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Ressources génétiques d'essences arborescentes des zones arides et semi-arides

F.R. Bach

Le présent article, qui fait suite à une analyse parue dans Unasylva, 33(133) (Palmberg, 1981), porte essentiellement sur l'état d'avancement d'un projet de longue durée visant à utiliser les ressources génétiques d'essences arborescentes des zones arides et semi-arides pour améliorer la vie rurale. Ce projet est un exemple d'approche systématique à la conservation des ressources génétiques forestières.

Frans Richard Bach est actuellement spécialiste des forêts auprès de l'Organisme danois pour les forêts et la nature à Hørscholm (Danemark). Il a travaillé auparavant comme cadre associé à la Sous-Division de la mise en valeur des ressources forestières, Département des forêts de la FAO.

La pression croissante exercée sur les terres arides et semi-arides et leur progressive désertification sont une menace pour les réserves génétiques d'essences arborescentes de ces zones. Ces phénomènes interviennent à un moment où il est plus que jamais nécessaire de pouvoir compter sur la diversité génétique de ces essences. La disponibilité d'un matériel génétique approprié, jointe à une meilleure connaissance des variations intraspécifiques qui les caractérisent, est la condition préalable d'une utilisation optimale de ces essences - qui consiste à assortir les provenances avec les sites et avec les utilisations finales (FAO, 1981; Palmberg, 1981).

Zone aride dans l'ouest de l'Etat d'Haryana (Inde). La pluviométrie annuelle dans cette zone est de 250 mm

Le Département des forêts de la FAO s'emploie activement, en collaboration avec les instituts nationaux des pays en développement, à promouvoir la prospection, la conservation et une meilleure utilisation des ressources génétiques des essences arborescentes des zones arides et semi-arides. Des activités de ce genre figurent aussi, quand les circonstances s'y prêtent, dans divers projets de terrain de la FAO. Par exemple, le projet dé mise en valeur des ressources génétiques d'arbres polyvalents dans l'Afrique soudano-sahélienne collabore avec les gouvernements des pays concernés, le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) et l'Office intergouvernemental pour la lutte contre la sécheresse et pour le développement (IGADD) en vue de fournir une assistance technique à 17 pays de l'Afrique de l'Ouest et de l'Est. Le projet a préparé ou contribué à la préparation de documents de projets pour des programmes d'amélioration génétique entrepris dans la région, a organisé des réunions et des ateliers visant à développer des activités de réseaux et a préparé des guides techniques et des manuels sur la conservation génétique et sur la collecte et la manutention des semences (de Framond, 1990). Le projet FAO/PNUE sur la conservation in situ des ressources génétiques forestières, dont les opérations se sont déroulées entre 1985 et 1989, a mis au point des activités pilotes dans un certain nombre de pays et de régions.

Le projet dans son contexte

Au début des années 70, selon l'opinion la plus répandue, la meilleure façon de résoudre la crise du bois de feu dans le monde en développement consistait à créer de grandes plantations d'essences à croissance rapide. Les limitations de cette approche sont toutefois bien vite apparues et le Groupe FAO d'experts des ressources génétiques forestières a, dès ses troisième et quatrième sessions tenues respectivement en 1974 et 1977, demandé que soient prises d'urgence en considération des espèces arborescentes à croissance plus lente se prêtant à des usages multiples, par exemple pour la production de bois de feu et de fourrage, la stabilisation du sol, l'ombrage et les abris, et la ligniculture. Le Groupe a recommandé que l'on s'intéresse tout spécialement aux essences des zones arides et semi-arides, où la fragilité de l'environnement et la pression démographique croissante mettaient le plus gravement en péril la base de ressources et les réserves génétiques.

Se fondant sur les recommandations du Groupe d'experts, le projet sur les ressources génétiques des espèces arborescentes des zones arides et semi-arides et l'amélioration de la vie rurale a été lancé en 1979 (FAO, 1974; FAO, 1977; Palmberg, 1981). De 1979 à 1985, le projet a bénéficié d'une aide financière du Conseil international des ressources phytogénétiques (CIRP); après 1985, il s'est poursuivi grâce à des fonds provenant du Programme ordinaire de la FAO.

Le projet a pour objectif général de rassembler des informations et du matériel génétique en vue de la conservation, de l'évaluation et de la caractérisation d'essences des zones arides et semi-arides présentant une importance vitale pour les communautés rurales; les essences arborescentes robustes sont en effet parfois leur seule source de fourrage, de bois de feu et de bois de construction. Le but final du projet est d'améliorer et de rationaliser l'utilisation des ressources génétiques sur une base durable. D'autre part, le projet devrait aider à mettre en place un réseau autonome de centres conduisant des activités de conservation et de collecte de semences des essences en question (FAO, 1981; Palmberg, 1983; 1984).

Exécution du projet

La phase initiale du projet, qui s'est déroulée de 1979 à 1980, a consisté à étudier sur le terrain la nécessité et la possibilité d'entreprendre un programme coopératif de conservation des ressources génétiques d'espèces arborescentes des zones arides et semi-arides en Amérique latine, en Afrique, en Inde et dans le sud-ouest de l'Asie. Neuf pays - Australie (collecte/conservation seulement), Chili, Inde, Israël, Mexique, Pérou, Yémen, Sénégal et Soudan - ont été retenus pour constituer le premier noyau de participants (ils travaillent encore activement au projet, et 19 autres pays se sont joints à eux).

L'enquête devait réunir des informations sur les institutions participantes, sur l'état de conservation et le stade de prospection des essences prioritaires (principalement Acacia et Prosopis, suivant la définition donnée par le Groupe des ressources génétiques et par les pays participants), sur la nécessité de poursuivre les activités de conservation et de projection, les recherches concernant des utilisations spécifiques par espèces, la capacité de stockage et de manutention des semences disponibles dans les pays, le type et l'importance de l'aide extérieure nécessaire (FAO, 1980).

Prospection et collecte

La phase opérationnelle du projet a commencé en janvier 1981, avec la prospection et la collecte de matériaux de reproduction des essences et des provenances d'arbres identifiées durant la première phase. Les zones considérées pour ces activités étaient celles qui recevaient moins de 500 mm de précipitations par an, ainsi que certaines zones de régions tropicales saisonnièrement sèches qui, en moyenne, ne reçoivent pas de pluie pendant au moins six mois de l'année (Palmberg, 1981).

A la suite de ce travail de prospection, la FAO a fait paraître diverses publications sur la taxonomie d'Acacia et de Prosopis (FAO, 1983a; 1983b), et les informations de base nécessaires pour la phase de collecte des graines ont été rassemblées. Ces informations ont été complétées pendant la collecte.

Tous les pays ont récolté des graines des essences Acacia et Prosopis dans des peuplements naturels ou naturalisés sélectionnés; au Mexique, des graines de Cercidium et Chilopsis spp. ont également été recueillies. Tous les lots de graines ont été récoltés suivant les directives de la FAO, et les renseignements ont été soigneusement consignés dans un formulaire normalisé (voir tableau 1). D'après ces directives, la collecte des graines devait se faire sur un minimum de 20 arbres, bien espacés et par provenance afin d'éviter toute parenté génétique avec les arbres mères (Palmberg, 1983; FAO, 1988). Dans les pays, des instituts locaux se sont chargés de la collecte des semences; dans certains cas (Australie, Afrique de l'Ouest, Amérique centrale), l'Organisation pour la recherche scientifique et industrielle du Commonwealth (CSIRO), le Centre technique forestier tropical (CTFT) et l'Institut des forets du Commonwealth (CFI) d'Oxford ont également prêté leur concours. A la fin de 1987, 1600 kg de graines bien documentées, représentant au total 281 provenances et 43 espèces, avaient été récoltés (voir tableau 1).

Les lots de semences récoltés ont été entreposés au Centre de semences forestières du DANIDA (Danemark). De son côté, le CSIRO a récolté et entreposé des graines d'Acacia aneuria provenant de 12 emplacements en Australie, et des provenances d'A. cowleana et d'A. holosericea; il les a mises à la disposition du projet (Midgley et Gunn, 1985).

Distribution de semences et mise en place des essais

En 1983, ont débuté les envois de lots de semences à divers instituts, universités, services forestiers nationaux et instituts de recherche forestière, à la FAO et à des projets de terrain bilatéraux, ainsi qu'à quelques ONG, afin d'organiser les essais dans les huit pays participants. Le choix des sites de plantation et des provenances à tester a été fait sur la base d'une comparaison entre les conditions existant sur le site d'origine et celles du site des essais, et de l'utilisation prévue pour les plantations. Dans la plupart des cas, les essais ont porté sur une combinaison de provenances exotiques, mais des provenances et essences locales ont toujours été également incluses dans les essais, le principe étant que les essences introduites ne devraient recevoir la priorité dans les programmes de plantation que si elles se montraient vraiment supérieures aux essences et provenances locales cultivées les mêmes conditions en vue de toutes les utilisations spécifiées (Palmberg, 1981).

TABLEAU 1. Récolte de graines 1981-1987*


Pays fournisseurs

Essences

Nombre de lots de semences récoltés

Nombre de provenance récoltés

ARGENTINE

CHILE

INDE

ISRAEL

MEXIQUE

NIGER

PAKISTAN

PEROU

SENEGAL

SOUDAN

YÉMEN

Total

357

281

3

52

53

4

38

13

21

38

29

24

6

Acacia albida

12

6




2





4



A. berlandieri

8

5





5







A. caven

6

4


6










A. ehrenbergiana

2

2






2






A. farnesiana

16

12





12







A. nilotica

10

9






1

7




1

A. nilotica var. adansonii

2

1








1




A. nilotica adstringens

2

2










2


A. nilotica indica

15

13


13










A. nilotica indica cupressiformis

8

7



7









A. nilotica indica jacquemontii

12

12



11



1






A. nilotica indica var. vediana

7

6



6









A. nilotica nilotica

5

4










4


A. nilotica ssp. tomentosa

16

10









4

6


A. polyacantha

1

1






1






A. raddiana

14

7




1


1



5



A. senegal

43

27



5



4

4


10

3

1

A. tortilis

8

5



3

1







1

A. tortilis raddiana

7

7









1

6


A. tortilis ssp. spirocarpa

5

3










3


Atriplex repanda

9

9


9










Balanites aegyptica

6

6








4

2



Bauhinia rufescens

1

1






1






Cercidium microphyllum

1

1





1







Cercidium praecox

1

1





1







Ficus salicifolia

1

1






1






Molluga nudicaulum

1

1






1






Prosopis sp.

9

8


1



7







P. affinis

1

1







1





P. alba

7

7

2

5










P. alba var. panta

1

1

1











P. chilensis

9

9


9










P. cineraria

23

18



8




9




1

P. flexuosa

7

6


6










P. glandulosa juliflora

1

1





1







P. glandulosa var. torreyana

12

10





10







P. juliflora

1

1





1







P. lampa

1

1


1










P. pallida

43

36








36




P pallida var. armata

2

1








1




P. siliquastrum

7

7


7










P. tamarugo

13

10


10










Ziziphus mauritiana

1

1






1






*Graines entreposées par le Centre de semences forestières du DANIDA.
Source: FAO, 1985; 1988.

TABLEAU 2. Distribution de semences 1983-1989*


Pays destinataires

Espèces

Nombre de provenances reçues

Argentine

Brésil

Bolivie

Bourkina Faso

Cap-Vert

Chili

Danemark

El Salvador

France

Inde

Israël

Jordanie

Kenya

Mali

Mexique

Niger

Pakistan

Pérou

Portugal

Senegal

Sierra Leone

Soudan

Suède

Thaïlande

Tunisie

Royaume-Uni

Yémen

Total

834

36

21

7

44

2

49

24

1

47

81

7

3

49

20

48

7

118

16

16

39

1

31

2

1

35

101

28

Acacia albida

22


1


3



1



4





3


3

1



1

1

1



1

2

A. berlandieri

7


1

1



1




1







2









1


A. farnesiana

18

1

1

1



2

2






7




2









2


A. nilotica

45

3

1




5



3

7





3


8



1


1



3

8

2

A. nilotica adstringens

9


1





1


1





1


2








1

2



A. nilotica indica

24






1



3







3


6







2

9


A. nilotica indica cupressiformis

24


1







2

3







5



2





2

7

2

A. nilotica indica jacquemontii

44

1

2




1

3


5

2



4


1


4

2


3


2



2

12


A. nilotica indica var. vediana

19


1







3

2







3

1


1





2

6


A. nilotica ssp. tomentosa

36

1

1




2

3


1

3



3


3


3

2


2


2



4

6


A. raddiana

25

1

1




1

1


1

3



2


2


2

2


1

3





4

1

A. senegal

99

3

1


17


12

2


7

8





5


19

1

1

1




5

12

5


A. tortilis

37

2



5


3

1


3






4


4

2


4


4




4

1

A. tortilis raddiana

29

1

1

1

4



3


1

4



2


1


4



1






4

2

A. tortilis ssp. spirocarpa

16

1

1


2





1

2





1


2



1





2

2

1

Atriplex repanda

27

2


1







1





4


1

1

3

7


4





3

Balanites aegyptica

3




1















2









Cercidium microphyllum

2






1





















1

Cercidium praecox

3






1











1










1

Prosopis sp.

20




3


8




4






2

3











P. alba

5












1





2



2








P. alba var. panta

1




















1








P. chilensis

53

2

1


7

2


1



5

2


7

6

2

2

7

1


2


2

1



3


P. cineraria

118

4

1




7

1


13

11



11

6

6

2

14

2

4

6


8


1

3

13

5

P. flexuosa

11

2

1








1





2

1

3








1



P. glandulosa juliflora

4

1

1


1





















1



P. glandulosa var. torreyana

13

2

1

1







3



1

2



2








1



P. juliflora

8

1

1


1



1










1


1






1

1


P. lampa

1

















1











P. pallida

57

4

1

1



4

2


2

11



12

6

5


4


3







2


P. siliquastrum

4



1














3











P. tamarugo

38

3






1

1


5

5

2

2



4

1

4

1


4



3


2


Ziziphus mauritiana

1




















1








*Semences entreposées par le Centre de semences forestières du DANIDA.
Source: FAO, 1988 (données mises à jour).

Les directives élaborées par la FAO concernant l'organisation des essais prévoyaient des blocs aléatoires complets composés de parcelles de 36 arbres (6 x 6) avec un écartement de 3 m x 3m et quatre répétitions. Ce plan avait comme avantage qu'il se prêtait à des situations expérimentales très diverses et qu'il facilitait l'analyse et l'interprétation des résultats des essais, même en cas d'échec d'une ou de plusieurs populations (Burley et Wood, 1976). Pour limiter les variations environnementales à l'intérieur des essais, on a évité les essais trop vastes, et le nombre de provenances a été au maximum de 25 par essai. Des formulaires normalisés avaient été préparés par la FAO pour enregistrer toutes les données concernant la mise en place des essais (FAO, 1982).

A partir de 1985, il est devenu évident que la quantité de graines récoltées était plus que suffisante pour les essais à effectuer dans les huit pays d'origine (à l'exclusion du neuvième pays, l'Australie); la distribution a été élargie à 19 autres pays pour qu'ils conduisent des essais, et à 4 pays développés pour qu'ils effectuent des recherches en laboratoire et les transmettent à des projets bilatéraux (voir tableau 2). C'est ainsi qu'une partie des graines envoyées au Royaume-Uni a été utilisée pour des essais en champ au Nigéria; une autre expédition à destination du Royaume-Uni a été utilisée par un étudiant de l'Université de Bangor pour une recherche en laboratoire. Des graines sont encore disponibles aux fins d'expérimentation et de conservation, si d'autres pays et instituts sont intéressés.

Le Sénégal et l'Inde ont tous deux fourni beaucoup de semences pour le projet et en ont aussi reçu de grandes quantités pour l'organisation d'essais en champ. Une brève description de leurs efforts est donnée ci-après à titre d'exemple, pour illustrer le travail accompli par les pays participants.

Au Sénégal, le projet est exécuté par l'Institut sénégalais de recherches agricoles et par la Direction des recherches sur les productions forestières (ISRA/DRPF). La collecte des graines s'est tout d'abord effectuée dans la moitié nord du pays, dans une zone qui s'étend depuis Thiès et touche en divers endroits le bassin du fleuve Sénégal (voir carte). L'ISRA/DRPF a organisé des essais utilisant des essences et des provenances indigènes et introduites à Bandia, au sud-est de Dakar (1984); Keur Mactar, à Kaolack (1987); Port Drame, à Kaffrine, près de la frontière avec la Gambie (1986); et Podor/Nianga, le long du fleuve Sénégal, près de la frontière avec la Mauritanie (1984). Les essais en champ réunissaient des conditions très varices, avec des pluviométries allant de 300-500 mm par an à Bandia à 150-300 mm par an à Podor (ISRA/DRPF, 1988; 1989).

Le plus important de ces essais a été celui de Bandia, où ont été testées les essences d'Acacia et de Prosopis des origines ci-après:

· Acacia nilotica (Inde, Sénégal)
· A. raddiana (Israël, Sénégal)
· A. senegal (Yémen)
· A. tortilis (Inde, Israël, Yémen, Soudan)
· A. aneura (Australie)
· A. holosericea (Australie)
· A. cowleana (Australie)
· Prosopis chilensis (Chili)
· P. cineraria (Inde)
· P. juliflora (Sénégal)

Une évaluation réalisée par l'ISRA/DRPF en 1988 et des observations faites sur le terrain à partir de 1990 semblent indiquer que les provenances locales ou les provenances indiennes des essences expérimentées sont supérieures en ce qui concerne le volume de la production, la santé, la rectilignité des tiges, etc. Par contre, les Acacias australiens et P. chilensis n'ont pas bien réussi sur cet emplacement; certaines de ces provenances ont eu une bonne croissance les premières années, mais maintenant elles ne semblent pas très bien portantes et accusent un taux élevé de mortalité. Les provenances originaires d'Israël et du Yémen sont très broussailleuses et poussent lentement, mais le taux de survie est élevé. Il convient toutefois de noter que. ces résultats ne doivent être considérés que comme indicatifs vu le jeune âge des plantations.

Acacia senegal provenant du Yémen, planté a Bandia (Sénégal) en août 1984. Date de la photo: décembre 1990

Emplacement des sites de récolte de graines et des essais conduits au Sénégal

En Inde, le projet est exécuté par l'Institut de recherches forestières (FRI) de Dehra Dun, avec la participation active de l'Institut central de recherches sur les zones arides (CAZRI), l'Institut de recherche sur la foresterie en zone aride (IAZFR) de Jodhpur (Rajasthan) et l'Institut central de recherche et de formation en matière de conservation des sols et des eaux (CSWCRTI) de Dehra Dun. Le FRI a aussi distribué des graines aux services forestiers de certains Etats, notamment Punjab, Haryana, Uttar Pradesh, Rajasthan, Goujarat, Maharashtra, Andhra Pradesh, Karnataka et Tamil Nadou. L'Université agricole du Tamil Nadou et un institut de recherche privé du Maharashtra ont aussi reçu des semences pour effectuer des essais.

Les graines d'essences et provenances indiennes ont été récoltées dans tous les Etats cités ci-dessus. Les récoltes et les essais recouvrent donc une large gamme de conditions caractéristiques des zones arides et semi-arides de l'Inde, où la pluviométrie oscille entre à peine 200 mm par an (dans certaines parties du Rajasthan) à près de 1000 mm par an (dans certaines parties du Tamil Nadou) (FRI, 1990). Il est à noter que, sur certains des sites du sud de l'Inde, les précipitations ont été ces dernières années inférieures à la normale; ainsi, sur un site du Karnataka, qui reçoit en moyenne quelque 650 mm de précipitations par an, la pluviométrie enregistrée en 1990 a été inférieure à 300 mm.

Les provenances d'Acacia originaires d'Israël et du Yémen donnent des résultats similaires à ceux qui ont été obtenus au Sénégal, c'est-à-dire qu'elles sont de petite taille et broussailleuses mais robustes. Certaines provenances du Soudan présentent aussi ce type de croissance. En revanche, dans un essai conduit dans le Tamil Nadou, Acacia tortilis et Acacia tortilis raddiana originaires du Soudan semblent donner des tiges plus droites et des volumes plus importants. Acacia holosericea vient très bien sur un site du Tamil Nadou, tandis qu'Acacia aneura semble avoir moins de succès dans le sud de l'Inde. Là encore, les résultats doivent être considérés comme indicatifs.

Des lots supplémentaires de semences ont été récemment expédiés en Inde et des essais complémentaires sont actuellement mis en place.

Evaluation

Comme les essais avancent dans les pays participants, on pense à la prochaine étape du projet, qui est la mise au point d'une méthode d'évaluation permettant une comparaison générale des résultats. Cette évaluation «globale» conduira à des conclusions sur la base desquelles on pourra identifier les provenances prioritaires à utiliser dans de futurs efforts de conservation et, grâce à une meilleure connaissance de la variation et des modèles de variation de chaque essence, ainsi que de l'adaptabilité de provenances déterminées à toute une gamme de conditions écologiques, il sera plus facile d'assortir les provenances, les sites et les utilisations finales.

En 1989, la FAO s'est adressée, dans 26 pays, à 42 instituts et projets qui avaient mis en placé des essais à partir de 1984-1988, pour voir s'ils seraient désireux de participer à une évaluation d'ensemble du projet. Trente neuf des instituts contactés ont indiqué qu'ils étaient disposés à collaborer au cours des deux à trois années suivantes et ont d'une manière générale fait savoir que le nombre d'essais réussis serait suffisant pour permettre la réalisation d'une évaluation globale. Le Centre de semences forestières du DANIDA a accepté de fournir une aide technique et financière pour l'évaluation des essais, à laquelle collaboreraient des instituts des pays concernés et la FAO.

Comme l'indique son titre, le projet a pour principal objectif «l'amélioration de la vie rurale». C'est pourquoi les essences étudiées ont toutes une valeur socio-économique, et la plupart d'entre elles de multiples utilisations finales, concrètes ou potentielles. Pour en évaluer la productivité, il faut donc prendre également en compte divers produits, par exemple la production de biomasse ligneuse utilisable comme bois de feu (kilogrammes par an et par hectare, et pouvoir calorifique), le volume de fourrage tiré des feuilles et des gousses et sa valeur nutritionnelle, ainsi que l'époque de production du fourrage. L'époque est en effet particulièrement importante car des essences et provenances d'arbres qui produisent un fort volume de fourrage de bonne qualité pendant la saison des pluies, c'est-à-dire quand il est facile de trouver d'autres ressources en fourrage, présenteront moins d'intérêt que celles qui produisent un volume plus faible de fourrage de moins bonne qualité mais pendant la saison sèche, c'est-à-dire quand les autres sources d'approvisionnement sont rares. Les autres facteurs importants à prendre en considération sont les possibilités d'utilisation sous forme de haies vives et de brise-vent, la production de gomme (principalement pour Acacia senegal), la production de poteaux de construction et de clôture, l'aptitude à bonifier le sol, spécialement par fixation de l'azote. Ces différentes considérations figuraient déjà dans les directives d'évaluation fournies à l'origine par la FAO aux pays participants (FAO, 1982).

Il faut aussi tenir compte des méthodes d'évaluation utilisées dans d'autres projets en cours d'exécution, par exemple pour les essais internationaux d'essences feuillues des zones arides de l'Amérique centrale, que coordonne l'Institut des forêts du Commonwealth (Stewart, 1989).

La mise au point de la méthodologie de l'évaluation se fait actuellement au moyen d'évaluations pilotes conduites en collaboration avec les instituts participants de trois pays où il existe des essais complets et bien entretenus: le Sénégal, l'Inde et le Pakistan. Les évaluations pilotes faites au Sénégal et en Inde sont brièvement décrites ci-après (Bach, Graudal et Moestrup, inédit).

Prosopis cineraria provenant de l'Etat d'Haryana (Inde), planté a Bandia (Sénégal) en août 1984. Date de la photo: décembre 1990

Evaluation pilote au Sénégal: essai de Bandia, novembre-décembre 1990. Trois évaluations fondamentales ont été faites dans le cadre de cet essai:

· Etude phonologique. Elle couvre des observations du stade et des conditions des feuilles, des fleurs et des fruits.

· Mensurations. Elles comprennent: hauteur verticale, longueur de la tige la plus longue, diamètre à 0,3 m de hauteur des trois tiges les plus grosses, nombre de tiges à 0,3 m et à 1 m de hauteur (pour indiquer si l'arbre est broussailleux et, partant, s'il peut être utile comme haie vive) et rectilignité (nombre de tiges utilisables comme bois de construction).

· Analyse de la valeur fourragère des gousses. Des échantillons de gousses ont été recueillis et envoyés à la section élevage de l'ISRA pour analyse (teneur en matière sèche, matière organique, azote total, lignine, calcium, phosphore, quantité totale d'éléments nutritifs digestibles et portions résiduelles). D'autre part, la valeur nutritive sera estimée in vitro par la méthode in sacco (des échantillons de gousses et de feuilles sont insérés dans le rumen d'une vache vivante, et la dégradation du fourrage est suivie à intervalles réguliers).

Essence australienne d'Acacia aneura, plantée au Karnataka (Inde) en septembre 1985, présentant un phénotype broussailleux. Date de la photo: mars 1991

Evaluation pilote en Inde: essai de Jodhpur (Rajasthan), mars 1991. Cet essai a été organisé en 1984 par le CAZRI et comprend huit provenances d'Acacia nilotica, trois provenances d'Acacia raddiana, deux provenances d'Acacia senegal et trois provenances de Prosopis cineraria.

L'évaluation pilote faite à Jodhpur est centrée sur l'établissement d'une régression de la biomasse, c'est-à-dire de la biomasse exprimée en poids sec des arbres en fonction de caractères, tels que la hauteur et le diamètre, mesurés directement en champ (Stewart, 1989). Des mesures du diamètre, de la hauteur verticale et de la largeur de la couronne ont été effectuées et le nombre de tiges a été compté.

Les évaluations pilotes ont, comme on s'y attendait, mis en évidence un certain nombre de difficultés. Par exemple, quelques-uns des arbres étudiés étaient extrêmement broussailleux et épineux, ce qui rendait impossible ou du moins sans intérêt des mesures traditionnelles telles que la hauteur et le diamètre. C'était notamment le cas avec les provenances d'Acacia senegal du Moyen-Orient. Etant donné que, pour ces essences, la production de gomme sera probablement le principal objectif, il faudra mettre au point une technique spéciale pour observer ce caractère.

Acacia senegal provenant du Yémen, établie au Karnataka (Inde) en septembre 1985. Date de la photo: mars 1991

Evaluation pilote en Inde. La mise au point de la régression de la biomasse a nécessité un échantillonnage destructif, c'est-à-dire que certains arbres ont dû être abattus, coupés et mesurés afin qu'on puisse calculer le volume exact de la biomasse. A l'avenir, il sera peut-être possible, sur la base des résultats de cette expérience, d'élaborer une formule mettant en relation la biomasse avec d'autres caractères, ce qui permettrait d'effectuer des mesures sur le terrain sans abattre les arbres.

A partir des évaluations pilotes faites au Sénégal, en Inde et au Pakistan, on s'emploie actuellement à mettre au point une méthodologie qui permettra de faire une évaluation d'ensemble des essais organisés dans le cadre du projet et qui sera appliquée d'ici deux à trois ans.

Conservation

Les résultats des essais complets de provenance n'auront toutefois que peu de valeur si les provenances étudiées ont disparu au moment où l'évaluation est achevée. Pour limiter ces risques, les pays qui collaborent au projet ont demandé qu'une priorité élevée soit attribuée à la conservation grâce aux mesures suivantes:

· récolter le plus de matériel de reproduction possible dans les peuplements risquant de disparaître ou d'être fortement décimés dans un proche avenir (conservation ex situ);

· sauvegarder les peuplements dans lesquels des récoltes de provenances ont été effectuées, au moins jusqu'à ce qu'on connaisse les modèles de variation et l'intérêt potentiel des diverses provenances (conservation in situ).

Les essais d'essences et de provenances peuvent aussi, dans une certaine mesure, être considérés comme des peuplements de conservation. Toutefois, le nombre relativement restreint de génotypes limitera ce type d'emploi. De plus, compte tenu du risque d'hybridation entre essences et entre provenances, il ne sera pas possible de récolter des graines provenant des essais. Il est donc recommandé, une fois que l'on aura identifié dans chaque pays les meilleures provenances, d'acheter d'autres semences (actuellement entreposées) pour établir localement des peuplements semenciers qui serviront de peuplements de conservation ex situ. Ces peuplements devront être constitués chacun d'une seule provenance, être suffisamment étendus (de 8 à 10 ha) pour contenir une base génétique large, et être isolés de toute contamination par du pollen d'autres essences et provenances hybridantes (FAO, 1988).

Activités futures

Quand on disposera des résultats de l'évaluation, on passera à l'étape suivante qui concerne leur application. Il s'agira de créer des peuplements de conservation in situ et ex situ de provenances utiles et, finalement, d'assurer l'utilisation à plus grande échelle de provenances appropriées.

Il est probable que l'évaluation suscitera de nouvelles activités de recherche. Etant donné qu'il est possible d'aménager un peuplement d'arbres polyvalents pour en obtenir du fourrage, du bois de feu ou pour d'autres usages, il faudra, au moment de la sélection des essences et des provenances, établir des priorités. Les conditions d'aménagement devront être fixées en fonction des caractéristiques des essences, ainsi que des utilisations finales. Les résultats des essais conduits actuellement pourraient aider à identifier les provenances qui méritent d'être testées dans des conditions d'aménagement spécialisées et au moyen de nouveaux essais.

Le DFSC continue de distribuer des semences dans le cadre du projet. Les semences seront utilisées pour créer des peuplements de conservation ex situ, des peuplements de production de graines in situ, ou pour conduire des essais plus spécialisés comme on vient de le dire. La mise en place d'essais suivant les directives initiales (FAO, 1982) se poursuit également dans des régions où l'on doit réunir d'autres renseignements concernant les performances des diverses essences et provenances.

Conclusion

Les essences étudiées dans le cadre de ce projet ne représentent qu'une minime partie de celles qui mériteraient une attention urgente, et le nombre de pays et d'institutions qui collaborent directement à ce travail est sans aucun doute restreint. Toutefois, le projet continue d'exercer une action catalysatrice et montre à quel point il est important de rassembler du matériel génétique et des renseignements sur les essences ligneuses des zones arides et semi-arides. Il est aussi la démonstration concrète d'une façon de faire face à un défi bien plus vaste: la conservation de notre patrimoine de ressources génétiques et l'utilisation de ces ressources pour l'amélioration des conditions de vie, en particulier des communautés rurales.

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