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4. ÉLABORATION DES ÉVALUATIONS NATIONALES

4.1. Préparation et contenu des rapports

Les évaluations nationales s’appuieront sur l’opinion des experts. Le classement relatif des espèces sera fondé sur une longue liste d’espèces, considérées importantes par les experts, et sera établi en comparant des facteurs tels que la valeur socio-économique ou environnementale, attribuée en fonction de la vulnérabilité des ressources génétiques des espèces cibles ou de la probabilité qu’elles se dégradent. Les évaluations nationales devraient comprendre des espèces et des activités prioritaires. Ces deux éléments (statut de chaque espèce et besoins et exigences perçus) seront utilisés durant les ateliers éco-régionaux pour identifier les espèces communes à une série de pays, et pour élaborer un plan régional/sous-régional au profit de ces espèces prioritaires.

La diversité des types de forêt, de leur statut et de leur condition, et les différences entre les types et les échelles de valeurs utilisés pour classer les essences forestières d’un pays à l’autre et d’une culture à l’autre, rendent difficile l’établissement de directives objectives. A l’aide des indications générales fournies dans le présent document, et sur la base de leur expérience personnelle, les experts devront examiner l’information provenant des sources nationales et régionales, et classer les espèces qui semblent présenter une valeur réelle ou potentielle élevée, au niveau des espèces ou des populations.

4.2. Protocole de collecte des informations

Les directives techniques, utilisées par les experts nationaux, pour l’établissement de priorités, s’articulent autour de :

• la manière d’identifier et d’enregistrer les espèces d’arbres et d’arbustes importantes, selon un système de notation fondé sur la valeur qui leur est attribuée;

• l’évaluation de l’état d’avancement de la gestion des ressources génétiques des espèces et populations, si possible par zone écologique et type de réservoir (emplacement) ;

• l’attribution de l’importance relative des risques réels ou perçus et des menaces sur les espèces et les populations, leur nature, leur gravité, récapitulés sous forme d’indice de sécurité ;

• la sélection des informations sur la valeur d’une espèce, l’état d’avancement de la gestion de ses ressources génétiques et son indice de sécurité, pour proposer une liste succincte d’essences prioritaires, indiquant les actions prioritaires recommandées pour chaque espèce.

Il est proposé d’établir des priorités nationales en comparant la valeur socio-économique, écologique, culturelle ou autre de l’espèce vis-à-vis des risques potentiels de réduction, voire de disparition, de leurs composantes génétiques. A cet effet, deux types de données sont nécessaires : celles liées au statut de l’espèce (valeur, usage, répartition, gestion actuelle et risques potentiels) et celles liées aux actions recommandées pour un groupe restreint d’espèces prioritaires.

4.3. Liste d’espèces importantes, leurs valeurs et leurs utilisations

Pour préparer une évaluation nationale sur les ressources génétiques forestières, il est indiqué de commencer par dresser une liste des arbres et arbustes, sur la base de l’expérience acquise, des contacts avec les parties prenantes, et de la documentation pertinente. La liste ne sera pas nécessairement exhaustive, mais elle devra comprendre tous les arbres importants enregistrés dans le pays ou dans la zone considérée. On donnera ensuite une note de valeur à chaque espèce mentionnée, évaluant en même temps la nature (origine) de la valeur qui lui est attribuée.

4.4. Valeur des espèces importantes

Concernant les essences forestières, Namkoong (1986) a proposé différentes options pour la gestion des ressources génétiques de trois groupes d’espèces:

• celles qui ont une importance sur le plan socio-économique;

• celles qui ont un intérêt potentiel évident;

• celles dont la valeur est inconnue d’après les connaissances et les technologies actuelles.

Seront incluses dans le premier groupe, les espèces qui font déjà ou feront prochainement l’objet de programmes de sélection ou d’amélioration. Ceux-ci comporteront des tests systématiques, une évaluation et une sélection pour différents types d’effets génétiques à des fins diverses, dans différentes zones géographiques, et enfin des systèmes plus simples de sélection massale.

Dans le deuxième groupe, figureront les espèces dont, l’ampleur de la variation génétique est encore mal connue. Il conviendra de prévoir des explorations génécologiques, puis des essais de provenances identifiant des populations particulières, voire uniques, en fonction de caractères donnés et enfin, des analyses par marqueurs génétiques pour établir l’importance de la variabilité à l’échelle moléculaire, en cas de besoin.

Enfin, le troisième groupe, regroupera, la plupart des espèces forestières. Ici, le concept d’amélioration raisonnée pour la satisfaction des besoins humains, ne peut être considéré, et le seul objectif de gestion pourra être de conserver pour l’avenir des échantillons de populations. Les espèces et les peuplements endémiques ou en danger auxquels il n’est attribué aujourd’hui aucune valeur socio-économique, feront partie de cette catégorie.

Il faudra attribuer à toutes les espèces, incluses dans la première liste, une note de valeur allant de 1 à 3. Pour les deux premières catégories il sera indiqué, dans quel cas l’espèce est indigène ou introduite.

4.5. Utilisations et attributs des espèces forestières importantes

Les espèces des deux premiers groupes, et lorsqu’il y a lieu, du troisième groupe également, pourront être classées en fonction de leurs utilisations ou de leurs attributs:

• (ti) production de bois d’oeuvre;

• (po) poteaux, piquets, bois rond;

• (pu) pâtes et papiers;

• (wo) bois de feu, charbon de bois;

• (nw) produits non ligneux (gommes, résines, huiles, tanins, médicaments, teintures...);

• (fo) produits alimentaires;

• (fd) fourrage;

• (sh) ombrage, abri;

• (ag) systèmes agroforestiers;

• (co) conservation des sols et des eaux;

• (am) agrément, valeurs d’ordre esthétique et éthique;

• (xx) autres (spécifier).

Les informations concernant la valeur et l’utilisation données pourront être regroupées dans un tableau, comme suit (voir tableau 1, page suivante).

Tableau 1 . Valeur et utilisation des espèces d’arbres et d’arbustes considérées comme importantes, au niveau des pays.

Nom de l’espèce

Note de

Utilisation actuelle, potentielle ou future

 

valeur

ti

po

wo

nw

pu

fo

fd

sh

ag

co

am

xx

Bombacopsis quinata

2

     

X

   

X

         

Eucalyptus camaldulensis*

1

   

X

             

X

 

Sclerocarya birrea

1

         

X

 

X

       

....

                         

....

                         

....

                         

* : exotique

4.6. Mode de gestion et répartition des espèces

Afin de hiérarchiser les espèces importantes, il faudra disposer d’informations ou d’hypothèses sur leur existence actuelle, les programmes et projets en cours dont elles font partie, les menaces réelles ou potentielles sur leurs ressources génétiques. Les sections suivantes concernent les espèces du premier ou du deuxième groupe figurant dans le tableau ci-dessus; néanmoins le responsable de l’évaluation nationale pourra y inclure quelques espèces du troisième groupe.

4.7. Emplacement actuel et mode de gestion des ressources génétiques des espèces considérées importantes

Les ressources génétiques d’espèces d’arbres et d’arbustes peuvent être présentes sur de nombreux emplacements, depuis les habitats « naturels » jusqu’aux systèmes les plus marqués par la main de l’homme. Durant l’examen des emplacements des essences forestières, le responsable de l’évaluation devra examiner les réservoirs de ressources génétiques ci-après:

• Aires protégées, parcs nationaux (gérés selon le principe de la protection complète et de l’intervention minimale de l’homme), dans lesquels l’espèce cible est une composante d’un écosystème protégé;

• Peuplements conservatoires in situ, ex situ (gérés expressément pour assurer la conservation génétique d’une espèce cible spécifiée). Dans les peuplements conservatoires ex situ, il faudra indiquer le nombre de provenances incluses dans chaque peuplement;

• Réserves forestières, forêts aménagées, dans lesquelles on prêtera particulièrement attention à la conservation génétique d’espèces cibles dans des sections bien définies;

• Forêts (aménagées) régénérées naturellement;

• Plantations (si possible, indiquer s’il s’agit de provenances indigènes ou introduites utilisées dans des plantations);

• Bois communaux, champs agricoles privés, brise-vent et propriétés familiales;

• Terrains expérimentaux, programmes de sélection et d’amélioration (indiquer le nombre de provenances, de familles et de clones).

Afin d’estimer l’état actuel de l’espèce, des données chiffrées devront être fournies en ce qui concerne les points ci-dessus:

• données de fait ou

• estimations (noté * dans le tableau 2) du nombre d’arbres de chaque catégorie, par grande zone écologique ou par zone de provenance des semences (à spécifier/décrire brièvement), comme suit:

< 100 arbres

> 100 arbres

> 500 arbres

> 1 000 arbres

>10 000 arbres

Un tableau semblable à celui figurant ci-dessous sera utilisé, lorsque des informations pertinentes sont disponibles, et que des chiffres indiquent le nombre d’arbres dans chaque groupe, si possible.

Tableau 2. Emplacement et mode de gestion des ressources génétiques, par population (ou éco-zone) et type de réservoir

Espèces/zones écogéographiques (ou génécologiques)

Réserves,

parcs naturels

Peuplements in situ

Forêt aménagée

Forêt non aménagée

Plantation

Peuplements ex situ

Villages, champs, propriétés familiales

Terrains expérimentaux, essais

Espèces 1

zone A

< 100

   

>5 000*

     

3 provenances

Espèces 1

zone B

       

>500*

 

>10 000*

 

Espèces 2

zone A

   

<1 000*

   

5 provenances

   

Espèces 3

zone C

>1 000*

20

           

* : Nombre d’arbres (estimations)

4.8. Niveaux de sécurité et menaces sur les espèces considérées comme importantes

Le tableau 2 indique un certain nombre d’emplacements où la diversité génétique des forêts est gérée. Cette vaste gamme de sites écologiques et de méthodes de gestion pourra être intéressante pour évaluer les pressions s’exerçant à terme sur une espèce donnée et sa population, à condition qu’un équilibre durable soit trouvé entre la conservation et l’utilisation de la ressource. Or cela n’est pas toujours le cas, et la gestion volontaire (intentionnelle) risque de ne concerner qu’un petit nombre d’espèces et de populations de grande valeur (incluses dans des programmes d’amélioration, par exemple). Il faudra estimer le degré de sécurité des espèces enregistrées et de leurs populations, sur la base des informations disponibles. Pour la plupart des espèces, on ne dispose pas de données précises, et il sera bon d’examiner l’intensité à laquelle les peuplements ou les populations sont utilisés comme base, pour estimer les tendances générales (variation dans la diversité et les dimensions de la ressource).

Il faudra estimer le degré (faible, moyen, élevé) et indiquer les causes des menaces réelles ou perçues de chaque espèce ou population. Il est recommandé de présenter l’information sous la forme d’un tableau semblable au tableau 3 (ci-dessous), en réservant une colonne pour noter le degré de sécurité génétique de chaque espèce ou population citée dans la liste.

Les causes directes des menaces peuvent comprendre:

• l’utilisation et les récoltes incontrôlées;

• le pâturage et le broutage incontrôlés (animaux domestiques et sauvages);

• les feux de friches, les facteurs biotiques et abiotiques (sécheresse, ravageurs, maladies, inondations, pollution);

• le déboisement à des fins agricoles, terrains de parcours;

• le développement de l’infrastructure (barrages, exploitation minière, expansion urbaine);

L’indice d’insécurité (menace) devra être estimé ou quantifié selon une échelle allant de 1 à 5:

• 1: mise en application ou exécution des règlements probables, et règlements fondés sur des données scientifiques ou menaces faibles ou occasionnelles;

• 5 : mise en application/exécution des règlements improbables; ou menace grave avec forte probabilité de dégradation ou de perte génétique;

• 2 à 4 : intermédiaire entre 1 et 5.

Les données concernant les menaces pourront être fournies sur le modèle du tableau 3.

Tableau 3 . Importance et nature des menaces sur l’intégrité des espèces/populations d’essences forestières importantes et indice d’insécurité

Espèces/zones écogéographiques(ou génécologiques)

Réserves,

parcs naturels

Peuplement in situ

Forêt aménagée

Forêt non aménagée

Plantation

Peuplement ex situ

Villages, champs, propriétés familiales

Terrains expérimentaux, essais

Indice d’insécurité

Espèce 1

zone A

Moyenne

Pâturage

   

Faible

   

Moyenne

Pâturage

Moyenne

Feux

2

Espèce 1

zone B

       

Moyenne

Récolte

 

Élevée

Infra-

structure

 

3

Espèce 2

zone A

   

Faible

   

Élevée

Déboise-ment

   

2

Espèce 3

zone C

Faible

Faible

           

1

4.9. Synthèse : identification des espèces prioritaires

Sur la base de l’évaluation ci-dessus, il faudra identifier les espèces ou populations nécessitant une action immédiate parmi les essences importantes du tableau 1 au tableau 3, réduisant la liste originale à celles qui ont besoin d’une attention très urgente (espèces prioritaires). En règle générale, une vingtaine d’espèces prioritaires seront recommandées, en leur attribuant une note de 1 à 20 par ordre de priorité décroissant.

Si, par exemple, une espèce importante donnée est présente dans de vastes zones forestières aménagées, dans chaque grande zone écologique spécifiée, comptant chacune
1 000 à 10 000 arbres, et que la gestion est faite d’une manière satisfaisante, cette espèce cible - alors qu’elle pourrait être d’une importance primordiale au plan social, économique ou environnemental - n’aura pas besoin de faire l’objet d’une action immédiate; il suffira de surveiller la situation au fil du temps.

Si une espèce donnée, tout en étant menacée de dépérissement dans certaines parties de son aire, est au centre d’activités de sélection et d’amélioration, et est présente dans des peuplements semenciers, des banques de clones complètes et des essais de terrain en nombre satisfaisant, là encore, il faudra surveiller la situation, mais l’espèce pourra ne pas avoir la priorité absolue dans un plan d’action.

Par ailleurs, si le nombre d’arbres dans les populations avoisinantes d’une espèce donnée a été réduit, par exemple à moins de 100, et que la population subit les effets d’un pâturage ou d’une récolte de bois incontrôlés, il faudra envisager sérieusement d’inclure cette espèce dans un programme de réhabilitation ou de protection intensives, afin de sauvegarder les ressources génétiques menacées.

4.10. Propositions d’action pour les espèces prioritaires

Une fois la liste des espèces importantes (tableau 1 au tableau 3) réduite aux espèces prioritaires (tableau 4, page suivante, fondé sur l’évaluation du statut et des menaces), il faudra spécifier les propositions d’action pour chaque espèce prioritaire.

Les catégories suivantes sont suggérées (FAO, 2000):

(a) Prospection taxonomique;

(b) Prospection génécologique;

(c) Récolte de matériel de reproduction pour tests et évaluations;

(d) Essais et évaluation (provenances, descendances, clones);

(e) Conservation et gestion des ressources génétiques in situ;

(f) Conservation ex situ;

(g) Récolte de semences/matériel génétique pour plantation;

(h) Utilisation de matériel génétique pour sélection et amélioration;

(i) Recherches sur la phénologie, les systèmes d’amélioration, la floraison et la fructification;

(j) Recherches sur la sylviculture et la gestion.

La priorité pour chaque opération sera indiquée, suivant une échelle allant de 1 à 5:

• 1: Priorité absolue; action immédiate recommandée;

• 2 à 4: Catégories intermédiaires;

• 5: Action dont le démarrage est recommandé dans les dix prochaines années.

Il est recommandé de ne pas mentionner plus de 20 arbres indigènes dans la liste des espèces prioritaires. En outre, la liste pourra être complétée avec des espèces exotiques (introduites).

Tableau 4. Liste des espèces prioritaires visées pour la conservation, l’amélioration ou l’obtention de semences, au niveau national

ESPÈCES

OPÉRATIONS / ACTIVITÉS

 

Prospection et récolte

Evaluation

Conservation

Utilisation du matériel génétique

Activités de recherche

 

(a)

(b)

(c)

(d)

(e)

(f)

(g)

(h)

(i)

(j)

Abies alba

1

1

2

2

3

3

3

3

1

1

Bombacopsis quinata

3

3

3

3

1

1

2

1

2

2

Phoenix sp.

                   

…..

                   


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