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DISCOURS D'OUVERTURE

par

Dr. Y. Cheneau
Chef du Service de la Santé Animale
Division de la Production et de la Santé Animales

Messieurs les experts, mes chers collègues,

Au nom du Directeur Général et du Dr. De Haen, sous- Directeur Général, chargé du Département de l'Agriculture, il m'est agréable de souhaiter la bienvenue à nos experts dont la plupart sont venus de loin pour répondre à l'invitation de la FAO. Je voudrais les remercier à l'avance de l'intérêt qu'ils manifestent à nos activités et pour leur contribution à cette réunion du comité d'experts sur les progrès réalisés dans les domaines écologiques, techniques et de développement du programme de contrôle des trypanosomoses animales africaines et la mise en valeur des zones concernées. Comme il est de coutume à la FAO, vous avez été sollicités en raison de votre compétence technique et non sur la base de considérations de représentativité nationale ou régionale. Mon souhait est que le temps précieux que vous consacrerez à cette réunion servira à tracer les grandes lignes d'orientation future de notre Programme Trypanosomose.

Il est indéniable qu'un besoin pressant se fait sentir en Afrique de contenir l'infestation par la mouche tsé-tsé et de contrôler les trypanosomoses, afin de contribuer à satisfaire les besoins alimentaires des populations africaines. Comparativement à d'autres continents, l'Afrique a une population humaine relativement faible par rapport à son étendue géographique. Cependant, cette population est très inégalement répartie, à la fois d'un pays à l'autre et à l'intérieur d'un même pays. Il existe, en effet, des zones où la population est très dense et d'autres où on trouve des populations éparses. L'exode rural entraîne une augmentation de la population urbaine d'environ 7% par an, constituant un obstacle à la distribution adéquate des produits alimentaires et des services publics. Cette croissance démographique à laquelle on assiste dans certaines parties de l'Afrique sub-saharienne occasionnera, à n'en pas douter, des changements socio-é conomiques majeurs qui ne manqueront pas de transformer l'agriculture. L'urbanisation aura pour effet, notamment, de stimuler la commercialisation des produits de l'agriculture et d'accroître la demande globale des aliments, dont ceux d'origine animale.

L'augmentation de l'offre des produits de l'élevage est loin de suivre cette croissance rapide de la demande. Les statistiques de la FAO montrent que de 1970 à 1990, la croissance annuelle de la production de viandes bovine, ovine et caprine se situait en moyenne autour de 1,6%, tandis que les viandes porcine et aviaire atteignaient respectivement 3,3 et 5%. Or, une croissance annuelle globale de 4% est jugée nécessaire si on veut couvrir la demande actuelle en viande. Le décalage entre ces chiffres reflète, sans doute, des différences dans la capacité de ces systèmes de production de s'adapter au changement des conditions du marché. La volaille, les oeufs, le porc et, à un moindre degré, les produits laitiers tendent à s'adapter relativement mieux aux changements du marché en dépit leur dépendance vis-à-vis de la technologie et des intrants. Au contraire, le passage des productions bovines, ovines et caprines d'un mode d'élevage extensif à un mode intensif ne peut être opéré que progressivement et lentement. Les estimations de la FAO indiquent que, vers l'an 2010, sur une production totale de viande, en Afrique sub-saharienne, de 8,9 millions de tonnes, le tiers environ sera constitué de viande porcine et aviaire. Cette proportion était de 18% en 1969/71 et de 28% en 1988/90. On voit que la part de la production de viande de ruminants diminue donc rapidement.

L'élevage des ruminants a depuis toujours été principalement conduit dans les régions arides et semi-arides. Les principales zones de pâturage dans ces régions ont tendance à se dégrader, alors que les terres cultivées occupent de plus en plus d'espace. Ceci constitue une menace pour les systèmes pastoraux traditionnels, en raison de la rareté des ressources alimentaires et hydriques, cependant que la mutation vers des productions mixtes culture-élevage se heurte aux contraintes climatiques et notamment à l'aridité des terres.

Néanmoins, dans les régions de hauts plateaux, ainsi que dans les plaines bénéficiant d'une pluviométrie suffisante, l'agriculture mixte est essentielle pour une contribution substantielle de l'élevage des ruminants à la production. Cependant, la dynamique des fermes mixtes où l'on pratique élevage et culture demeure imparfaitement comprise et maîtrisée. La gestion de ce type de fermes suppose une capacité de rotation des cultures, d'adaptation de l'élevage et du travail, une meilleure compréhension des opportunités du marché ainsi que de la disponibilité des technologies et des fonds pour l'investissement. Ceci s'applique particulièrement aux zones sub-humides où l'agriculture mixte se trouve à son premier stade de développement et où elle sera appelée à jouer un rôle majeur dans l'avenir.

Dans ces zones, la température et l'humidité offrent les conditions favorables à la persistance des maladies à transmission vectorielle et aux autres maladies parasitaires du bétail, réduisant sensiblement la productivité. Les pertes annuelles associées aux maladies, atteignant 4 milliards de dollars EU en Afrique sub-saharienne, représentent l'équivalent d'environ un quart de la valeur totale des productions de l'élevage. Les pertes directes engendrées par la seule trypanosomose bovine, transmise par la mouche tsé-tsé, seraient de 0,6 à 1,2 milliard de dollars EU par an. On peut, dès lors affirmer qu'une intégration harmonieuse des secteurs de l'agriculture et de l'élevage ne sera pas réalisable en pratique en l'absence d'interventions stratégiques visant à enrayer la trypanosomose et d'autres maladies parasitaires.

Le contrôle effectif des maladies animales est entravé par un certain nombre de facteurs. Les contraintes majeures sont matérialisées par l'incapacité dans laquelle se trouvent de nombreux pays de l'Afrique sub-saharienne à assurer des mesures de surveillance et de contrôle et des interventions vétérinaires adéquates. Eu égard à la tendance actuelle vers la privatisation des services vétérinaires et à l'introduction de la notion de recouvrement des coûts investis dans la santé animale, les éleveurs sont de plus en plus conscients qu'ils doivent assumer un rôle déterminant dans la lutte contre les maladies animales.

Ceci est en parfait accord avec les progrès récents réalisés dans le domaine du contrôle de la mouche tsé-tsé, qui devraient, maintenant, impliquer les communautés rurales. De nouvelles techniques, simples et non nuisibles à l'environnement, telle que l'utilisation des pièges et des leurres ou l'épandage d'insecticides sur les animaux, sont de plus en plus utilisées pour faire baisser la population de la mouche tsé-tsé et, partant, ramener le niveau de transmission de la maladie à un seuil acceptable. Cependant leur efficacité varie en fonction de données locales et des indications préliminaires suggèrent qu'un contrôle de la maladie, techniquement et économiquement optimal ne serait concevable que dans et autour des terres où l'agriculture est productive.

Pour ces raisons, les priorités et les stratégies de production et de santé animale devraient être orientées vers l'utilisation optimale des ressources naturelles et l'intensification de l'agriculture, en mettant l'accent sur le développement des exploitations mixtes agriculture-élevage qui devraient permettre d'augmenter la productivité tout en améliorant les conditions socio-économiques de la population. On admet que les opportunités immédiates les plus prometteuses pour l'amélioration des productions issues des ruminants sont offertes par ces zones de la zone sub-humide où la pression démographique pousse à une transformation des systèmes de production, entraînée par la demande, et où les changements physiques du paysage naturel permettent de concevoir un système de contrôle efficace et durable des maladies parasitaires.

Voilà pourquoi j'aimerai vous rappeler, messieurs les experts, combien il est important de débattre de tous les aspects écologiques, techniques et de développement en relation avec le sujet et de formuler des recommandations à la FAO qui lui permettraient de renforcer son action en vue de mieux servir ses pays membres dans la conception, la préparation, l'application et le suivi des programmes de contrôle de la trypanosomose animale africaine et la mise en valeur des zones concernées. En somme, le problème d'une agriculture viable, compatible avec le développement rural en Afrique sub-saharienne ne manquera pas d'être soulevé et débattu.

Je relève, au vu du programme de cette réunion que le comité d'experts doit, en 3 jours seulement, traiter d'un grand nombre de questions, disséquer un grand nombre de problèmes et leur proposer des solutions. Je ne doute pas, en raison de l'ampleur des domaines d'expertise couverts par ses membres, que ce comité n'aura aucun mal à porter un regard critique et nouveau sur notre Programme Trypanosomose et à formuler des recommandations pratiques pour une approche rationnelle des problèmes. Ceci débouchera, je l'espère, sur une identification précise des actions à entreprendre en vue d'une utilisation optimale des ressources dans les zones affectées par la mouche tsé-tsé.

Je vous souhaite beaucoup de succès dans vos travaux.


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