Des actions volontaires de contrôle et de restauration des habitats n’ont lieu pour le moment qu’à Mayotte. En Union des Comores, étant donné la situation économique, de telles actions ne seront envisageables qu’inclues ou menées en parallèle avec d’autres actions limitant la déforestation et promouvant une agriculture plus intensive et raisonnée.
Jusqu’ici, aucune tentative de contrôle biologique par introduction d’insecte ou de champignon n’a été mise en œuvre à Mayotte ou en Union des Comores.
En revanche, le contrôle par l’élevage de certaines plantes envahissantes telles que G. sepium, L. leucocephala, S. campanulata et surtout L. glutinosa n’est pas négligeable. En effet, on compte en 2001 plus de 15 000 têtes de bétail ovin et 23 000 têtes de bétail bovin pour la seule île de Mayotte (Vandamme 2001), et 234 000 têtes de bétail toutes catégories confondues en 2000 en Union des Comores (Stratégie nationale pour la conservation de la diversité écologique en Union des Comores 2000), qui exercent une pression énorme sur ces plantes fourragères. Malgré cela elles parviennent à pulluler. A Mayotte l’intense développement de L. glutinosa est sans doute amplifié par la perte de vitesse progressive de l’agriculture. La perte de vitesse de l’agriculture dans l’archipel signifierait sans aucun doute une explosion de population de ces espèces envahissantes utilisées en fourrage.
Aucun essai de contrôle chimique des populations envahissantes n’a été rapporté. Même l’utilisation d’herbicide reste rare, aussi bien à Mayotte qu’en Union des Comores. Les raisons principales de cet état de fait sont:
• les difficultés d’approvisionnement (évoquées même à Mayotte);
• le coût élevé des intrants quand ils ne sont pas fournis par un donneur à travers son projet en Union des Comores ou du fait de l’absence de subventions à Mayotte;
• le manque de disponibilité de main d’œuvre à coût réduit, cet argument semblant jouer (aussi bien en Union des Comores qu’à Mayotte où la main d’œuvre illégale anjouanaise semble nombreuse).
C’est l’essentiel des activités mises en place dans les cultures pour contrôler les populations d’espèces envahissantes en Union des Comores et à Mayotte. Ce contrôle se base sur une phytotechnie traditionnelle. Les espèces non utilisées en fourrage sont souvent conservées comme paillage en parcelle. De l’étude de Vandamme (2001) à Mayotte, il ressort que les agriculteurs ont une bonne connaissance des espèces envahissantes. Sur les 22 espèces principalement rencontrées sur les parcelles, 7 ne trouvent pas d’utilisation en paillage du fait de leur capacité reconnue par les agriculteurs à se multiplier facilement végétativement. Parmi ces espèces on trouve L. camara, M. pudica ou Senna sp. L’utilisation des envahissantes en paillage est un des concepts de l’agro-écologie, spontanément appliqué par les agriculteurs. Elle propose un recyclage intelligent de la biomasse produite.
Les projets de contrôle mécanique en zone naturelle ou présentant une biodiversité élevée ne semblent exister qu’à Mayotte. L’absence de contrôle mécanique en Union des Comores est entre autres due à son coût élevé. Les travaux à Mayotte visent essentiellement le contrôle des populations de L. camara (à Pointe Saziley notamment) et de lianes (M. peltata, S.comorensis, Ipomoea sp.) dans les réserves forestières.
Dans les années récentes, seule Mayotte semble avoir développé des activités de restauration forestière dans les zones écologiquement riches.
En 1995-1996, une tentative d’éradication de la vigne marronne (R. alceifolius) a été menée mais a échoué. La première phase de travaux d’arrachage et replantation immédiate avec des espèces arborées (au prix de 85 000 euros pour quelques hectares) n’a pas eu de suite entre autres car les éleveurs locaux ont remis en valeur les parcelles sans respecter le cahier des charges de leur utilisation (plantules endommagées par le bétail…). C’est une situation regrettable comme R. alceifolius demeure à ce jour encore cantonné à la région de Coconi où il pourrait toujours être contrôlé.
Outre ce projet avorté, on distingue essentiellement deux types de projets de restauration, particulièrement intéressants:
• La reconstitution des formations originelles suite au contrôle mécanique d’exotiques envahissantes (L. camara et lianes) dans les réserves forestières:
En 2002, 10 hectares de L. camara (sur un objectif total de 115 ha) ont été éradiqués à Pointe Saziley à Mayotte zone de forêt sèche de haute valeur écologique de Mayotte (voir le cas d’étude sur le L. camara en fin de document). Des actions similaires sont entreprises dans d’autres sites de l’île (Mavingoni, Ajambua). La plantation de jeune arbres ensuit l’éradication de L. camara. En 2002, 5 ha ont été replantés avec P. indicus, C. inophyllum, G. sepium , et M. comorensis pour éviter l’usage de A. mangium reconnu comme envahissant. Malheureusement, il semble avéré que G. sepium est également envahissant dans l’archipel et sa plantation devrait être suspendue.
En 2002, 15 ha de forêt en réserve ont été délianés à Sohoa, Bouyouni, Mavingoni (S. comorensis, M. peltata).
Le délianement a été régulier de 1992 à 1997. Il a repris depuis 2002. Il semble que les zones délianées entre 1992 et 1997 sont à 70 pour cent reconquises (pers. Com. Ali Andi). Le délianement est un travail dispendieux et de longue haleine. Etant donné l’ampleur de l’envahissement à Mayotte (et en Union des Comores), il n’est envisageable à long terme que dans des zones restreintes et ciblées.
• La restauration des mauvaises terres (‘padzas’):
Les ‘padzas’ où la roche mère est mise à nu par des processus d’érosion très actifs couvrent
2 600 ha soit 7 pour cent de la superficie de Mayotte Leur dynamique est favorisée par les pratiques de culture sur brûlis sur de fortes pentes, les écobuages pastoraux et le surpâturage.
Les opérations de restauration engagées depuis 1992 visent à fixer les sols à court terme par installation d’un couvert végétal et à y entreprendre de nouvelles formes d’agriculture douce à moyen terme.
Elles mettent en œuvre des techniques de génie civil (construction de barrages en pierre sèche dans les ravines, murets de soutènement de talus, renouvellement de micro-reliefs instables), de génie agronomique (récupération et épandage de terres arables, incorporation de compost organique, installation et paillage de plants) et de génie biologique (recherche et plantation d’espèces adaptées au terrain).
Les travaux entrepris sont très coûteux, de 20 000 à 60 000 euros par hectare en fonction de l’accessibilité des sites, de leur état initial et des objectifs de mise en valeur ultérieurs. Soixante dix sept pour cent du prix final est lié au travail de génie civil.
Jusqu’à 30 ha de padzas peuvent être réhabilités par an. A. mangium a été longtemps la principale espèce de reboisement des padzas. La récente observation de sa régénération naturelle incite le Service des eaux et forêts à rechercher d’autres espèces pour le remplacer. En pépinière cette année, A. mangium ne représente plus que 45 pour cent de la production (le reste étant représenté par M. comorensis et C. inophyllum).
Dans le schéma opérationnel de gestion de la Pointe Saziley, les auteurs recommandent l’utilisation d’espèces locales telles que Erythroxylum platycladum, Ochna ciliata ou le palmier Phoenix reclinata. Ces trois espèces ont d’ailleurs l’air naturellement présentes sur les padzas (com. Pers. Barthelat).
Le Service des eaux et forêts est aujourd’hui conscient que les espèces ‘standards’ dont la production et la croissance rapide peuvent révéler des performances telles dans le milieu insulaire de Mayotte que les espèces natives ne résistent pas à leur concurrence. Substituer les espèces standard par des espèces natives en replantation semble être aujourd’hui une priorité de la pépinière.