduit diverses enquêtes relevant de la sécurité alimentaire par échantillonnage, avec le soutien financier et technique d’organisations internationales.
3.5.2 Méthodologie utilisée
Une Mission d’évaluation des récoltes et de la sécurité alimentaire constitue habituellement une vérification rapide durant laquelle l’équipe de la Mission examine de manière critique les données et analyses disponibles. Dans le cas d’Haïti, il n’existe pas de données statistiques agricoles, ni de système de prévision des récoltes sur lesquels la Mission aurait pu s’appuyer, mis à part les données de production du MARNDR discutées plus haut.
Afin de pallier à ce déficit de données, la Mission a mis à contribution les experts des structures décentralisées du MARNDR jusqu’au niveau des Sections communales dans tout le pays. Pour ce faire, une matrice d’appréciation de la campagne agricole 2010 a été développée (Annexe 2) et les 15 points focaux des Observatoires départementaux et sous départementaux de la CNSA ont été formés et mobilisés. Les responsables des Bureaux d’agriculture communaux (BAC) ont été mobilisés par les Observatoires afin d’obtenir une appréciation systématique de la campagne de printemps 2010 au niveau des Sections communales. Durant la visite de terrain, la Mission a vérifié et validé par entretiens et visites de terrain, les appréciations d’experts au niveau des Sections Communales.
L’approche utilisée pour établir des estimations nationales a été d’agréger les appréciations d’experts au niveau des Sections communales, des communes, puis des départements et finalement à l’échelle nationale et de les appliquer aux données de production officielle. Pour ce faire, il a été également nécessaire de collecter des données au niveau de communes concernant la proportion des trois campagnes agricoles (printemps, été et automne/hiver) afin de discerner la fraction de la production nationale pour chaque culture qui est à imputer à la campagne de printemps (Annexe 2). C’est précisément cette campagne qui a été évaluée par la Mission. Ainsi, les appréciations d’experts de la campagne de printemps ont été appliquées sur les chiffres de printemps 2009, dont la fraction à imputer à la campagne de printemps a été calculée sur la base des données générées par la Mission. La Mission n’est donc pas en mesure de désagréger les estimations de production en termes de surface cultivée et de rendement. Pour le bilan national des aliments de base, la production annuelle totale comprenant le cumul des trois campagnes est nécessaire. Dans ce cas, la Mission a utilisé la moyenne de production des cinq dernières années (2005-2009) dont la fraction à imputer aux campagnes d’été et d’automne/hiver a pu être calculée par le même procédé décrit ci-dessus.
Ainsi, l’approche adoptée a permis de décentraliser systématiquement au plus bas niveau administratif une approche d’évaluation d’experts. Ceci a permis à la Mission de s’appuyer sur une large consultation d’experts sur le terrain et de vérifier et valider les données obtenues. Aussi, cette approche a permis de dresser une carte d’appréciation de la campagne agricole de printemps 2010, par rapport à l’année 2009 et d’identifier les zones problématiques (Annexe 3).
3.5.3 Importance des campagnes agricoles
La production vivrière en Haïti se produit au cours de trois campagnes agricoles principales. Les tableaux 5 et 6 montrent qu’environ la moitié du maïs (49 pour cent), sorgho (53 pour cent), légumineuses (48 pour cent), tubercules (49 pour cent) et banane plantain (46 pour cent) sont cultivés et récoltés durant la campagne de printemps. Pour le riz, dont 60 pour cent est cultivé dans la Vallée de l’Artibonite, 28 pour cent est cultivé au printemps et 53 pour cent durant la saison d’été. La Mission a permis d’apprécier la campagne du riz d’été qui était au stade de repiquage dans l’Artibonite durant les visites de terrain. Les cartes en Annexe 4 illustrent la distribution des cultures par campagne agricole.
Départements | Mais (%) | Sorgho (%) | Riz (%) | ||||||
Printemps | Été | Automne/ Hiver | Printemps | Été | Automne/ Hiver | Printemps | Été | Automne/ Hiver | |
Artibonite 1/ | 67 | 18 | 15 | 74 | 25 | 0 | 22 | 69 | 9 |
Centre | 60 | 27 | 13 | 66 | 19 | 15 | 46 | 8 | 47 |
Grand’Anse | 56 | 31 | 13 | 0 | 100 | 0 | 50 | 31 | 19 |
Nippes | 0 | 87 | 13 | 100 | 0 | 0 | 0 | 65 | 35 |
Nord | 37 | 41 | 22 | 10 | 33 | 58 | 40 | 29 | 31 |
Nord-Est | 72 | 6 | 22 | 68 | 0 | 33 | 35 | 43 | 21 |
Nord-Ouest | 43 | 26 | 32 | 23 | 48 | 29 | 60 | 40 | 0 |
Ouest | 62 | 15 | 23 | 43 | 27 | 30 | 13 | 0 | 88 |
Sud 2/ | 49 | 30 | 21 | 61 | 30 | 9 | 47 | 25 | 28 |
Sud-Est | 44 | 49 | 8 | 89 | 11 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Moyenne | 49 | 33 | 18 | 53 | 29 | 17 | 28 | 53 | 20 |
Départements | Légumineuses 1/ (%) | Tubercules 2/ (%) | Banane Plantain (%) | ||||||
Prin- temps | Été | Automne/ Hiver | Prin- temps | Été | Automne/ Hiver | Prin- temps | Été | Automne/ Hiver | |
Artibonite 1/ | 40 | 8 | 52 | 38 | 15 | 47 | 78 | 17 | 5 |
Centre | 41 | 22 | 38 | 49 | 24 | 27 | 57 | 23 | 20 |
Grand’Anse | 48 | 28 | 25 | 55 | 24 | 21 | 31 | 27 | 42 |
Nippes | 55 | 35 | 10 | 66 | 26 | 7 | 51 | 36 | 13 |
Nord | 37 | 24 | 39 | 34 | 31 | 34 | 34 | 34 | 31 |
Nord-Est | 68 | 10 | 22 | 49 | 21 | 30 | 37 | 39 | 24 |
Nord-Ouest | 33 | 32 | 36 | 39 | 25 | 37 | 47 | 29 | 25 |
Ouest | 52 | 14 | 33 | 51 | 20 | 29 | 55 | 27 | 18 |
Sud 2/ | 40 | 29 | 31 | 39 | 32 | 29 | 40 | 30 | 31 |
Sud-Est | 67 | 22 | 12 | 66 | 5 | 29 | 35 | 48 | 18 |
Moyenne | 48 | 22 | 30 | 49 | 22 | 29 | 46 | 31 | 23 |
Le tableau 7 ci-dessous présente la production désagrégée par saison agricole pour l’année 2009 et la moyenne des cinq dernières années (2005-2009) sur la base des données officielles du Ministère de l’agriculture. Les estimations pour la campagne de printemps 2010 sont basées sur l’application des appréciations de la campagne sur les données de production désagrégées de printemps 2009.
Culture | 2009 | Moyenne 5 ans - 2005-09 | ||||||
Printemps | Été | Automne/ Hiver | Total | Printemps | Été | Automne/ Hiver | Total | |
Céréales | 249 100 | 202 200 | 102 200 | 553 500 | 206 600 | 170 600 | 85 600 | 462 800 |
Riz Paddy | 35 900 | 66 700 | 25 700 | 128 300 | 32 700 | 60 700 | 23 300 | 116 700 |
Maïs | 148 800 | 100 200 | 54 700 | 303 700 | 116 500 | 78 500 | 42 800 | 237 800 |
Sorgho | 64 400 | 35 200 | 21 900 | 121 500 | 57 400 | 31 400 | 19 500 | 108 300 |
Tubercules | 683 200 | 306 700 | 404 300 | 1 394 200 | 528 100 | 237 100 | 312 600 | 1 077 800 |
Légumineuses | 88 900 | 40 800 | 55 600 | 185 300 | 68 500 | 31 400 | 42 800 | 142 700 |
Banane Plantain | 167 700 | 113 000 | 83 800 | 364 500 | 129 700 | 87 400 | 64 800 | 281 900 |
3.5.4 Estimation des superficies cultivées
Selon l’enquête par point réalisé par l’U.S. Geological Survey (USGS), la superficie cultivée (toutes cultures confondues) au printemps 2010 serait de 549 900 hectares, soit 21 pour cent de la superficie totale du pays. Cette enquête ne donne pas d’indication sur les tendances par rapport à l’année précédente. Cependant, les évaluations faites sur le terrain indiquent une réduction des surfaces emblavées de haricot, maïs et sorgho en raison du retard du démarrage de la saison des pluies ainsi que les effets direct du tremblement de terre près de l’épicentre. Ces diminutions sont surtout marquées dans les départements du Centre, du Nord-Ouest, les zones de montagnes/mornes sèches du Nord-Est et de l’Artibonite ainsi que l’Île de Gonâve et la zone côtière près de l’épicentre du séisme (Léogane et environs).
3.5.5 Estimation de la production de printemps 2010
Maïs
Le maïs est produit à travers les dix départements du pays et dans toutes les zones agro-écologiques sous régime pluvial et irrigué. Il est produit par la grande majorité des producteurs haïtiens. Il est cultivé en association avec des légumineuses, le haricot en particulier. Les principaux départements de production de maïs sont le Sud (plaine des Cayes), la Grand’Anse, le Nord, le Plateau Central et l’Artibonite. Le maïs de St-Marc est une variété locale de maïs souvent concassé qui a eu une bonne réputation dans le temps mais le maïs concassé importé tend à prendre cette place. Le maïs est une culture principalement autoconsommée par les producteurs, principalement sous forme de semoule. Cependant, l’épi de maïs frais qui sert à faire «le maïs boucané» devient une forme de consommation en augmentation. Le maïs importé, considéré de meilleure qualité, représente un quart à un tiers des quantités commercialisées et donc influence les prix sur les marchés locaux.
En année normale, la campagne de printemps représente environ la moitié de la production annuelle. Comme le maïs est planté en grande partie sous régime pluvial, les pluies ont une grande influence sur les surfaces emblavées et la production. Les retards des pluies dans le département du Centre, les mornes et montagnes sèches du Nord-Ouest, la région de Léogâne et l’île de Gonâve ont provoqué une diminution des surfaces emblavées. Un certain rattrapage est prévu grâce aux bonnes pluies de mai et juin/début juillet et pour la campagne d’été, là où celle-ci est possible (Centre). Dans le Nord-Ouest, la région de Léogâne et certaines communes/Sections communales de l’Artibonite, les pluies ont été inférieures à la normale également en mai et juin. Dans le Nord de l’Artibonite et l’île de Gonâve, le retard de la saison a augmenté les dégâts par des chenilles de type noctuelle. Dans le Nord, Nord-Est, l’Ouest et les départements du Sud, jusqu’à la Grand’Anse, le maïs est généralement en bonne condition. Ainsi, la Mission estime que la production de maïs de printemps baissera de 8 pour cent par rapport au printemps 2009. L’estimation de production pour la campagne de printemps est de 136 900 tonnes. Cependant, il faut souligner qu’en raison des retards, une partie du maïs était encore au stade végétatif durant la visite de la Mission. Ces estimations sont basées sur l’hypothèse d’une saison cyclonique calme. Considérant, une saison d’été et d’automne/hiver normale, soit similaire à la moyenne des cinq dernières années, la production totale de maïs pour la campagne de commercialisation de juillet/juin 2010/11 est estimée à 258 200 tonnes.
Sorgho
En Haïti on rencontre deux espèces de sorgho: le mil (sorghum vulgare) ou «pitimi chandel» produit dans des endroits bien précis du pays et le sorgho grain (sorghum bicolor). Généralement, le sorgho est cultivé dans les plaines et mornes sèches et marginales du pays. Il est cultivé principalement dans les départements des Nippes, du Centre et de l’Artibonite. Dans les Nippes, il représente toutefois la culture principale. Il est moins exigeant en eau que le maïs et peut se développer sans trop de difficulté avec moins de 800 mm de pluie. Il est généralement cultivé en association avec le maïs et les légumineuses. Une expansion géographique plus importante dans les zones de montagnes/mornes sèches permettrait de réduire les risques liés aux pluies irrégulières (Nord-Ouest). Les facteurs qui ont influencé la production de maïs s’appliquent également au sorgho. Ainsi, la Mission estime que la production de sorgho de printemps baissera de 4 pour cent par rapport au printemps 2009. L’estimation de production pour la campagne de printemps est de 61 800 tonnes. Considérant, une saison d’été et d’automne/hiver normale, soit similaire à la moyenne des cinq dernières années, la production totale de sorgho pour la campagne de commercialisation de juillet/juin 2010/11 est estimée à 112 700 tonnes.
Riz
Le riz est cultivé dans les plaines irriguées, particulièrement dans l’Artibonite, la plaine des Cayes et certains périmètres irrigués dans les départements du Nord, Nord-Est et Ouest. Environ 60 pour cent de la production nationale du riz est obtenue dans la Vallée de l’Artibonite. Une superficie estimée de 25 000 ha irrigués (sur 38 000 ha irrigables) est mise en valeur dans la Vallée de l’Artibonite pendant la première saison d’été (la saison humide) dont les repiquages de riz se déroulent de la mi-juin à la mi-juillet. Ainsi, la Mission a pu observer les activités de transplantation de la campagne d’été. La deuxième saison d’hiver correspond à une superficie de 15 000 à 20 000 hectares compte tenu de la tendance à la diversification pendant la deuxième saison d’hiver (il y a moins d’eau). La variété TCS-10, introduite de Taiwan il y a une décennie, domine maintenant (80 pour cent) les variétés de riz cultivées dans la Vallée. De nouvelles variétés sont introduites avec des résultats prometteurs. Il faut noter également que le riz produit dans le Nord-Est dans le petit périmètre irrigué de la Commune de Ferrier avec l’appui d’investisseurs dominicains est exporté vers la République dominicaine. Le riz est la céréale la plus consommée en Haïti. La production de riz est en concurrence directe avec le riz importé principalement des États-Unis d’Amérique, qui représente environ 4/5 du riz consommé en Haïti. Ainsi, les prix du riz sur les marchés internationaux influencent directement les prix sur les marchés haïtiens.
Pour la campagne d’été, la disponibilité en eau des réseaux d’irrigation est généralement bonne. Les travaux HIMO (vivres et espèces pour travail) ainsi que la mise en œuvre d’une stratégie de transfert de responsabilité de la gestion des périmètres irrigués a amélioré l’état des infrastructures. Toutefois, dans la zone du séisme, des dégâts directs ainsi que des éboulements ont affectés les infrastructures d’irrigation. La disponibilité de fertilisants s’est améliorée, en particulier dans la Vallée de l’Artibonite où les quantités d’engrais subventionnés sont près de 4 fois supérieures à l’année précédente. Ainsi, près de 16 000 tonnes d’engrais ont été commercialisées à prix subventionnés par l’Organisme de développement de la vallée de l'Artibonite (ODVA) à travers des commerçants et associations affiliés. Les quantités qui arrivent effectivement aux producteurs ne sont pas estimées, mais les montants disponibles permettraient une utilisation aussi élevée de 640 kg d’engrais/ha de riz, ce qui est improbable. La remise en état de la trieuse de semences de l’ODVA permet également à l’ODVA de mettre à disposition des semences de riz de meilleure qualité. Finalement, grâce à divers projets dans les zones de production de riz (Vallée de l’Artibonite et plaine des Cayes), la disponibilité d’intrants obtenus à crédit connait également une légère amélioration. Les acteurs de la production de riz n’ont pas noté de maladies et insectes nuisibles importants à même de causer des réductions importantes de la production. Ainsi, la Mission estime que la production de riz paddy d’été augmentera de 15 pour cent par rapport à l’été 2009. L’estimation de production pour la campagne d’été est de 76 700 tonnes. Cependant, il faut souligner que le riz d’été était transplanté durant la visite de la Mission (80 pour cent transplantations complétées). Ces estimations font donc l’hypothèse d’une saison cyclonique calme. Considérant, une saison d’automne/hiver normale, soit similaire à la moyenne des cinq dernières années, la production totale de riz pour la campagne de commercialisation de juillet/juin 2010/11 est estimée à 132 700 tonnes.
Tubercules
Les tubercules cultivés en Haïti comprennent principalement l’igname et le taro (taro malanga et taro mazombel) cultivés principalement dans les systèmes agro-forestiers de la Grand’Anse, du Nord et d’une partie du Nord-Ouest. La patate douce est cultivée surtout en monoculture en zones de montagnes humides alors que le manioc préfère les zones plus sèches (principalement le Nord-Est) et la pomme de terre est cultivée sur les hauteurs de Port-au-Prince. Les zones plus humides de production de tubercules n’ont pas été influencées par le retard des pluies de la campagne de printemps. Le manioc quand à lui est plus résistant aux sécheresses. Les pluies abondantes de mai/juin ont par endroit et dans certains bas-fonds, causés des pourritures. Il est à noter que le tremblement de terre et ses dégâts considérables sur les infrastructures routières et portuaires ont enclavé le grand sud durant quelques semaines et que cela a occasionné une chute des prix de l’igname de la Grand’Anse justement au moment de la récolte. Dans la Grand’Anse ainsi que la Section communale de Limbe au Nord, les tubercules sont par endroit endommagées par des fourmis envahissantes. On note également que la production de taro principalement dans les départements du Sud a considérablement souffert depuis plusieurs années d’attaques de phytophtora. Ainsi, la Mission estime que la production de tubercules de printemps reste similaire à celle de printemps 2009. L’estimation de production pour la campagne de printemps est de 683 200 tonnes. Considérant, une saison d’été et d’automne/hiver normale, soit similaire à la moyenne des cinq dernières années, la production totale de tubercules pour la campagne de commercialisation de juillet/juin 2010/11 est estimée à 1 232 900 tonnes.
Banane plantain
La banane plantain est cultivée en monoculture, principalement dans les périmètres de l’Arcahaie, Jean-Rabel, Petit-Goâve et la Grand-Rivière du Nord ainsi que la plaine côtière au Nord. Dans les montagnes et mornes humides, la banane plantain est cultivée en association dans les systèmes agro-forestiers à étages, communément appelés ‘jardins créoles’, en association avec les tubercules, le café et les fruits (avocats, chadèques, cacao, noix de coco). Les nématodes et en particulier la maladie de la Sigatoka noire font des dégâts importants à la culture de la banane.4 Aussi, dans certaines zones de production, l’hiver 2009/10 particulièrement sec a quelque peu affecté les bananeraies. Par contre, dans le grand sud, les bananeraies endommagées par les cyclones de 2008 ont en grande partie été réhabilitées. Ainsi, la Mission estime que la production de banane plantain de printemps baissera de 4 pour cent par rapport au printemps 2009. L’estimation de production pour la campagne de printemps est de 161 200 tonnes. Considérant une saison d’automne/hiver normale, soit similaire à la moyenne des cinq dernières années, la production totale de banane plantain pour la campagne de commercialisation de juillet/juin 2010/11 est estimée à 313 200 tonnes.
Légumineuses
Les légumineuses cultivées en Haïti comprennent principalement le haricot (Phaseolus vulgaris), les pois et l’arachide. Les légumineuses (haricot et pois) sont le plus souvent cultivées en association avec le maïs. Le haricot est la principale légumineuse cultivée et regroupe deux types en Haïti: le haricot noir préféré par certains consommateurs pour sa haute teneur en fer alors que le haricot rouge est consommé par tous. Le haricot est cultivé presque partout dans le pays ; plaines, montagnes et mornes humides et sèches et les conditions climatiques sont généralement défavorables (température parfois trop élevée, abondance de pluies lors de la maturation du grain, parfois sécheresse prolongée, vent trop fort et attaques de parasites). On observe des échanges de semences des montagnes, où le haricot est cultivé durant les 3 saisons de l’année (selon les disponibilités en pluie), mais principalement au printemps, vers les plaines, dont la saison principale du haricot est en automne/hiver. Le haricot est considéré comme un substitut de la viande par les consommateurs haïtiens. Le pois congo est une plante arbustive tropicale et rustique qui résiste très bien non seulement à la sécheresse grâce à son système racinaire puissant et profond, mais aussi aux maladies. Le pois congo est principalement cultivé dans les zones frontalières avec la République dominicaine, dans les départements du Sud-Est, Centre et Nord-Est. Dans les villes haïtiennes et étrangères, le pois congo est surtout consommé vert, mais en milieu rural, sa consommation se fait tant sous forme de pois vert que sec. La production d’arachide se retrouve dans tous les départements, mais se concentre dans les zones plus sèches, notamment dans le Centre, le Nord-Est, le Nord-Ouest et le Sud. En Haïti, l’arachide, appelée pistache, est une culture appréciée à forte valeur marchande.
En année normale, la campagne de printemps représente près de la moitié de la production annuelle des légumineuses. Comme elles sont plantées en grande partie sous régime pluvial, les pluies ont une grande influence sur les surfaces emblavées et la production. Les retards des pluies dans le département du Centre, les mornes et montagnes sèches du Nord-Ouest, la région de Léogâne et l’île de Gonâve ont provoqué une diminution des surfaces emblavées et des rendements. Dans les zones plus humides, les pluies abondantes de mai et juin/début juillet ont provoqué des pertes de récoltes, surtout sur le haricot. Ces pluies ont provoqué des germinations sur pied au moment des récoltes ou une mauvaise floraison par excès d’eau. Les conditions climatiques ont également été favorables à la mosaïque dorée, surtout dans le département du Sud-Est. Ainsi, la Mission estime que la production de légumineuses de printemps au niveau national baissera de 17 pour cent par rapport à la bonne saison de 2009. L’estimation de production pour la campagne de printemps est de 73 800 tonnes. Considérant une saison d’été et d’automne/hiver normale, soit similaire à la moyenne des cinq dernières années, la production totale de légumineuses pour la campagne de commercialisation de juillet/juin 2010/11 est estimée à 148 000 tonnes.
3.5.6 Estimation de la production de l’année 2010/11
Le tableau 8 ci-dessous présente les estimations de production pour l’année commerciale juin/juillet 2010/11. Les estimations de la campagne de printemps sont été directement évaluées par la Mission tandis que pour les campagnes d’été et d’automne/hiver, qui n’ont pas pu être évaluées au moment des visites de terrain, la Mission anticipe des récoltes similaires à la production moyenne des cinq dernières années. Ainsi, à l’échelle nationale, la production d’aliments de base de la campagne de printemps 2010 sera bonne mais légèrement inférieure de 9 pour cent comparativement au printemps 2009 (voir Annexe 3).
Cultures | 2010/11 | |||
Printemps | Été | Automne/Hiver | Total | |
Céréales | 231 400 | 186 600 | 85 600 | 503 600 |
Riz Paddy | 32 700 | 76 700 | 23 300 | 132 700 |
Mais | 136 900 | 78 500 | 42 800 | 258 200 |
Sorgho | 61 800 | 31 400 | 19 500 | 112 700 |
Tubercules 1/ | 683 200 | 237 100 | 312 600 | 1 232 900 |
Banane Plantain | 161 000 | 87 400 | 64 800 | 313 200 |
Légumineuses 2/ | 73 800 | 31 400 | 42 800 | 148 000 |
En dépit des énormes potentialités, la production nationale n’arrive toujours pas à couvrir les besoins des populations en produits laitiers, en œufs et en découpes de viandes de volailles. Chaque année, le pays importe de plus en plus de produits laitiers évalués à USD 50 millions d’œufs pour une valeur de USD 36 millions et l’équivalent de 12.5 millions de poulets dont 90 pour cent en pièces découpées. La libéralisation adoptée depuis 1986 a entravé le développement de la production nationale dont plus de 90 pour cent proviennent des exploitations agricoles familiales.
Le défi majeur au développement de l’élevage en Haïti est l’alimentation du cheptel, en particulier celle des porcs et de la volaille. La disponibilité en grains et fourrage provenant de la production agricole est nettement insuffisante au regard des besoins d’alimentation de ces espèces monogastriques. L’accès des éleveurs aux aliments concentrés importés de la République dominicaine est surtout limité par les quantités disponibles sur le marché national et le pouvoir d’achat de la majorité des éleveurs qui disposent de revenus de plus en plus faibles au cours de ces dernières années à causes des nombreuses pertes dues aux maladies.
Pour relever ce défi, le MARNDR étudie actuellement la possibilité d’importer de l’Argentine les ingrédients nécessaires à la fabrication en Haïti de l’aliment de bétail. L’objectif poursuivi est de rendre le poulet haïtien compétitif face au poulet importé en subventionnant la fabrication de l’aliment de bétail par des usines nationales. En plus des actions de réalisation en cours, deux importants projets de production d’œufs de table et de pondeuses vont démarrer incessamment avec un financement de l’État haïtien:
Un projet de production d’œufs de table pour un financement de 9 millions de HTG (environ USD 225 000). Ce projet prévoit de placer dans chaque département 300 poulets «Leghorne»;
Un projet de 5 000 pondeuses pour un financement de 15 millions de HTG (environ USD 375 000). Au total, 10 unités de 50 poules «Rhodes Island et Plymouth Roca» seront placées dans chaque département.
Cette année, la situation du cheptel est moins favorable par rapport à celle de l’année dernière. L’effet conjugué du tremblement de terre et des maladies ont occasionné une diminution des effectifs. Beaucoup d’animaux ont été tués par l’effondrement des maisons ou emportés par les éboulements et les glissements de terrain. D’autres animaux domestiques ont disparu et n’ont pu être retrouvés jusqu’à présent. Le cheptel bovin a été le plus affecté par le tremblement de terre. Une des conséquences du séisme a été le retardement des campagnes de vaccination des volailles et des bœufs. L’achat des vaccins pour les volailles a été différé au profit de l’importation des médicaments pour soigner les blessés du séisme.
Concernant le cheptel porcin et les volailles, ce sont l’effet des maladies et l’insuffisance de l’alimentation qui ont été surtout à la base de la diminution observée sur les effectifs. La maladie de Teschen couvre presque tout le pays et cause des pertes énormes pouvant atteindre 40 pour cent des effectifs porcins. La non disponibilité de vaccin contre cette maladie fait peser une lourde menace sur l’élevage porcin en Haïti. La peste porcine classique et la maladie de Newcastle qui sévissent depuis des décennies ne sont pas encore totalement contrôlées pour des raisons liées à l’insuffisance des moyens disponibles.
La recrudescence de ces maladies s’est traduite par des ventes d’animaux sur les marchés à bétail plus élevées que d’habitude notamment de porcs et de volailles. Par contre, celles des chèvres répondaient plutôt à une décapitalisation des ménages ruraux pour payer les frais d’acquisition des intrants et de la main-d’œuvre agricole de la saison agricole de printemps.
Haïti bénéficie d’une côte longue de 1 770 km et de 22 000 ha de plan d’eau. C’est aussi l’un des plus grands pays producteurs de poissons d’aquarium dans le monde et le seul dans la sous région à disposer de 800 ha d’eau saumâtre. Les activités de pêche occupent à temps plein ou partiel environ 52 000 familles. Mais en dépit de ces potentialités riches et variées, la pêche est encore très peu développée en Haïti. La production de poisson reste faible de l’ordre de 16 000 tonnes par an dont 400 tonnes produites par l’aquaculture. Chaque année, l’Etat doit importer 21 000 tonnes de poissons 5 pour une valeur de USD 18 millions pour couvrir le déficit de la production.
Il s’agit d’une pêche artisanale qui utilise des équipements rudimentaires de faible productivité. Les embarcations de petite taille et vétustes ne permettent pas l’exploitation de ressources éloignées de la côte et limitent le temps et le nombre de jours de pêche. L’organisation des pêcheurs est quasi absente. Les moyens de conservation sont inexistants augmentant les risques de pertes à tous les niveaux des filières de commercialisation. Le matériel de pêche coûte cher et pour l’essentiel est importé de la République dominicaine.
À ce jour, aucune évaluation des ressources halieutiques n’a été faite en Haïti. Au regard de la demande croissante en produits de la mer et des exigences de protéger les ressources halieutiques, une telle évaluation permettrait une meilleure planification de l’exploitation tout en sauvegardant l’environnement pour une pêche durable et productive. Le manque de statistiques sur la pêche constitue également un handicap de taille pour l’identification et la préparation de projet de pêche.
Comparativement aux pays de la sous-région, la consommation de poisson en Haïti est la plus faible (3,8 kg/tête/an) tandis que en République dominicaine, elle est de 10 kg/tête/an. Le plan d’action du gouvernement pour la pêche et l’aquaculture vise à augmenter la production à 35 000 tonnes en 2020 et à améliorer la consommation des produits de pêche.
Le tremblement de terre du 12 janvier a fragilisé davantage le système de production et conservation des poissons. Des fabriques de glace et des entrepôts frigorifiques ont été détruites par le séisme. Le manque d'électricité a occasionné des pertes importantes de poissons. Certains pêcheurs ont perdu leurs dispositifs de concentration de poissons et certains éleveurs de poissons ont subi des dommages dans des étangs et ont perdu des poissons. Avec le recul de la mer, les poissons se sont éloignés des côtes rendant ainsi les conditions de pêche plus difficile aux petites embarcations. Après le séisme, le transport du poisson a été perturbé pendant plusieurs semaines du fait des éboulements qui ont obstrué les voies de communication.
La pêche en Haïti présente des atouts réels qui devraient intéresser les investisseurs privés nationaux et étrangers. Mis à part quelques projets en cours financés par la Coopération espagnole et la BID, le secteur de la pêche et de l’aquaculture a besoin de davantage d’appui de la Communauté internationale pour lui permettre de remplir pleinement son rôle dans l’économie nationale.
Les principaux produits vivriers sont: le riz, le maïs, le blé, le sorgho, le haricot, la banane, les tubercules (igname, manioc, patate douce), le sucre, l’huile végétale. Le riz constitue l’aliment de base des haïtiens et assure environ 24 pour cent des calories consommées. Le maïs et les tubercules fournissent chacun environ 10 pour cent des calories. La diversité des disponibilités vivrières favorise une alimentation équilibrée.
Haïti reste, cependant, un pays à déficit vivrier qui est largement tributaire des importations céréalières du marché international. Par conséquent, les prix de ces denrées sont un facteur clé pour l’accès à la nourriture de la majorité des haïtiens. En général, les prix des produits alimentaires ne montrent pas une saisonnalité très prononcée. Ceci reflète la diversité des systèmes de production qui permet plusieurs récoltes par an mais aussi la dépendance du pays des importations vivrières.
Il est estimé que plus de 75 pour cent des besoins de consommation en riz sont couverts par les importations. Haïti était autosuffisant en riz jusqu’au milieu des années 80 lorsque la libéralisation des marchés a provoqué une croissance rapide des importations qui sont passées de 17 000 tonnes en 1986 à plus de 350 000 tonnes en 2008. Les importations annuelles par tête sont passées de 2.6 kg à plus de 36 kg sur la même période.
Actuellement, le riz consommé dans le pays s’organise autour de quatre circuits essentiels:
le premier est celui du riz importé en gros et mis en sac dans les principaux ports. Il représente l’essentiel du riz importé. On estime qu’environ 10 000-15 000 tonnes sont réexportées en République dominicaine;
le deuxième est celui basé sur la production de la Vallée de l'Artibonite. Ici, les producteurs vendent le riz à un réseau de «Madame Sara» qui organise le traitement et la livraison aux principales zones urbaines. Ce circuit représente autour de 12 pour cent de la consommation nationale;
un troisième circuit s’organise autour des secteurs de production de St. Raphaël, Grison-Garde, Maribahoux, Torbeck où le riz produit est consommé localement;
enfin deux types de riz sont importés de la République dominicaine: brisures de riz (cabecit) vendu sur les marchés locaux du département du Centre et dans les localités frontalières et le riz long (Milly). Selon les estimations officielles, moins de 1 pour cent du riz consommé en Haïti passe par ce circuit.
Le secteur des importations de riz est contrôlé par 4 ou 5 importateurs qui couvrent près de 70 pour cent des importations. Les importateurs ne détiennent pas de stocks significatifs et font venir le riz sur commande des grossistes. Ils répondent ainsi directement à la demande effective et les importations sont échelonnées sur l’année. Les autres acteurs du circuit de distribution du riz importé sont les grossistes, les semi-grossistes et les détaillants. Environ une dizaine de grossistes se partagent le marché de Port-au-Prince. Ces grossistes sont ceux qui gèrent des stocks importants et ont plus d’influence sur les prix.
Les services nationaux estiment à 6 pour cent l’autoconsommation du maïs à travers le pays. La partie commercialisée part de plusieurs zones disséminées sur tout le territoire haïtien. Le bassin de concentration de la production est localisé dans la plaine des Cayes (département du Sud) d’où le maïs est acheminé vers les départements voisins et Port-au-Prince. Les autres principales zones de production sont la Grande-Anse, le Nord, le Plateau Central et l’Artibonite autour desquelles plusieurs circuits ou sous-circuits de commercialisation sont organisés. En outre, le maïs fait l’objet d’un commerce transfrontalier important entre Haïti et la République dominicaine dont l’estimation est difficile. La République dominicaine est également la principale source des importations de farine de blé, et représente plus de 75 pour cent des importations, suivie des Pays-Bas qui fournissent environ 20 pour cent du volume importé.
Les légumineuses (haricot, pois congo, arachide) sont produites à peu près sur les mêmes régions en assolement et rotation avec les céréales. Le haricot a un bassin de concentration qui est la plaine des Cayes et la plaine de Léogâne en rotation avec le maïs. Le pois congo est concentré dans les mêmes aires de production du sorgho avec une localisation très marquée presque en monoculture sur la frontière dominicaine, au Nord et au Nord-Est. Il est estimé que la production nationale de haricot couvre l’essentiel des besoins. Les importations représentent environ 10-15 pour cent et l'aide alimentaire 5-10 pour cent. Les importations et l'aide alimentaire fluctuent selon la production nationale. Par exemple, l'aide alimentaire et les importations ont beaucoup augmenté suite aux cyclones de 2008. Les importations de la République dominicaine sont limitées et informelles; les États-Unis d’Amérique fournissent la majeure partie des importations de haricot. Environ 5 000 tonnes de pois congo sont exportées vers la République dominicaine.
La banane plantain cultivée en monoculture se retrouve dans des poches de production qui existent un peu partout en Haïti mais le périmètre de l’Arcahaie est la principale zone de production avec 3 800 ha mis en valeur. La production haïtienne ne couvre pas les besoins domestiques. On estime qu’environ 20 000 tonnes de banane sont importées de la République dominicaine par an. Comme pour les autres produits, le différentiel de taux de change entre le peso dominicain et la gourde haïtienne est un facteur déterminant des échanges.
En plus des pertes importantes en vies humaines, le tremblement de terre du 12 janvier a eu un impact considérable sur le fonctionnement des marchés, qui s’est traduit par une baisse des disponibilités, des changements brusques de prix et la baisse de revenus des ménages7.
Le principal effet direct sur le système commercial a été la destruction du port de Port-au-Prince qui assure 65 pour cent des importations de riz, la destruction des infrastructures de stockage des grossistes et des détaillants ainsi que la destruction des routes. La baisse des disponibilités qui a suivi a entraîné une flambée des prix des denrées alimentaires importées et locales à travers le pays. Par exemple, à Port-au-Prince, le prix du riz et de la farine de maïs importés ont augmenté de 33 pour cent et de 56 pour cent respectivement juste après le séisme. L’affluence de déplacés des zones affectées par le séisme (Port-au-Prince et environs) vers l’intérieur du pays a également augmenté la demande locale et exacerbé la pression sur les prix. Cependant des cas localisés rares de baisse de prix dans des zones isolées suite à l’interruption du transport ont été rapportés à la Mission.
La réparation du port et l’ouverture des routes ont permis au commerce de reprendre progressivement. Ceci, ajouté aux distributions d’assistance alimentaire après le séisme, a permis aux prix de redescendre progressivement.
Le tremblement a indirectement affecté les marchés à travers la perte des biens, la perturbation des activités, la réduction des revenus et par conséquent de la demande alimentaire. Bien que cette situation soit plus évidente dans les localités directement affectées par le séisme, les populations rurales ont été également sévèrement affectées à travers le pays. Par exemple, les discussions de la Mission à Beaumont (situé dans la Grand Anse entre Jérémie et les Cayes) ont mis en exergue les effets des perturbations dans le système de transport (suite au séisme) sur le revenu des ménages et la campagne agricole de 2010. Beaumont est une grande zone de production d’igname dont les récoltes principales et la commercialisation s’effectuent en janvier. Les perturbations du système de transport et l’interruption des flux commerciaux pendant près d’un mois en janvier ont entraîné le pourrissement de quantités importantes de tubercules se traduisant par des pertes financières substantielles pour les producteurs, nonobstant le fait que la consommation de tubercules s’est substituée à d’autres aliments car leur transport en bateau, en provenance de Port-au-Prince avait été interrompu. Cette situation, ajoutée à l’afflux de déplacés et les dépenses occasionnées, a considérablement érodé le pouvoir d’achat des producteurs et limité l’accès aux aliments ainsi que l’achat des intrants et autres dépenses liées au démarrage de la campagne.
D’autres effets indirects du tremblement de terre sur les marchés incluent les ventes excessives d’animaux pour faire face à l’afflux de déplacés, la chute du prix des animaux, la baisse du prix des produits de pêche, suite à la baisse de la demande effective, etc.
Lors du passage de la Mission, les marchés sont en général bien approvisionnés en produits alimentaires locaux divers (céréales, bananes, tubercules, légumineuses, légumes et fruits divers), en raison des récoltes qui ont démarré dans plusieurs régions. A travers le pays, cependant, l’offre en céréales est dominée par le riz importé même si plusieurs variétés de riz et de maïs locaux sont en vente. La situation des approvisionnements et l’importance relative des produits locaux et des importations varient énormément, ce qui reflète la diversité des systèmes de production et du stade de développement des cultures.
L’offre en tubercules, légumes et fruits provient essentiellement de la récolte nationale et est plus abondante dans la moitié sud du pays où les récoltes sont plus avancées. Dans cette partie du pays, la Mission a observé des camions remplis de produits vivriers divers, transportés de grands marchés de collecte tels les marchés de Ducis (Grand’ Anse), Forêt des Pins (Thiotte), Chambellau (Grand’ Anse) vers les villes environnantes et Port-au-Prince. Dans la moitié nord, l’offre de produits locaux est plus faible en raison des récoltes toujours sur pied dans la plupart des départements. Ici, l’approvisionnement alimentaire reste assuré essentiellement par les importations de riz, de farine de blé et de maïs, de patate douce, de haricot, en provenance notamment des États-Unis d’Amérique et de la République dominicaine. Cependant, sur certains marchés, on observe des quantités importantes d’arachide (Centre), de riz local (Nord-Est, Artibonite), de petit mil et de légumes (Artibonite), et de haricot (Hinche) issus essentiellement des zones d’irrigation. L’animation sur les marchés est dominée par la présence des «Madame Sara», intermédiaires commerciaux, qui achètent les produits, soit directement des producteurs, soit d’autres intermédiaires et qui les revendent soit directement à des consommateurs, soit à des détaillants, soit les acheminent vers les marchés de Port-au-Prince.
À travers le pays, l’offre en riz est constituée essentiellement de riz importé des États-Unis d’Amérique. Sur les marchés situés le long de la frontière avec la République dominicaine, on remarque aussi une offre importante et régulière de la brisure de riz dominicain (cabecit). Cependant, la disponibilité du riz local est importante sur certains marchés de collecte, comme au Nord-Est (Ferrier), dans les plaines du Nord, dans la basse Artibonite, dans la plaine de Torbeck (marché de Ducis près des Cayes) en raison de la bonne production de cette année.
Le cours des denrées alimentaires suit la tendance normale avec les prix à la baisse à la faveur des récoltes qui ont démarré, notamment dans la partie sud du pays. En général les prix nominaux sont inférieurs à leur niveau de 2009. La figure montre que sur la plupart des marchés suivis par la CNSA, le prix du maïs en juin 2010 était soit au même niveau soit inférieur à son niveau de juin 2009. Seul Port-au-Prince semble faire exception. Le prix du riz local «Sheila» suit la même tendance à la baisse: les prix en juin 2010 sont soit au même niveau soit inférieurs à leur niveau de 2009. Le haricot est le seul produit de grande production et consommation dont le prix est en hausse par rapport à 2009 comme le montre la figure. Cette tendance traduit la baisse de l’offre suite à la baisse de la production.
Malgré la bonne production vivrière domestique et les prix alimentaires qui sont à la baisse, la sécurité alimentaire en 2010/11 dépendra dans une large mesure des fluctuations des prix internationaux ainsi que de l’évolution d’autres paramètres comme le taux de change et le prix du carburant. En outre, l’injection attendue de liquidité dans l’économie à la faveur des travaux de reconstruction pourrait accroître la pression inflationniste et limiter l’accès aux aliments pour certaines couches de la population.
Le bilan de l’offre et de la demande vivrière pour la campagne de commercialisation 2010/11 (juillet/juin), présenté dans le tableau 9, considère les produits suivants: riz, maïs, blé, sorgho, légumineuses, banane, tubercules. Ces produits assurent environ 63 pour cent des calories consommées, le reste est fourni par le sucre, les huiles végétales, les fruits, la viande et le lait. Le bilan est basé sur les estimations de production présentées plus haut ainsi que les hypothèses et conclusions suivantes:
la Mission projette la population du pays à environ 10 270 000 personnes à la mi-2011;
la production totale de céréales, légumineuses, banane et tubercules est estimée à environ 1,08 million tonnes (légumineuses, tubercules et banane exprimés en équivalent céréalier). Cependant, les observations et estimations de la Mission étant basées seulement sur la campagne de printemps, la production totale finale pourrait être légèrement différente;
la Mission suppose que le niveau des stocks ne changera pas de manière significative entre le début et la fin de l’année commerciale;
les besoins alimentaires par habitant sont calculés sur la base d’une consommation annuelle par tête de 42 kg de riz, 28 kg de blé, 20 kg de maïs, 5 kg de sorgho, 12 kg de légumineuses. En outre, la consommation par tête de bananes et de tubercules est estimée à 24 kg et 76 kg respectivement;
les besoins en semences sont estimés à environ 23 000 tonnes sur la base des doses moyennes de semis dans le pays: environ 80 kg par ha pour le riz, 25 kg par ha pour le maïs, 13 kg par ha pour le sorgho, 50 kg par ha pour les légumineuses;
la Mission projette la consommation animale à environ 57 000 tonnes de céréales (essentiellement du sorgho et une petite quantité de maïs) et 57 000 tonnes de tubercules (du manioc essentiellement) ;
les prévisions de pertes post-récolte et autres usages sont de 143 000 tonnes, environ 22 pour cent de la production céréalière. Elles sont estimées à 20 pour cent pour les tubercules;
les exportations et réexportations (vers la République dominicaine) sont estimées à 40 000 tonnes de céréales (15 000 tonnes de riz, 10 000 tonnes de maïs, 15 000 tonnes de légumineuses) et 10 000 tonnes de bananes;
les besoins d’importations de céréales et légumineuses pour la campagne de commercialisation 2010/11 (juillet/juin) sont estimés à près de 711 000 tonnes, essentiellement du riz et du blé et une petite quantité de maïs et de légumineuses. La Mission estime que le pays pourra importer environ 525 000 tonnes par voie commerciale. Le déficit non couvert est estimé à 186 000 tonnes.
Blé | Sorgho | Riz | Maïs | Total céréales | Légumineuses | Céréales + légumineuses | Bananes | Tubercules | Total | |
Disponibilités intérieures | 0 | 113 | 133 | 258 | 504 | 148 | 652 | 313 | 1 233 | -- |
Variations de stocks | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | |
Production | 0 | 113 | 133 | 258 | 504 | 148 | 652 | 313 | 1 233 | 1 084 |
Utilisation totale | 288 | 113 | 463 | 297 | 1 160 | 162 | 1 322 | 325 | 1 233 | |
Consommation alimentaire | 288 | 51 | 431 | 205 | 976 | 123 | 1 099 | 246 | 781 | 1 382 |
Semences | 0 | 2 | 5 | 8 | 14 | 9 | 23 | 0 | 1 | |
Alimentation animale | 0 | 37 | 0 | 20 | 57 | 0 | 57 | 0 | 57 | -- |
Pertes et autres usages | 0 | 23 | 27 | 65 | 114 | 30 | 143 | 78 | 395 | -- |
Exportation et réexportation | 0 | 0 | 15 | 10 | 25 | 15 | 40 | 10 | 0 | -- |
Besoins d’importation | 288 | 0 | 345 | 49 | 682 | 29 | 711 | 22 | 0 | -- |
Importations commerciales prévues | 200 | 0 | 300 | 10 | 510 | 15 | 525 | 22 | 0 | -- |
Déficit à couvrir | 88 | 0 | 45 | 39 | 172 | 14 | 186 | 0 | 0 | -- |
L’approche méthodologique utilisée pour l’analyse de la sécurité alimentaire, en particulier au niveau des ménages, comprend essentiellement l’examen et la triangulation d’informations provenant de données secondaires, d’entretiens et d’observations lors des visites de terrain. Ils incluent:
les documents disponibles sur la sécurité alimentaire des ménages et la nutrition des enfants;
les entretiens avec des informateurs clefs et des ménages, sur la base d’un guide d’entretien préalablement préparé;
l’examen des informations relatives aux programmes d’assistance alimentaire.
Les documents de référence sont l’analyse compréhensive de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité en milieu rural haïtien basée sur des données collectées en novembre 2007 dans le cadre d’une enquête des ménages entreprise sur un échantillon probabiliste. L’insécurité alimentaire des ménages a été déterminée sur la base du score de la consommation alimentaire pauvre et limite. Leur profil a été analysé en croisant d’autres indicateurs, tels que leurs moyens de subsistance.
Des évaluations plus récentes ont également été examinées, en particulier les résultats préliminaires de l’enquête sur la sécurité alimentaire de la CNSA dans le département du Sud-Est de novembre 2009 et les résultats de deux ESASU entreprises suite au séisme en février et juin 2010. La première a couvert 11 communes du département de l’Ouest et la commune de Jacmel du département du Sud-Est, directement affectées par le tremblement de terre. La seconde évaluation a étendu la zone d’analyse aux communes de Jean Rabel, Bombadopolis, Baie de Herne et Môle-Saint-Nicolas du département du Nord-Ouest, aux communes d’Anse Rouge, de Terre Neuve et de la zone urbaine de Gonaïves du département de l’Artibonite et à la commune de Belle-Anse du département du Sud-Est, compte tenu d’informations préoccupantes sur la persistance de l’insécurité alimentaire chronique et la détérioration possible de la sécurité alimentaire transitoire. Dans le cadre de la présente évaluation, l’analyse a tenu compte des données des deux ESASU relatives aux 5 communes à caractère rural du département de l’Ouest (Petit-Goâve, Grand-Goâve, Croix-des-Bouquets, Léogâne et Gressier), aux communes de Jacmel et de Belle-Anse, et aux communes mentionnées ci-dessus des départements du Nord-Ouest et de l’Artibonite. Enfin, des informations sur le suivi de la sécurité alimentaire, notamment publiées dans les bulletins de la CNSA conjointement avec FEWSNet, et de l’USAID ont été examinées.
Pour l’analyse des tendances de la malnutrition des enfants de moins de 5 ans, les documents de référence ont été l’enquête nutritionnelle réalisée de décembre 2008 à mars 2009 par le Ministère de la santé conjointement avec ACF et l’UNICEF. Elle a été complétée par les données des deux ESASU sur la malnutrition des enfants mesurée en utilisant le périmètre brachial, et les résultats préliminaires de l’enquête nutritionnelle du Ministère de la santé et de l’UNICEF réalisée entre avril et juin 2010.
Avant le séisme, la pauvreté8 touchait 68 pour cent de la population vivant avec moins de 2 dollars par personne et par jour, et la pauvreté extrême concernait 47 pour cent de la population vivant avec moins de 1 dollar par personne et par jour. Ces chiffres avaient baissé de 8 pour cent depuis 2001, bien que la pauvreté se fût accrue en milieu urbain. Elle restait toujours plus élevée en milieu rural où elle touchait 72 pour cent des personnes. Beaucoup de travailleurs sont pauvres dans un contexte où l’emploi informel touche 80 pour cent des personnes et la moitié de l’emploi se trouve dans l’agriculture.
Le séisme a provoqué une réduction de l’activité économique. La contraction économique aurait comme conséquence de faire revenir les niveaux de la pauvreté à ceux de 2001 avec des pertes d’emplois estimées à 8,5 pour cent. Ces pertes seraient le résultat, entre autre, de la restriction de l’accès aux marchés et de la contraction du marché du travail. Les femmes ont été particulièrement touchées par la baisse des activités de commerce: 75 pour cent des 45 000 femmes vivant du travail journalier domestique, du commerce dans la rue ou sur les marchés auraient été affectées. La reconstruction pourrait cependant réduire le nombre des emplois perdus et avoir un effet positif sur les taux de pauvreté.
La zone proche de l’épicentre directement affectée comprend une zone de plaine dans les communes de Gressier, Léogâne, Petit-Goâve et Grand-Gôave et les zones montagneuses des communes de Bainet, La Vallée, Côte-de-Fer, Jacmel, Cayes-Jacmel et Marigot. Dans les plaines, ce sont essentiellement les canaux d’irrigation primaires, secondaires et tertiaires qui ont été obstrués par les glissements de terrain. La zone de plaine caractérisée par un niveau de production et de revenus plus élevé que les zones montagneuses où se pratique essentiellement l’agriculture pluviale, comptait davantage de structures en dur tels que des centres de stockage ou de transformation. Les populations en plaine possédaient davantage de maisons en dur, contrairement aux ruraux des montagnes, qui plus pauvres habitaient des maisons en structure de bois et murs en pisé. Ces dernières, même si elles ont été endommagées, ne se sont pas écroulées aussi fréquemment et ont pu être réparées.
Les populations qui n’ont pas tout perdu dans la destruction de leur habitat, ont souvent subi des dégâts sur leurs biens domestiques, leurs réserves alimentaires ou leurs actifs productifs. Les stocks de semences ont été soit détruits, soit utilisés pour faire face aux besoins essentiels. Les ménages ont également décapitalisé pour reconstruire leur maison, lorsque cela était envisageable. Le bétail aurait souvent disparu, fuyant les répliques qui sont restées fortes durant le mois qui a suivi. La consommation alimentaire s’est souvent appauvrie avec des aliments moins appréciés, ou provenant de la production propre (le fruit de l’arbre véritable a souvent été mentionné durant la Mission car c’était la période de cueillette), et la préparation de repas contenant moins fréquemment des protéines.
L’une des principales conséquences du tremblement de terre a été le déplacement massif de populations, à l’intérieur de la zone affectée d’une part, et d’autre part, vers leur localité d’origine, souvent en milieu rural. Selon les estimations de fin mai, environ 1,6 million de personnes déplacées vivraient dans des campements ou dans des familles d’accueil. Les chiffres ont oscillé entre 570 000 et 600 000 personnes en janvier/février, pour les personnes qui se sont déplacés vers d’autres départements. Elles ont souvent été accueillies dans leurs familles ou par des parents bien que dans un certains nombre de cas, les familles d’accueil ont reçu des étrangers qui n’avaient pas d’autre alternative. Selon les sources du gouvernement, le nombre de personnes qui se sont déplacées représentaient environ 10 pour cent de la population dans les départements de l’Artibonite (avec environ 162 000 déplacés représentant 27 pour cent du total de plus de 604 000 déplacés) et des Nippes (20 000 déplacés, 3 pour cent du total des déplacés), 13 pour cent dans les départements du Centre (90 000 déplacés, 15 pour cent du total) et du Sud (88 500 déplacés, 15 pour cent du total) et jusqu’à 28 pour cent dans le département de la Grand’Anse (120 000 déplacés, 20 pour cent du total). Les départements du Nord ont connu des taux beaucoup plus faibles de déplacement de population (entre 1 et 7 pour cent de la population locale). Une autre source9 mentionne comme principaux départements d’accueil, le département du Sud qui aurait reçu 21 pour cent des déplacés (122 000 personnes), la partie Nord du département de l’Ouest avec 18 pour cent de déplacés (101 000 personnes), suivi de l’Artibonite avec 15 pour cent des déplacés (84 000 personnes) avec un chiffre total de déplacés de 570 000 personnes.
Selon les entretiens avec les informateurs clefs et les ménages, entre 40 et 50 pour cent des personnes seraient retournées à Port-au-Prince, ce qui correspond également aux sources d’informations secondaires. L’on constate que c’est souvent les enfants qui restent dans les familles d’accueil. Ceci pose fréquemment un problème de scolarisation (qui est aussi l’un des principaux facteurs justifiant le retour des familles en zone métropolitaine) car les écoles, bien que dans l’obligation de recevoir les enfants déplacés, n’ont pas toujours la capacité physique de le faire et les frais de scolarisation peuvent également poser des problèmes pour des familles qui par ailleurs ont déjà décapitalisé pour faire face aux besoins essentiels. Les petits enfants séparés de leurs parents souffrent quelquefois de troubles d’ordre psychologique pouvant aussi entrainer des problèmes de prise alimentaire. Des problèmes de protection des enfants séparés de leurs parents ou orphelins existent.
L’Analyse globale de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité (CFSVA) en milieu rural haïtien, basée sur des données de novembre 2007 et étude de référence au niveau du pays, a relevé que bien que 75 pour cent des ménages ruraux pratiquent l’agriculture à compte propre, les revenus générés ne représentent que 25 pour cent des revenus totaux des ménages. En y ajoutant les activités liées au secteur primaire (vente de produits agricoles, de charbon, main-d’œuvre, etc.), le secteur assure un peu plus de 47 pour cent des revenus de ménages. Les revenus de l’agriculture ne sont donc pas déterminants pour les ménages ruraux. La moitié des revenus sont générés par des activités qui ne relèvent pas du secteur agricole et par la redistribution interne ou externe entre membres de la famille. Des écarts importants existent par ailleurs entre les départements et les zones agro-écologiques bien que les sources de revenu provenant du secteur agricole restent faibles. Il compte pour plus de 47 pour cent dans les revenus des ruraux du département du Nord-Est alors qu’il ne contribue que pour moins de 16 pour cent au revenu des ménages ruraux du département du Sud-Est, bénéficiant davantage de transferts externes. Selon les zones agro-écologiques, cette activité domine dans la zone agro-pastorale semi humide avec presque 48 pour cent des revenus des ménages ruraux provenant de cette source, et même 70 pour cent lorsque l’on y ajoute les revenus de l’élevage, de la chasse, de la pêche et du charbon de bois. Par contre, l’activité agricole ne représente que moins de 14 pour cent des revenus des ménages en zone de plaine en monoculture, pour atteindre 20 pour cent en termes de revenus générés par le secteur primaire, y compris la fabrication du charbon de bois. L’on y dépend donc essentiellement des revenus non-agricoles et des transferts.
Les sources de revenu des ménages ruraux sont donc multiples: 40 pour cent des ménages dépendent d’une combinaison d’activités articulant agriculture, commerce et élevage. Ceux qui ne vivent principalement que d’une source de revenu sont les plus touchés par l’insécurité alimentaire10: 20 pour cent des ménages qui pratiquent essentiellement l’agriculture (avec une incidence de l’insécurité alimentaire la plus élevée de 34-25 pour cent en moyenne nationale), 9 pour cent des ménages qui vivent essentiellement de la vente de charbon de bois et 5 pour cent des ménages qui dépendent de la vente de leur main-d’œuvre (avec une incidence de l’insécurité alimentaire de plus de 32 pour cent). Les ménages vivant principalement de la vente de leur main-d’œuvre ont une source de revenu précaire, très dépendante des aléas du marché du travail et des fluctuations des prix. Ils ne couvrent en effet leurs besoins alimentaires avec leurs revenus que 6 mois par an et leur production propre ne représente que 16 pour cent de leurs besoins alimentaires, le taux le plus bas en termes de source de nourriture. Les ménages qui dépendent de l’agriculture ont les revenus les plus faibles (mais avec un taux d’autoconsommation alimentaire élevé de 30 pour cent) suivis par ceux qui vivent de la vente de leur force de travail.
Selon l’ESASU de février 2010, les principales sources de revenu ont diminué dans les zones directement touchées par le séisme: le commerce reste cependant la principale source pour plus de 26 pour cent des ménages (contre 34 pour cent avant le séisme), et environ 20 pour cent si l’on ne considère que les ménages vivant dans les zones rurales. Pour 13 pour cent d’entre eux, ce sont les transferts qui sont la source de revenu principale, la seule source à avoir doublé avec un taux élevé dans la zone de Pétionville et Tabarre (18 pour cent), et les camps urbains (16 pour cent), puis vient le travail non qualifié pour 12 pour cent des ménages (contre 15 pour cent avant). Avant le séisme, la principale source de revenus était le commerce suivie du travail qualifié qui vient maintenant en quatrième position. Plus du tiers des ménages dépendant du travail qualifié et du travail non qualifié n’ont plus eu l’opportunité de trouver une telle occupation. Sur la base de groupes d’indice de richesse par terciles avant le séisme, la prévalence du groupe de richesse le plus pauvre a augmenté de 52 pour cent en février à 57 pour cent en juin, selon les résultats préliminaires de la dernière ESASU. Le risque d’appartenir à un groupe pauvre s’est donc accru. Le groupe de richesse le plus pauvre inclut les ménages qui vivent essentiellement de l’assistance sociale (84 pour cent d’entre eux sont pauvres), de l’agriculture (pauvres pour 79 pour cent d’entre eux) et du travail non qualifié (pauvres pour 66 pour cent d’entre eux). Le taux de prévalence a baissé pour ce dernier groupe de revenu (de 75 à 66 pour cent de pauvreté) alors qu’il a augmenté pour les groupes de revenu vivant de l’agriculture et de l’assistance sociale.
Dans la zone touchée par le séisme, le nombre de ménages recevant des transferts de l’étranger mais aussi internes est important (21 pour cent et 22 pour cent de ménages, respectivement), et bien plus élevé qu’en temps normal (9,1 et 15,2 pour cent, respectivement pour l’Ouest et 15 et 12,2 pour cent, respectivement pour le Sud-Est). Les familles vivant en zone urbaine et dans le nord du département de l’Ouest (Croix-des-Bouquets, etc.) sont plus nombreuses à recevoir de tels transferts11. Ces transferts sont essentiellement utilisés par couvrir les besoins alimentaires (89 pour cent). Le taux de prévalence du groupe le plus pauvre dépendant essentiellement de cette source de revenu a légèrement baissé de 66 à 62 pour cent.
Au niveau national, le montant total des transferts externes12 a atteint un maximum en février et mars, sensiblement supérieur aux transferts effectués en décembre, un mois particulier compte tenu des transferts élevés pour les fêtes. En mai 2010, il est revenu à un niveau équivalent au mois d’octobre 2009. Il faut aussi noter que l’accroissement du montant des transferts externes s’est infléchi continuellement les 6 dernières années et est resté pratiquement constant entre octobre 2007 et septembre 2009 à environ USD 1 milliard par an, suite à la crise économique mondiale qui a eu comme conséquence la baisse des revenus ou la perte d’emplois des haïtiens de l’étranger. Cependant, les transferts attendus entre octobre 2009 et septembre 2010 sont estimés à plus de USD 1 3 milliards.
Le nombre des unités de transferts de l’extérieur aurait sensiblement augmenté alors que les montants resteraient constants. Par ailleurs, des informateurs-clefs ont soulignés que les ménages ayant reçu des déplacés ont connu une pression particulièrement forte sur leurs réserves, ayant également perdu la source de revenu générée par les transferts internes.
Un indice simplifié13 a été calculé à partir de cinq stratégies de survie liées à la consommation alimentaire. Plus l’indice est élevé, plus les ménages font appel à ces stratégies liées à l’alimentation et sont susceptibles de connaître une dégradation de leur sécurité alimentaire ou une aggravation de leur insécurité alimentaire. Au niveau national14, les ménages des départements du Nord, du Nord-Ouest et du Sud seraient les plus touchés avec des indices de stratégie de réponse au manque de nourriture de 25,9, 24,3 et 23,7, respectivement. L’indice15 s’est accru dans les zones touchées par le séisme à 23,2 (zones rurales et urbaines) par rapport à l’indice antérieur de 18 2 (département du Sud-Est) et 22,1 (département de l’Ouest, rural). En juin, ces indices16 auraient cependant de nouveau baissé à près de 17 pour les zones urbaines et rurales, à moins de 14 dans le département du Sud-Est et à moins de 18 dans le département de l’Ouest en zone rurale.
Dans les communes sélectionnées du département du Nord-Ouest (Jean Rabel, Bombadopolis, Bais de Henne, Môle-Saint-Nicolas), cet indice est de plus de 18 pour les ménages. Il est de près de 17 pour la commune de Belle Anse (commune vulnérable du département du Sud-Est) et atteint près de 20 dans la commune de Gonaïves du département de l’Artibonite. Ce sont de nouveau les travailleurs non qualifiés et ceux qui dépendent de l’assistance sociale qui ont l’indice le plus élevé. Lors des observations sur le terrain, la consommation d’aliments moins appréciés (et de moindre qualité nutritionnelle, avec diminution de la consommation de viande) et la réduction du nombre de repas par jour ont été mentionnées à plusieurs reprises.
L’impact du séisme sur l’accès aux intrants agricoles, les semences en particulier, a pu être de deux ordres. Les ménages directement touchés ont souvent perdu leur stock ou l’ont consommé. Contre 57 pour cent des ménages qui disposaient de semences de maïs avant le séisme, seuls 23 pour cent d’entre eux disaient en avoir encore en février. La consommation du stock de semences a été la stratégie de survie la plus fréquemment utilisée par les ménages vivant dans les zones rurales directement touchées (entre 23 et 38 pour cent, selon les communes). Par ailleurs, elle a été particulièrement élevée pour les ménages dépendant de l’agriculture qui ont consommé leurs semences dans 61 pour cent des cas. Les ménages les plus pauvres et dont la consommation alimentaire est pauvre et limite, font aussi appel à des stratégies de survie non durables telles que la vente de biens productifs, la consommation des semences et la diminution des dépenses de santé. Cependant, la diminution des dépenses de santé qui apparaît comme une stratégie fréquente dans tous les groupes de richesse et de consommation alimentaire, peut être induite par un accès plus aisé aux soins gratuits.
Par ordre décroissant d’importance, les gens ont aussi récolté plus tôt que d’habitude et ont diminué l’utilisation d’intrants agricoles. Au-delà de la perte physique de bétail, notamment par la fuite des animaux suite aux secousses (23 pour cent des ménages en possédaient contre 27 pour cent avant le séisme), l’augmentation de la vente de bétail a pu être observée tant par les ménages directement affectés (plus de 19 pour cent des ménages y ont eu recours) que dans les autres zones, sans toutefois pouvoir quantifier le phénomène.
Les stratégies de survie non durables les plus souvent employées par les ménages directement affectées, ont aussi été mentionnées fréquemment par les familles d’accueil de déplacés, à savoir la décapitalisation des réserves et des avoirs. La consommation de semences a été citée systématiquement par les informateurs-clefs et les ménages rencontrés en zone rurale. Elle est effectivement une stratégie envisagée en cas de choc par 51 pour cent des ménages faisant partie des deux quintiles les plus pauvres17. Les stratégies de survie durables les plus fréquemment mentionnées par ces mêmes groupes de ménages sont de placer les enfants en mendicité, la production de charbon de bois, la migration de travail interne, la consommation d’aliments sauvages et le travail pour nourriture. Ces stratégies ont effectivement été relevées lors des entretiens.
Enfin, la consommation des réserves alimentaires et la vente de bétail semblent aussi avoir été des stratégies appliquées par les ménages qui n’ont pas reçu de personnes déplacées, pour faire face à la contraction économique, à la réduction des opportunités d’activités génératrices de revenus et donc du pouvoir d’achat, et aux pertes de récolte. Les pertes concernent en particulier la récolte du haricot, la première culture de l’année, plus spécifiquement dans les départements du Sud, Sud-Est, Centre et Nord-Est, et qui sert de culture de rente pour réinvestir en semences et faire face à des dépenses familiales récurrentes.
La migration est une stratégie de survie courante pour les ménages dans le groupe de richesse le plus pauvre et moyen retenus par les ESASU. La même tendance se retrouve dans les groupes de consommation alimentaire pauvre et limite, et ceux qui dépendent du travail non qualifié. Lors des entretiens, la migration interne pour la recherche d’emploi a été signalée, en particulier vers le département de l’Artibonite, une zone qui est un grand demandeur de main-d’œuvre non-qualifiée et qui applique des taux journaliers supérieurs à d’autres régions pour les cultures du riz. La migration vers Port-au-Prince a sans doute aussi repris. Les migrations externes vers la République dominicaine semblent s’effectuer plus fréquemment à partir des zones limitrophes, en particulier du département du Sud-Est et du Nord-Est. Elles seraient de plus longue durée mais sans doute moins importantes que dans le passé car les perspectives d’emploi se sont détériorées.
Le score de la consommation alimentaire18 est un indicateur composite supplétif utilisé dans le cadre de la CFSVA, de l’OSASE de 2009 et des ESASU de 2010 comme indicateur de référence pour déterminer des groupes de consommation alimentaire pauvre, limite et acceptable et l’insécurité alimentaire des ménages.
Selon la CFSVA de 2007, les ménages qui ont une consommation alimentaire limite sont en insécurité alimentaire alors que ceux qui ont une consommation alimentaire pauvre sont en insécurité alimentaire sévère. La moyenne nationale de l’incidence de l’insécurité alimentaire s’élève à 25 pour cent (59 pour cent de ménages en insécurité alimentaire sévère). Les départements les plus touchés sont le Nord-Ouest (plus de 42 pour cent), le Nord (38 pour cent), le Nord-Est (plus de 35 pour cent) et la Grand’ Anse avec plus de 31 pour cent de ménages en dessous du seuil d’une alimentation acceptable. Selon les zones agro-écologiques, c’est la zone agro-pastorale sèche qui connaît 36,2 pour cent de ménage en insécurité alimentaire suivi de la zone d’agriculture de montagne humide (29,1 pour cent) et la zone agro-pastorale semi-humide (25,4 pour cent). La zone agro-pastorale de Plateau connaît une incidence de 24,7 pour cent de ménages en insécurité alimentaire. Ce sont les ménages vivant de la vente de leur travail dans l’agriculture qui sont le plus touchés (plus de 34 pour cent). En milieu rural, les dépenses alimentaires s’élèvent en termes monétaires à près de 59 pour cent du total des dépenses pour atteindre 69 pour cent pour le quintile le plus pauvre. Le niveau des dépenses par habitant reste très faible pour les ménages dont la consommation alimentaire est pauvre, en dessous du seuil d’indigence.
La comparaison des résultats entre la CFSVA (nov. 2007), l’OSASE (nov. 2009) sur le département du Sud-Est, et les ESASU (février et juin, 2010) dans les zones affectées par le séisme, est parlante et révèle une nette détérioration de la situation après janvier. En effet, moins de 20 pour cent des ménages, selon la CFSVA, et 17 pour cent dans le département du Sud-Est selon l’OSASE, étaient en insécurité alimentaire alors qu’ils étaient 31 pour cent à avoir une consommation alimentaire pauvre et limite en février puis 26 pour cent en juin. Les sources alimentaires des ménages ont connu dans la zone affectée un changement significatif vers une plus grande dépendance du marché, pendant que les ménages faisaient face à une détérioration de leur pouvoir d’achat. Alors que pour plus de 23 pour cent des ménages leur production propre était leur principale source alimentaire, le taux a baissé à 4 pour cent. Par contre, les achats sur le marché qui ont été la principale source alimentaire pour près de 68 pour cent des ménages sont devenus la principale source pour 83 pour cent des ménages après le séisme. Quand 53 pour cent des ménages déclaraient les dépenses alimentaires comme premier poste de dépenses avant, il est devenu le premier poste pour 80 pour cent des ménages après. Les prix des denrées de base avaient connu une forte augmentation après le séisme pour de nouveau retrouver un niveau équivalent en avril à celui de la même époque en 2009, restant cependant supérieurs à la moyenne des cinq dernières années.
La moitié des ménages se sont endettés après le séisme, essentiellement pour faire face à leurs besoins alimentaires (96 pour cent des ménages ont utilisé l’argent emprunté pour faire face à des dépenses alimentaires). Les transferts alimentaires ont été une source alimentaire insignifiante (4 pour cent) en février car les distributions d’assistance alimentaire n’avaient pas encore été mises en place dans plusieurs endroits au moment de l’enquête. Mais en juin, 6 pour cent des ménages dans les zones affectées avaient reçu une assistance alimentaire sous forme de riz avec des taux plus élevés pour les communes de Petit-Goâve et Jacmel (18 pour cent) et pour les communes de Gressier et Léogâne (8 pour cent).
Le tableau 10 montre les données comparatives des scores de consommation alimentaire pauvre et limite entre février et juin 201019 pour différents groupes de ménages:
Consommation pauvre et limite février 2010 (%) | Consommation pauvre et limite juin 2010 (%) | |
Zones affectées | 31 | 27 |
Camps urbains | 40 | 25 |
Camps ruraux | 48 | 35 |
Déplacés | 43 | 32 |
Non déplacés | 27 | 25 |
Travail non qualifié | 54 | 36 |
Assistance sociale | 55 | 41 |
Autres sources de revenu | 35 | 34 |
Département du Nord-Ouest 1/ | 22 | |
Département de l’Artibonite 2/ | 22 | |
Gonaïves Ville 3/ | 14 | |
Commune de Belle Anse | 34 |
Pour déterminer les ménages en insécurité alimentaire, les hypothèses suivantes ont été émises dans le cadre des ESASU:
les ménages dont la consommation alimentaire est pauvre et limite;
les ménages qui font appel à des stratégies de survie alimentaires (mais ne font pas déjà partie des groupes de ménages avec une consommation pauvre ou limite);
les ménages qui utilisent des stratégies de survie (non alimentaires) non durables (et ne sont pas déjà inclus dans les deux groupes précédents);
les ménages qui font appel à des sources de nourriture et de revenu non durables (et ne sont pas déjà affectés par les 3 critères précédents).
Les résultats sont présentés dans le tableau qui suit:
Critères de classification | Prévalence février 2010 (%) (zones directement affectées) | Prévalence juin 2010 (%) (zones directement affectées) | Prévalence juin 2010 (%) (toutes les zones enquêtées) | |||
Consommation pauvre et limite | 31 | 27 | 26 | |||
Cumulatif | Prévalence additionnelle | Cumulatif | Prévalence additionnelle | Cumulatif | Prévalence additionnelle | |
Stratégies de survie alimentaires | 37 | 6 | 29 | 2 | 28 | 2 |
Stratégies de survie non durables | 43 | 6 | 35 | 6 | 34 | 6 |
Sources de nourriture non durables | 47 | 4 | 37 | 2 | 36 | 2 |
Sources de revenu non durables | 52 | 5 | 39 | 2 | 38 | 2 |
Total | 52 | 39 | 38 |
Selon ces données, le pourcentage de ménages qui ont une consommation alimentaire acceptable mais font appel à des stratégies de survie alimentaires et des sources alimentaires et de revenu non durables ont baissé de 21 à 12 pour cent. L’aide humanitaire en général, les transferts alimentaires au travers de la distribution de l’assistance alimentaire en particulier, la reprise des activités de l’agriculture, grâce entre autre à la distribution de semences et d’engrais, l’accès aux activités génératrices de revenus espèces/vivres pour travail, ainsi que la reprise du commerce des denrées agricoles et non agricoles, ont pu avoir un impact positif sur l’accès des ménages à l’alimentation. Il faut cependant relever que le niveau de la consommation alimentaire pauvre et limite reste bien au dessus de celui avant le séisme dans la région affectée (environ 20 pour cent).
En ce qui concerne les priorités des ménages, l’ESASU de juin a établi qu’elles restent les mêmes en ordre d’importance qu’en février, à savoir l’alimentation, le logement et l’emploi. Cependant, le pourcentage des ménages pour lesquels l’alimentation est la première priorité a baissé de 53 à 30 pour cent alors que pour le logement, il a augmenté de 17 à 23 pour cent ainsi que pour l’emploi. Le logement reste bien sûr la première priorité pour 38 pour cent des déplacés dans les campements. L’alimentation est également une priorité pour les ménages dans les zones à risque du Nord-Ouest, de l’Artibonite et de Belle Anse mais pour un pourcentage beaucoup plus élevé d’entre eux (entre 42 et 46 pour cent), alors que l’argent est la troisième priorité après le travail. Les priorités dans les trois mois à venir sont les mêmes mais en ordre inverse avec l’emploi venant en première position pour 23 pour cent des ménages (au lieu de 15 pour cent au moment de l’enquête), puis l’habitat et enfin l’alimentation, reflétant la même tendance qu’en février. Ces données révèlent une amélioration, certes relative, de la situation des personnes affectées, et confirment la projection des besoins prioritaires futurs des ménages.
Enfin, l’insécurité alimentaire transitoire des ménages directement ou indirectement affectés par le séisme ou les aléas climatiques s’ajoute à l’insécurité alimentaire chronique des ménages. En effet, la situation des ménages qui vivent déjà en insécurité alimentaire, et qui ont reçu des déplacés ou subit les baisses d’opportunités sur le marché, a pu se dégrader. La baisse de la production ou le retard de la récolte de certaines cultures dans certaines zones s’ajoutent à une situation où l’activité économie s’est contractée. Ces facteurs qui affectent le pouvoir d’achat des ménages n’ont pas pu être quantifiés dans le cadre de cette évaluation.
Les zones agro-pastorales sèches (notamment dans le département du Nord-Ouest et la partie nord du département de l'Artibonite) ainsi que dans la région agro-pastorale du plateau central (dans le département du Centre), sont très vulnérables aux aléas climatiques, situation exacerbée par des cycles récurrents de sècheresse et les effets des cyclones.
Sur le plateau central, la Mission a constaté un retard des précipitations de près d'un mois, après une période de sécheresse prolongée qui a causé un retard pour le semis. Si les conditions pluviométriques restent favorables, et compte tenu de l'utilisation de cultures de céréales et de légumineuses diverses combinées et échelonnées dans le temps, la production peut être satisfaisante. Mais le retard de la récolte principale de céréales (essentiellement le maïs) prolongera la période de soudure annuelle où l’accès alimentaire sera irrégulier et limité sur une plus longue période.
De même, la zone agro-pastorale sèche qui comprend une bonne partie du département du Nord-Ouest et la côte nord du département de l'Artibonite, a connu des périodes de sècheresse en avril et mai, entrainant un retard dans le développement des cultures. Une détérioration préoccupante a été notée des conditions des cultures dans la commune de Bassin Bleu (2ème et 3ème sections). Dans le département de l 'Ouest qui a été directement touché par le séisme, les précipitations erratiques, combinés aux effets directs du séisme sur les infrastructures, ont entraîné une réduction des superficies emblavées.
Compte tenu de la réduction de la disponibilité des sous-produits agricoles sur une période de sécheresse plus longue que d’habitude, les ménages des zones vulnérables ont généralement réduit le nombre de têtes de bétail et de petits animaux. Il est à prévoir que dans les ménages en insécurité alimentaire ou vulnérables, le nombre d'animaux diminue davantage avant septembre, lorsqu’ils seront vendus pour faire face aux dépenses de scolarisation.
Les informateurs clés ont signalé une pénurie de main-d’œuvre et une augmentation significative de son coût pendant les étapes clés de culture. Son coût élevé serait la conséquence du nouveau plafond du salaire minimum fixé par le gouvernement à HTG 200 par jour tandis que la pénurie est aggravée par le manque d'intérêt des jeunes générations pour les travaux agricoles. La pénurie de main-d'œuvre résulte aussi de la migration vers la République dominicaine dans les zones proches, car la force de travail est mieux rémunérée.
La pénurie de main-d’œuvre pourrait représenter un facteur limitant pour la production dans les zones vulnérables où l’on peut espérer que la superficie emblavée pourrait augmenter pour la récolte d’été afin de compenser les pertes de la récolte de printemps. Par ailleurs, les déplacements massifs de personnes vers les zones rurales n'ont pas entrainé une augmentation de la disponibilité de main-d'œuvre dans le secteur agricole.
Au niveau national, beaucoup d’efforts sont entrepris pour assurer un meilleurs accès aux structures sanitaires. Il reste cependant limité pour beaucoup de ménages, particulièrement en milieu rural et pour les plus pauvres, car peu d’unités communales de santé sont fonctionnelles et les soins restent payants. La faiblesse du pouvoir d’achat est un facteur limitatif de l’accès à la santé. Cependant, suite au séisme, des ONG intervenant dans le secteur offrent la gratuité des soins sans appliquer de critères d’accès. Cela devrait avoir un impact positif sur les possibilités de se faire soigner et les taux de malnutrition aigüe, en particulier. Par ailleurs, depuis 2008 le Ministère de la santé tente d’introduire au niveau national des protocoles harmonisés pour la détection et la prise en charge des différentes formes de la malnutrition. Bien que peu de structures soient en mesure de les mettre en œuvre, l’application des protocoles pourrait être améliorée par l’appui renforcé au système de santé.
L’enquête nutritionnelle au niveau national effectuée par le Ministère de la santé et ACF de décembre 2008 à mars 2009 montrent que les taux de malnutrition aigüe globale restent en deçà du seuil d’urgence humanitaire fixé à 10 pour cent. Le niveau des taux serait faible, à l’exception du Nord-Ouest (6,2 pour cent), de la Grand’ Anse (5,7 pour cent) et du Sud-Est (5,0 pour cent) avec des taux de malnutrition aigüe sévère élevée (plus de 1 pour cent) pour ces mêmes départements ainsi que le département du Centre.
Les départements du Nord-Ouest, Nord, Nord-Est et de la Grande Anse présentent de fortes incidences d’insécurité alimentaire chronique avant et après le séisme en raison entre autre, des aléas climatiques, de l’enclavement de certaines localités ayant un accès difficile aux zones de production, surtout en saison des pluies. Au cours du mois de juin, cette situation se présente dans certaines poches dans les plaines sèches du département du Nord-Ouest et dans le plateau du Centre où la période de soudure se rallonge à cause du retard des précipitations. Donc, les taux de malnutrition aigüe peuvent se détériorer notamment pendant les périodes de soudure où les disponibilités alimentaires s’épuisent et compte tenu de l’enclavement ou de la distance des structures de santé. Dans les zones concernées, la prise en charge de la malnutrition est peu développée.
Par ailleurs, d’après la Direction départementale de la santé du département du Nord-Est, il existe toujours des poches de malnutrition dans les montagnes et dans la partie côtière des plaines avec des cas de kwashiorkor et de marasme. Ceci résulte du manque de disponibilité de certains aliments nutritifs dans les repas des enfants en raison d’une part de l’enclavement des zones mais aussi du manque d’éducation nutritionnelle sur l’allaitement, l’hygiène, etc.
Quant à la malnutrition chronique, elle est élevée dans les départements du Centre et de la Grand’ Anse (plus de 30 pour cent). Les taux restent proches de ce seuil et donc préoccupants dans l’Artibonite (29,6 pour cent), le Nord (28,9 pour cent), le Nord-Est et le Nord-Ouest (avec un indice de confiance de 95 pour cent). Ce sont aussi les départements les plus touchés par la malnutrition chronique sévère (entre 7,2 et 11,7 pour cent). En plus d’une consommation alimentaire insuffisante, les carences en micronutriments sont les facteurs qui contribuent fortement au retard de croissance des enfants par la faible teneur de l’alimentation en vitamines et minéraux.
Dans la zone directement affectée par le séisme, la malnutrition aigüe a été mesurée en utilisant le périmètre brachial chez les enfants des ménages enquêtés en février. Il en ressort que 6 pour cent des enfants de 6 à 59 mois ont un périmètre brachial de moins de 125 mm (émaciation modérée et sévère) dont 1,3 pour cent ont un périmètre brachial de moins de 115 mm (émaciation sévère). Bien que ces prévalences ne fussent pas d’un niveau préoccupant, l’état des enfants devait être suivi compte tenu de la situation sanitaire, en particulier dans les camps et au sein des populations déplacées, et de la fréquence des diarrhées. Les résultats de l’enquête nutritionnelle d’avril à juin 2010 du Ministère de la santé et de l’UNICEF montrent que la prévalence de la malnutrition aigüe globale reste globalement à un niveau faible ou moyen et ne s’est pas dégradée. En effet, la malnutrition aigüe globale fluctue, pour les enfants déplacés de Port-au-Prince et les enfants déplacés des communes directement affectées (Gressier, Léogâne, Petit-Goâve, Grand-Goâve, Jacmel), entre 5,4 et 3,0 pour cent avec un taux de malnutrition aigüe sévère entre 0,5 et 1,2 pour cent, respectivement. Ces mêmes taux fluctuent entre 3,2 pour cent et 2,5 pour cent (avec un taux de malnutrition aigüe sévère entre 0,5 pour cent et 0,2 pour cent, respectivement) pour les enfants résidents de ces deux zones. Le département de l’Artibonite a également fait l’objet de l’enquête du fait du déplacement important de population vers cette zone. La malnutrition aigüe globale touche 5,6 pour cent des enfants en Artibonite, alors qu’il est de 0,7 pour cent pour les cas sévères.
Bien que les taux restent globalement faibles, le renforcement des programmes d’appui nutritionnel et de la prise en charge de la malnutrition au niveau national devrait se poursuivre pour permettre de prévenir la malnutrition chronique et les carences en micronutriments.
Le programme du PAM en Haïti est axé, au-delà des interventions initiales d’urgence post-séisme, sur la mise en œuvre de filets de sécurité à la fois social, économique et nutritionnel. Il s’oriente donc autour de 4 types d’interventions :
les distributions alimentaires générales d’urgence;
les interventions vivres/espèces pour travail;
le programme d’appui aux cantines scolaires et
les programmes d’appui nutritionnel.
Le détail du nombre total de bénéficiaires et des quantités distribuées sur les 6 premiers mois de l’année et planifiées jusqu’à fin 2010 sont présentés dans le tableau suivant:
Mois | Bénéficiaires (personnes) | Volume (Tonnes) | Source |
Janvier | 1 058 615 | 4 795 | COMPAS |
Février | 4 507 686 | 25 314 | COMPAS |
Mars | 3 768 784 | 28 430 | COMPAS |
Avril | 1 533 996 | 11 553 | Rapports |
Mai | 1 400 859 | 8 089 | Rapports |
Juin | 1 132 323 | 6 050 | Rapports |
Juillet | 1 433 552 | 8 788 | Plan de distribution |
Août | 1 331 052 | 8 168 | Plan de distribution |
Septembre | 1 571 849 | 10 497 | Plan de distribution |
Octobre | 1 884 720 | 9 994 | Plan de distribution |
Novembre | 2 005 878 | 10 819 | Estimations |
Décembre | 2 044 837 | 11 090 | Estimations |
Total | 143 587 | Estimations |
Le nombre de bénéficiaires et les quantités se réfèrent aux programmes du PAM, qui représentent environ les deux tiers de l’assistance alimentaire distribuée dans le pays. Les programmes du PAM et des agences qui reçoivent les contributions de l’USAID fournissent 90 à 95 pour cent de l’assistance alimentaire mise à la disposition des populations haïtiennes.
6.8.1 Distributions alimentaires générales d’urgence
Durant les deux mois qui ont suivi le séisme, le programme d’assistance alimentaire d’urgence s’est axé essentiellement sur la distribution généralisée de rations alimentaires composées de 300 g. de céréales (du riz principalement), 60 g. de légumineuses, 25 g. d’huile et 5 g. de sel. Ces interventions ont été mises en œuvre en deux phases distinctes: les distributions effectuées les semaines qui ont suivi le séisme, ont bénéficié aux populations vivant dans les camps de déplacés en zone métropolitaine («surge operation» en anglais). La deuxième phase de distribution générale a eu lieu pendant les mois de mars et début avril, et a également couvert les zones rurales qui ont connu un nombre important de déplacés.
Cette assistance est intervenue pendant une période de déplacements massifs et de pression majeure sur les ménages ruraux qui ont accueilli les populations déplacées. Les entretiens sur le terrain ont confirmé l’utilité de ces distributions pour réduire la pression sur les réserves alimentaires des familles d’accueil et sur les marchés locaux, dans un contexte où les prix avaient substantiellement augmenté. Cette intervention de distribution générale est réduite progressivement au fur et à mesure de la mise en œuvre des activités vivres/espèces pour travail et ne bénéficiera que: b) une ration initiale pour les personnes relocalisées dans des camps ou qui se déplacent en dehors de Port-au-Prince; c) toute autre urgence qui pourrait être liée aux conséquences de la saison cyclonique ou à un autre choc.
6.8.2. Interventions ciblées d’assistance alimentaire
Vivres/espèces pour travail
A partir du mois d’avril, un système d’assistance alimentaire à travers un programme de vivres et espèces pour travail a été mis en œuvre, en étroite collaboration avec le gouvernement et les autres agences du système des Nations Unies, le PNUD en particulier. Ce programme permettra la création d’emplois et l’accès à des revenus sous forme d’espèces complétés par des rations alimentaires en faveur des populations ciblées dans les zones rurales à insécurité alimentaire élevée, aux familles ayant reçu des déplacés et aux catégories économiquement vulnérables n’ayant pas un accès régulier ou suffisant à l’alimentation. Dans les zones urbaines (Port-au-Prince, Cap Haîtien, etc.), les interventions se feront essentiellement avec un appui espèces pour travail. Les mêmes critères de sélection des bénéficiaires seront appliqués avec une priorité aux femmes chef de famille et aux ménages dont les revenus sont précaires, qui ont subit des destructions ou perdu leurs actifs productifs et dont le nombre de personnes dépendantes est élevé. Ces programmes sont mis en place en collaboration avec le gouvernement central et les autorités départementales et sont réalisées avec la participation d’institutions spécialisées (ONG internationales et nationales et organisations communautaires, entre autre). Dans le cadre d’une première étape, il est envisagé d’atteindre 70 000 participants (350 000 bénéficiaires), chiffre qui sera augmenté au fur et à mesure de l’identification des projets et selon les capacités des organisations qui devront fournir l’appui technique pour la mise en œuvre des activités. Par ailleurs, les chiffres de planification pour cette activité seront redéfinis compte tenu des résultats de l’évaluation des récoltes et de la sécurité alimentaire et de l’ESASU, ainsi que d’une revue des toutes les activités vivres/espèces pour travail appuyées par les différents partenaires, qui se tiendra en septembre. Les travaux entrepris de type HIMO (haute intensité de main-d’œuvre), qui contribueront à réduire ou atténuer la vulnérabilité aux catastrophes, requerront des appuis techniques ou des investissements limités dans une phase initiale. Puis, les projets s’orienteront dans le cadre de la reconstruction et du renforcement de la résilience, vers des travaux demandant davantage d’intrants techniques et financiers.
Cantines scolaires
Le programme de cantines scolaires est considéré comme un filet de sécurité social et est prioritaire pour le gouvernement dans le cadre du plan de reconstruction. Il a pour but de réduire la vulnérabilité sociale, d’accroitre l’inscription et la présence des enfants et d’atténuer les effets de la faim sur les capacités d’apprentissage des enfants en âge scolaire. Le gouvernement espère couvrir toutes les écoles du pays d’ici 18 mois. Dans le cadre du programme d’appui du PAM, des repas sont distribués à 600 000 enfants dans des écoles sur tout le territoire. L’intervention sera étendue à 800 000 élèves avant la fin de l’année scolaire 2010/11. À terme, tous les enfants du pays devraient recevoir un repas à l’école. Les partenaires au projet sont la Banque mondiale, le Brésil, l’USAID et environ 25 ONG nationales et internationales qui donnent un appui à la mise en œuvre du programme. Le Programme national des cantines scolaires (PNCS) dirige cette initiative. La durabilité, la qualité et la rentabilité de ce programme dépendront de la consolidation des interventions, et l’harmonisation des stratégies et des approches afin de permettre une transition progressive vers l’appropriation du programme par le pays.
Programmes d’alimentation complémentaire
Durant la première phase de ce programme, qui a eu lieu pendant les mois de Février/Mars 2010, tous les enfants de 6 à 59 mois et les femmes enceintes et allaitantes vivant dans les camps à Port-au-Prince ont été ciblés dans le cadre de la distribution d’une alimentation complémentaire de couverture, atteignant 88 000 personnes avec du Supplementary Plumpy™ 20 pour les enfants 6-35 mois, et des biscuits à haute teneur énergétique pour les enfants 36 a 59 mois et les femmes enceintes et allaitantes.
La deuxième phase cible les zones directement affectées par le tremblement de terre (dans et en dehors des camps), les zones indirectement affectées qui ont reçu un afflux massif de déplacés, et toutes zones/poches d’insécurité alimentaire et/ou de malnutrition.
Dans cette deuxième phase, qui a commencé en Mars/Avril 2010, et qui continuera jusqu'en fin septembre, la distribution d’une alimentation complémentaire ciblant les populations dans les camps de Port-au-Prince et les populations qui ont été affectées par l’afflux massif de déplacés est en cours. Les enfants de 6 à 35 mois reçoivent un complément alimentaire de Supplementary Plumpy ®21 tandis que les enfants de 36 à 59 mois et les femmes enceintes et allaitantes reçoivent une ration complémentaire de CSB, huile et sucre. Plus de 300 000 personnes en ont bénéficié à ce jour (fin juillet), l’objectif étant d’atteindre 655 000 bénéficiaires.
La troisième phase concernera le blanket micro-nutrient support d’Octobre à fin 2010. Le programme ciblera les enfants de 6-35 mois avec du Plompy Doz, les enfants de 36-59 mois avec de la poudre de miconutriments, et pour les femmes allaitantes et enceintes des capsules de micronutriments.
Par ailleurs, le PAM continue le programme d’alimentation complémentaire pour traiter les enfants souffrant de malnutrition aigüe à travers le pays et qui ne font pas partie du programme d’alimentation complémentaire de couverture. Ce programme ciblera 75 000 enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition aigue modérée (avec du Suplementary Plumpy™ comme aliment complémentaire) et 50 000 femmes enceintes et allaitantes avec du CSB, de l’huile, et du sucre.
6.8.3. La planification des activités d’assistance alimentaire pour 2010
Le nombre de bénéficiaires se répartit selon les catégories d’intervention, comme suit22:
Port-au-Prince | Léogâne | Les Cayes | Jacmel | Gonaïves | Hinche | Cap-Haïtien | Total | |
Programmes nutritionnels | 350 246 | 148 063 | 23 330 | 55 230 | 116 000 | 23 800 | 92 268 | 808 937 |
Cantines scolaires | 332 117 | 75 200 | 26 470 | 75 870 | 145 725 | 75 200 | 129 208 | 859 790 |
Espèces/vivres pour travail (participants) | 79 324 | 427 | 15 300 | 10 390 | 31 479 | 6 994 | 18 457 | 162 371 |
Membres familles assistés par E/V pour travail | 317 295 | 1 709 | 61 200 | 41 560 | 125 914 | 27 974 | 73 830 | 649 482 |
Programme VIH/SIDA | 44 500 | 2 500 | 2 000 | 1 100 | 26 040 | 25 750 | 32 193 | 134 083 |
Total bénéficiaires | 1 123 482 | 227 889 | 128 300 | 184 150 | 445 158 | 159 718 | 345 956 | 2 614 663 |
Le volume de l’assistance alimentaire des programmes du PAM pendant l’année 2010 est estimé à environ 150 000 tonnes métriques, composées des denrées suivantes (quantités approximatives):
Produits | Tonnes | |
Céréales | 77 643 | |
Légumineuses | 18 765 | |
CSB | 21 659 | |
Huile végétale | 8 243 | |
Rations d’urgence 1/ | 11 031 | |
Rations nutrition 2/ | 3 716 | |
Sel | 1 315 | |
Sucre | 1 215 | |
Total (estimatif) | 143 587 |
Il ressort qu’un effort majeur a été fourni pendant la période qui a immédiatement suivi le séisme et que la planification à partir du mois de mai/juin jusqu'à la fin de l’année tient compte des programmes d’aide ciblée et est donc plus régulière dans les volumes mensuels. En effet, le PAM aura en moyenne une distribution de près d’environ 10 000 tonnes de vivres sur la seconde période de l’année dont une bonne partie sera allouée aux programmes d’appui à la création de revenu.
Dans toutes les régions du pays, les programmes actuels d’assistance alimentaire devraient continuer comme prévu, en vue de toucher les populations déjà identifiées en insécurité alimentaire dans ces zones. Toutefois, la mission a identifié de potentiels besoins additionnels non encore couverts dans trois zones prioritaires en plus des programmes déjà existants sur place et ceci à cause de pauvres résultats de la campagne agricole courante. Ces données supposent une situation qui va rester stable. Mais dans le cas de catastrophes additionnelles (ouragans, fortes pluies/inondations, futurs tremblements de terre, flambée des prix de produits alimentaires, etc.) ces recommandations devront être ajustées en conséquence.
Sur la base des observations sur la saison agricole de printemps 2010 et en considérant les analyses de l’insécurité alimentaire disponibles, la Mission a identifié trois zones du pays pour lesquelles un suivi particulier est nécessaire dans les prochains mois afin d’évaluer en détail la situation de la sécurité alimentaire/nutrition des ménages/enfants les plus vulnérables:
Nord-Ouest: la Mission a pu confirmer la situation d’insécurité chronique de la partie sud du département du Nord-Ouest (Baie de Henne) comme indiqué dans les dernières analyses disponibles de la CNSA, de FEWSNet et de l’USAID. Cependant, la situation d’insécurité alimentaire s’étend aux zones de montagne sèche dans la partie nord du département (autour de Jean Rabel par exemple) où la période de soudure prolongée créera une situation de stress alimentaire aigüe chez les familles de petits paysans.
Les petits paysans de la zone du Plateau Central qui a connu un retard considérable des pluies et qui voit aussi la période de soudure se prolonger dans l’année, se trouveront en situation de haut risque à l’insécurité alimentaire. Cette zone n’avait pas été considérée particulièrement exposée à des problèmes d’insécurité alimentaire dans les analyses précédentes mais les observations sur la performance de la saison agricole en cours laissent présager de situations critiques pour les familles de petits paysans, surtout dans les zones enclavées ou isolées. Ceci constituera un problème pour les ménages les plus vulnérables d’autant plus que la région du Centre a été l’objet de déplacements importants à la suite du séisme, ce qui a engendré, comme indiqué avant, une décapitalisation importante en début d’année.
La zone de Léogâne, qui a été une des zones les plus touchées directement par le séisme, a connu aussi une performance des pluies et de la saison agricole de printemps particulièrement préoccupante, avec des estimations de pertes importantes de la production. Cet élément de stress additionnel pourrait avoir des conséquences critiques pour la petite paysannerie qui a été victime du séisme et qui a connu depuis une forte pression due aux mouvements de population et à l’interruption des marchés contribuant à une forte décapitalisation par rapport à d’autres zones du pays.
Les estimations des populations en insécurité alimentaire selon les scores de la consommation alimentaire pauvre et limite23 dans les trois zones prioritaires identifiées par la Mission sont présentées à titre indicatif. Ce sont les ménages qui seraient en insécurité alimentaire suite à la période de soudure prolongée ou aux pertes de récoles sont l’objet de cette recommandation. En effet, l’assistance alimentaire recommandée pour ces ménages ne devraient ni se substituer, ni compléter une assistance alimentaire qui serait fournie dans le cadre des interventions en cours.
Ces effectifs viendraient s’ajouter aux bénéficiaires qui font déjà l’objet d’une planification des activités d’assistance alimentaire au moment de l’enquête ESASU II/mission
Département | Communes | Population 1/ | Population en IA - (%) 2/ | Population en IA | Population en IA par zone | |
Zone 1 | Nord-Ouest | Mole St-Nicolas | 30 795 | 22 | 6 775 | 49 135 |
Jean Rabel | 134 969 | 22 | 29 693 | |||
Bombardopolis | 32 764 | 22 | 7 208 | |||
Baie de Henne | 24 812 | 22 | 5 459 | |||
Zone 2 | Nord | La Victoire | 9 587 | 37.9 | 3 633 | 108 051 |
Pignon | 39 344 | 37.9 | 14 911 | |||
Ranquite | 25 195 | 37.9 | 9 549 | |||
Nord-Est | Mombin C | 31 556 | 35.4 | 11 171 | ||
Centre | Cerca La Source | 51 410 | 18.3 | 9 408 | ||
Cerca Carvajal | 21 147 | 18.3 | 3 870 | |||
Thomassique | 57 496 | 18.3 | 10 522 | |||
Maissade | 53 602 | 18.3 | 9 809 | |||
Artibonite | St Michel | 136 876 | 25.7 | 35 177 | ||
Zone 3 | Ouest | Léogâne 3/ | 96 665 | 27 | 26 100 | 93 409 |
Gressier | 33 152 | 27 | 8 951 | |||
Carrefour 4/ | 34 769 | 24 | 8 345 | |||
Kenscoff | 52 232 | 19.9 | 10 394 | |||
Grand-Goâve 4/ | 104 261 | 38 | 39 619 | |||
Total | 250 595 |
Les acteurs travaillant dans les secteurs de la sécurité alimentaire et de l’appui à la reprise économique rurale, devront agir en étroite coordination pour mettre en œuvre des projets HIMO (vivres et espèces pour travail) dans ces régions pour permettre un transfert immédiat de revenu et le renforcement des moyens de subsistance durant la période de soudure qui se prolonge et qui exerce une pression additionnelle sur les ménages les plus vulnérables qui ont déjà connu une décapitalisation sévère dans le courant du premier semestre 2010. En effet, c’est exactement pendant cette période de soudure prolongée - qui durera jusqu'à la prochaine récolte pour les zones qui auront récupéré un niveau de production suffisant, mais qui pourrait durer jusqu'à la récolte suivante dans les zones les plus vulnérables - que la mise en œuvre de travaux HIMO serait requise et aurait un impact plus important sur la population bénéficiaire.
La mission a su tirer profit des résultats préliminaires et partiels de l’ESASU II tout en se basant sur d’autres sources d’information afin de les trianguler et de soutenir ses conclusions. Cependant, l’analyse dans le cadre de l’ESASU II était en cours lorsque cette mission a eu lieu. Aussi, une fois achevée, l’ESASU II pourrait fournir d’avantage de recommandations en termes d’option de réponse pour les programmes de sécurité alimentaire, de nutrition et dans autres secteurs. Les analyses additionnelles de l’ESASU II pourront aussi aider à trianguler les recommandations faites dans ce rapport. Le CFSAM complète l’ESASU en faisant une analyse à un niveau plus macro et en donnant des informations détaillées sur l’évolution de la production alimentaire ainsi que les principales zones où les pertes de production pourront avoir un impact sur la sécurité alimentaire.
Les recommandations faites ci-dessous sont basées sur la situation courante. La sécurité alimentaire ne devrait pas se détériorer par rapport à son niveau actuel sauf dans les régions particulièrement mise en lumière. Toutefois, dans le cas où il y aurait des chocs futurs tels que les ouragans, les fortes pluies/inondations, la flambée des prix alimentaires ou de futurs séismes: ces recommandations auront besoin d’être modifiées en fonction des zones touchées. La mission reconnaît que les activités planifiées en ce moment devraient se poursuivre et le plan de contingence pour les futures catastrophes devrait être renforcé.
c) Renforcer le suivi de la sécurité alimentaire/nutritionnelle dans les 3 zones prioritaires
La situation de la sécurité alimentaire devra être suivie très étroitement dans les départements du Nord, du Nord-Est et Centre dans les mois à venir afin de détecter des situations critiques et permettre des réponses adéquates. Pour les 4 communes du Nord-Ouest (Jean Rabel, Bombadopolis, Baie de Henne et Môle-Saint-Nicolas), les 2 communes de l’Artibonite (Anse Rouge, Terre Neuve), la zone urbaine de Gonaïves Ville et la zone directement affectée par le séisme, des informations actualisées sont disponibles dans l’ESASU de juin 2010. Ces résultats permettront d’une part, de confirmer la situation d’insécurité alimentaire dans ces zones et, d’autre part, de fournir les indicateurs nécessaires pour mettre en place le ciblage et les types d’interventions les plus adéquates (vivres/espèces pour travail, filets de sécurité social et nutritionnel).
Pour la zone du Plateau Central, le suivi de la situation d’insécurité alimentaire devra être organisé avec les principaux partenaires travaillant dans la zone, notamment en élargissant le groupe de travail autour des activités de l’Observatoire de sécurité alimentaire qui est actuellement géré par World Vision et la CNSA pour le département du Centre. La Mission recommande au MARNDR, à la FAO et au PAM d’établir un groupe de travail avec les partenaires travaillant dans le département du Centre afin d’évaluer plus en détail la situation de vulnérabilité des petits paysans et des communautés isolées.
Sur la base des résultats du suivi de la situation d’insécurité alimentaire tel que recommandé, les activités soutenues avec une assistance alimentaire - telles que les travaux à HIMO, comme intervention de filet de sécurité économique - pourront être mises en place pour assister les populations en insécurité alimentaire de ces zones. Ces zones devraient être prioritaires dans la mise en œuvre des activités courantes et planifiées tels que les programmes de travail contre nourriture et travail contre cash, de cantines scolaires, de nutrition et autres programmes sociaux. Les programmes déjà existant devraient être renforcés.
d) Accélérer les processus de mise en œuvre des projets à haute intensité de main-d’œuvre
Le mécanisme de coordination mis en place par le gouvernement (Ministère de l’agriculture), le PNUD et le PAM prévoit la participation directe des autorités départementales à travers des Comités départementaux pour l’examen et l’approbation des projets à haute intensité de main-d’œuvre appuyés par des interventions vivres/espèces pour travail. Ces projets sont ensuite soumis aux bailleurs de fonds, soit au PAM lorsqu’ils sont orientés vers le renforcement de la sécurité alimentaire, en général, et des infrastructures rurales productives, en particulier, soit au PNUD lorsque l’objectif est principalement de générer des revenus. Les projets doivent contribuer aux secteurs prioritaires tels que définis dans les plans départementaux de développement.
Afin d’accélérer la présentation, la finalisation, l’approbation et la mise en œuvre des projets, un appui aux autorités locales qui connaissent un retard dans la mise en place du système de gestion, devrait être envisagé. Il permettrait de faciliter les discussions et la présentation au niveau des communes et des départements, des projets à mettre en œuvre.
Par ailleurs, l’un des enjeux dans cette phase initiale, est la mise à disposition par les agences techniques et les autorités régionales, de ressources humaines et financières suffisantes pour assurer la gestion et un suivi technique des projets dans leur mise en œuvre. En effet, le nombre important de projets approuvés et la couverture géographique étendue représentent un défi. Les projets doivent aussi avoir un impact réel sur les conditions de vie des populations ciblées.
e) Mettre à jour la base de référence de la sécurité alimentaire/nutritionnelle
Depuis 2007, la succession des chocs notamment les cyclones, les tempêtes tropicales, les épisodes d’inondation, le tremblement de terre, les changements climatiques ont conduit à une modification profonde des structures des moyens de subsistance et des systèmes de production des ménages. Il est pertinent de mettre à jour l’Analyse approfondie de la vulnérabilité et de sécurité alimentaire pour avoir une étude de référence actualisée, et proposer de nouvelles options d’intervention et des mesures correctives pour les projets en cours, si nécessaire. Cette étude doit être la plus complète possible avec une équipe pluridisciplinaire de haut niveau et pourrait servir de point départ pour redynamiser les observatoires de la sécurité alimentaire.
Sur la base de cette étude de référence, les observatoires départementaux de la sécurité alimentaire de la CNSA devraient reprendre le suivi régulier de la situation de la sécurité alimentaire selon une sélection d’indicateurs préalablement définis permettant une étude longitudinale des changements de la situation de la sécurité alimentaire. Le suivi des prix de marché des principales denrées devraient être complétées par une analyse de la structure des coûts permettant de mieux appréhender les coûts de production et le revenu des paysans. Par ailleurs, en l’absence d’enquêtes nutritionnelles régulières couvrant tous les départements, il faut encourager une collaboration avec les Directions départementales de la santé afin de prendre en compte les aspects nutritionnels dans le suivi régulier de l’observatoire.
f) Envisager la possibilité d’entreprendre des achats locaux
Sur la base de la documentation existante et les observations sur le terrain, il existe des opportunités d’achats locaux de riz dans les zones de plaines irriguées des départements du Sud, de l’Artibonite et du Nord. En dehors de l’Artibonite qui connait déjà une capacité associative et un potentiel de production importants, la Mission a pu constater l’existence d’initiatives bénéficiant d’un appui technique dans des zones irriguées de plaines – en particulier à Torbeck, près des Cayes et dans la zone irriguée au sud de Cap-Haïtien – qui ont des potentialités pour les achats locaux. Ces initiatives devront faire l’objet d’études de faisabilité approfondies.
Le rapport de mission des services d’achats de denrées alimentaires du PAM en 2009, soulignait les aspects suivants qui devaient être considérés dans le cadre de l’expansion d’achats locaux en Haïti:
l’organisation, la ponctualité, la fiabilité sont des conditions sine qua non pour que des groupements de producteurs, des ONG locales puissent être référencés dans la liste des fournisseurs du PAM. La production de quantités suffisantes pour minimiser les coûts, rentabiliser les frais de stockage et de transport et réduire les coûts de transaction est également indispensable. Les institutions locales rencontrées par la Mission ont d’excellentes idées et promeuvent des initiatives d’un grand intérêt mais la Mission n’en a rencontré que très peu qui aient atteint la taille critique et le niveau d’efficacité requis;
la question du prix de revient des denrées domine toutes les autres car un prix excessif diminuera dans la même proportion la quantité d’assistance alimentaire que recevront les bénéficiaires des opérations du PAM;
en plus du faible niveau de production, un élément important à prendre en compte est la question de l’organisation du secteur de la production agricole. Cette question se pose tant en amont avec la fragmentation à outrance des exploitations agricoles et le faible niveau d’organisation de la majorité des producteurs qu’en aval avec les problèmes d’infrastructure de commercialisation qui constituent des éléments de blocage évidents limitant la capacité des producteurs à répondre à une demande organisée c’est-à-dire à un appel d’offre pour approvisionner un client pour une quantité importante;
par rapport à cette réalité, tout effort visant à effectuer une partie de ses achats au niveau local dans le but d’appuyer les petits producteurs doit démarrer avec de petites quantités. Le niveau d’achat peut augmenter progressivement si un appui continuel est donné aux groupements. Une telle stratégie faciliterait l’atteinte de l’objectif d’appui que le PAM veut apporter à la production nationale de manière générale et aux petits producteurs en particulier.
La création d’un groupe de travail rassemblant des donateurs (Japon, France, Brésil, Argentine, Taiwan) et des agences opérationnelles travaillant au soutien du secteur agricole (FAO, BID, IICA, FIDA, Banque mondiale) sous la coordination conjointe du Comité interministériel sur la politique alimentaire et du PAM avait été recommandée. Il est recommandé que ce groupe de travail, dont les activités ont débuté au troisième trimestre de 2009 évalue, avec l’aide d’une assistance technique, les possibilités concrètes d’achat de riz dans l’Artibonite et explore les possibilités d’appui aux associations des autres régions avec un potentiel de production rizicole.
Compte tenu des perspectives de la saison agricole de printemps 2010 et des observations de terrain, il est recommandé d’examiner également les possibilités d’achats locaux de maïs, qui pourraient être envisagées dans le sud dès la récolte de printemps mais plus tard dans la partie Nord du pays. Il est déconseillé d’envisager des achats locaux de haricots sur la récolte de printemps du fait des estimations à la baisse de la production.
Annexe 2 (continue)
Analyse départementale
1. Le département de l’Ouest est divisé en deux sous-départements: Léogâne au Sud et Croix-des-Bouquets au Nord. Les zones agroécologiques sont composées de montagnes humides, de montagnes sèches, de zones de littoral et de plaines irriguées. Les principales cultures sont le maïs et le haricot. Les cultures sont réparties dans deux saisons : l’hiver (décembre à février/mars) et l’été (mars/avril à juin/juillet) dans le sud. Le calendrier cultural s’étale sur deux saisons dans le nord: mi-avril à mi-juin et août à octobre.
Le tremblement de terre du 12 janvier a causé des dégâts sur les infrastructures hydro-agricoles. Plusieurs canaux d’irrigation ont été endommagés dans les plaines autour de Gressier, Léogâne, Petit-Goâve et Grand-Goâve et dans les régions montagneuses de Bainet, la Vallée de Jacmel, Côte-de-Fer, Jacmel, Cayes-Jacmel et Marigot. Le système d’irrigation de Momance à Grande rivière a été paralysé pendant près de deux mois à la suite des éboulements des flancs montagneux qui ont obstrué le canal principal.
A Léogâne, les récoltes de cette saison seront nettement inférieures à celle d’avant à cause de la mauvaise répartition des pluies mais aussi de l’impact du séisme. Les niveaux de baisse sont estimés à 90 pour cent pour le haricot et 70 pour cent pour le maïs. En revanche, à la Croix-des-Bouquets, la situation sera meilleure à raison des conditions d’irrigation plus favorables. Des augmentations de 30 à 40 pour cent de récoltes de maïs, sorgho et haricot sont attendues dans les plaines irriguées.
Le prix du haricot dont la baisse de la production touche une grande partie du pays, a augmenté de 35 pour cent par rapport à 2009 pour s’établir à environ HTG 150/marmite. La vente d’animaux sur le marché a connu une hausse significative après le séisme occasionnant une baisse des prix d’environ 20 à 35 pour cent.
L’élevage et la pêche ont été affectés par le tremblement de terre qui a occasionné plusieurs pertes d’animaux et détruit des matériels de pêche et de conservation du poisson.
Le nombre de déplacés dans la Croix-des-Bouquets est évalué entre 140 000 à 150 000 déplacés dont 40 pour cent avaient regagné Port-au-Prince deux mois après le séisme. La situation nutritionnelle des enfants ne semble pas s’être dégradée. Au contraire, l’accès gratuit aux soins aurait même entraîné une amélioration de leur état de santé.
2. Le département des Nippes compte quatre zones agro-écologiques (très humide, semi humide, sèche et irriguée). Par ordre d’importance, les cultures pratiquées sont le sorgho, maïs, haricot, banane, igname, patate douce et le manioc. A coté de ces cultures, on trouve également des cultures maraîchères et fruitières (tomate, choux, carotte, mangues) et des cultures de rente (café, cacao et canne à sucre) en constante diminution et sont progressivement remplacées par le haricot et le maïs.
Par rapport à la saison de 2009, les pluies de cette année ont été plus précoces et plus abondantes jusqu’à la fin juin. Des vents violents ont soufflé durant la floraison du haricot et du maïs en mai/juin.
La main-d’œuvre et le matériel aratoire, notamment le tracteur, ont été insuffisants à cause de la forte demande au moment de la préparation des sols. Les ouvriers agricoles émigrent vers l’Artibonite d’octobre à mars à la recherche de meilleures conditions de travail.
Les productions de haricot vont connaître des baisses substantielles par rapport à celles de 2009 à cause des attaques de la mosaïque dorée favorisée par les fortes pluies de juin. En revanche, la production de tubercules sera plus importante qu’en 2009.
Le nombre de caprins a connu une hausse par rapport à l’année dernière entre 5 et 10 pour cent principalement à cause des appuis du Programme d’urgence et des distributions de caprins effectuées par OXFAM en hiver qui constitue le moment le plus favorable pour le développent des caprins. Par contre, les porcins et les volailles sont en recul à cause des pertes causées par la maladie de Tschen (entre 80 à 90 pour cent) et de Newcastle respectivement.
Environ deux pour cent de la population du département exercent des activités de pêche. A cause du séisme et du manque d’appui technique, la situation de la pêche est moins bonne qu’en 2009.
Des cas de malnutrition d’enfants sous forme d’émaciation et de retard de croissance ont pu être observés. Les ménages très vulnérables, qui seraient par ailleurs peu nombreux dans la zone, requièrent un appui sous forme de filet de sécurité à la fois social, économique et nutritionnel (alimentation, nutrition, alphabétisation et formation fonctionnelle, micro crédits).
3. Le département de la Grand’Anse compte six zones agro-écologiques réparties entre les montagnes, les plateaux et les plaines. Sont cultivés par ordre d’importance, le café, le haricot, le maïs, les tubercules, la banane et la canne à sucre. Sur les montagnes humides, les activités agricoles s’étalent sur trois saisons (fév/mars, juin/juil et oct/nov). Dans les plaines, le maïs et l’haricot sont plantés en février/mars et août/septembre.
Cette saison, les pluies sont arrivées normalement en janvier et ont permis les semis de maïs et de haricot. Elles ont été par la suite moins abondantes et mal réparties comparativement à l’année passée. L’engrais est très peu utilisé dans la Grand’Anse sauf dans certaines zones comme la commune de Corail (Campêche et Fonds d’Icaque) où le riz est cultivé. Dans l’ensemble, les pertes dues aux maladies et insectes (fourmi folle, tyogan, marocas) sont estimés à près de 30 pour cent.
Au marché de Chambellau, un des trois plus importants marchés de collecte du département, le riz importé américain coûtait HTG 120 contre HTG 150 en 2009. Le haricot est le seul produit de grande production et consommation dont le prix est en hausse par rapport à 2009, HTG 120 contre HTG 100 en 2009.
Le département du Grand’Anse a le réseau routier le plus vétuste du pays. Le transport des produits agricoles entre Jérémie et les autres départements s’effectue une fois par semaine par bateau. Après le séisme en janvier, le port était fermé au trafic pendant près d’un mois entraînant le pourrissement de quantités importantes d’ignames.
Les déplacés ont été estimés à 120 000 dont un bon nombre est rentré à Port-au-Prince. Après le séisme, les gens avaient tendance à diminuer le nombre de repas et modifier la diète en consommant beaucoup de produits locaux. Les mécanismes de survie utilisés comprennent la vente ou la consommation des semences, la vente de petit bétail, la production de charbon comme source de revenu alternative et la déscolarisation des enfants.
4. Le département du Sud-Est compte plusieurs zones agro écologiques réparties entre les plaines, les montagnes et les plateaux qui occupent la plus grande superficie. Les cultures pratiquées par ordre d’importance sont le maïs, le haricot, la banane, le sorgho, les tubercules, les légumes, les fruits. Les cultures de café, cacao et canne à sucre sont de moins en moins importantes et remplacées par le haricot et les tubercules.
Ce département connaît une forte érosion à cause de l’exploitation du charbon. L’utilisation d’engrais est relativement élevée dans l’Est du département. A Thiotte, 3 000 sacs d’engrais de 45 kg ont été commercialisés pendant la campagne de printemps et 3 000 sacs pour la prochaine saison d’hiver sont déjà réceptionnés.
Cette saison, les pluies ont été très précoces dans la partie Ouest du département (janvier 2010) et tardives (fin mars) à l’Est. Les récoltes de maïs de cette saison devraient être plus importantes qu’en 2009. En revanche, la production du haricot devrait accuser une baisse significative cette année à cause de la mosaïque dorée. Le haricot coûte actuellement HTG 175 en 2010 contre HTG 125 en 2009. Le riz est vendu à HTG 250 en 2010 contre HTG 150 en 2009.
Il existe un important commerce transfrontalier entre Haïti et la République dominicaine. Les produits qui rentrent de la République dominicaine sont la banane, les noix de coco, le manioc, les pâtes, le riz, du sucre, la farine de blé, les produits phytosanitaires et les engrais (en baisse). Il y a également de la réexportation de riz et de l’exportation de la pomme de terre haïtienne et d’autres produits maraîchers vers la République dominicaine.
Le cheptel porcin a été ravagé par la maladie de Teschen qui sévit dans le département. Depuis 2007, la Coopération espagnole apporte un appui à quelque 5 000 pêcheurs dont 3 000 sont regroupés dans 41 associations.
Après le séisme, entre 10 000 à 12 000 personnes vivent dans deux camps en ville et au niveau des 30 points de regroupement. Elles reçoivent des rations alimentaires et participent à des activités appuyées par des vivres/espèces pour travail.
5. Le département du Sud est la première zone de production de maïs mais également l’un des plus importants contributeurs à l’offre nationale de riz local, haricot, bananes, tubercules et animaux. Les terres agricoles sont réparties entre les montagnes très humides, les plateaux et les plaines. Le calendrier agricole s’étale sur trois saisons: février-juin (printemps); août-octobre (été); novembre-février (hiver). Le système d’irrigation a été gravement endommagé d’abord par les cyclones de 2008 et ensuite les inondations de cette saison.
Comparativement à l’année passée, la répartition des pluies n’a pas été satisfaisante. En février, l’Est du département a enregistré des inondations dans plusieurs localités (Aquin, Saint-Louis du sud, Cavaillon, Plaines des Cayes, Torbeck et Maniche) qui ont affecté les premiers semis du haricot. Au total, 1 200 sacs de 50 Kg d’engrais ont été vendus cette saison contre 1 300 sacs en 2009. Le projet de riziculture de Torbeck (Haïti-Taiwan) qui couvre 600 ha a mis à la disposition des producteurs 4 000 sacs d’engrais.
Les perspectives de récoltes sont moins bonnes qu’en 2009. Le haricot a été affecté par les inondations. Le maïs a été surtout affecté par la qualité des semences distribuées, la mise à disposition tardive, l’inondation en début de saison et la pause pluviométrique.
Sur le marché, le riz local Prosequisa4 produit dans la zone et promu par un projet taiwanais est vendu à HTG 150/marmite, soit une baisse de 50 pour cent par rapport à l’année dernière. Le haricot coûte HTG 150 contre 175 l’année dernière.
Le nombre d’ovins a baissé à cause des maladies et de la forte demande. Les dégâts sur le cheptel porcin dus à la maladie de Teschen sont estimés entre 10 à 15 pour cent.
Dans le département, 65 bassins piscicoles sont exploités à Torbeck et Aquin. Les pêcheurs sont au nombre de 12 000 à 13 000 personnes, soit 2 pour cent de la population. Les 24 DCP ont été détruits lors du passage des cyclones en 2008.
Après le séisme, le département a enregistré 89 000 déplacés dont la prise en charge par les familles d’accueil s’est traduite par la décapitalisation de leurs avoirs (la vente de bétail ou déscolarisation des enfants). Des mesures à moyen terme doivent être envisagées pour permettre de générer des revenus qui compenseront la décapitalisation et assureront des revenus réguliers aux ménages affectés. Les activités appuyées par des interventions vivres/espèces pour travail devraient également contribuer à l’amélioration des infrastructures rurales productives.
6. Le département du Centre. Le plateau Central représente la zone agro-écologique la plus importante du département. Le département est bordé au sud d’une zone montagneuse plus humide et au nord de montagnes/mornes plus sèches. Normalement la saison humide commence à la fin mars pour se poursuivre jusqu’en septembre/octobre. Le plateau central est caractérisé par une période sèche importante de 6 mois entre octobre et mars.
Cette année, la saison humide a commencé le 9 mai, avec un mois de retard. De plus, il n’y a pratiquement pas eu de pluies depuis le début Novembre 2009 jusqu’au 9 mai 2010, se traduisant par une saison particulièrement sèche de 7 mois. Les montagnes/mornes humides par contre, ont bénéficié de petites pluies durant la période particulièrement sèche de novembre à avril ; ce qui a permis aux producteurs de faire la préparation des sols avec moins de retard.
Les labours dans le plateau central sont généralement faits avec des bœufs au coût de 500 Gds par jour. Les producteurs n’utilisent pas d’engrais et cultivent en général la moitié de leurs terres durant 3 ans (en moyenne) alors que l’autre reste en jachère entre 3 et 5 ans. Ce système de production tend à disparaître avec l’augmentation de la population. Les quantités distribuées sont faibles: 135 tonnes en 2009 contre 140 tonnes en 2010.
A la 3ième décade de juin, les cultures plantées de printemps sont encore aux premiers stades végétatifs alors que les cultures les plus avancées ont atteint environ de 20-30 cm de hauteurs. Le résultat de ces cultures dépendra principalement de la durée et de la régularité des pluies jusqu’en Septembre/Octobre 2010. Les dégâts du Sigatoka noir du bananier sont importants et cela résulte à une tendance à la baisse de la production de banane durant les dernières années.
La période particulièrement sèche de novembre 2009 à mars 2010 semble avoir diminué le cheptel des ménages en raison d’un manque fourrage et d’approvisionnement en eau. La période particulièrement sèche de novembre 2009 à mars 2010 semble avoir diminué le cheptel des ménages en raison d’un manque de fourrage et d’approvisionnement en eau.
Dans le bas plateau, il n’y a pas une tendance générale bien marquée, le prix de certains produits étant plus élevés que ceux de l’année 2009 (haricots noirs) et d’autres produits étant inférieurs à l’année précédente (maïs). Environ 20 à 30 pour cent de la population paysanne de la région serait en situation ou à haut risque d’insécurité alimentaire (cette dernière étant définie comme une insuffisance d’aliments pour satisfaire les besoins de la famille).
Dans le haut plateau, le riz importé se vendait à HTG 30 au gobelet alors que le «cabecit» était vendu à HTG 10. Approximativement 60 à 70 pour cent de la population serait en situation de vulnérabilité à l’insécurité alimentaire (soit déjà en situation précaire ou à haut risque d’insécurité alimentaire dans les prochains mois).
7. Le département du Nord-Ouest comprend des zones de montagnes humides en prolongement du département du Nord et des zones sèches. Entre les deux zones, on distingue les montagnes/mornes plus ou moins arides et des plaines. Dans les montagnes/mornes sèches, la saison de printemps est la principale.
Les semis sont réalisés souvent en sol sec avant que la saison humide s’installe. Cette campagne est suivie d’une saison d’automne/hiver. On y cultive, parfois sur de fortes pentes, principalement le maïs, le sorgho, le haricot et le petit pois. D’autres cultures plus ou moins résistantes à la sécheresse y sont également cultivées tels que l’arachide et dans une moindre mesure le sésame.
La rigueur de l‘environnement des montagnes/mornes sèches pousse les jeunes à l’exode principalement vers la République dominicaine, mais aussi d’autres centres urbains tels que Cap-Haïtien et Port-au-Prince. Environ 80 pour cent des jeunes hommes ont migré vers l’extérieur réduisant ainsi la force de travail disponible pour l’agriculture.
Les producteurs n’utilisent pas d’engrais et ceux des montagnes/mornes sèches cultivent en général qu’une partie de leurs terres en alternance saisonnière. Les cultures plantées de printemps sont en grande partie à un stade végétatif alors que certaines parcelles de maïs arrivent au stade de floraison. Un prolongement des pluies au-delà de mois de juin sera nécessaire pour permettre à ces cultures de finir leur cycle.
L’importance des personnes qui sont considérées comme étant en situation de vulnérabilité à l’insécurité alimentaire ou en insécurité alimentaire chronique varie entre 40 à 70 pour cent de la population totale des zones de Baie de henne, Bombardopolis, Mole St Nicolas et des montagnes sèches (autour de Jean Rabel).
8. Le département de l’Artibonite est le plus vaste du pays et compte en plus de la plaine de l’Artibonite, de grands territoires de montagnes/mornes sèches et quelques montagnes/mornes humides dans la Chaîne des Cahos et des Matheux au Sud du département.
Une superficie de 25 000 ha irrigué (sur 38 000 ha irrigables) est mise en valeur dans la vallée de l’Artibonite pendant la première saison d’été (la saison humide) dont les repiquages de riz se déroulent de la mi-juin à la mi-juillet. La deuxième saison d’hiver correspond à une superficie de 15 000 à 20 000 ha compte tenu de la tendance à la diversification pendant la deuxième saison d’hiver (il y a moins d’eau). Le maïs, les cultures maraîchères et la jachère s’accompagnent aux cultures de riz durant cette saison.
La disponibilité en intrants subventionnés a augmenté de manière significative (presque 4 fois la quantité) par rapport à 2009. Au total, 8 240 tonnes d’Urée (contre 1 880 tonnes en 2009) et 7 410 tonnes d’engrais complet (contre 2 270 tonnes en 2009) ont été commercialisées. Les cultures de riz les plus avancées étaient aux tout premiers stades végétatifs alors que la préparation des sols et les transplantations étaient en cours.
L’élevage de porcs est sûrement l’activité la plus rentable. Cependant, les épidémies porcines sont si fréquentes qu’elles font peser un risque majeur sur cette activité. La peste porcine africaine a apparemment détruit une bonne partie du cheptel de porcs et beaucoup de ménages redoutent d’investir à nouveau dans l’élevage porcin.
Dans la haute Artibonite, comparativement à leur niveau de juin 2009, les prix des produits sur les marchés sont légèrement en hausse en raison du retard dans l’installation de la campagne et des besoins ayant augmenté de suite de l’accueil des déplacés du séisme de janvier malgré une assistance en nourriture. En revanche dans la basse Artibonite, les prix sont jugés en baisse en raison des perspectives d’une bonne campagne production de riz.
La situation dans les montagnes sèches est moins prometteuse. Les producteurs dans ces zones n’utilisent pas d’engrais et cultivent en général qu’une partie de leurs terres en alternance saisonnière ou annuelle. La zone de montagnes sèches est la plus exposée à l’insécurité alimentaire et environ 40 à 50 pour cent de familles sont considérées en situation d’insécurité alimentaire chronique.
9. Le département du Nord est le plus humide du pays. Dans les montagnes et mornes humides on y pratique l’agroforesterie ou ‘jardin créole’. En bordure du département, on trouve une petite zone agro-pastorale de plaine sèche. La quasi-totalité des plaines côtières du département sont humides où l’on cultive le maïs, les légumineuses, la banane et la canne à sucre. Le sud-est du département est occupé par la zone des plateaux.
La main-d’œuvre a été plus chère que d’habitude. Le prix du travail journalier a été influencé par les ONGs qui payaient HTG 125/jour pour 6 hrs de travail. Sur les fermes, la journée agricole est habituellement de 8 heures pour HTG 100. En général au niveau départemental, la production a été bonne pour la majorité des cultures suite à l’accroissement des superficies emblavées et aux bonnes pluies. Par contre, la banane a été affectée par la Sigatoka qui est présente dans tout le département.
Pour les bovins, les caprins et les volailles, on note une diminution des effectifs par rapport à l’année dernière. Les pâturages présentent une situation meilleure par rapport à l’année dernière avec plus de disponibilité d’eau grâce a une bonne quantité de précipitation tombée en 2010 par rapport à 2009. Il est à noter qu’en raison d’une surexploitation des ressources poissonnières sur la côte ainsi qu’une dégradation des écosystèmes côtiers de mangroves.
L’économie de la petite pêche est en régression et les pêcheurs manquent d’équipements. Après avoir observé une période de pic juste après le séisme, les prix sur les marchés sont en baisse par rapport à juin 2009 en raison de la régularité des importations et de l’assistance alimentaire qui a entraîné un ralentissement de la demande locale.
Dans les communes des montagnes sèches, notamment à Ranquite, le risque que des problèmes nutritionnels apparaissent est élevé dans les années de mauvaise récolte. Le PAM a commencé un programme d’achats locaux d’environ 300 tonnes à titre d’essai.
10. Le département du Nord-Est. Les terres cultivées représentent dans le nord-est seulement 25 pour cent de la superficie totale du département. On distingue trois grandes zones agroécologiques : la zone de plaine, la zone intermédiaire et la zone de montagne. Les principales cultures dans le département sont : le maïs, le riz, le haricot, la banane les pois Congo, l’arachide, les tubercules, le riz pluvial. Les saisons culturales sont au nombre de deux à trois en fonction de l’altitude.
Dans les zones de montagne humide, les pluies ont été régulières et abondantes pendant tout l’hiver alors que dans la plaine les précipitations ont commencé à tomber tardivement en mai. L’utilisation des intrants agricoles, les engrais et les semences améliorées sont limités aux plantations de riz dans les plaines irriguées.
Avec l’introduction des travaux de haute intensité de main-d’œuvre (HIMO) en pleine saison, le coût de la main-d’œuvre a augmenté (HTG 175 sans nourriture, HTG 125 avec nourriture jusqu’à HTG 250 dans les plantations de riz irrigué) limitant les superficies cultivées. La proximité avec la République dominicaine offre aux jeunes des opportunités de faire des travaux journaliers et dans les plantations.
Les institutions de micro-finance CLES et APRBM sont très actives dans les périmètres irrigués en accordant des prêts de campagne aux producteurs avec possibilité de rembourser en nature (HTG 4 500 pour 3 sacs de 130 kg) ou en espèce (12 pour cent d’intérêt) respectivement. Des particuliers dominicains aussi prêtent à de grands planteurs à un taux usurier fixé à 20 pour cent sur une échéance de 6 mois.
Comparativement à leur niveau de juin 2009, les prix des produits sur les marchés sont globalement stables en raison du début de la campagne de commercialisation et d’une demande qui s’est ralentie depuis le séisme et qui a permis une assistance en nourriture aux principaux consommateurs.
Les effectifs porcins ont diminué par rapport à l’année précédente à cause de la maladie de Teschen, observée parmi les porcins depuis décembre 2009 et qui a occasionné des pertes de 30 à 35 pour cent au niveau du département.
La pêche de morne est appuyée par un projet de la FAO qui est en train de développer l’élevage de poissons en cage dans le lac au bœuf. La première production de poissons sera disponible en août. Parallèlement, le Tilapia a été introduit dans 6 lacs du département et va bénéficier à environ 5 000 personnes.
D’après la Direction départementale de la santé du département, il existe des poches de malnutrition dans les montagnes et dans la partie côtière des plaines avec des cas de Kwashiorkor et de Marasme favorisés par l’enclavement de certaines zones mais aussi du manque d’éducation nutritionnelle.
ACF | Action contre la faim |
BCA | Bureau de crédit agricole |
BID | Banque interaméricaine de développment |
CFSAM | Mission FAO/PMA d’évaluation des récoltes et de la sécurité alimentaire |
CFSVA | Analyse globale de la sécurité alimentaire et de la vulnérabilité |
CNIGS | Centre national d’information géo-spatial |
CNSA | Coordination nationale de la sécurité alimentaire |
CSB | Corn Soya Blend |
DDA | Directions départementales agricoles |
DPV | Direction de la protection des végétaux |
EMMA | Emergency Market Mapping and Analysis |
ESASU | Ėvaluation de la sécurité alimentaire en situation d’urgence |
FAO | Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture |
FENIX | Food security and Early warning Network for Information exchange |
FEWSNet | Famine Early Warning Systems Network |
FIDA | Fonds international de développement agricole |
FMI | Fonds monétaire international |
GIEWS | Global Information and Early Warning System |
HIMO | Programmes hautes intensités de main-d'œuvre |
HTG | Gourde haïtienne |
IA | Insecurité limentaire |
IICA | Institut interaméricain de coopération pour l'agriculture |
IRAM | Institut de recherches et d'application des méthodes de développement |
IRC | International Rescue Committee |
LARHEDO | Laboratoire des relations haïtiano-dominicaines |
MARNDR | Ministère de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural |
ODVA | Organisme de développement de la vallée de l'Artibonite |
ONG | Organisation non gouvernementale |
OSASE | Observatoire de la sécurité alimentaire du Sud-Est |
PAM | Programme alimentaire mondial |
PDNA | Post Disaster Need Assessment |
PIB | Produit intérieur brut |
PNCS | Programme national des cantines scolaires |
PNUD | Programme des Nations Unies pour le développement |
PPP | Per capita |
PPTE | Pays pauvres très endettés |
UE | Union européenne |
UNICEF | Fonds des Nations Unies pour l'enfance |
USAID | United States Agency for International Development |
USGS | United States Geological Survey |
Le présent rapport a été établi par Raphy Favre, Cheikh Ibrahima Ndiaye, Giorgia Nicolo, Jean Senahoun et Mario Zappacosta pour la FAO et Nicole Steyer, Raoul Balletto et Lawan Tahirou pour le PAM, sous la responsabilité des secrétariats de la FAO et du PAM à partir d’informations officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s’adresser aux soussignés pour un complément d’informations le cas échéant. |
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Ahmed Shukri |
Pedro Medrano Rojas |
Veuillez noter qu’il est possible d’obtenir le présent Rapport spécial sur le site Internet de la FAO (www.fao.org) à l'adresse suivante: http://www.fao.org/giews// Il est également possible de recevoir automatiquement, par messagerie électronique, les Alertes spéciales et les Rapports spéciaux, dès leur publication, en souscrivant à la liste de distribution du SMIAR. À cette fin, veuillez envoyer un message électronique à l'adresse suivante: [email protected] sans rien écrire dans la ligne "sujet" et en indiquant le message suivant: subscribe SMIARAlertes-L Pour être rayé de la liste, envoyer le message: unsubscribe SMIARAlertes-L Veuillez noter qu’il est maintenant possible de souscrire à des listes de distribution régionales pour recevoir les alertes spéciales et les rapports spéciaux de certaines régions uniquement : Afrique, Asie, Europe ou Amérique latine (SMIARAlertesAfrique-L, SMIARAlertesAsie-L, SMIARAlertesEurope-L et SMIARAlertesAL-L). Pour souscrire à ces listes, veuillez procéder de la même façon que pour la liste de distribution au niveau mondial. |