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3.2.8 Guinée-Bissau

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE:

Réalité et perspectives

Rapport National de la République de Guinée-Bissau

Ecrit par
Kaoussou DIOMBERA
Ingénieur forestier
Direction générale des forêts et de la chasse
BP 71 Bissau / Guinée-Bissau
Tél: (245) 22 30 43/22 38 04 Fax: (245) 22 10 19
Mél.: [email protected]

POUR

L’ATELIER FAO/EC LNV/GTZ SUR

LA GESTION DES FORETS TROPICALES SECONDAIRES EN AFRIQUE :

Réalité et perspectives

En collaboration avec l’UICN, ICRAF et CIFOR

Douala, Cameroun, 17 - 21 novembre 2003

RESUME

Le présent document donne un aperçu sur les forêts secondaires en Guinée-Bissau. Il fait partie des rapports nationaux écrits dans la perspective de l’atelier sur la gestion des forêts secondaires tropicales en Afrique subsaharienne francophone (Douala, Cameroun, 17-21 novembre 2003).

Après une introduction exposant ses objectifs, le document présente particulièrement les facteurs influençant les forêts secondaires, une analyse des caractéristiques de ces dernières et des questions liées à leur gestion.

La Guinée-Bissau dispose des forêts sèches secondaires des zones soudano-guinéenne et guinéenne intérieure (forêts du nord-est, du centre et sud-est), des forêts secondaires de la zone guinéenne maritime (forêts secondaires du nord-ouest) et des forêts secondaires de la zone guinéenne subhumide (forêts secondaires du sud-ouest).

Bien que ces forêts soient mal connues, la demande sociale en produits forestiers, comme le ronier, croît. Si rien ne vient rationaliser leur exploitation, on prédit qu’il faudra soit utiliser d’autres matériaux de construction et de fabrication des outils soit les importer, ce qui n’est pas le meilleur scénario du fait des limites financières du pays et de la dégradation généralisée de la végétation forestière en Afrique occidentale.

Face à cette situation et parce qu’elle est dépourvue de moyens humains et financiers, l’administration forestière a délégué la gestion des forêts, primaires et secondaires, aux populations rurales. Celles-ci représentent 64,8% de la population et elles sont les principales utilisatrices des ressources forestières. Ainsi, les populations rurales assurent la sécurité foncière, préviennent et gèrent les conflits fonciers mineurs, les autorités foncières régionales étant chargées d´arbitrer et de régler les litiges majeurs ; elles sont également chargées d’élaborer des règles souples conformes au droit traditionnel et de les faire appliquer localement dans le respect de la diversité des us et coutumes.

Si les populations sont responsables de la gestion des ressources forestières et si le cadre législatif est satisfaisant, il faut encore une structure dotée d’une grande capacité d’orientation et de planification de l’exploitation des forêts secondaires en raison de la complexité de la gestion de la demande sociale en énergie domestique.

INTRODUCTION

Ecrit à l’initiative de la FAO, ce rapport répond aux questions ci-après : Quels sont les différents types de forêts secondaires en Guinée-Bissau ? Où se trouvent-ils ? Quelle est leur importance écologique et socioéconomique ? Comment sont-ils gérés ? Et comment améliorer la gestion des forêts secondaires en Guinée-Bissau ?

Les informations sont basées sur les rencontres avec les notables, les chefs traditionnels, les chefs religieux et sur la littérature (documents administratifs, rapports d’expertise, documents issus de la recherche, etc.).

Ce rapport est structuré en six chapitres. On présentera d’abord la situation socioéconomique générale de la foresterie et de l’utilisation des terres. On tentera ensuite de présenter les caractéristiques des forêts secondaires et les questions liées à leur gestion au cours de cinq chapitres. On terminera ce rapport en tirant les principales leçons de la gestion de ces forêts et en suggérant des recommandations pour assurer leur conservation et leur exploitation durable.

1. SITUATION SOCIOÉCONOMIQUE GÉNÉRALE DE LA FORESTERIE ET DE L’UTILISATION DES TERRES

Guinée-Bissau

• Superficie : 36.125 km2 ;

• Population : 1,2 million d'habitants dont 45% dépendent des mangroves (les mangroves occupent entre 7 et 8% du territoire et 12, 38% de la végétation) ;

• Densité de population : 29 habitants/km2 ;

• Superficie forestière : entre 1,5 et 2 millions d’hectares (entre 44 et 56% du territoire) ;

• Taux de déforestation : 40.000 à 60.000 ha/an ;

• Impact du processus de décentralisation sur la foresterie : attribution du droit de gestion des forêts aux communautés villageoises, intervention des organisations non gouvernementales (ONG) dans la gestion des forêts, etc. ;

• Potentiel de bois : plus de 100 millions de m3 d’essences commercialisables dont 48,3 millions de m3 d’essences commercialisées actuellement et environ 18,8 millions de m3 de bois de sciage, mais ce potentiel se réduit parce qu’il est géré de façon irrationnelle ;

• Potentiel de production annuelle : 550.000 m3 calculé sur la base d’un accroissement moyen annuel de la forêt de 0,26 m3/ha/an ;

• Poids économique du secteur forestier : en moyenne 6,2% de la valeur totale des exportations du pays et, entre 1985 et 1991, environ 9% du PIB ;

• Espèces principales commercialisées : Daniella oliveiri, Pterocarpus erinaceus, Prosopis africana, Chlorophora regia, Khaya Senegalensis, Afzelia Africana, Ceiba pentandra, Antiaris africana, Erythrophleum guineensis ;

• Problèmes clés de gestion des ressources forestières : destruction des mangroves pour le fumage et le séchage du poisson, réseaux marchands transfrontaliers qui commercialisent des quantités considérables de bois énergie, exploitation sélective des espèces de la flore – par exemple, le rônier.

2. CARACTÉRISTIQUES ET ÉTENDUE DES FORÊTS SECONDAIRES

En Guinée-Bissau, les forêts secondaires correpondent généralement aux forêts et aux mangroves après exploitation de bois, incendie ou l’abandon de diverses utilisations des terres (élevage, établissements humains, culture de palmier à huile). Bien qu’elles soient mal connues, leurs surfaces se réduisent sous l’effet notamment d’une exploitation forestière et des feux de brousse. Ces forêts se rencontrent tant dans les zones soudano-guinéenne et guinéenne intérieure (forêts du nord-est, du centre et sud-est) que dans les zones guinéenne maritime (forêts secondaires du nord-ouest) et guinéenne subhumide (forêts secondaires du sud-ouest).

3. IMPORTANCE SOCIOÉCONOMIQUE ET ÉCOLOGIQUE DES DIFFÉRENTS TYPES DE FORÊTS SECONDAIRES

Les ressources des forêts secondaires sont nombreuses et variées : bois de feu, bois de service, gomme arabique, fruits sauvages, plantes médicinales, miel, champignons, amandes, etc. Leur importance, qui était hier locale, est aujourd’hui sous-régionale, voire internationale. Ces forêts fournissent la quasi-totalité du bois de construction et du bois pour la fabrication des outils des artisans. En matière de construction d’habitations, le bois le plus utilisé est le rônier. En raison de la croissance de la demande en ce produit, si rien ne vient rationaliser son exploitation, on peut prédire qu’il faudra soit utiliser d’autres matériaux de construction et de fabrication de ces outils soit l’importer (ce scénario n’est pas le meilleur du fait des limites financières du pays et de la dégradation généralisée de la végétation forestière en Afrique occidentale).

Parmi les produits des forêts secondaires de la Guinée-Bissau, les produits forestiers non ligneux (PFNL) méritent une attention particulière, tant leurs échanges sont considérables. Selon les régions et les saisons, ils sont prélevés aussi bien pour l’autoconsommation que pour le commerce et fournissent 20 à 60% du budget familial. Les produits les plus commercialisés sont notamment l’oseille de Guinée, les noix de cajou, les encens, les amandes de Detarium ssp, les noix de rônier, l’huile de palme et le vin de palme.

Mais, de tous les produits des forêts secondaires, le bois de feu est le plus demandé. 90% des besoins énergétiques (cuisson des aliments, chauffage et éclairage) des ménages du pays et une part importante des besoins énergétiques des pays limitrophes, comme le Sénégal, sont couverts par des combustibles provenant des forêts secondaires de la Guinée-Bissau. A travers le pays, le bois de feu s’achète, un marché et des circuits de commercialisation sont organisés qui alimentent Bissau, Gabu, Bafata, mais aussi les villes du Sénégal (Bertrand, 1992). A titre indicatif, en 1990, la consommation du bois de feu de la ville de Bissau et de sa banlieue (165.000 habitants, 16 % de la population du pays –Banque Mondiale, 1992) a varié entre 40 et 45 tonnes par jour, soit de 14.600 à 16.500 tonnes par an ou environ 100 kg/habitant/an (Demante, 1992). Le bois de feu est généralement ramassé dans les forêts secondaires par les femmes, les enfants et, rarement, par les hommes pour leurs épouses.

La carbonisation est pratiquée à travers le pays par des charbonniers professionnels qui dépendent des commerçants-transporteurs. Elle varie avec la saison : pendant la saison des pluies, la production charbonnière diminue, entraîne de ce fait la baisse de l’offre et l’augmentation des prix de vente du charbon. Les méthodes de carbonisation sont peu productives et ne sont pas toujours bien maîtrisées ; ainsi, une part importante de bois se perd. Les commerçants-transporteurs du charbon sont en majorité des citadins.

Toutes les activités liées à l’exploitation des forêts secondaires débouchent sur des produits qui sont vendus sur les marchés locaux, nationaux et sous-régionaux ; elles créent des emplois dans les villages, stimulent l’économie rurale et limitent l’exode rural. Les recettes fiscales collectées dans les marchés locaux permettent aux communautés villageoises d’initier des activités génératrices de revenus, de mettre en place des systèmes de microcrédits pour l’acquisition de petits équipements (charrettes, outils agricoles, etc.) ; elles leur permettent également d’investir dans l’éducation, la santé et l’amélioration de la qualité de l’eau.

En outre, les forêts secondaires protègent les sols contre l’érosion hydrique et éolienne, régulent la nappe phréatique et améliorent la fertilité des sols ; les mangroves favorisent la reproduction de nombreuses espèces halieutiques.

4. CONNAISSANCE ET EXPÉRIENCES EFFECTIVES EN MATIÈRE DE GESTION DE FORÊTS SECONDAIRES

Les ressources des forêts secondaires sont mal connues : elles n’ont jamais été inventoriées. Les informations sur leurs ressources sont basées sur les rencontres avec les notables, les chefs traditionnels, les chefs religieux et sur la littérature (documents administratifs, rapports d’expertise, documents issus de la recherche, etc.).

En ce qui concerne les expériences de gestion des forêts secondaires, elles sont liées principalement aux activités des ONG et des projets.

Dans les forêts sèches du nord-est, le Réseau africain du développement intégré (RADI) et l’ICAP, deux ONG africaines, reboisent, conservent les écosystèmes dégradés et sensibilisent les populations à la protection de l’environnement ; ils vulgarisent également les techniques agricoles, facilitent l’organisation des paysans en groupements et promeuvent la foresterie communautaire.

Dans les forêts secondaires du sud-ouest, un groupe de trois ONG nationales (AD, Tininguena et Alternag), en collaboration avec les populations et les autorités locales, produit des aliments, améliore les techniques agricoles pour limiter la consommation d’espaces par l’agriculture itinérante et contrôle la chasse grâce à des “gardes communautaires”; toutes ces activités sont menées dans le cadre d’une initiative appelée “l’Initiative Cantanhêz”.

A Bafata et Gabu, le projet agro-sylvo-pastoral (PASP/Bafata-Gabu), devenu aujourd’hui Association APRODEL, délimite les espaces forestiers, vulgarise les règles d’utilisation des ressources forestières, en même temps qu’il sensibilise les populations à la protection de l’environnement.

A Djalicunda, Farim et Sitato, les populations suppléent le service forestier. En 1993 ces populations, avec l’appui de la Fédération des Associations Villageoises de Kafo et de Tessito (Kafo-RADI et Tessito-ICAP), ont participé à la réalisation d’un inventaire forestier dont l’objectif principal était la préservation des espèces forestières à haute valeur économique. Elles ont ainsi réalisé un inventaire forestier - 100 ha à Djalicunda et 150 ha à Sitato. Sur la base des résultats de cet inventaire, les populations de Djalicunda, de Farim et de Sitato, assistées par le RADI, contrôlent, régulent la production du charbon de bois et s’emploient à sédentariser les agriculteurs itinérants.

A Bachil, les paysans réprouvent les décisions prises unilatéralement par le Service forestier – octroi des permis et des concessions forestières –, limitent l’exploitation forestière à des fins commerciales dans le but de préserver les espèces forestières et, par le biais d’un comité qu’ils ont mis en place, déterminent les taxes relatives à l´exploitation des ressources forestières, définissent les zones d´exploitation, confisquent les produits issus d’exploitation forestière illégale et se concertent avec les services forestiers sur les accords qu’ils se proposent de signer avec les exploitants forestiers. L’effet de ces actions a été notamment la diminution des superficies ravagées par les feux de brousse.

5. PRATIQUES COURANTES DE GESTION DES FORÊTS SECONDAIRES

Parce qu’elle est dépourvue de moyens humains et financiers, l’administration forestière a délégué la gestion des forêts, primaires et secondaires, aux populations rurales. Celles-ci représentent 64,8% de la population et elles sont les principales utilisatrices des ressources forestières. Ainsi, les populations rurales assurent la sécurité foncière, préviennent et gèrent les conflits fonciers mineurs, les autorités foncières régionales étant chargées d´arbitrer et de régler les litiges majeurs. Ces dernières permettent également d’élaborer des règles souples conformes au droit traditionnel et de les faire appliquer localement dans le respect de la diversité des us et coutumes. La formalisation et l’unification des règles foncières ainsi que leur harmonisation avec les nouvelles lois forestières se font de manière progressive, après une période de transition au cours de laquelle les règles ont été expérimentées au niveau local.

A travers le pays, les notables, les chefs traditionnels et les chefs religieux contrôlent l’accès aux “forêts sacrées”. Et quand elles sont sollicitées, les autorités politiques et administratives locales participent aux activités de reboisement, en particulier à l’occasion du “Mois de l’Arbre”(Juillet de chaque année), et à la fixation des taxes forestières.

Le système de taxes comprend : la “taxe de l’espèce”, la “taxe sur les grumes et les grosses branches” et la “taxe de superficie”. Le taux de la première taxe varie avec l’espèce : par exemple, 12 US$/m3 pour Ceiba pentandra, 20 US$ pour Khaya senegalensis, 40 US$ pour Pterocarpus erinaceus et 60 US$ pour Afzelia africana. Le taux de la deuxième taxe est de 25% de la “taxe de l’espèce”; elle est perçue pour les grosses branches et les contreforts. La dernière taxe est de 0,05 US$/ha/an. Les taxes sont payées au Fonds Forestier National, un mois avant le début de la campagne d’exploitation mais un délai supplémentaire peut être accordé.

D’autres mesures pour préserver les ressources des forêts secondaires sont appliquées : entre autres, la limitation du nombre - voire l’interdiction d’exploitation - des tiges du rônier par exploitation et par an (quantité maximale : 400 lattes ou poutres), l’interdiction de la coupe du Schrebera arborea (une espèce protégée) et la fixation d’un volume maximum annuel des différentes concessions forestières.

Nombre d’associations, telles que Baransam de Cuntima à Farim, Tchurbric à Cacheu, Bachil et Cacheu, produisent des plants en pépinière, reboisent les jachères avec des espèces locales, comme Acacia albida, combattent les feux de brousse en construisant des pare-feux, allumant des feux précoces, nettoyant les champs autour des villages, organisant et animant des comités de protection de la nature.

Toutefois, en Guinée-Bissau comme dans la plupart des pays africains, la gestion des forêts secondaires n’est pas durable. D’abord, le domaine forestier et les concessions forestières ne sont pas délimités. Ensuite, les inventaires préalables aux exploitations forestières sont rares. Enfin, les coupes de bois ou d’arbres ne s’effectuent pas dans des parcelles pré-définies.

6. POLITIQUE ET QUESTIONS INSTITUTIONNELLES RELATIVES À LA GESTION DES FORÊTS SECONDAIRES

Les objectifs de la politique forestière énoncés aussi bien dans le Plan Directeur Forestier National (1992) que dans la Lettre de Politique de Développement Agricole (1997, actualisée en 2002) sont la conservation du potentiel forestier, le maintien des équilibres socioécologiques, la satisfaction des besoins des populations et la responsabilisation de ces dernières dans la gestion des ressources forestières.

La mise en oeuvre de cette politique s’appuie, comme dit plus haut, sur les populations. Elle s’articule autour de sept axes prioritaires parmi lesquels:

- l’amélioration du cadre institutionnel ;

- l’aménagement et la protection des forêts naturelles et de production ;

- la conservation de l’habitat de la faune et le développement de la chasse traditionnelle ;

- l’amélioration de la connaissance de la ressource et

- le développement de la foresterie communautaire.

Les modes de gestion appropriés seraient par conséquent ceux qui permettent une responsabilisation effective des populations rurales dans la gestion des ressources forestières : foresterie communautaire, décentralisation, gestion participative des ressources, etc. C´est pourquoi un décret-loi n°4-A du 29 octobre 1991 sur la forêt a été pris en 1991. Il n’y a pas encore de texte d’application, mais une proposition d’établissement d’un contrat de gestion des forêts communautaires résultant d’un décret normatif daté du 26 décembre 1996 existe. La loi n°4-A du 29 octobre 1991 est intéressante à double titre. Premièrement, elle institue un “régime forestier de protection” qui s’applique aux forêts situées le long des cours d’eau (forêts galeries), mais elle peut être étendu à d’autres types de forêts pour fixer les dunes, stabiliser le régime hydrographique, enrayer l’érosion, combattre la désertification, protéger la vie sauvage et, d’une manière générale, les écosystèmes. Elle se résume à l’interdiction d’abattre des arbres, sauf à des fins d’usage personnel ou pour l’intérêt général et sous la double condition d’une autorisation de l’autorité compétente et d’un engagement à planter un nombre équivalent d’arbres. Deuxièmement, elle délègue la gestion des forêts communautaires aux propriétaires (villages titulaires du droit d’user, de jouir et de disposer de ces forêts).

Même présentant des aspects positifs, ces dispositions réglementaires ont une portée limitée : elles reposent sur l’interdiction et la limitation de l’exploitation des ressources dont certaines sont essentielles à la vie des populations (terres agricoles, bois de feu, etc.), ce qui rend difficiles leur observation et leur application. En plus, la constitution et la réglementation foncière ne facilitent pas l’application de la loi forestière. La constitution affirme que la terre appartient à l’Etat, ce qu’un décret antérieur avait déjà proclamé. Il subsiste une question : comment concilier ce principe avec les pratiques courantes en matière de gestion des forêts secondaires qui reposent sur le respect des us et coutumes?

La réglementation foncière est fondée sur la loi coloniale n° 43.894 du 06 Septembre 1961 et la loi n° 4.75 du 1975 portant nationalisation de toutes les terres. Cette réglementation est défavorable aux communautés villageoises. Elle ne reconnaît pas le droit foncier traditionnel et la propiété collective des terres. En revanche, elle permet à des personnes physiques ou morales de faire enregistrer des terres s’étendant sur 2.500 ha sous forme de propriété ou de concessions rurales. Théoriquement, l’attribution d’une concession à un “ponteiro” (un exploitant forestier ou agricole moderne) est subordonnée à une enquête préalable auprès des villageois. Celle-ci doit prouver que la concession faisant l’objet d’une attribution n’appartient à aucun village. Dans les faits, cette enquête ne se réalise jamais. Les conséquences de la réglementation foncière sont nombreuses. En 1992, sur environ 400.000 ha de terres considérées comme des concessions rurales, moins de 10.000 ha – exception faite de terres occupées par des plantations d’anacardiers - étaient mis en valeur à des fins agricoles. Et les paysans, dépourvus de terres agricoles défrichent les forêts secondaires, ce qui provoque aussi des conflits fonciers.

Conscient de cette situation, le Gouvernement a entrepris une révision de la loi foncière en vigueur. Ainsi, une nouvelle loi-cadre a été adoptée par le Parlement le 06 mars 1998 et ses textes d’application sont en cours d’élaboration. Dans ses principes, cette nouvelle loi sur la terre, responsabilise davantage les différents acteurs dans la gestion des ressources foncières, pénalise la destruction des forêts secondaires et renforce la protection des aires protégées ; celles-ci sont considérées comme “des terres où ne sont permises que les activités de préservation et de conservation du patrimoine naturel, historique et paysager conformément à la législation pertinente”. Ce corpus législatif pourra être renforcé par les lois sur les aires protégées qui ont été élaborées avec l’appui de l’UICN et adoptées par le Conseil des Ministres le 22 décembre 1997. Ces lois contribueront à protégér les ressources des forêts secondaires situées dans les aires protégées.

Si les populations sont responsables de la gestion des ressources forestières et si le cadre législatif est satisfaisant, il faut encore une structure dotée d’une grande capacité d’orientation et de planification de l’exploitation des forêts secondaires en raison de la complexité de la gestion de la demande sociale en énergie domestique. La Direction Générale de l´Énergie (DGE) et la Direction générale des forêts et chasse (DGFC) ont été créées en réponse à cette demande. Cependant ni l’une ni l´autre n’ont les moyens de leurs attributions. Cette faiblesse est renforcée par l’absence de données fiables sur le sous-secteur énergie domestique en particulier et du secteur forestier en général, et par les conflits de compétences entre les différentes structures responsables de la gestion des ressources forestières.

PRINCIPALES LEÇONS ET CONCLUSIONS

Au regard de tout ce qui précède, la gestion des forêts secondaires pourra être améliorée dans le futur grâce à une redéfinition du rôle des partenaires au développement forestier (Etat, collectivités locales, intervenants en provenance de l’extérieur du pays et société civile) et à l’introduction d’un mécanisme régissant le partenariat entre ces acteurs. Ces actions seront insuffisantes ; il faudra ensuite faire évoluer les modes de gestion du bois énergie mais aussi du bois de service, tel que le rônier, pour les mettre à la hauteur des enjeux en raison de l’importance de la demande sociale en ces ressources et des conséquences de leur exploitation sur l’environnement. Enfn, la promotion de la foresterie communautaire et l’accroissement des capacités nationales de conception des programmes, de supervision et du contrôle des activités liées à l’exploitation des ressources forestières seront absolument nécessaires.

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