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Perspectives des importations de bois tropicaux

S.L. Pringle

S.L. PRINGLE est chef du Service des politiques de la planification, en même temps qu'économiste principal au Département des forêts de la FAO. Le présent article est adapté d'une communication présentée au colloque de l'Association de la recherche sur les produits forestiers tenu en octobre 1979 à San Francisco, sur le thème «Disponibilités en bois - Problèmes et choix».

Aperçu de la situation mondiale et plus particulièrement des échanges avec les Etats-Unis

L'objet de cet article est d'évaluer les perspectives qui s'offrent aux Etats-Unis, en matière d'importations de bois provenant des régions tropicales. Le volume futur de ces importations dépendra évidemment de nombreux facteurs: structure quantitative et qualitative de la demande nationale, volume et nature de la production ligneuse intérieure, évolution des forêts tropicales, accroissement de la consommation dans les autres grands pays importateurs et dans les pays producteurs eux-mêmes, changements dans les réglementations douanières et notamment restrictions quantitatives et qualitatives aux exportations, évolution de la situation dans les pays exportateurs traditionnels ou potentiels de la zone tempérée. On examinera successivement les tendances et perspectives d'évolution relatives à ces divers facteurs, après avoir tout d'abord évalué l'importance relative des importations de bois tropicaux aux Etats-Unis, et résumé les tendances dans l'évolution de ces importations1.

1 Du fait de l'utilisation de bois tropicaux en grumes dans les pays tempérés, et de leur éventuelle réexportation sous forme de produits ouvrés, parfois en mélange avec d'autres bois, il n'est pas toujours possible d'identifier avec précision les bois tropicaux dans les statistiques commerciales. Les chiffres donnés ici comportent donc une certaine marge d'erreur.

Tendances par produits2

2 CEE/FAO, 1976, CEE/FAO, 1978 FAO, Bulletin mensuel; FAO, 1978; FAO, Annuaire des produits forestiers, Pringle 1976; Stadelman, 1979; U.S. Forest Service, 1977; U.S. International Trade Commission, 1978.

Les importations de bois tropicaux en grumes aux Etats-Unis n'ont jamais été très importantes, plafonnant à quelque 0,5 million de m3 au début des années cinquante pour décroître ensuite régulièrement et atteindre actuellement environ 25000 m3 soit à peine plus de 0,1 pour cent de la consommation de feuillus du pays. Il convient toutefois de noter que 22000 m3 de grumes de résineux importés du Chili en 1978 n'ont pas été inclus dans les bois tropicaux en grumes.

En revanche, les importations de feuillus tropicaux débités sont beaucoup plus importantes. Elles sont passées de 200000 m3 sous forme de sciages en 1950 à 980000 m3 en 1973, année record où elles ont représenté plus de 5 pour cent de la consommation intérieure pour cette catégorie de produits. Après une chute brutale des importations en 1975, elles sont remontées à près de 600000 m3 en 1978.

Les importations de résineux débités en provenance des pays tropicaux occupent également une place assez importante dans la consommation nationale; toutefois, elles ont montré une tendance décroissante au cours des trois dernières décennies. Les importations en provenance du Mexique' qui atteignaient 450000 m3 en 1950, ont fortement diminué depuis, et les volumes de sciages résineux importés de l'ensemble des régions tropicales ne sont plus actuellement que d'environ 140000 m3 Pour l'année record de 1973, ces importations représentaient moins de 0,5 pour cent de la consommation nationale.

Bien que les bois tropicaux en grumes ou en sciages ne constituent pas une part importante de la consommation, ils répondent néanmoins souvent à des usages spéciaux. Les sciages de lauan sont largement utilisés en menuiserie et dans le bâtiment. D'autres groupes d'essences sont utilisés lorsqu'on recherche la résistance et la durabilité, ou encore la facilité d'usinage. Un certain nombre d'essences tropicales ont des usages plus ou moins spéciaux dans le mobilier, la menuiserie, la construction navale, le modelage, etc.

C'est cependant le contreplaqué de feuillus qui joue le rôle le plus notoire dans la demande de bois tropicaux aux Etats-Unis. En 1972, année de consommation record, les contreplaqués de feuillus tropicaux ont représenté 58 pour cent de la consommation nationale de contreplaqués feuillus en volume, et bien plus encore en surface de panneaux. Les importations de contreplaqués tropicaux (comprenant une certaine proportion de résineux et de mélange résineux - feuillus) se sont accrues rapidement, passant d'environ 7000 m3 en 1950 à un maximum de près de 2,7 millions de m3 en 1972. Après une chute marquée au milieu des années soixante-dix, elles sont remontées en 1978 à plus de 2 millions de mètres cubes.

Les contreplaqués de lauan et de meranti ont été largement utilisés pour la construction de grandes caravanes, maisons d'habitation et autres, et pour les travaux de rénovation. On en utilise de grandes quantités en revêtement intérieur et extérieur. On les emploie parfois pour leur valeur décorative, mais surtout comme matériau de construction courante. Les autres contreplaqués sont plus fréquemment employés pour l'ébénisterie et l'ameublement.

Les importations de placages de feuillus tropicaux sont également très importantes. Elles sont passées de 154000 m3 en 1950 à 378000 m3 en 1973, bien que les importations actuelles soient inférieures à la moitié de ce chiffre.

La plus grande partie des placages de lauan est utilisée en âmes ou contrefaces de contreplaqués fabriqués aux Etats-Unis avec des faces en essences américaines; d'autres essences importées sont souvent utilisées en faces.

En 1973, les volumes totaux de feuillus tropicaux importés sous forme de grumes, sciages, contreplaqués et placages étaient estimés en équivalent bois rond à 7,4 millions de m3 soit un peu moins de 2 pour cent de la consommation totale de bois d'oeuvre et d'industrie du pays. Près des deux tiers de ces importations, en équivalent bois rond, étaient sous forme de contreplaqués. La valeur totale de ces catégories principales de produits forestiers tropicaux était en 1978 de l'ordre de 625 millions de dollars U.S., les contreplaqués et les placages entrant pour près de quatre cinquièmes dans ce chiffre. Il faut y ajouter environ 100 millions de dollars correspondant à des importations d'autres produits de transformation mécanique des bois tropicaux, dont les moulures et les éléments de meubles sont les plus importants. D'autres importations de produits manufacturés en bois, notamment des meubles, proviennent également de pays tropicaux.

GRUMES TROPICALES EN INSTANCE D'EXPORTATION les pays qui les produisent en utiliseront toujours plus

Les plus gros exportateurs de grumes de feuillus tropicaux sont l'Indonésie, la Malaisie (Sabah et Sarawak), la Côte-d'Ivoire, les Philippines, le Gabon et le Ghana. Les grands importateurs sont la République de Corée, la Chine (Taiwan), Singapour, l'Italie, la France et Hong-kong. Les courants bilatéraux de la Malaisie vers le Japon et de l'Indonésie vers le Japon représentent environ 45 pour cent du commerce total de grumes de feuillus tropicaux.

PRINCIPAUX COURANTS COMMERCIAUX - Grumes de feuillus tropicaux (1978); Total: 42,9 millions de m3

Les plus importants sont les suivants: Indonésie - Corée; Indonésie - Chine; Malaisie - Corée et Malaisie - Chine; Philippines - Japon, et Indonésie - Singapour; ils portent tous en effet sur plus de 1 million de m3 Les courants commerciaux de Côte-d'Ivoire vers l'Italie et la France, du Gabon vers la France, et de la Côte-d'Ivoire vers l'Espagne sont les plus importants pour ce qui est des pays européens: ils se situent entre 350000 et un million de m3

Changements dans les sources d'approvisionnement3

3 FAO, Bulletin mensuel; FAO, Annuaire des produits forestiers; U.S. Forest Service, 1977.

Au début des années cinquante, alors que les bois en grumes constituaient la plus grande part des importations de bois tropicaux, l'Amérique latine, l'Afrique et l'Extrême-Orient étaient tous trois des fournisseurs importants, les acajous occupant une place éminente.

Avec le développement rapide des importations de contreplaqués, sciages et placages en provenance du Sud-Est asiatique vers la fin des années cinquante, cette région est devenue progressivement le principal fournisseur. Ses exportations consistent principalement en lauan, encore appelé acajou des Philippines, et en meranti, deux importants groupes d'espèces de la famille des diptérocarpacées, mais une grande diversité d'autres bois y occupent une place de plus en plus large. Les importations de toutes catégories en provenance d'Afrique ont montré une tendance décroissante depuis 1960.

Depuis quelques années les importations de bois débités en provenance d'Amérique latine se sont accrues, au point que cette région est devenue la principale source de ces produits, le Brésil étant le premier pays fournisseur. La Malaisie et les Philippines sont également d'importantes sources de bois débités. Ces trois pays fournissent les deux tiers des importations. Les Etats-Unis sont devenus le premier pays importateur net de sciages tropicaux.

Les importations de contreplaqués feuillus ont connu une évolution dynamique. Au début des années cinquante, les importations en provenance du Japon commencèrent à s'accroître très rapidement, et ce produit constitua bientôt la principale importation de bois tropicaux. En 1960, cependant, les importations venant du Japon avaient atteint un palier, et la tendance a été fortement descendante depuis l'année record de 1968, du fait de la rapide augmentation de la consommation intérieure de contreplaqués et autres produits ligneux au Japon, ainsi que de la hausse des coûts de main-d'œuvre. Au milieu des années cinquante les Philippines, d'où provenait la matière première alimentant la plus grande partie des exportations japonaises, conquirent une place importante comme producteur et exportateur de contreplaqués. Les exportations vers les Etats-Unis s'accrurent régulièrement jusqu'à 1973, mais chutèrent ensuite rapidement pour n'être plus actuellement qu'au tiers de leur niveau maximal, ce qui traduit d'une part des disponibilités plus restreintes en grumes et d'autre part une concurrence de la part d'autres régions exportatrices.

Successivement Taiwan, vers la fin des années cinquante, puis la Corée au début des années soixante, prirent la relève comme nouvelles sources d'importation de contreplaqués, l'une et l'autre produisant à partir de grumes importées du Sud-Est asiatique. Les importations en provenance de ces deux pays augmentèrent rapidement jusqu'à 1972, mais déclinèrent ensuite pour atteindre actuellement un palier en raison de la moindre demande. La Malaisie, Singapour, et plus récemment l'Indonésie sont aussi devenues exportatrices de quantités notables de contreplaqués, mais les importations des Etats-Unis en provenance de ces pays ont jusqu'à ce jour été relativement modestes. Ces dernières années la Corée a fourni largement plus de la moitié des importations de contreplaqués feuillus des Etats-Unis.

Bois tropicaux en grumes

La production de bois tropicaux en grumes et, plus encore, leur exportation sont concentrées dans un très petit nombre de pays. En 1977, deux pays représentaient à eux seuls 47 pour cent de la production et 77 pour cent des exportations sous forme de grumes, six pays produisent 75 pour cent des bois en grumes.

Quinze pays tropicaux qui fournissent la plus grande partie de la production mondiale renferment, avec 10 ou 12 autres pays, la majeure partie des superficies de forêts tropicales humides et des volumes sur pied. Ce sont l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, le Brésil, l'Inde, la Côte-d'Ivoire, la Colombie, la Thaïlande, le Gabon, le Ghana, le Nigéria, la Birmanie, Madagascar, Costa Rica et l'Equateur. Quelques pays de ce groupe, dont le Zaïre, le Pérou, la Bolivie, la Papouasie Nouvelle-Guinée et le Cameroun, possèdent des superficies considérables de forêts qui, en raison surtout des difficultés d'accès, n'entrent pas dans une proportion correspondante dans la production et les exportations mondiales.

La plupart des pays forestiers tropicaux peuvent être classés dans l'une des catégories suivantes, en fonction du degré d'évolution de leur exploitation forestière.

1. Fournisseurs traditionnels de bois tropicaux. Le Nigéria, le Ghana, la Thaïlande et les Philippines se rangent dans cette catégorie. Ils transforment maintenant une grande partie de leurs bois tant pour le marché intérieur que pour l'exportation. Les ressources disponibles limitent les possibilités d'expansion, et ils cherchent à transformer leurs bois uniquement pour les besoins intérieurs et pour l'exportation de produits de valeur élevée.

2. Exportateurs plus récents, mais bien établis sur le marché. Sabah (Malaisie), la Malaisie péninsulaire et la Côte-d'Ivoire ont connu dans les 10 ou 20 dernières années une exploitation extensive pour l'exportation en grumes. Les forêts sont maintenant systématiquement parcourues en exploitation, et les superficies non exploitées restantes sont moins accessibles. Le potentiel d'exploitation future est assez limité, au plus une ou deux décennies au rythme actuel des coupes.

3. Pays ayant des superficies considérables de forêts et un niveau élevé d'exploitation. L'exploitation est généralement intensive dans les forêts accessibles du Congo, du Zaïre, du Venezuela, du Pérou, de l'Equateur, de Madagascar, de Papouasie Nouvelle-Guinée, de Bolivie, du Cameroun, du Brésil, d'Indonésie, de Sarawak (Malaisie), de Birmanie, du Kampuchea, de Guyane, du Suriname et du Libéria. Mais dans tous ces pays il y a aussi de grandes étendues de forêts inexploitées ou exploitées de manière très extensive.

4. Forêts pratiquement inexploitées. En République centrafricaine et au Lao il y a jusqu'à présent peu d'exploitation commerciale, mais il y a aussi des difficultés d'accès.

5. Situations particulières. L'Inde a de grandes superficies de forêts en aménagement permanent. Au Gabon l'okoumé, essence très recherchée sur les marchés, se régénère bien.

A moins d'un changement majeur dans la gamme des essences et des qualités mises sur le marché, nous

PRINCIPAUX COURANTS COMMERCIAUX - Sciages de feuillus tropicaux (1978); Total: 3,4 millions de m3

Les principaux exportateurs de sciages de feuillus tropicaux sont la Malaisie, Singapour, l'Indonésie, les Philippines et la Côte-d'Ivoire. Les gros importateurs sont les Pays-Bas, l'Italie, le Royaume-Uni, la République fédérale d'Allemagne, la France et les Etats-Unis. Les principaux courants commerciaux bilatéraux se font entre la Malaisie et les Pays-Bas, la République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni; entre l'Indonésie et l'Italie, et entre Singapour et les Pays-Bas. Il existe également un mouvement assez important de la Malaisie vers l'Australie qui n'est pas indiqué sur la carte.

Les exportations de sciages des pays en développement ont plus que doublé entre 1967 et 1977. La majeure partie de cette augmentation a été le fait de la Malaisie, de Singapour et de l'Indonésie. Les exportations d'Amérique latine vers les Etats-Unis qui apparaissent sur la carte comprennent également quelques sciages de résineux. pouvons nous attendre à l'évolution suivante:

- Il certain que les pays du premier groupe ne fourniront pas davantage de bois en grumes et que leurs exportations de produits forestiers tropicaux diminueront vraisemblablement en volume, mais pas nécessairement en valeur.

- Les pays du second groupe connaîtront une courte période de maintien (ou d'expansion) de leurs exportations.

- Tout accroissement important des quantités disponibles et même le maintien des niveaux actuels reposeront nécessairement sur le troisième et le quatrième groupes.

Une étude pays par pays de l'épuisement des forêts et de la production de bois, entreprise par la FAO, ainsi qu'une évaluation des perspectives d'avenir (Pringle, 1976) font prévoir un accroissement de la production de grumes dans les forêts naturelles de feuillus des pays en développement, de 109 millions de m3 extraits en 1975 à 191 millions de m3 en 2000, soit 75 pour cent de plus. Cette estimation suppose toutefois une gamme beaucoup plus étendue d'essences utilisées. Même dans ces conditions, certains exportateurs traditionnels, dont la Malaisie (Sabah et Sarawak inclus) et les Philippines, de même que plusieurs pays d'Afrique occidentale, montrent une baisse effective dans la production présumée. Les accroissements les plus importants estimés concernent la région Asie - Extrême-Orient (39 millions de m3) et l'Amérique latine (35 millions de m3). Des accroissements importants sont prévus pour l'Indonésie, l'Inde, le Brésil et pour les pays d'Afrique centrale. Dans certains cas on prévoit qu'une large part des volumes exploités proviendra du défrichement des forêts pour l'expansion de l'agriculture. On estime que la superficie de forêts denses naturelles d'essences feuillues diminuera de 65 millions d'ha, soit 10 pour cent, au cours de cette période de 25 ans.

Il faut souligner toutefois que l'on n'a qu'une connaissance limitée des principales régions où subsiste un potentiel de production, ce qui ne permet qu'une estimation grossière du potentiel à plus long terme. Trois pays importants, l'Indonésie, le Zaïre et le Brésil, qui renferment plus des deux tiers des forêts tropicales du globe, n'ont pas jusqu'à présent été en mesure d'évaluer leurs ressources forestières avec une précision notable.

Tarifs douaniers et restrictions à l'exportation4

4 Pringle, 1976; U.S. International Trade Commission, 1978.

Un facteur important qui a favorisé l'exportation de bois en grumes plutôt que sous forme de placages ou de contreplaqués est la protection douanière dont ont souvent bénéficié les industriels des pays importateurs. Toutefois, l'effet de ces barrières a été en grande partie annulé par le Système généralisé de préférences, qui favorise les pays en développement. Les grumes et sciages d'essences tropicales étaient généralement exempts de droits de douane. Il y a eu, avec le temps, une diminution des droits sur les placages et les contreplaqués dans la plupart des pays. Les droits sur les placages ont été dans bien des cas supprimés, mais ailleurs ils subsistent et peuvent atteindre 37,5 pour cent. Les contreplaqués sont également dans certains cas exempts de droits de douane, mais on trouve encore des taux de 50 pour cent, et les concessions ont été moins généreuses pour cette catégorie de produits. Les droits de douane passablement élevés sur les placages et les contreplaqués qui étaient en vigueur jusqu'à une date assez récente aux Etats-Unis ne semblent pas, cependant, avoir beaucoup favorisé les importations de grumes par rapport aux produits ouvrés.

L'existence, dans les pays importateurs, d'usines qui dépendent de l'extérieur pour leur approvisionnement en matière première a évidemment perpétué ce courant d'importation. Depuis quelques années, cependant, la tendance a été de ne plus installer de telles usines dans les pays importateurs, à l'exception de quelques pays du Sud-Est et de l'Est asiatiques qui disposaient de main-d'œuvre qualifiée aux salaires relativement bas.

Un certain nombre de faits nouveaux encourageront la transformation des bois à la source. Parmi les plus importants figurent les restrictions à l'exportation des grumes. Bien que de telles mesures aient déjà été tentées dans le passé, elles ont fréquemment échoué en raison de l'existence habituelle d'autres sources d'approvisionnement, de la concurrence internationale et d'un manque concomitant de solidarité politique. A citer parmi les mesures restrictives récentes, des interdictions totales d'exportation de grumes (Nigéria, Philippines) ou portant sur certaines essences (Ghana), et l'obligation pour les concessionnaires de transformer une certaine proportion de bois (Libéria, Philippines, Côte-d'Ivoire, Cameroun). L'Indonésie met actuellement en place un système de contingents pour les exportations de grumes et de sciages.

Consommation intérieure et exportations

La consommation de produits forestiers continue de s'accroître rapidement dans la plupart des pays producteurs et exportateurs de bois tropicaux. Dans certains cas, des exportateurs traditionnels tels que la Thaïlande et le Nigéria ont été amenés de ce fait à réduire leurs exportations ou même à importer du bois. La Malaisie péninsulaire est tributaire des importations de grumes pour le fonctionnement de ses industries existantes et le maintien de sa production et de ses exportations.

Dans le cas du contreplaqué, des pays qui avaient développé essentiellement une industrie d'exportation détournent une part de plus en plus grande de leur production vers le marché intérieur. Le Japon absorbe d'ores et déjà à peu près 98 pour cent de sa propre production de contreplaqués feuillus. Taïwan et la Corée qui dans les années soixante orientaient presque toute leur production vers l'exportation en consomment actuellement, pour leurs besoins intérieurs, respectivement 30 pour cent et 10-15 pour cent. L'Europe exporte encore 30 pour cent de sa production, qui est en diminution, mais les importations se sont accrues tandis que les exportations diminuaient, la consommation apparente restant relativement stable.

Il est certain qu'une plus grande part de la production ira à la consommation intérieure des pays producteurs plutôt que vers l'exportation. Dans le cas de l'Est asiatique, les producteurs - exportateurs de contreplaqués se heurteront en outre aux restrictions à l'exportation de grumes imposées par les principaux pays fournisseurs de bois. Ces deux facteurs auront, sur le potentiel d'exportation, un effet susceptible de gêner beaucoup les pays tributaires de cette source d'approvisionnement.

PRINCIPAUX COURANTS COMMERCIAUX - Contreplaqué de feuillus tropicaux (1978); Total: 3,1 millions de m3

Les principaux exportateurs de contreplaqué de feuillus tropicaux sont la République de Corée, la Chine (Taiwan), Singapour et la Malaisie. Les grands importateurs sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique et le Canada. D'importants courants commerciaux se sont établis entre la République de Corée et les Etats-Unis; la Chine et les Etats-Unis; Singapour et le Royaume-Uni; la Corée et le Royaume-Uni; la Corée et les Pays-Bas.

Le commerce du contreplaqué de feuillus tropicaux qui a connu une croissance très rapide s'établissait en 1977 à plus de quatre fois son niveau de 1967. L'augmentation des exportations est à imputer principalement à l'Asie: elle a en effet été particulièrement rapide en Corée, en Malaisie, à Singapour et en Indonésie.

Au cours du second semestre de 1979 et au début des années quatre - vingt, la hausse des prix du contreplaqué - due principalement à l'augmentation des prix des grumes importées en Asie de l'Est - a exercé une influence négative sur le commerce du contreplaqué avec l'Amérique du Nord. Aussi des produits nationaux, notamment les panneaux de particules, remplacent - ils les produits importés.

CONSOMMATION APPARENTE DE FEUILLUS TROPICAUX - (estimée en équivalent grumes) de trois grands importateurs

Les importations de bois de feuillus tropicaux sur les principaux marchés du monde développé ont enregistré une augmentation rapide depuis la fin des années quarante jusqu'en 1973, un fléchissement brutal en 1974 et 1975, et une reprise en 1978 qui les a presque portées au niveau record de 1973. Comme on peut le constater d'après les illustrations ci-dessus, ces importations diffèrent sensiblement selon les régions: aux Etats-Unis, elles consistent principalement en bois transformé, notamment en contreplaqué. En Europe, les importations, qui consistaient surtout en grumes, se sont progressivement modifiées et la région achète maintenant environ 50 pour cent de bois transformé, principalement des sciages. Par contre, le Japon, encore très récemment, importait toujours des feuillus tropicaux presque exclusivement sous forme de grumes. Il faut de 1,7 à 2,5 m3 de grumes de feuillus tropicaux pour fabriquer 1 m3 de sciage ou de contreplaqué. Les résidus de cette production sont facilement utilisés, notamment comme bois à pâte ou comme matière première pour la fabrication des panneaux de particules au Japon et en Europe.

En 1978, les importations totales de grumes de feuillus tropicaux des pays développés étaient légèrement supérieures à celles de 1970 alors que leurs importations de bois transformé avaient plus que doublé. Toutefois, la même année, la part de ce dernier représentait encore moins de 40 pour cent du total (en équivalent grumes).

Perspectives pour les pays gros importateurs

Les estimations concernant l'avenir de la consommation et du commerce des produits forestiers en général, et des produits forestiers tropicaux en particulier, sont devenues apparemment plus incertaines et variables au cours des dernières années. Cela tient non seulement aux fluctuations extrêmes dues à l'accumulation des stocks au début des années soixante-dix et pendant la dépression de 1975, mais plus encore au fait que la consommation et le commerce, notamment en ce qui concerne les produits de transformation mécanique des bois dans de nombreux pays développés, n'ont pas réussi à se relever beaucoup au-dessus des niveaux de la première partie de la décennie. Les estimations faites antérieurement aux événements du milieu de la décennie sont maintenant généralement considérées comme beaucoup trop optimistes; néanmoins le pessimisme couramment exprimé pendant la période qui a suivi n'est pas tout à fait justifié. La consommation apparente continue de s'accroître à un rythme rapide dans de nombreux pays en développement et même dans l'éventualité d'un ralentissement économique général dans les pays développés il reste la possibilité de programmes dynamiques de construction de logements.

L'étude publiée en 1973 par le gouvernement des Etats-Unis, intitulée The outlook for timber in the United States (U.S. Forest Service, 1973), ne prévoyait pas d'accroissement rapide des importations de sciages et contreplaqués feuillus, quelle que soit l'hypothèse d'évolution des prix considérée. Le taux maximal d'accroissement des importations estimé pour ces produits était un doublement approximatif du début des années soixante-dix à l'an 2000. Les estimations de la FAO (Pringle, 1976) et de la Banque mondiale (comm. pers.) étaient un peu plus élevées, prévoyant un triplement des importations. Une étude récente faite pour le compte de la FAO par un groupe de travail composé d'industriels et de forestiers, sous la direction de la Crown Zellerback Corporation, prévoit cependant un déclin pouvant aller jusqu'à la disparition des importations nettes de sciages feuillus, et un accroissement de seulement 50 pour cent environ de celles de placages et de contreplaqués feuillus (Joint Forestry and Industry Working Party, 1979).

Cette dernière étude prévoit cependant une expansion très sensible des importations nettes de ces produits en Europe occidentale et au Japon; elles seraient plus que doublées pour les sciages feuillus et multipliées par six pour les panneaux de bois non désintégré en Europe occidentale, tandis que le Japon passerait d'une position de faible importateur net ou d'exportateur net à celle de gros importateur de ces produits. Simultanément, on prévoit que les importations de grumes de sciage et de déroulage de feuillus tropicaux en Europe occidentale ne diminueront que légèrement, par contre celles du Japon seraient en baisse notable, tandis que ses importations de grumes de résineux et surtout de bois à pâte de résineux et de feuillus en billes ou en copeaux s'accroîtront rapidement. Une grande partie des bois feuillus proviendraient des régions tropicales.

Selon d'autres études (CEE/FAO, 1976, 1978) les importations de feuillus tropicaux en Europe occidentale et au Japon enregistreraient un accroissement encore plus marqué, surtout en ce qui concerne le Japon.

Même dans l'hypothèse minimale, on peut prévoir que les besoins du Japon en 2000 seront au moins égaux au niveau actuel de 20 millions de m3 en équivalent bois rond pour les grumes de sciage et de déroulage, les sciages et les contreplaqués de feuillus, et atteindront 50 millions de m3 ou plus pour les bois à pâte ou pâtes de feuillus. Les besoins de l'Europe occidentale seront probablement aussi d'au moins 20 millions de m3 d'équivalent bois rond pour les produits de transformation mécanique des bois et de 30 millions de m3 d'équivalent bois rond pour les bois à pâte. Presque tous les produits de transformation mécanique, et sans doute une bonne part des bois à pâte, devront provenir des régions tropicales. D'autres études prospectives de la demande, plus optimistes, laissent prévoir des importations plus élevées de bois de la première catégorie au Japon (40 millions de m3) et en Europe occidentale (35 millions de m3) en 2000.

En revanche il se pourrait que les Etats-Unis n'aient besoin d'importer dans ces catégories de produits que 5 ou 6 millions de m3 d'équivalent bois rond - ce qui est le niveau actuel - dans l'hypothèse basse, bien que selon les estimations de tendance plus élevées les besoins pourraient atteindre 20 ou 25 millions de mètres cubes.

Dans toutes les hypothèses, il est certain que les autres pays gros importateurs de bois tropicaux continueront d'être beaucoup plus tributaires des forêts tropicales que les Etats-Unis, à cause surtout de l'écart croissant entre leur demande totale de bois et leur production intérieure totale.

Conclusions

Il semble évident que:

- Un changement doit intervenir dans les approvisionnements en bois tropicaux, de façon à élargir la gamme d'essences à présent utilisées et à exploiter celles provenant de zones d'accès difficile.

- Les besoins intérieurs de bois en grumes et de contreplaqués s'accroîtront rapidement dans les pays producteurs.

- Le Japon et l'Europe occidentale seront de plus en plus tributaires des importations de produits ligneux, y compris les feuillus tropicaux.

- Les pays producteurs de sciages et de contreplaqués destinés à l'exportation risquent d'être sérieusement gênés par la contraction de l'offre de bois en grumes.

- On peut donc s'attendre à une hausse importante des prix des produits ligneux tropicaux tirés de bois de grandes dimensions et de haute qualité.

D'après ce qui précède, les Etats-Unis, risquent de voir leurs principaux fournisseurs de contreplaqués feuillus réduire leurs livraisons. On peut envisager un certain nombre de mesures pour y remédier. Ainsi, on pourrait importer uniquement des quantités limitées de produits de haute qualité et de prix élevés pour répondre à des besoins spéciaux et à des usages de luxe, tandis que les pays producteurs développeraient l'utilisation de leurs volumes croissants de bois feuillus de qualités inférieures. Il pourrait aussi y avoir un déplacement plus marqué des achats destinés à l'industrie du contreplaqué du Sud-Est asiatique, actuellement en expansion. Ce déficit de l'offre pourrait également avoir pour effet d'encourager la production et l'utilisation d'essences tropicales peu recherchées à l'heure actuelle. On peut aussi envisager une combinaison de ces trois possibilités.

Références

CEE/FAO. 1976 Tendances et perspectives du bois en Europe de 1950 à l'an 2000. Genève.

CEE/FAO. 1978 Etude sur le commerce et utilisation des bois feuillus tropicaux. Bulletin du bois pour l'Europe, 30, Supp. 10.

FAO. Annuaire des produits forestiers. Rome.

FAO. Bulletin mensuel. Les produits des forêts tropicales dans le commerce mondial des bois. Rome.

FAO. 1978 Direction of trade in forest products - a compendium of summary tables. Rome.

JOINT FORESTRY AND INDUSTRY WORKING PARTY. 1979 Report to FAO on world outlook for wood products and supply. (Non diffusé)

LANLY, J.P. & CLEMENT, J. 1979 Present and future forest and plantation areas in the tropics. Rome, FAO. FO:MISC/79/1.

PRINGLE, S.L. 1976 Le rôle des forêts tropicales humides dans la demande, l'offre et le commerce mondiaux des produits forestiers. Unasylva, 28, n° 112-113:103-115.

STADELMAN, R.C. 1979 The United States market for tropical hardwoods. Document, UN/ECE Seminar on the Utilization of Tropical Hardwoods. Geneva. (Diffusion restreinte)

U.S. FOREST SERVICE. 1973 The outlook for timber in the United States. Washington, D.C.

U.S. FOREST SERVICE. 1977 The demand and price situation for forest products, 1976-1977. Washington, D.C., Miscellaneous Publication No. 1357.

U.S. INTERNATIONAL TRADE COMMISSION. 1978 Summary of trade and tariff information. Hardwood, plywood. Washington, D.C. U.S. ITC Publication No. 841, Control No. 2-3-1.


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