par
U. Schmidt
Indépendamment de la principale condition à laquelle est subordonnée le développement de l'élevage des mollusques dans la lagune de Bizerte, à savoir l'existence d'un marché pour la production, l'étude prospective des activités actuelles et celle du contexte socio-économique ont permis de dégager les conclusions suivantes:
Selon les estimations présentes, il serait possible de produire au moins 20 000 tonnes de moules et d'huîtres (poids avec coquilles) en utilisant seulement la partie de la lagune qui n'est pas exposée à la pollution;
il y a dans le Gouvernorat de Bizerte environ 30 000 personnes sous-employées et de familles à faible revenu: la conchyliculture serait un moyen d'améliorer leur situation socio-économique;
avec le système actuel d'élevage, au coût actuel des facteurs de production et au prix actuel des produits, l'engraissement du naissain d'huîtres est extrêmement rentable; la mytiliculture se révèle moins avantageuse. Si le marché actuel s'étendait, la structure des prix pourrait changer considérablement. L'étude de rentabilité indique qu'il y a une grande marge, permettant de réduire le prix au producteur, sans pour cela rendre l'activité non rémunératrice;
il est estimé que la main-d'oeuvre que peut habituellement fournir une famille locale est de 2,5 unités de travail 1
Cela suffit pour pratiquer l'ostréiculture et la mytiliculture, séparément ou en combinaison, sur une plate-forme de 800 mètres carrés, hormis l'engraissement de naissain d'huîtres importé et encore fixé sur des collecteurs;
l'élevage simultané des huîtres et des moules permettrait une utilisation plus régulière de la main-d'oeuvre familiale disponible;
le coût économique du développement de la conchyliculture en utilisant la totalité ou une partie des ressources disponibles serait minimal, tandis que les avantages retirés pourraient être substantiels aussi bien en termes sociaux (création de revenus et d'emplois) qu'en termes économiques (recettes en devises étrangères grâce aux exportations d'huîtres).
S'il est décidé de développer la conchyliculture au niveau familial, les points suivants mériteront une attention particulière:
Pour commencer, il faudrait se contenter de faire appel à un nombre limité de familles locales que l'on ferait participer à la planification des activités;
l'intensité et les modalités de l'exploitation ultérieure des ressources devraient être déterminées à la lumière des résultats obtenus par le groupecible initial pendant une phase pilote qui devrait durer au moins un cycle complet d'élevage;
les entreprises familiales devraient être encouragées et aidées à former une coopérative qui s'occuperait d'acheter les inputs nécessaires et de commercialiser collectivement la production. Le crédit serait un facteur de production essentiel et il faudrait vérifier la possibilité d'y accéder dans le cadre légal existant;
des dispositions légales réglementant l'accès à la ressource, fixant les unités de taille maximales, définissant les normes d'hygiène des produits etc., devraient être prises et mises en vigueur dès les débuts de l'effort de développement;
pour faciliter le développement de l'élevage des mollusques, un soutien adéquat devrait être fourni aux familles qui entreprennent ce type d'activités. Le soutien du développement pourrait être organisé dans le cadre d'un projet d'assistance technique pour lequel il faudra peut être faire appel à des compétences techniques étrangères. Une aide internationale ou bilatérale pourrait être recherchée si le besoin s'en faisait sentir;
qu'elle soit organisée avec des ressources nationales ou avec une aide extérieure, l'unité de soutien du développement devrait avoir les fonctions ci-après:
vulgarisation des techniques de conchyliculture au profit des exploitants et aide initiale pour tous les aspects de l'organisation de la production;
conduite d'essais portant sur la taille des unités, amélioration ou nouvelle conception des installations et des systèmes d'élevage, des méthodes de conservation, d'entreposage, de transformation, d'acquisition de naissain, etc., pour réaliser des économies et perfectionner la conchyliculture;
surveillance continue des aspects techniques, économiques et sociaux aux fins d'enregistrement des résultats et d'information en retour.
L'élevage des mollusques a été introduit dans la lagune de Bizerte - et en Tunisie - dans les années cinquante. En 1963, l'Office National des Pêches (ONP) a mis en place un système d'exploitation qui comporte à l'heure actuelle 15 plates-formes d'élevage de quelque 800 mètres carrés chacune. Les installations au rivage comprennent des bureaux, des zones de travail et des entrepôts. Une équipe de 12 travailleurs est employée en permanence et supervisée par trois cadres. Sous la direction de l'ONP, les huîtres et les moules sont élevées, nettoyées puis vendues au détail sur la rive du lac elle-même et à un poste situé près de Tunis. On trouvera à l'Annexe 7 une description plus détaillée des opérations actuelles ainsi que des chiffres de production récents.
Le Gouvernorat de Bizerte comptait 375 000 habitants en 1979. De 1966 à 1975, le taux de progression démographique a été de 2 pour cent par an (moyenne nationale 2,3 pour cent). On a pu observer deux schémas de migration qui influencent notablement la structure de la population:
l'exode rural, qui s'est traduit par un taux de croissance de 3,5 pour cent de la population urbaine; et
l'émigration de la main-d'oeuvre locale vers des pays européens, qui concerne quelque 1 000 personnes par an, pour la plupart professionnellement qualifiées.
En dépit d'une assez forte industrialisation pendant les dernières décennies, l'agriculture reste encore la principale source de revenu et d'emploi dans le Gouvernorat et la plus grande partie de la production brute de la population économiquement active est imputable à ce secteur. La ventilation sectorielle ci-après pour 1966 et 1975 fait ressortir quelques tendances générales.
Tableau 1 Ventilation sectorielle de la population économiquement active du Gouvernorat de Bizerte en 1966 et 1975, en % 1
Agriculture et pêche | Industrie | Transport & communications | Services | Sous-emploi et emploi marginal | |
1966 | 48 | 14 | 2 | 16 | 21 |
1975 | 34 | 21 | 3 | 18 | 24 |
Du fait de l'importante pression exercée sur les terres cultivables (1,65 habitant par hectare de terre cultivable, alors que la moyenne nationale est de 1,18 habitant/ha), la création d'emplois est devenue un objectif important des planificateurs régionaux. A l'heure actuelle, l'agriculture, les pêches et autres formes de production primaire sont considérées comme le principal secteur à prendre en considération pour absorber quelque 30 000 personnes sous-employées dans le Gouvernorat.
L'une des solutions qui ont été envisagées par les planificateurs locaux pour créer des sources de revenu et des occasions d'emploi à l'intention des personnes sousemployées est le développement de l'élevage des mollusques. A l'heure actuelle, le marché limité est le principal obstacle à la réalisation de ce potentiel. En admettant toutefois qu'il soit possible de commercialiser une production accrue, ce sont les aspects économiques de la production de mollusques qui déterminerons si et dans quelle mesure les familles locales ou les petits entrepreneurs pourront en tirer profit. On s'est donc efforcé dans ce qui suit d'évaluer les aspects économiques de l'élevage des mollusques au niveau de l'exploitation, sur la base des résultats obtenus jusqu'ici par l'ONP.
Selon le bilan effectué par l'équipe ONP travaillant sur la lagune, la construction de l'une des plates-formes d'élevage actuellement utilisées, d'une superficie de 800 mètres carrés (20 × 40 m), suppose les frais d'investissement ci-après aux prix actuels:
Outre le matériel de construction, on estime à 1 500 dinars tunisiens le montant nécessaire pour le transport et l'installation des rails en fer. Pour construire la plate-forme sur ces rails, il faut prévoir 4 hommes/mois à 130 dinars tunisiens, soit au total 520 dinars tunisiens, si ce travail est effectué par une main d'oeuvre salariée.
Dans le cas où l'élevage des mollusques sera entrepris par une famille locale, la mission estime que tout le travail de construction en bois pourra être effectué par la main-d'oeuvre familiale. Par contre, celle-ci ne sera pas à même d'installer les rails en fer. Dans de telles conditions, l'investissement initial total serait de l'ordre de 7 530 dinars tunisiens pour une' plate-forme de 800 mètres carrés, c'est-à-dire 90 dinars par mètre carré.
Tableau 2 Matériel de construction pour une plate-forme de 800 m2
Dinars tunisiens | ||
a) | Rails en fer provenant de voies ferrées: 66 tronçons de 12 m chacun, d'un poids total de 28,5 tonnes, au prix de 146 dinars tunisiens la tonne | 4 140 |
b) | Planches en bois - au nombre de 70, pour un volume total de 6.16 m3, au prix de 200 dinars tunisiens le mètre cube | 1 230 |
c) | Poteaux d'eucalyptus - 400 poteaux de 5 à 6 m de long, au prix de 0,150 dinar tunisien le mètre | 300 |
d) | Vis, écrous, clous, etc. | 360 |
Total | 6 030 |
Compte tenu de l'amortissement et en faisant le calcul par tonne d'huîtres produite (dans l'hypothèse d'une production annuelle de 50 tonnes par plate-forme de 800 mètres carrés), la construction initiale supposerait approximativement 12 dinars de frais fixes par tonne produite (total pour une plate-forme de 800 mètres carrés - amortissement annuel des coûts de construction: 608 dinars).
Pour l'élevage des moules sur une plate-forme de 800 mètres carrés, qui, selon les estimations, permettrait de produire un total de 70 tonnes pour une période de croissance de 18 mois, les frais fixes pour le remplacement des installations d'élevage s'élèveraient à 13 dinars tunisiens par tonne.
Comme il a été dit plus haut, la production d'huîtres est projetée à 50 tonnes par période de production pour une plate-forme de 800 mètres carrés; pour les moules, on suppose une production de 70 tonnes par période de production. De même que pour le coût initial de la construction, les projections relatives aux frais de gestion ont été faites sur la base des résultats obtenus par l'équipe qui exploite actuellement l'installation de la lagune de Bizerte.
Les prix utilisés pour l'analyse de rentabilité correspondent aux prix de gros de l'Office national de pêche, à savoir 0,150 dinar pour le kilo de moules et 0,750 dinar pour le kilo d'huîtres.
Les données les plus importantes concernant les coûts d'opération utilisées dans cette section sont celles obtenues actuellement dans les élevages de moules de l'ONP à Bizerte.
Tableau 3 Coûts variables 1 et coûts variables unitaires 2 de l'ostréiculture (en dinars tunisiens)
Total 1 | Unité 2 | |||
A. | Naissain 3 4 | |||
(a) | Naissain sur collecteurs | 5 000 | 100 | |
(b) | Naissain non fixé de 3 mm | 5 000 | 100 | |
(c) | Naissain non fixé de 10 à 15 mm | 7 000 | 140 | |
B. | Matériel d'élevage 5 | |||
pour (a): | ||||
1,2 tonne de fil de fer, à 780 dinars tunisiens la tonne | 936 | 8,4 | ||
480 kg de cordes en plastique, à 1,5 dinar tunisien le kilo | 720 | 14,4 | ||
4 800 sacs en filet à 1,1 dinar tunisien la pièce | 5 280 | 35,2 | ||
Total | 6 936 | 58,0 | ||
pour (b): | ||||
600 petites cages (grille et cadre en bois de 50 × 35 cm) | 250 | 2,5 | ||
700 sacs en filet à petite maille (8 mm) | 770 | |||
2 000 sacs en filet à maille moyenne (1,5 cm) | 2 200 | |||
4 500 sacs en filet à grande maille (2,5 cm) | 4 950 | 52,8 6 | ||
Total | 8 170 | 55.3 | ||
pour (c): | ||||
4 800 sacs en filet à 1,1 dinar tunisien la pièce | ||||
Total | 5 280 | 35,2 |
4 Ce chiffre englobe 1 000 dinars tunisiens pour le transport, les frais de douane, etc.
6 Total pour les différents sacs en filet
Besoins de main-d'oeuvre pour l'ostréiculture
Les besoins de main-d'oeuvre pour une plate-forme de 800 mètres carrés produisant approximativement 50 tonnes varient selon le type de naissain utilisé. S'il s'agit de naissain importé, fixé sur des collecteurs (type (a)), les activités se décomposeront comme suit:
Octobre/novembre
pour l'élevage préliminaire du naissain, la suspension des collecteurs à des fils de fer à partir de la plate-forme
- préparation des fils de fer | 25 hommes/jour (h/j) |
- accrochage des collecteurs aux fils de fer | 15 " " |
- suspension des fils de fer à la plate-forme | 7 " " |
Mars/avril
pour préparer à l'engraissement les jeunes huîtres obtenues à partir de ce naissain, deux méthodes sont possibles:
(i) détacher les jeunes huîtres des collecteurs une à une (détroquage “un à un”) et les placer dans des sacs en filet pour l'engraissement. Cette opération devrait être effectuée aussi rapidement que possible.
Main-d'oeuvre nécessaire: | 350 hommes/jour |
(ii) ou briser en deux ou trois morceaux le collecteur sur lequel sont fixées les jeunes huîtres et placer ces morceaux dans des sacs en filet pour l'engraissement.
Main-d'oeuvre nécessaire: | 140 hommes/jour |
A partir de novembre
Récolte. Les besoins de main-d'oeuvre pour récolter 50 tonnes sont différents pour les deux méthodes:
- récolte des huîtres engraissées obtenues à partir de naissain non fixé (500 kg/h/j) | |
100 hommes/jour | |
- récolte et détroquage des huîtres élevées sur des collecteurs brisés | |
320 hommes/jour |
Si l'on utilise du naissain non fixé de 3 mm de long, un imput main-d'oeuvre de 1,5 à 2 personnes est nécessaire en permanence d'octobre/novembre à mars/avril. La récolte commence en novembre/décembre et elle exige un total de 100 hommes/jour. Si l'on utilise de jeunes huîtres de 1,0 à 1,5 cm de long résultant d'un élevage préalable du naissain, il faut disposer de 1,5 à 2 personnes pendant la période janvier/février pour placer les huîtres dans les sacs en filet où elles sont engraissées. La récolte commence en novembre/décembre et elle exige la même main-d'oeuvre que dans le cas précédent.
Conclusions
Les coûts de l'élevage du naissain acheté sur collecteurs ne diffèrent pas beaucoup de ceux de l'élevage de naissain non fixé de 3 mm. L'engraissement de jeunes huîtres ayant déjà 1,0 à 1,5 cm de long accroît les coûts variables unitaires de quelque 26 pour cent, mais réduit les besoins globaux de main-d'oeuvre.
Les besoins de main-d'oeuvre sont à peu près uniformes pendant toute la période d'élevage si l'on emploie du naissain de 3 mm, ainsi que si l'on emploie de jeunes huîtres dont on élève préalablement le naissain. La durée totale de l'élevage n'est toutefois que de 11 à 12 mois dans ce dernier cas, contre 14 à 15 mois pour le naissain non fixé et le naissain sur collecteurs.
Selon la méthode d'ostréiculture, l'élevage de naissain fixé sur collecteurs exige un maximum de main-d'oeuvre pendant la période mars/avril ou au moment de la récolte, à savoir 300 à 350 hommes/jour qui ne peuvent être fournies par une famille de dimension moyenne. Etant donné que cette main-d'oeuvre additionnelle devrait être salariée ou autrement rémunérée, ce système d'élevage n'est pas recommandé pour les petites entreprises familiales.
Comme pour l'élevage des huîtres, les données ci-après concernant l'élevage de moules sont basées sur l'expérience de l'ONP à Bizerte.
Tableau 4 Coûts variables 1 et coûts variables unitaires 2 de la mytiliculture
Total 1 | Unité 2 | |||
A. | Naissain | |||
(a) | Naissain collecté et pré-élevé | néant | néant | |
(b) | Naissain acheté, 10 tonnes à 60 dinars tunisiens la tonne | 600 | 8,5 | |
B. | Matériel d'élevage 3 | |||
pour (a) | ||||
3 000 | cordes en plastique | 700 | 10 | |
3 000 | filets d'engraissement à 1,0 dinar tunisien le filet | 3 000 | 10,5 | |
3 700 | 20,5 | |||
pour (b) | ||||
3 000 | filets d'engraissement à 1,0 dinar tunisien le filet | 3 000 | 10,5 |
Besoin de main-d'oeuvre pour la mytiliculture
Les besoins en main-d'oeuvre pour la mytiliculture pratiquée selon le système actuel peuvent être satisfaits par une famille de dimension moyenne. Il est évident qu'il y aura des périodes creuses en novembre/décembre et de mars à juin dans le cas de l'élevage de naissain collecté par l'entreprise familiale, et pendant la période novembre à juin dans le cas de l'élevage des jeunes moules achetées à l'extérieur.
Tableau 5 Besoins en main-d'oeuvre durant l'année pour l'élevage d'huîtres utilisant
(a) | : | du naissain de 3 mm non fixé, et | |
Unité de travail 1 | (b) | du naissain de 1,5 à 2 cm |
Tableau 6 Besoins en main-d'oeuvre durant l'année pour l'élevage de moules utilisant:
: | naissain collecté et pré-élevé |
: | naissain acheté |
Unité de travail
Conclusions
Avec les deux méthodes de mytiliculture de la main-d'oeuvre familiale existante serait sous-utilisée pendant une partie considérable de l'année. Dans le cas de la méthode prévoyant à la fois la collecte du naissain et l'engraissement, un léger maximum de main-d'oeuvre serait nécessaire en juillet/août, époque où les jeunes moules sont transférées des collecteurs dans les filets d'engraissement et où, simultanément, a lieu la récolte. Avec cette méthode, contrairement à ce qui se passerait avec la main-d'oeuvre qui serait sous-exploitée, la plate-forme d'élevage devrait, quant à elle, être surchargée pendant six mois au cours de chaque période d'élevage puisque l'engraissement final de la production précédente coïnciderait avec la nécessité de collecter le naissain pour la période de production suivante.
(Voir tableau 7)
L'analyse des rentabilités comparée des formes d'élevage des mollusques actuellement pratiquées dans la lagune de Bizerte permet de dégager un certain nombre de conclusions:
Ostréiculture:
l'élevage de naissain acheté fixé sur des collecteurs exige beaucoup de main-d'oeuvre pendant de brèves périodes, ce qui rend ce système moins désirable du point de vue de la création d'un revenu constant. Il n'est donc pas recommandé pour les petites entreprises familiales;
l'engraissement de naissain de 10 à 15 mm semble plus approprié pour des opérations de petite envergure que celui de naissain de 3 mm. Quoique ce système accroisse les coûts variables unitaires, il diminue les dépenses d'immobilisation et produit davantage par unité d'input main-d'oeuvre; si le revenu d'exploitation et la rentabilité de l'investissement sont légèrement moindres en termes relatifs, le revenu net, à savoir le revenu familial, est supérieur;
à en juger par les chiffres moyens, le revenu que peut assurer une plate-forme de 800 mètres carrés est excessivement élevé. Pour permettre à un maximum de familles d'avoir accès à la ressource, il pourrait être préférable de réduire la dimension des plates-formes familiales. La présente structure des prix pourrait toutefois se modifier lorsque la production aura augmenté. Pour exporter des huîtres, par exemple, il faudra que le prix de gros soit nettement inférieur si l'on veut que le produit soit compétitif sur le marché actuel.
Mytiliculture:
en ce qui concerne les frais d'exploitation et l'investissement initial nécessaire, il n'y a pas de différence suffisamment important pour faire préférer l'un des systèmes d'élevage à l'autre. Le fait que la période d'élevage est plus longue dans le premier système augmente toutefois les frais fixes par unité de moules produites;
la rentabilité de l'investissement et le revenu d'exploitation sont moindres avec le premier système d'élevage, en termes relatifs comme en termes absolus; l'engraissement de naissain acheté est plus rémunérateur. En comparaison avec l'ostréiculture, les frais d'investissement et les frais d'exploitation qu'impliquent les systèmes actuels de mytiliculture apparaissent plus élevés par rapport à la production obtenue. Cependant, les revenus nets resteraient suffisamment attrayants pour une entreprise familiale;
Etant donné ce qui précède, l'ostréiculture semble économiquement plus intéressante, en raison surtout des prix élevés obtenus pour le produit. La structure des prix peut toutefois se modifier. Les systèmes de mytiliculture devraient être conçus de manière à exiger moins de dépenses d'équipement, par exemple pour les radeaux, palangres, etc. S'il était possible de rendre moins coûteux les systèmes actuels ou les nouveaux systèmes de mytiliculture et de les adapter aux conditions locales, et de les combiner avec le système actuel d'ostréiculture, la main-d'oeuvre familiale potentielle pourrait être utilisée tout au long de l'année.
Tableau 7 Coûts et bénéfices annuels comparés de l'ostréiculture et de la mytiliculture sur une plate-forme de 800 mètres carrés
Huîtres I 1 | Huîtres II 2 | Moules I 3 | Moules II 4 | ||
A. | Production | Dinars tunisiens 30 000 5 | Dinars tunisiens 37 500 6 | Dinars tunisiens 6 990 7 | Dinars tunisiens 10 500 8 |
B. | Frais fixes | ||||
Amortissement de la plate-forme initial | 608 | 608 | 608 | 608 | |
Intérêt | 376,5 | 376,5 | 376,5 | 376,5 | |
C. | Coûts variables 9 | ||||
Naissain | 3 200 | 6 000 | néant | 600 | |
Remplacement du matériel de l'élevage | 2 765 | 1 760 | 1 450 | 750 | |
D. | Coûts annuels totaux | 6 949,5 | 8 744,5 | 2 434,5 | 2 334,5 |
E. | Breakeven point (Coût de production par tonne) | 173,8 | 174,9 | 52,2 | 33,4 |
F. | Revenu annuel net 9 | 23 055,5 | 28 755,5 | 4 555,5 | 8 165,5 |
G. | Taux de rapport sur dépenses d'operation | 332 % | 338 % | 187 % | 350 % |
H. | Taux de rapport de l'investissement | 306 % | 382 % | 60 % | 108 % |
* Voir notes page suivante
Notes concernant le tableau 7
1 engraissement de naissain acheté de 3 mm
2 engraissement de naissain acheté de 10 à 15 mm
3 engraissement de naissain collecté par l'entreprise elle-même et pré-élevé
4 engraissement de naissain acheté
5 40 tonnes/an (50 tonnes sur une période de 15 mois) au prix de 0.750 dinar tunisien/kg
6 50 tonnes/an au prix de 0,750 dinar tunisien/kg
7 46,6 tonnes/an au prix de 0,150 dinar tunisien/kg (70 tonnes sur une période de 18 mois)
8 70 tonnes/an au prix de 0,150 dinar tunisien/kg
9 aucun coût n'est appliqué à la main-d'oeuvre exploitant l'entreprise (main-d'oeuvre familiale)
Le développement de l'élevage des mollusques dans la lagune de Bizerte au profit de groupes de population locaux coûterait très peu à l'économie nationale:
soutien du développement
Les installations existantes de l'ONP pourraient être utilisées comme base matérielle pour le soutien du développement sans qu'il soit nécessaire d'engager de grosses dépenses supplémentaires. Depuis cinq ans, le gouvernement inscrit au budget 40 000 dinars tunisiens par an pour payer le personnel et le transport; ces inputs pourraient être utilisés pour assurer le soutien du développement sans coûts supplémentaires;
l'importation de naissain n'exigerait que des montants limités de devises étrangères;
d'autres mesures de soutien telles que contrôle de qualité, législation, etc., pourraient être assurées avec les mécanismes existants.
Les avantages d'une telle initiative pourraient englober la création de revenus et d'emplois pour un nombre important de personnes. Il y aurait également les recettes d'exportation des huîtres, l'augmentation des disponibilités de protéines à bon marché grâce à la mytiliculture, ainsi que des avantages sociaux indirects.
Le développement de l'ostréiculture et de la mytiliculture est considéré par l'administration du Gouvernorat comme un moyen d'y accroître les occasions d'emploi. Les bénéficiaires de l'exploitation du potentiel offert par la conchyliculture pourront être identifiés en appliquant deux critères:
groupes de population qui ont le plus besoin d'une activité économique propre à leur assurer un revenu permanent. Ils engloberaient toutes les personnes sous-employées et non employées ainsi que les familles ayant un revenu marginal;
groupes de population qui ont le plus de chances d'obtenir de bons résultats dans l'élevage des mollusques. Il s'agirait de groupes accoutumés à l'environnement spécifique et/ou à la structure organique de l'élevage des mollusques, tels que pêcheurs et exploitants agricoles.
Pour commencer d'exploiter une partie de ce potentiel selon les lignes indiquées, il est proposé de faire appel à un nombre limité de familles locales en qualité de petites entreprises et de leur fournir le soutien nécessaire pour qu'elles puissent s'engager avec succès dans l'ostréiculture et la mytiliculture. L'expansion ultérieure devrait être envisagée et planifiée selon les résultats qu'elles auront obtenus.
La mission propose de pressentir un groupe initial de 10 à 15 familles de pêcheurs/agriculteurs de Menzel Abd-er-Rhaman, village situé à proximité des installations actuelles de l'ONP, pour qu'elles s'engagent dans la mytiliculture. Le village compte quelque 10 000 habitants. La famille moyenne compte à peu près six personnes. Indépendamment de quelques artisans (il y a aussi une petite briqueterie), des commerçants et des personnes travaillant dans le secteur des services, la majorité des familles tirent leur subsistance de la petite agriculture et de la petite pêche. Deux cents familles ont des exploitations d'à peu près 0,5 ha ou moins, qu'elles cultivent intensivement (essentiellement en légumes). A peu près 10 familles ont des exploitations plus grandes (environ 3 ha) sur lesquelles elles produisent du blé, des haricots, des légumineuses, etc. La pêche dans la lagune est pratiquée à bord de 125 bateaux à rames de 2 à 3 mètres de long et de 15 bateaux plus petits, en utilisant des filets maillants, des lignes et des hameçons. Le village possède 15 bateaux équipés de moteur diesel qui pêchent quelquefois à l'extérieur de la lagune. Enfin, cinq sardiniers “lampara” sont la propriété des villageois qui les exploitent. Ordinairement, les captures des bateaux de petite taille sont vendues dans le village. On estime que la pêche procure au total environ 600 emplois, assurant un revenu à approximativement 250 familles du village. Le revenu des familles de petits agriculteurs et de petits pêcheurs se situe autour de 600 dinars tunisiens par an. Lorsque les moyens de production disponibles ne sont pas suffisamment rémunérateurs pour les propriétaires/opérateurs, ceux-ci recherchent des travaux occasionnels supplémentaires.
A l'heure actuelle, l'administration du village estime que quelque 500 familles ont besoin d'un revenu additionnel et d'une forme d'emploi supplémentaire. Les chefs du village estiment qu'un nombre considérable de familles locales seraient intéressées par la mytiliculture. La chose apparaît plausible car l'installation de l'ONP est connue des villageois et quelques-uns d'entre eux y ont travaillé comme ouvriers pendant des années.
Un autre facteur qui porterait à envisager des familles de Menzel-Abd-er-Rahmane comme groupe-cible initial est la haute productivité primaire signalée dans la zone lacustre située en bordure du village.
Pour l'initiation des familles locales à la conchyliculture, il est proposé de continuer d'appliquer les méthodes d'élevage actuelles, à savoir l'élevage sur des cordes et dans des sacs en filets suspendus à des plates-formes fixes.
Pour débuter un programme de développement de la conchyliculture familiale, les plates-formes actuellement non-utilisées par l'ONP, pourraient être mises à la disposition des premières familles sélectionnées.
Pour faciliter et rendre moins onéreux l'achat et l'utilisation des inputs pour l'élevage proprement dit, une organisation en coopérative serait dans l'intérêt général des participants. Une organisation coopérative faciliterait également la construction de nouvelles plates-formes. Pour planter dans le fond de la lagune les rails en fer actuellement utilisés pour soutenir les plates-formes, on utilise normalement une grue; si celle-ci, une fois transportée jusqu'à la lagune, peut servir à la construction de plusieurs plates-formes, les coûts unitaires de la construction s'en trouveront réduits. Par ailleurs, l'achat en bloc du matériel nécessaire pour l'élevage, tel que naissain, cordes, filets, etc. abaisserait les frais d'exploitation.
De la même manière, l'entreposage, le transport et la commercialisation de la production pourraient être organisés en coopération par les entreprises familiales, ce qui permettrait aux producteurs de contrôler directement l'approvisionnement du marché. En matière de commercialisation des mollusques, la mission juge souhaitable, outre une organisation coopérative, que les participants aient une garantie sûre que leur production pourra être vendue, et cela au moins pendant la première année. Un accord dans ce sens - pris éventuellement avec le service officiel responsable de l'effort de développement - empêcherait que les participants ne courent de risque en devenant les premiers éleveurs de mollusques sur une base familiale.
La mission estime que l'organisation coopérative de l'acquisition des inputs et de la commercialisation pourrait se faire sur le modèle des actuelles “coopératives de service”.
Si le groupe initial d'éleveurs de mollusques est choisi selon des critères sociaux préconisés, il faudra que les familles participantes puissent avoir accès au crédit nécessaire pour faire face aux coûts de la construction et, dans les débuts, aux éléments invariables et variables des coûts.
A l'heure actuelle, le crédit dans le secteur de la pêche est octroyé par le FOSEP (Fonds spécial pour l'encouragement à la pêche).
Pour pouvoir en bénéficier, le pêcheur/entrepreneur doit être professionnellement qualifié et exempt de dettes. Il n'est exigé de caution que pour un prêt de plus de 50 000 dinars tunisiens; au-dessous de ce montant, les avoirs achetés avec le crédit consenti servent de garantie. Il existe trois types de crédits comme indiqué au tableau 8 ci-après.
L'opportunité et la bancabilité sont évaluées par le Commissariat des pêches, au niveau communal (délégation).
Pour les entreprises d'aquaculture, l'article 5, par. C de la Loi No. 77-45 du 2 juillet 1977 et le décret No. 77–1005 du 30 novembre 1977 prévoient que le crédit est consenti par le Commissariat des pêches et qu'il doit couvrir la construction initiale des installations, l'équipement, la modernisation, etc. Les modalités d'application des règlements pour les divers éléments sont en cours d'élaboration.
Tableau 8 Formes et conditions du crédit consenti par le FOSEP
Crédit pour réparations | Crédit pour modernisation | Crédit pour nouveaux achats | |
Montant (Dinars tunisiens) | 1 500 à 15 000 | 1 500 à 15 000 | 15 000 à 340 000 |
Intérêt annuel | 6% | 6% | 6% |
Délai de grâce | 1 an | 1 an | 1 an |
Période d'amortissement | 50 000 dinars tunisiens et plus - 12 ans Moins de 50 000 dinars tunisiens - 8 ans |
A l'heure actuelle, l'ONP a un monopole de fait de l'élevage des mollusques dans la lagune de Bizerte. Ses opérations (conduites sur 15 plates-formes de 800 mètres carrés chacune) exploitent moins de 5 pour cent du potentiel estimatif total.
Au cas où on entreprendrait un programme de développement en vue de faire accéder à la ressource, des familles locales et de petits entrepreneurs, les droits d'usage devraient être définis, peut-être grâce à un système de licences. Un tel régime devrait prévoir la limitation de la densité totale des capacités de production, afin de promouvoir une exploitation rationnelle de la lagune du point de vue de la productivité primaire. En outre, le choix des emplacements devrait être soumis à autorisation pour éviter que des plates-formes de conchyliculture ne soient installées dans les parties du lac qui sont exposées à la pollution. Enfin, la dimension des plates-formes devrait être limitée pour chaque entreprise familiale, afin de permettre à un nombre maximum de familles d'accéder à la ressource et de s'assurer, de cette manière, un revenu meilleur et permanent.
En ce qui concerne la qualité commerciale, le point capital sera l'établissement et la stricte application d'un code d'hygiène pour les produits. Ils s'agit là d'un préalable essentiel si les mollusques sont destinés à la consommation humaine et, particulièrement à l'exportation.
Quoiqu'un certain nombre de travailleurs de la zone aient été employés des années dans les installations de l'ONP, la participation des familles locales, en tant que producteurs indépendants travaillant à leur compte, nécessitera une structure de soutien du développement propre à les aider, du moins pendant les premières années, dans cette entreprise.
Outre l'organisation coopérative nécessaire pour faciliter l'acquisition des inputs et la commercialisation, on aura besoin d'un programme d'assistance technique en vue d'enseigner les techniques d'élevage appropriées aux petits producteurs. En même temps que les familles participantes recevront des avis et une formation sur le tas, le personnel technique devra surveiller les résultats obtenus et recommander des systèmes d'exploitation améliorés. Des essais effectués avec des systèmes d'élevage améliorés ou d'autres méthodes possibles pourraient conduire à une amélioration progressive des pratiques actuelles, ce qui permettrait, à la longue, de mieux adapter la conchyliculture aux conditions de milieu locales, au contexte social, aux marchés, etc.
Pour créer une structure adéquate de soutien du développement, il pourrait être nécessaire de faire appel à des compétences techniques internationales. Une équipe d'experts locaux bénéficiant d'une aide internationale pourrait utiliser les installations existantes de l'ONP à Menzel Jemil comme base des activités de vulgarisation, de recherche appliquée et de surveillance continue.