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3. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET ENVIRONNEMENTAUX

Les impacts positifs et négatifs des plantes envahissantes en termes économiques et environnementaux sont nombreux même s’ils sont peu quantifiés.

3.1. Impacts positifs

Espèces

Utilisations

Fourrage

Fruits

Epices

Médecine

Bois d’œuvre/ construction

Bois de

chauffe

Reboisement

Ornement (ü)

Tuteur (*)

A. lebbeck

ü

   

ü

ü

ü

 

A. pavonina

         

ü

 

A.moluccana

   

ü

       

A. occidentale

 

ü

ü

       

A. squamosa

 

ü

         

C. verum

 

ü

ü

       

Citrus sp.

 

ü

ü

       

G. sepium

ü

         

*

J. curcas

   

ü

     

*

L. camara

   

ü

     

ü

L. leucocephala

ü

           

L. glutinosa

ü

 

ü

ü

ü

ü

*

P. cattleianum

 

ü

 

ü

ü

   

P. guajava

 

ü

         

Senna sp.

ü

 

ü

       

S. campanulata

ü

         

ü

S. aromaticum

 

ü

ü

       

S. jambos

 

ü

         

Solanum sp.

           

ü

T. grandis

     

ü

     

T. cattapa

   

ü

   

ü

 

Tableau 3. Utilisations actuelles recensées des principales plantes ligneuses envahissantes dans l’archipel des Comores

Contrairement aux autres îles de l’océan Indien, l’archipel des Comores compte encore 70 à 80 pour cent d’agriculteurs dans la composition de sa population active. Tous les usages mentionnés au tableau 3 sont journaliers; ils mettent sur les espèces mentionnées une très forte pression qui ne les empêche pourtant pas de proliférer. Il est intéressant de remarquer que les espèces hautement envahissantes P. cattleianum, L. glutinosa, A. lebbeck, comptent aussi parmi celles qui ont les utilisations les plus variées.

Sans détailler les divers usages, il est intéressant de s’appesantir sur l’utilisation médicinale des plantes. En Union des Comores, la médecine traditionnelle reste très pratiquée. L’ensemble des plantes mentionnées dans le tableau pour leur usage médicinal est utilisé par plus de 20 pour cent des ménages en Union des Comores pour traiter des problèmes de santé bien définis (paludisme, diarrhée, brûlures, grippes, blessures…). L’importance de ce pourcentage est due aux faibles revenus qui ne permettent pas d’accéder aux soins de santé ‘modernes’, à la confiance placée dans la médecine traditionnelle, et à la richesse de cette médecine liée à l’héritage afro-bantou et arabo-musulman. En Union des Comores les malades sont d’abord soignés par la médecine traditionnelle pratiquée par les mères de famille avant d’être en second recours envoyés chez un médecin (Faujour 2002).

3.2. Impacts négatifs

Quatre types d’impact négatifs devraient ici être renseignés:

• les impacts sur l’agriculture et les habitats fortement anthropisés;

• les impacts sur le fonctionnement des écosystèmes: augmentation du risque d’érosion, du risque de feu, changement des budgets d’eau des rivières et des nappes, changement de la structure de végétation, modifications du niveau de nutriments du sol;

• les impacts sur les populations d’espèces: élimination des espèces indigènes, impacts sur les populations de frugivores, herbivores et insectivores;

• les impacts génétiques liés à l’hybridation ou la diminution progressive du pool génétique par espèce liée à la raréfaction de l’espèce.

L’information sur ces différents impacts est rare voire inexistante dans l’archipel des Comores, qui manque cruellement de suivi méthodique et de bases de données sur l’environnement. Aussi seules les deux premières catégories d’impact négatifs sont elles détaillées ci-dessous.

3.2.1. Impacts sur l’agriculture

C’est l’un des impacts négatifs les plus évidents du fait de l’importance de la population active agricole à Mayotte (en pluriactivité) et en Union des Comores.

Dans l’archipel, l’accès au matériel agricole et aux intrants est réduit. Le désherbage est donc manuel et pénible. La gestion des adventices est un des principaux facteurs limitants de la productivité du travail et de la terre.

Les espèces envahissantes des cultures sont principalement herbacées : Panicum umbellatum , Bidens pilosa, Mimosa pudica, Achyranthes aspera, Cyperus esculentus, Imperata cylindrica, Mucuna pruriens, Commelina diffusa, Hibiscus surratensis (Vandamme 2001).

Les espèces ligneuses spontanées envahissantes des cultures sont moins nombreuses (principalement S. obtusifolia A. lebbeck, S. campanulata, P. cattleianum, L. glutinosa , L. camara, C. hirta) mais leur développement peut être très gênant.

La nuisibilité des espèces adventices se traduit par:

• une féroce concurrence entre espèces adventices/plantations (surtout les herbacées telles que Panicum sp.);

• une multiplication excessivement rapide (notamment en saison humide);

• une grande difficulté de désherbage car les plantes sont fortement ancrées dans le sol, ou sont épineuses (souvent des herbacées telles que Mimosa pudica ou Hibiscus surratensis) ou irritantes (souvent des herbacées telles que Mucuna pruriens).

Plus particulièrement en ce qui concerne les espèces ligneuses:

• L. glutinosa est omniprésente dans les cultures. La plante est présente sur 53 pour cent des 110 parcelles d’expérimentation étudiées par le CIRAD à Mayotte (Vandamme 2001), elle a un système racinaire puissant et une croissance très rapide. Son défrichement pour la mise en place des cultures puis la contention de sa repousse, sont très consommateurs en temps. Sa forte production de parties ligneuses oblige à un brûlis total de la végétation pour récupérer friches et jachères.

• P. cattleianum, S. obtusifolia et A. lebbeck sont extrêmement difficiles à arracher après le stade jeune plantule avec le matériel de désherbage traditionnel (‘chombo’). Les jachères de la Grille et du Karthala sur lesquelles les pieds de P. catleianum sont originellement gardés pour leurs fruits, sont aujourd’hui difficilement remises en culture. Ces jachères évoluent vers un taillis mono spécifique impénétrable comme au Karthala.

• S. obtusifolia a une multiplication et une croissance extrêmement rapides ce qui la rend difficile à sarcler, même si son cycle de vie est court.

• L. camara n’a aucun intérêt cultural (ni cultivée ni appétée par les animaux), mais elle semble plus facile à éliminer notamment par brûlis.

• C. hirta n’a aucun intérêt cultural. Au stade jeune plante, elle reste facile à éliminer. Mais lorsque les agriculteurs la coupent, elle forme une base ligneuse qui devient alors difficile à arracher. Sa pullulation au Karthala en Grande Comore et à Mohéli est inquiétante et irréversible. Dans les autres îles, elle reste encore contrôlable.

3.2.2. Impacts sur le fonctionnement des écosystèmes et sur la biodiversité

Ces impacts sont classiquement l’augmentation du risque d’érosion et de feu, le changement des budgets d’eau des rivières et des nappes, le changement de la structure de végétation, les modifications du niveau de nutriments du sol et l’appauvrissement voire la disparition de la flore et de la faune indigènes.

Il ressort des discussions avec les acteurs locaux et des recherches bibliographiques sur le sujet dans l’archipel des Comores, que le niveau de connaissance de ces impacts est très bas connu et encore moins formellement mesuré.

Les remarques suivantes allant du particulier au général sont celles que l’on peut se faire par une simple visite des lieux:

• La fougère D. linearis brûle facilement et vite et peut être difficile à gérer dans les zones où l’agriculture sur brûlis est encore pratiquée. L’absence de couverture végétale après le feu augmente le risque d’érosion sur ces îles montagneuses, notamment à la Grande Comore et Anjouan.

• Les espèces capables de former des tapis monospécifiques telles que S. jambos, C. hirta (notamment sur les flancs du Karthala, ou à la Convalescence à Mayotte), ou L. camara de même que les fougères D. linearis et Nephrolepis sp. empêchent la régénération des ouvertures en forêt et modifient considérablement la structure de la forêt.

• De même, les lianes et notamment Saba comorensis (indigène), Merremia peltata, Entada gigas et Entada rheedii ont le même impact sur la régénération et la structure de la forêt que décrit ci-dessus. Leur impact est particulièrement visible à Mayotte et en versant sud à Mohéli, où elles sont littéralement en train d’étouffer la végétation par la double action de leur poids qui brise les arbres et la diminution de lumière qui empêche toute photosynthèse des hôtes. A terme on peut même envisager des impacts non réversibles sur la faune. A Nioumachoua sur Mohéli par exemple, les lianes menacent directement les perchoirs et zones de gagnage des roussettes de Livingstone (P. livingstonii) gravement menacées d’extinction par l’UICN.

• L’envahissement végétal, la dégradation des habitats et la déforestation sont intimement liés. Or sur des territoires caractérisés par de fortes pentes, le rôle de la végétation est primordial pour assurer l’équilibre des budgets en eau. A Anjouan, on compterait aujourd’hui moins de 10 cours d’eau permanents contre plus de 40 au milieu du siècle dernier et le rôle exact du développement des espèces envahissantes dans les diminutions des ressources en eau devrait être investigué.

Un indispensable travail d’étude et de construction de base de données sur l’envahissement sont indispensables dans l’archipel des Comores pour mieux caractériser ses impacts sur l’environnement. L’impact direct sur les niveaux de populations d’espèces et sur leur intégrité génétique est notamment totalement inconnu.

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