Previous PageTable Of ContentsNext Page


2.2.2 Les aspects écologiques des forêts secondaires en Afrique francophone

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

DOCUMENT THEMATIQUE #1:

Sur les aspects écologiques des forêts secondaires en Afrique centrale et occidentale francophone

Ecrit par

Prof. Constantin Lubini Ayingweu
Laboratoire de Biologie
I.S.P/Gombé et Université de Kinshasa
BP 3580 Kinshasa Gombé
République démocratique du Congo
Téléphone portable: (243) 0815089070,
Mél.: [email protected]

POUR

L’ATELIER FAO/EC LNV/GTZ SUR

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

En collaboration avec l’UICN, l’ICRAF et le CIFOR

Douala, Cameroun, 17 – 21 novembre 2003

RESUME

Cette étude tente de rassembler et d’ordonner les connaissances en matière d’écologie des forêts secondaires d’Afrique centrale et occidentale francophone. Il apparaît, avant tout, que les défrichements agricoles, l’exploitation forestière, l’ouverture des pistes et des routes ainsi que la création des camps d’habitation temporaire dans les massifs forestiers de ces sous-régions ont induit le développement de ce type de forêt. Actuellement, l’extension des forêts secondaires est spectaculaire dans les zones fortement peuplées, notamment autour des centres urbains et le long des axes routiers. Les estimations faites en 1985 par la FAO pour l’ensemble de ces massifs font état de 34 841 milliers d’hectares de forêts secondaires (20 pour cent des forêts denses humides des pays d’Afrique centrale et occidentale francophone).

Ces forêts représentent un écosystème forestier en croissance, se caractérisant par une succession de stades évolutifs vers le rétablissement de l’équilibre des facteurs biophysiques. Ce processus favorise la remontée biologique, pédologique et l’instauration du microclimat forestier interne. Les variations de ces paramètres dans le temps et dans l’espace contribuent à la constitution des séries diachroniques et synchroniques de la végétation forestière secondaire. Elles donnent également des indications utiles sur le niveau de fertilité des sols mis en jachère, de restauration du microclimat forestier nécessaire aux végétaux et aux animaux ainsi que sur la richesse et diversité biologiques.

Même si elles sont en croissance, les forêts secondaires sont floristiquement et faunistiquement riches et diversifiées. Cette richesse et cette diversité biologique augmentent avec l’âge de la jachère forestière, de la forêt secondaire jeune et de la forêt secondaire vieille.

Par ailleurs, la fructification abondante et parfois précoce de nombreuses espèces végétales caractéristiques des forêts secondaires, attire les oiseaux, les rongeurs et les chauves-souris, qui en rejetant les graines des fruits consommés, interviennent dans la dissémination de ces espèces. Ces ressources constituent également une source d’approvisionnement des communautés rurales en produits alimentaires (fruits, légumes, gibier, champignons, insectes comestibles, plantes médicinales, bois énergie, bois d’œuvre, rotins, etc.).

Toutes les informations précédentes devraient être prises en compte dans les plans et les stratégies de gestion et d’aménagement des forêts secondaires des pays d’Afrique centrale et occidentale francophone.

INTRODUCTION

Comme partout dans la zone intertropicale du monde, les populations ont, par leurs activités, modifié très largement la structure, la composition floristique et faunique ainsi que le milieu édaphique de leurs écosystèmes forestiers. En Afrique centrale et occidentale francophone, les données pour la période 1980-1990 indiquent une réduction annuelle du couvert forestier de 600 000 hectares soit un taux moyen de 0,8 pour cent par an (Singh cité par Dupuy, 1998). Les surfaces ainsi déboisées se transforment en jachères forestières (Jj), puis en forêts secondaires (FS) et la superficie des ces dernières augmente chaque année.

Ces perturbations posent problème en matière de gestion forestière auquel il convient de trouver des solutions. Dans cette perspective, la FAO, en collaboration avec ses partenaires, a organisé à Douala (17-21 novembre 2003) un atelier sur la gestion des forêts tropicales secondaires en Afrique. L’objectif de cette étude est de rassembler et d’ordonner un savoir sur l’écologie de ces forêts.

Les informations sont basées sur la littérature disponible, les observations, les recherches phytosociologiques et écologiques de la végétation messicole (adventice) et postculturale. Ces recherches ont été menées dans quatre pays: Angola, Cameroun, Gabon, République du Congo et République démocratique du Congo. Elles ont été complétées par des études sur la reconstitution forestière des jachères au cours des successions végétales secondaires postculturales et/ou postexploitation, effectuées lors des séjours de courte durée en Côte d’Ivoire et au Bénin en 1995 et 1997.

La présente étude abordera successivement les concepts et les origines des FS, la typologie, l’extension, les caractéristiques, la biodiversité, l’évolution des paramètres écologiques et le rôle des Fs. Sur ces bases, des recommandations et des recherches nécessaires seront proposées.

1. CONCEPT ET ORIGINES DES FORETS SECONDAIRES

1.1 Le concept de forêt secondaire

Les jachères, les recrûs forestiers et les forêts secondaires de l’Afrique centrale et occidentale ont été étudiés par de nombreux scientifiques, notamment les agronomes et les botanistes (Aubréville, 1947; Lebrun et Gilbert, 1954; Lubini, 1982; Bebwa, 1993; Mosango, 1990). Plusieurs définitions des Fs ressortent de ces études. Nous avons retenu ici celle proposée par Chokkalingam et al. (2002): «Les forêts secondaires sont des forêts se régénérant dans une large mesure par des processus naturels après une importante perturbation d’origine humaine et/ou naturelle de la végétation forestière originelle à un moment donné ou sur une longue période de temps, et dénotant des différences marquées dans la structure de la forêt et/ou de la composition des espèces du couvert par rapport aux forêts voisines sur des sites similaires».

Cette définition, comme d’ailleurs celles proposées par les auteurs cités plus haut, permet de relever les caractéristiques des FS: en particulier, l’origine, le temps, la dynamique de régénération, la structure et la composition des espèces.

1.2 Origines des forêts secondaires

L’apparition des types culturaux au néolithique et la maîtrise de la technique du fer ont permis la pratique de l’agriculture itinérante sur brûlis. Avec la sédentarisation des groupes humains, ces facteurs ont entraîné notamment des modifications des écosystèmes forestiers, s’accentuant du fait de l’accroissement de la pression humaine sur ces milieux.

Ces perturbations varient très largement en intensité et en surface d’un pays à l’autre et dans un même pays, en fonction de l’ancienneté, de la densité de la population agricole, des méthodes et des types de culture ou d’exploitation forestière. Ainsi, dans les zones densément peuplées, les agriculteurs ont imprimé leur marque, même dans les endroits peu accessibles.

La formation des FS est décrite ci-dessous, en fonction des principaux facteurs qui influent sur leur dynamique.

a) Agriculture itinérante, brûlis et écobuage

En Afrique centrale et occidentale francophone, les communautés rurales pratiquent une agriculture qui repose essentiellement sur la jachère forestière, tant celle-ci reconstitue la fertilité des sols. Dans ce contexte, la modification de la forêt se fait en quatre phases: défrichement d’une parcelle, abattage de tous les arbres ou de la plupart d’entre eux, brûlis et culture d’une ou plusieurs espèces végétales. Le sol s’épuise rapidement, l’exploitation est abandonnée et une nouvelle parcelle défrichée. Les successions végétales secondaires commencent sur la parcelle abandonnée avec tout d’abord des espèces adventices ou messicoles (Av)7.

Par ailleurs, les défrichements et les abattages culturaux suivis de brûlis, puis de l’écobuage, mettent le sol à nu. L’écobuage est surtout pratiqué pour les cultures spéculatives, telles que l’arachide, qui exigent un labour préalable. Dans ce cas, les espèces adventices apparaissent au même moment que les plantes cultivées et constituent des pionnières, annonciatrices du premier stade de la formation des FS.

b) Exploitation forestière et érosion

La mise en exploitation de la forêt dense originelle implique la réalisation de nombreuses opérations: création de la base-vie (camp de travailleurs), constitution du réseau routier de vidange des bois, abattage, débardage, etc. Ces opérations induisent la destruction du couvert forestier. Dans les trouées qui en découlent, apparaît une végétation forestière secondaire qui se compose d’espèces pionnières (Trema guinensis , Musanga cecropioides, etc.). Ainsi, les forêts secondaires se développent dans des zones d’exploitation de bois d’œuvre8.

En outre, les terrains en forte pente soumis à l’exploitation forestière sont sensibles à l’érosion superficielle. Celle-ci peut aboutir à la disparition des horizons édaphiques de surface, traduisant une perte de fertilité du sol et le point de départ d’une série régressive (savanisation du milieu forestier favorable au feu).

En cas d’incendie, l’érosion s’accentue et le ravinement peut provoquer des glissements de terrain. Ces sites sont susceptibles d’être recolonisés par des espèces pionnières de la reconstitution forestière. Il s’ensuit le phénomène de successions végétales secondaires.

2. TYPOLOGIE DES FORETS SECONDAIRES

Comme toute typologie de «science forestière», celle des forêts secondaires ne fait pas l’unanimité, notamment l’importance donnée aux critères de classification de ces forêts. Les critères puis les principaux types de forêts secondaires d’Afrique centrale et occidentale sont présentés brièvement ci-dessous.

2.1 Les critères de classification

Les auteurs identifient plusieurs critères pour la dénomination d’une forêt secondaire: temporel, édaphique, altitudinal et climacique.

L’âge est valable comme critère de classification des FS. En effet, chaque type de Fs présente des espèces caractéristiques permettant de les reconnaître à travers leur physionomie, composition floristique et âge. Ainsi, en référence à l’âge, on distingue :

- une jeune jachère forestière (Jj), âgée de 3 à 7 ans;

- une forêt secondaire jeune (Sj), parfois appelée recru forestier, âgée de 8 à 15 ans;

- une forêt secondaire vieille (Sv), âgée de plus de 20 ans.

En ce qui concerne le critère édaphique, la nature du substrat, surtout l’humidité, détermine la série de végétations secondaires évoluant sur les sols à hydromorphie permanente ou périodique (sol alluvionnaire récent ou actuel et vallée humide) et celle se développant sur les sols de terre ferme (Lubini, 1982)9. Il en est ainsi des caractères morphologiques adaptatifs: racines-échasses ou aériennes.

La température et les précipitations varient en fonction de l’altitude. Les recrus forestiers et forêts secondaires de haute altitude ont un comportement nettement mésotherme. Les forêts de montagne subissent des modifications qui induisent le développement d’une série évolutive secondaire, homologue à celle qui se développe dans les forêts de basse altitude. Ainsi, la composition floristique des forêts de montagne du Mont Cameroun est similaire à celle des montagnes de l’est de l’Afrique centrale. Lebrun et Gilbert (1954) reconnaissent dans ces successions végétales secondaires deux stades: le stade des friches et jachères préforestières, c’est-à-dire les jeunes jachères (Jj) de haute altitude, et le stade des forêts secondaires jeunes (Sj) homologues aux forêts secondaires jeunes de basse altitude.

Enfin, les excès épisodiques des climats locaux peuvent déclencher le processus de successions végétales secondaires. Par exemple, une sécheresse intense peut provoquer des incendies sur de grandes étendues de forêts qui sont ensuite recolonisées par une succession végétale secondaire post-incendie. De même, les écotones forêt-savane des régions présentant d’intenses précipitations et une forte humidité atmosphérique peuvent être le siège de processus de recolonisation forestière des savanes, conduisant à la formation de recrus forestiers d’allure secondaire.

2.2 Les types de forêt secondaire

2.2.1 Les forêts secondaires selon les facteurs influençant leur dynamique et les critères d’ordre temporel, édaphique, altitudinal et climacique

Les facteurs qui influent sur la dynamique des FS et les critères décrits ci-dessus, permettent de distinguer les types de forêt secondaire suivants:

1. Les jachères et les forêts secondaires issues de l’agriculture itinérante sur brûlis: ce sont des forêts se régénérant naturellement à partir des champs abandonnés à la jachère pour la reconstitution des sols épuisés par la culture. C’est le type le plus répandu dans l’ensemble de l’aire considérée.

2. Les forêts secondaires issues de l’exploitation forestière: ce sont des forêts se régénérant par des processus naturels après une réduction importante du couvert forestier originel due à l’extraction d’arbres pendant une longue période de temps. Des modifications marquées dans la structure de la forêt et/ou la composition floristique du couvert s’ensuivent par rapport aux forêts climaciques intouchées dans les conditions climaciques et édaphiques comparables, ou presque identiques.

3. Les forêts secondaires remises en état: il s’agit de forêts se régénérant par des processus naturels sur des sites dégradés tels que les anciennes carrières, les ravins dus aux érosions ou aux glissements de terrain, ou bien les zones surpâturées. La régénération pourrait être induite grâce à la protection contre des perturbations chroniques et la stabilisation des sites.

4. Les forêts secondaires post-incendies: elles résultent de processus naturels de recolonisation forestière après un incendie intervenu sur une importante étendue d’un couvert végétal forestier originel en un moment donné ou sur une longue période temps. Elles présentent une structure forestière et/ou une composition floristique du couvert différentes par rapport aux forêts intouchées développées sur des sites présentant des conditions climaciques et édaphiques similaires dans la région mais ne montrant pas de perturbations particulières.

5. Les forêts secondaires résultant de l’abandon d’une exploitation: elles se régénérent dans une large mesure par un processus naturel après l’abandon d’une exploitation autre qu’une culture sur brûlis ou une exploitation forestière (par exemple, le pâturage ou la plantation de cultures industrielles comme l’hévéa, le palmier à huile, le caféier, le cacaoyer, etc.).

6. Les forêts secondaires dérivées du processus évolutif: elles résultent de processus naturels de reforestation des savanes, s’observant dans les zones de «front » forêt/savane, c’est-à-dire écotones et s’effectuant par des phases successives. Ces processus sont interrompus par des changements climaciques significatifs et périodiques. Un transect savane/forêt permet de reconnaître trois niveaux successifs: jachères préforestières constituées par des espèces pionnières habituelles, les recrus forestiers et la forêt adulte plus ou moins mésophile.

Un autre type de classification est fonction des usages est présenté dans le paragraphe suivant.

2.2.2 Les forêts secondaires dans l’aire des forêts denses humides de basse altitude 

Dans l’ensemble des deux sous-régions, les forêts denses humides se sont développées sur les terrains de basse altitude. Le mode de culture est identique dans cet ensemble: l’agriculture itinérante sur brûlis. Dans ces conditions, les groupements végétaux postculturaux qui en résultent ont une dynamique, une structure et une composition floristique fondamentale communes.

L’usage reconnaît :

a) Les stades arbustifs ou arborescents initiaux de la reconstitution de la recolonisation forestière comprenant:

- les friches et jachères préforestières, une végétation arbustive pionnière amorçant la recolonisation forestière dans les trouées et les chablis, à la fin d’un cycle cultural ou dans les régions boisées et maintenues enherbées sous le régime du feu;

- les jachères et recrûs ainsi que les forêts secondaires jeunes succédant au stade de jachères et jachères préforestières, à strate arborescente peu élevée mais fermée et dont l’optimum est généralement atteint vers 8-10 ans. Elles sont constituées d’essences essentiellement héliophiles à croissance rapide.

b) Les forêts secondaires ou les forêts correspondant aux stades arborescents terminaux de la reconstitution forestière postculturale et/ou postexploitation. Elles succèdent aux forêts secondaires jeunes (Sj). Les espèces caractéristiques qui les composent sont des espèces arborées héliophiles tolérantes, à croissance moyennement rapide, à ramification généralement sympodiale, de taille élevée et à fructification tardive. Ces espèces cohabitent avec celles de la forêt primitive. Habituellement, elles sont appelées forêts secondaires vieilles (Sv).

Les variations climaciques, notamment les précipitations et la durée de la saison sèche, permettent de distinguer:

- les forêts secondaires vieilles dans l’aire climacique de forêt équatoriale, ombrophile, sempervirente, à période de défoliation courte, généralement peu marquée et incomplète;

- les forêts secondaires vieilles de l’aire climacique de la forêt ombrophile semi-sempervirente, à période de défoliation prolongée bien concentrée et généralement complète coïncidant avec une saison sèche très nette d’au moins trois mois.

2.2.3 Les forêts secondaires dans l’aire des forêts denses humides de montagne

Les forêts denses humides de montagne sont également défrichées et soumises à l’agriculture itinérante sur brûlis. Les groupements végétaux postculturaux qui en résultent présentent des particularités liées aux variations altitudinales et ont une composition floristique spécifique. On distingue les friches et jachères préforestières de montagne ainsi que les recrûs et forêts secondaires de montagne. Dans ces deux cas, la composition floristique fondamentale et les caractéristiques édaphiques permettent d’identifier des unités de végétation ou unités phytosociologiques.

3. ETENDUE DES FORETS SECONDAIRES

L’étendue des forêts secondaires est mal connue. Le tableau 1 fournit quelques indications sur l’étendue des formations forestières, celle des jachères et des forêts secondaires ainsi que les taux de déforestation.

En Afrique centrale et occidentale, les jachères forestières et les forêts secondaires couvrent 178 millions d’hectares. La déforestation occasionne une perte annuelle de 7,5 millions d’hectares de forêt dense (0,62 pour cent de la superficie actuelle) et 3,8 millions d’hectares de forêt claire (0,52 pour cent). Même si elles sont faibles, les superficies des Fs posent néanmoins problème en termes de gestion forestière. D’autant plus que les FS constituent la principale source d’approvisionnement en bois d’œuvre dans les pays considérés.

Tableau No1: Etendue des formations forestières, des jachères et forêts secondaires ainsi que les taux de déforestation en Afrique de l’Ouest et du centre

Pays

Formations forestières (x 1 000 ha)

Taux de déforestation (%)

Jachères et forêts Secondaires (x 1 000 ha)

Bénin

Burkina Faso

Côte d’Ivoire

Guinée

Mali

Niger

Sénégal

Togo

Afrique occidentale

Angola

Burundi

Cameroun

Congo

RDC

Gabon

Guinée équatoriale

R.C.A.

Tchad

Afrique centrale

Forêts

ombrophiles

Forêts

ouvertes

 

Forêts

ombrophiles

Forêts

ouvertes

41

-

3 008

1 870

-

-

220

294

5 433

2 680

12

17 520

21 230

104 750

20 425

1 280

3 560

500

171 957

3 490

6 900

4 275

8 350

8 600

2 600

10 580

1 330

46 125

50 450

12

7 550

-

70 900

75

-

32 050

12 600

173 637

-1,3

-0,7

-1,0

-1,2

-0,8

-0,0

-0,7

-1,5

-

0,7

0,6

0,6

0,2

0,6

0,6

0,4

0,4

0,7

-

7

-

9 715

1 750

-

-

-

240

11 712

5 000

14

5 280

1 200

8 550

1 575

1 180

330

-

23 129

4 000

4 750

7 920

1 500

2 650

3 200

1 875

1 250

27 145

7 600

10

1 350

-

11 450

-

-

4 050

1 000

25 460

Total

177 390

219 762

-

34 841

52 605

Source: FAO, 1985

4. CARACTERISTIQUES DES FORETS SECONDAIRES ET BIODIVERSITE

4.1 Caractéristiques

Dans les pluviosylves, les biocénoses secondaires sont extrêmement variées. Néanmoins, les différentes catégories de forêt secondaire ont des caractéristiques communes. C’est le cas des groupements pionniers qui marquent les premiers stades de la sère et qui sont présentes dans les zones ayant été cultivées ou exploitées pour les bois d’œuvre, mais n’ayant pas été brûlées ou pâturées par la suite. Ces caractéristiques peuvent être résumées de la façon suivante:

a) Les forêts secondaires constituent un type d’écosystème forestier en croissance, donc transitoire et évoluant vers des forêts climaciques.

b) La structure, la physionomie et la composition floristique et faunique se complexifient avec l’âge. Les structures, généralement régulières et uniformes des premiers stades de la succession végétale, deviennent irrégulières lors des stades ultérieurs et comportent de nombreuses lianes.

c) Les arbres des forêts secondaires sont en moyenne de faible dimension.

d) Les Fs sont floristiquement pauvres. Les espèces constitutives ont une large distribution géographique.

e) Les épiphytes sont peu nombreux.

f) Les arbres constituant les premiers stades de la succession ont des propriétés communes propres, les distinguant des arbres prédominants de la Fx10:

- Les arbres des Fs typiques sont héliophiles, exigeant 75 pour cent de pleine lumière du jour. La plupart ne peuvent se régénérer sous leur propre ombre, ni sous celle des autres espèces d’arbre.

- Leur croissance est rapide (1 à 4 m/an de hauteur et 2 à 4 cm/an de diamètre).

- lLs arbres des groupements pionniers ont une floraison précoce et abondante. La dissémination de leurs diaspores (fruits, graines) est efficace. Elle est assurée par anémochorie (vent) ou par zoochorie (animaux).

- Les arbres des FS ont, dans leur grande majorité, une faible longévité (jusqu’à 15 ans pour atteindre les dimensions maximales, rarement 25 à 30 ans).

- Beaucoup d’espèces manifestent un comportement grégaire, occasionnant ainsi la formation de groupements végétaux homogènes monodominants (cas du parasolier, de l’okoumé, du limba, etc.).

- La faune, riche et variée joue un rôle écologique essentiel. Les insectes, oiseaux, petits mammifères, notamment les rongeurs et les chauves-souris, sont des prédateurs, défoliateurs, pollinisateurs et disséminateurs foreurs et xylophages).

- Concernant les sols, les espèces des FS ont des préférences plus marquées que celles des forêts climaciques. Selon Kellman (1969), les espèces des Sj recyclent davantage les éléments nutritifs que celles des forêts climax. Certaines espèces, comme Trema orientalis, rechargent les horizons superficiels du sol en P et en K.

- Les espèces d’arbre présentent un enracinement superficiel, avec quelques adaptations éco morphologiques telles que les racines échasses.

- L’accumulation des éléments nutritifs est liée, dans une grande mesure, à l’accroissement de l’humus provenant de la litière.

- La formation de biomasse est rapide. Dans certains cas, la couverture et les surfaces foliaires sont identiques à celles d’une forêt plus évoluée en 6 ans environ (Golley et al. 1975). La FS est peut être «le point où la biomasse et la production forestière sont maximales dans la serre de la forêt tropicale» (Kira et Shidei, 1967).

4.2 Biodiversité

La connaissance de la flore et de la faune d’un écosystème est une donnée essentielle pour l’évaluation de ses ressources biologiques potentielles et pour son aménagement et sa gestion forestière. Les données disponibles sont sectorielles et ne permettent pas d’apprécier les valeurs économiques, culturelles et environnementales des FS.

4.2.1 Flore des forêts secondaires

Pour la flore, une étude en cours, limitée aux Jj, Sj et Sv d’Afrique centrale donne une première estimation de plus de 2 000 espèces et taxons infra spécifiques représentant quelques 800 genres et 150 familles, toutes des espèces vasculaires. Parmi celles-ci, il y a 1 600 espèces, sous-espèces et variétés typiques des FS. Ces espèces peuvent être considérées comme réalisant leur optimum dans ce type de forêt.

L’une des caractéristiques des successions végétales secondaires dans les forêts denses humides, est l’accroissement de la richesse floristique avec l’âge de la jachère. Les données disponibles, d’ailleurs sectorielles, proviennent des études réalisées par Aubréville (1947) et Nasi (1997) pour le Gabon, Moutsambote (1990) pour la République du Congo, Mosango (1990) et Bebwa (1993) pour la République démocratique du Congo.

Nous avons rassemblé, à titre d’exemple, les données issues de ces diverses sources bibliographiques. La figure 1 visualise les mêmes données.

- Friche de :

- 3 mois : 88 espèces

- 6 mois : 91 espèces

- Jachère de 1 – 3 ans: 174 espèces/ha

- Jachère de 3 – 5 ans: 184 espèces/ha

- Jachère de 8-10 ans: 138 espèces/ha

- Fs de plus de 10 ans: 209 espèces/ha.

Au Gabon, Aubréville (1947) et Nasi (1997) se limitent aux seules essences ligneuses (lianes exclues) et rapportent respectivement 28 espèces/2,5 ares et 101 espèces/22 ha.

L’évolution de la richesse floristique se traduit par l’accroissement spécifique progressif depuis la friche où dominent les espèces adventices, fondamentalement nitrophiles, héliophiles et annuelles jusqu’aux arbres de première grandeur, en majorité héliophiles, à croissance moins rapide et fructification tardive, en passant des espèces pionnières, héliophiles absolues, à croissance très rapide et fructification abondante et précoce. Au stade pré climacique, la richesse spécifique baisse par suite du dépérissement massif des espèces pionnières héliophiles des jachères pré forestières et forestières. On note une réduction du nombre d’espèces au stade pré climacique, mais qui augmente au stade du climax. Les interventions visant la reconstitution forestière au cours des successions végétales secondaires devraient viser l’instauration des conditions microclimaciques et édaphiques favorables aux essences forestières climaciques.

4.2.2 Faune des forêts secondaires

Des travaux sur la variation de la faune au cours des successions végétales secondaires ont été réalisés en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo (Dudu, 1991; Ifuta, 1993), auxquels s’ajoutent des études sur l’entomologie dans les écosystèmes forestiers africains menées notamment en République du Congo, au Gabon, en Guinée et en République centrafricaine. Ces études abordent les aspects les plus variés: taxonomie, protection des cultures et des produits agricoles, écologie et épidémiologie. Les conclusions suivantes peuvent être dégagées:

La faune des friches, jachères et FS d’Afrique centrale et occidentale forestière est riche et variée, depuis les collemboles et les nématodes du sol jusqu’aux primates arboricoles, insectes, rongeurs et oiseaux des vieilles FS. L’évolution de la faune au cours de la séquence champ-friche-jachère forestière – FS – forêt climacique, se caractérise par l’apparition et la prédominance relayées des groupes écologiques. Après une courte période d’absence de méso et macrofaune qui suit le brûlis, une faune allogène s’installe constituée d’espèces à large spectre géographique se nourrissant de plantes cultivées. Elle est ensuite relayée durant le stade des friches et jachères forestières, par des insectes, rongeurs et oiseaux qui prédominent et dont les effectifs se réduiront progressivement aux stades des FS, jeunes et vieilles au profit des ongulés et enfin des espèces arboricoles pratiquant la brachiation ou non.

Cette évolution de la faune a une signification écologique. Au cours des successions végétales secondaires, l’évolution de la faune, qui dépend de celle de la flore, se caractérise par l’apparition d‘espèces allogènes d’abord, suivie d’espèces mésophiles puis hygrophiles (espèces des milieux anthropisés: habitations, champs et autres), d’espèces des groupements végétaux ouverts (friches et jachères herbeuses et pré forestières) et des espèces forestières typiques ou faune climax. Les rongeurs, notamment les Muridae et Scuiridae, les Chirophtems mais aussi les oiseaux et les insectes phytophages, xylophages et humuphages, interviennent dans la dissémination des diasporas.

Les espèces animales contribuent ainsi à la recolonisation forestière des Jj d’une part, à la minéralisation de la litière et à la reproduction des plantes par la pollinisation d’autre part. On peut, dès lors, parler de co-évolution végétation – faune au cours de la dynamique de reconstitution forestière. Les «deux évolutions» tendent vers le rétablissement des «climax biologiques».

5. EVOLUTION DES PARAMETRES ECOLOGIQUES

5.1 Evolution du microclimat et des paramètres édaphiques

Le microclimat évolue parallèlement au couvert végétal et atteint finalement un état d’équilibre dynamique. Ainsi, au phyto climax correspondrait ce que Nanson et Gennaert (1960) ont appelé «micro climax», c’est-à-dire le microclimat type qui règne et caractérise une forêt climax.

En outre, au cours des successions secondaires, les modifications morphologiques et physiques des sols se manifestent par la disparition de la plus grande partie des racines fines et grosses, tandis que la pédofaune passe du type fouisseur, avec une certaine proportion de vers, au type acarien collembole.

La teneur en matières humiques totales s’accroît avec un maximum au stade des Sv. Cet accroissement global est plus important en surface qu’en profondeur (horizon H4 des pédologues). La quantité globale des bases diminue et le calcium, l’élément le plus abondant, s’accroît nettement en profondeur alors que l’acidité augmente.

5.2 Dynamique

Les changements qui interviennent au cours des successions végétales secondaires sont d’ordre physionomique, floristique, écologique, microclimacique et édaphique. Ils sont également d’ordre qualitatif et quantitatif.

5.2.1 Les successions

Les successions végétales secondaires intervenant après les exploitations agricoles et forestières, tendent fondamentalement à reconstituer le climax climacique régional ou local à travers une série de biocénoses:

- Des groupements de plantes herbacées annuelles, nitrophiles, éphémères, adventices des cultures: (Av).

- Des buissons constitués de petits arbres et d’arbustes à croissance rapide et héliophiles ainsi que des petites lianes et des grandes herbes à feuilles larges. Ce sont les jachères pré forestières pionnières (Jj).

- Des jachères forestières constituées d’arbres héliophiles à comportement parfois grégaire, à croissance rapide, à faible longévité et ne se régénérant pas sous l’ombrage (FS jeunes) ou recrûs (Sj).

- Des FS vieilles constituées de grands arbres héliophiles à leur optimum de croissance, parfois à grande longévité et comportant un nombre limité d’épiphytes. Les plantules exigent cependant un ombrage et une humidité atmosphérique élevée (Sv).

- Des forêts « substituées », constituées de grands arbres à croissance lente, qui ont une longue durée de vie, avec de nombreuses lianes, de nombreux épiphytes ainsi que des espèces des FS vieilles. Elles présentent un microclimat interne caractérisé par l’existence d’un double gradient thermique décroissant de haut en bas vers le sol et hygrométrique décroissant du bas vers les cimes des arbres.

- Des forêts climaciques en équilibre dynamique avec les facteurs écologiques (Fc).

La figure 2 synthétise les diverses phases de la série évolutive.

De nombreux facteurs, notamment l’écobuage répété, modifient le cours normal de la succession en donnant à certaines espèces l’avantage sur d’autres. Ceci favorise l’apparition et le développement d’une série évolutive régressive se manifestant par des jachères herbeuses qui simulent un climax édaphique ou climacique (Jh).

La restauration intégrale de l’écosystème forestier peut exiger des centaines d’années. Cette remontée biologique procède par une succession répétitive et prévisible de types biologiques, de sorte que les caractéristiques fonctionnelles essentielles de l’écosystème sont assez rapidement reconstituées.

5.2.2 Modifications de la flore

Les changements physionomiques qui interviennent à chaque stade évolutif résultent des modifications de la composition floristique. Chaque stade évolutif est constitué d’un noyau d’espèces fondamentales qui y réalisent leur développement optimum.

Au niveau des stades d’adventices et pionniers, on note la prédominance des espèces à très large distribution géographique et appartenant aux familles des Asteraceae, Amarantaceae, Cyperaceae, convolvulaceae et Malvaceae. Au stade des Jj, les espèces largement distribuées dans toute l’Afrique intertropicale et celles limitées aux zones forestières des deux sous-régions d’Afrique prédominent notamment des Vitaceae, Passiflorae, Flacourtiaceae, Marantaceae et Zingiberaceae. Au stade des Sj, les espèces largement disséminées dans les forêts guinéo-congolaises, appartenant aux familles des Moraceae, Cecropiaceae, Rubiaceae et Euphorbiaceae prévalent. Les Sv sont caractérisées par des espèces à distribution géographique restreinte, limitée aux sous-centres d’endémisme guinéo-congolais de Haute-Guinée, de Basse-Guinée ou du Bassin congolais avec les espèces des genres Terminalia, Aucoumea, Triplochiton, Milicia et Ricinodendron.

Enfin, dans les forêts substituées, l’endémisme croit et les espèces issues des familles des Caesalpiniaceae, Meliaceae, Sapotaceae et Sterculiaceae sont nombreuses. La faune suit la même évolution: insectes, oiseaux, rongeurs, primates semblent marquer les différents paliers des successions végétales secondaires sans pourtant en être exclusifs d’un stade.

5.2.3 Rythme

a) Evolution des surfaces terrières

La surface terrier est un paramètre fréquemment utilisé pour distinguer les formations végétales forestières développées sur les terres fermes. Elle reflète la dynamique de la végétation et sa vitesse de reconstitution.

Au cours de l’évolution de la végétation forestière secondaire, la surface terriere augmente naturellement avec l’âge de la jachère. Selon Bebwa (1993), elle passe de 4 m²/ha dans les Jj âgées de 1 an à 35 m²/ha dans les Sj âgées de 10 ans en région équatoriale.

Les valeurs obtenues par Bebwa (1993) et par Mosango (1990) permettent de calculer les valeurs moyennes des surfaces terriers des différents stades évolutifs des successions végétales secondaires en Afrique centrale et occidentale.

Figure 3: Evolution de la surface terriere au cours des successions végétales secondaires

. avant un an : 4 m²/ha

. Jj (2 ans) : 6 m²/ha

. Jj (4 à 6 ans) : 19 m²/ha

. Sj (7 à plus de 10 ans) : 33 m²/ha

. Sv (plus de 20 ans) : 40 m²/ha

La figure 3 présente une vue globale de l’accroissement des surfaces terrières selon l’âge de la jachère.

b) Evolution de la phytomasse et de la productivité

L’évolution de la phytomasse des groupements végétaux au cours des successions végétales secondaires est caractéristique des différents stades de la reconstitution forestière. Comme pour les surfaces terriers, la phytomasse des groupements végétaux caractéristiques des différents stades évolutifs de la serre augmente principalement avec l’âge de la jachère. En utilisant les données de Bebwa (1993), on obtient la courbe de la figure 4.

La comparaison de la phytomasse foliaire à celle des organes non photosynthétiques, dans les jeunes stades, a révélé un rapport élevé: de l’ordre de 0,23 pour une jachère d’un an et de 0,11 pour celle de 10 ans. On en déduit que l’activité photosynthétique est intense au cours de ces stades. Elle se traduit par une croissance rapide des espèces des Jj. Ainsi, les FS doivent être considérées comme des puits de carbone actif.

La productivité primaire annuelle des jachères à différents stades évolutifs croît en fonction de leur âge:de 12,7 t/ha/an de matière sèche à un an à 17,9 t/ha/an à 10 ans. On note cependant un fléchissement dans les jachères les plus âgées. Ceci s’explique par l’apparition des espèces des forêts climaciques, généralement à croissance lente.

c) Evolution de la minéralomasse

La séquence de la minéralomasse accumulée dans la végétation au cours des successions végétales secondaires est la suivante:

- friches de 3 à 6 mois  : N > K > Ca > Mg > P > Na

- jachères de 1 à 6 ans : K > N > Ca > Mg > P > Na

- jachères de 10 ans : K > Ca > N > Mg > P > Na

Ainsi, l’azote est l’élément le plus stocké dans les friches, tandis que le potassium l’est dans les jachères forestières et Fs jeunes. Le phosphore et le sodium sont les moins stockés. Les éléments biogènes sont immobilisés dans les organes des végétaux et y sont conservés. Ainsi, ce stockage constitue l’une des causes de l’appauvrissement permanent des sols si toutefois la restitution par la litière tombée au sol reste inférieure à l’immobilisation. La fertilité des sols forestiers est fondamentalement tributaire de la vitesse de la synthèse des matières organiques et de leur minéralisation, c’est-à-dire des cycles des éléments minéraux. Ceux-ci dépendent de la quantité et de la qualité de la litière tombée au sol ainsi que de la pédofaune (macro et microfaune).

Des amendements pourraient aider à lutter contre l’appauvrissement des sols sous la forme de paillage et de compostage des déchets des récoltes. Ces pratiques constitueraient ainsi une politique de gestion de la fertilité des sols épuisés par des cultures répétées associées à de courtes périodes de jachères. Par exemple, un système agro forestier a été testé à Kisangani associant des haies de légumineuses améliorantes avec les cultures vivrières. Il a donné des résultats encourageants. L’émondage bimestriel a également permis de fertiliser les cultures de maïs et de manioc.

6. ROLE ET AVENIR DES FORETS SECONDAIRES

Plusieurs fonctions sont reconnues aux Fs: environnementale, économique et socioculturelle.

6.1 Rôle environnemental

Les espèces typiques des FS ont un impact environnemental important du fait de la rapidité de leur croissance, de l’efficacité de leur mode de dissémination et du caractère grégaire de leur comportement. La croissance rapide des espèces héliophiles strictesqui les composent, leur permet d’être des sites de capture dynamique de carbone actif, c’est-à-dire le CO2. Par exemple, Musanga cecropioides, Macaranga, Harungana madagascariensis et Anthocleista schweinfurthii, semblent manifester une activité photosynthétique élevée. Avec une importante quantité de litière restituée au sol, les Fs participent à la préservation d’un processus écologique essentiel: le maintien de la fertilité des sols par un cycle biogéochimique très rapide et intense.

6.2 Rôle économique et socioculturel

Les Fs possèdent un intérêt économique car elles constituent une source d’approvisionnement en ressources diverses: bois d’œuvre, plantes alimentaires, chenilles, plantes médicinales, etc. Plusieurs essences commerciales de première catégorie se trouvent dans les FS: Milicia excelsa, Terminalia superba, T.ivorensis, Triplochiton scleroxylon, etc.

Les FS jouent un rôle socioculturel dans la vie en milieu rural. Les Jj, Sj, Sv et Fx appartiennent à celui qui, après la culture, les a abandonnées à la jachère pour restaurer la fertilité du sol. Elles sont désignées par des noms spécifiques suivant chaque groupe ethnique, et elles sont léguées à la descendance du fait qu’elles constituent leurs propriétés inaliénables.

6.3 Avenir des forêts secondaires

Divers facteurs compromettent l’existence et l’avenir des FS: augmentation de la population, et donc de la pression humaine sur les terres forestières, impliquant l’accroissement et la diversification des besoins, persistance des méthodes culturales archaïques et réduction de la durée des jachères.

La demande en matière de terres forestières s’est accentuée depuis les années 70 dans l’ensemble des deux sous régions, accélérant la secondarisation des Fx ou des forêts déjà remaniées. Depuis la première décennie des indépendances nationales, de nombreux cadres politiques et administratifs s’intéressent à l’agriculture et à l’exploitation forestière. Les activités agricoles et forestières menées sur des grandes étendues ralentissent le processus de reconstitution forestière en favorisant l’apparition des séries régressives. La réduction de la durée des jachères accélère l’épuisement des sols qui deviennent alors inaptes à la recolonisation forestière, favorisant ainsi la formation de groupements végétaux herbeux au détriment des FS.

Enfin, l’intérêt croissant porté sur les FS, en raison des ressources qui y sont extraites, ne garantit pas pour autant un avenir durable de ces forêts.

7. CONCLUSIONS

En Afrique centrale et occidentale, les FS, résultant principalement de défrichements agricoles et d’exploitations forestières, occupent des superficies relativement importantes. Elles sont localisées dans des zones de fortes densités humaines, particulièrement autour des centres urbains et le long des routes.

Les recherches, généralement sectorielles de nature floristique, faunistique, phytosociologique, écologique, pédologique et microclimacique, ont donné des résultats comparables mais pas toujours transposables à l’ensemble des deux sous régions concernées. Ces résultats permettent de conclure que les Fs sont une entité forestière réelle se caractérisant par une succession de stades évolutifs vers le rétablissement de l’équilibre des facteurs biophysiques et sa composition floristique et faunistique initiale. Sa structure varie avec l’âge, la zone biogéographique et le degré d’altération des sols.

L’augmentation de la pression humaine sur les ressources des FS a pour conséquence la diminution de la durée des jachères, compromettant ou entravant l’évolution normale vers le rétablissement rapide de la forêt initiale.

La croissance rapide de certaines espèces caractéristiques de différents stades évolutifs doit être considérée comme un processus éco physiologique contribuant à la fixation du carbone actif (CO2). De plus, ces forêts assurent l’approvisionnement des communautés rurales en divers produits.

Néanmoins, malgré l’intérêt économique, socioculturel et environnemental des FS, il existe des contraintes, voir des préjugés, qui pèsent sur leur avenir: très peu de bois de dimension exploitable, faible taux de tiges exploitables par hectare, régénération très faible des essences utiles et réduction de la durée des jachères, compromettant ainsi la vitesse de la recolonisation forestière naturelle.

Du fait des mutations du secteur forestier, il est important que des actions soient menées pour réhabiliter rapidement la forêt des zones exploitées et/ou dégradées tout en tenant compte des valeurs, connaissances et besoins des populations. L’aménagement des FS devrait alors permettre l’approvisionnement régulier en fonction de ces besoins. La réhabilitation de ces forêts favorisera la remontée biologique, pédologique et récréera le microclimat forestier. L’harmonisation des actions sur l’ensemble de l’aire étudiée par des méthodes participatives efficaces, concertées et imitant le plus possible la nature, pourra garantir la durabilité des ressources forestières.

8. RECOMMANDATIONS, RECHERCHES NECESSAIRES ET PRIORITAIRES

a) Recommandations

Au regard de tout ce qui précède, les recommandations suivantes peuvent être faites en vue d’assurer la durabilité des FS:

• Elaborer une carte afin d’estimer la superficie occupée par les Fs. Les résultats attendus devraient permettre d’identifier les zones les plus secondarisées afin d’établir les priorités d’action à entreprendre.

• Identifier des zones pilotes pour entreprendre des expériences visant la régénération forestière rapide avec des espèces locales et/ou exotiques.

• Aménager des zones de production vivrière pour exploiter les Jj dans le cadre d’un système de culture continue. Ceci permettrait à terme de sédentariser les paysans. Dans ce cadre, les Jj améliorantes constituent une solution possible de production. Par exemple les Jj à Leucaena leucocephala, offrent en moins d’un an des disponibilités en N, P, K couvrant les besoins d’une culture de manioc. La technique de culture en couloir (« alley cropping ») est aussi un substitut à la culture sur brûlis en région intertropicale (Bebwa, 1993). L’avantage de ce système réside en la réduction de la durée de jachère et l’amélioration des possibilités de production.

• En zone forestière destinée à la production vivrière, l’usage des légumineuses herbacées est à encourager dans les jachères de courte durée: Mucuna pruriens, Colopogonium mucunoides, Cassia rotundifolia, Centrosema spp., Dolichos lablab, Pueraria phaseoloides var. javanica, Stylosanthes guyanensiset Canavalia ensiformis.

• Les jachères agroforesteries incluant des légumineuses arborées ou arbustives (Senna spp., Albizzia spp., Leucaena leucocephala, Sesbania spp., Cajanus cajan, etc.) peuvent être utilisées pour enrichir les Jj.

b) Recherches nécessaires et priorités

Les recherches relatives aux Fs tropicales humides devraient porter sur les domaines suivants:

1. Etude des modifications de nature faunistique, floristique et structurale:

- où et sous quelle forme se trouvent les diaspores dans les éclaircies opérées dans les canopées? (graines dans le sol dont la dormance a été levée, graines introduites après la création des éclaircies, germination et jeunes plants sur le terrain avant la création des clairières);

- effets des dimensions et des types de jachère sur l’environnement;

- conditions de la survie ou de la disparition des espèces colonisatrices importantes et du développement ultérieur du recrû dans les éclaircies.

2. Etude des changements de nature faunistique, floristique et structurale se produisant dans la végétation secondaire sur des sites précédemment occupés par des forêts denses humides:

- effet de la durée, de la surface, de la composition floristique et faunistique originelles et de l’utilisation antérieure des terres sur le processus des successions;

- effet de la composition de la végétation antérieure et de la végétation adjacente sur le sens, la vitesse et la nature des successions;

- effet spécifique de la composition floristique et de la structure des différentes phases des successions sur les derniers stades et influence du type de sol.

3. Recherche autoécologique et éco physiologique des principales espèces afin de préciser le rôle de chacune d’entre elles à l’intérieur de l’écosystème et d’identifier les caractéristiques qui conditionnent leur réussite dans la recolonisation.

4. Rassembler les informations sur l’ethnobotanique, l’ethnozoologie et l’ethnomédecine des populations riveraines des FS sous forme d’une banque de données écologiques afin de les intégrer dans la gestion des FS.

9. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1). Anonyme. 1998. Importance économique des forêts secondaires d’Afrique centrale. In C.R. Séminaire FORAFRI, Libreville, session 2. CDR.

2). Anonyme. 1997. La végétation de la réserve de biosphère de Luki (Mayombe). Jard. Bot. Nat. Belg., volume 10, Meise.

3). Anonyme. 1995. Biodiversity in secondary forests of Zaïre ; Uses, Status and Conservation problems. In Bennun, L.A., Aman, R.A et Crafter, S.A. (eds) 1995. Conservation of biodiversity in Africa. Local initiatives and institutional roles. Proceedings of a conference held at the National Museum of Kenya, 30 Augst-3 September 1992, National Museum of Kenya, Nairobi, Kenya. p. 63-68.

4). Anonyme. 1979. Ecosytèmes forestiers tropicaux. PNUE, Unesco et FAO, Paris.

5). Anonyme. 1975. Effets écologiques du développement des activités humaines sur les écosystèmes des forêts tropicales et subtropicales. Rapport final du groupe de travail international sur le Projet 1. Unesco (MAB), 16, Paris.

6). Aubréville, A. 1947. Les brousses secondaires en Afrique équatoriale, Côte d’Ivoire -Cameroun-A.E.F. Bois et forêts des tropiques. 1947, n°2, 2è trimestre.

7). Bebwa, B. 1993. Ecologie quantitative de jeunes stades de la reconstruction forestière en région équatoriale (Ile Kongolo, Masako, Zaïre). Thèse de Doct., Université Libre de Bruxellesp.

8). Collinet, J. Couturier, G., Guillaumet, J.-L., Kahn, F., Mareau, R. et Sangaré, Y. 1984. Le système de cultural et ses contraintes. In Guillaumet, J.-L., Couturier G., et Dosso H. (Edits). Recherche et aménagement en milieu forestier humide: le Projet Taï en Côte d’Ivoire. Notes techniques du M.A.B. 15: 113-193 p.

9). Dudu, A. 1991. Etude du peuplement d’insectivores et de rongeurs de la forêt ombrophile de basse altitude du Zaïre (Kisangani, Masako). Thèse de Doct., UIA, Anvers, France.

10). Dupuy, B. 1998. Bases pour une sylviculture en forêt dense tropicale humide africaine. CIRAD-forêt campus de Baillarguet, Montpellier, France.

11). Floret, Ch. et Pontanier, R. 2001. La jachère en Afrique tropicale. De la jachère naturelle améliorée. Le point des connaissances. Volume 2, John Libbey, Eurotext (Edit.) Mont rouge, France.

12). Garnier-Sillam, E. 1991. La fertilité des sols en milieu tropical humide, 28 p. In C.R.Séminaire régional sur le renforcement de la coopération pour la gestion rationnelle de la forêt tropicale africaine. Kinshasa,18-23, avril 1991.

13). Ifuta, N-B. 1993. Paramètres écologiques et hormonaux durant la croissance et la reproduction d’Epomops Franqueti (Mammalia : Chiroptera) de la forêt ombrophile équatoriale de Masako (Kisangani, Zaïre). Thèse de Doct. Katholieke Universiteit Leuven.

14). Kabala, M.M. 1991. Problématique des écosystèmes forestiers tropicaux en Afrique. In C.R sur le séminaire régional pour la gestion rationnelle de la forêt tropicale africaine, Kinshasa, 18-23 avril 1991.

15). Lebrun, J. et Gilbert, G. 1954. Une classification écologique des forêts du Congo. Publ. INEAC, Sér. Sci. N° 63, Bruxelles.

16). Lejoly, J. 1980. Le rôle des jachères dans la protection de l’environnement en zone tropicale humide. In C.R. de la 7ème Session de l’Ecole européenne d’été d’environnement. Bruxelles.

17). Lubini, A. 1982. Végétation messicole et postculturale des sous-régions de Kisangani et de la Tshopo. Thèse de Doct., inédit, Univ de Kisangani, Kisangani.

18). Mosango, M. 1990. Contribution à l’étude botanique et biogéochimique de l’écosystème forêt en région équatoriale (Ile Kongolo, Zaïre).Thèse de Doct. Univ. Libre de Bruxelles.

19). Nanson, A. et Gennart, M. 1960. Contribution à l’étude du climat et en particulier du pédoclimax en forêt équatoriale congolaise. Bulletin de l’Institut agronomique et des stations de recherches de Gembloux, Tome XX VII. 3: 289-342.

20). Nasi, R. 1997. Les peuplements d’okoumés au Gabon. Leur dynamique de croissance en zone côtière. Bois et forêts des tropiques. 1997. 251 (1).

21). White, E. 1983. La végétation de l’Afrique. Notice accompagnant la carte de végétation de l’Afrique. A.E.T.F.A.T./UNESCO et UNSO, Paris.


7 La mise en place des plantations peut présenter une évolution analogue. En effet, divers stades de successions végétales secondaires apparaissent également sur les plantations abandonnées.

8 Si l’exploitation sélective peut conduire à l’écrémage d’espèces puis à l’apparition de clairières, l’exploitation par coupe rase (disparition complète de la végétation ligneuse) et le débardage est susceptible de provoquer le tassement des sols. Ces conséquences sont parfois irréversibles  et peuvent engendrer une série régressive, se matérialisant par une jachère herbeuse de type Panicum maximum (herbe de Guinée) ou Pennisetum purpureum (herbe à éléphant).

9 La première série, qui regroupe une végétation succédant et évoluant sur les sols à hydromorphie, est aussi appelée hydrosère.

10 Fx: forêt climax (climaciques); FS: forêt secondaire en général (sens large); Sv: forêt secondaire vieille; Sj: forêt secondaire jeune (recru forestier); Jj: jachère forestière (jeune jachère); Jh: jachère préforestière sur sol hydromorphe; Sh: forêt secondaire jeune sur sol hydromorphe; Jm: jachère et recrus sur alluvion marin baigné par de l’eau salée

Previous PageTop Of PageNext Page