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CHAPITRE 5
Programmes d'élevage sélectifs simples destinés à améliorer le taux de croissance et d'autres phénotypes quantitatifs

Même si les programmes d'élevage sélectif peuvent concerner toutes sortes de phénotypes de production, ils servent avant tout à améliorer le taux de croissance. L'amélioration du taux de croissance réduit le temps que met un poisson pour atteindre sa taille marchande. L'exploitant peut donc faire davantage de récoltes en une période de temps donnée, et donc plus de bénéfices. Cela a aussi pour effet d'accroître le rendement, la productivité, le volume d'aliments produit et, par conséquent, les revenus de l'exploitant. De surcroît, l'augmentation du taux de croissance contribue souvent à améliorer d'autres phénotypes de production par le biais de la sélection indirecte. Certaines études ont en outre montré que les poissons qui se développent plus vite ont également un meilleur indice de transformation et semblent mieux résister aux maladies.

La sélection peut servir à améliorer d'autres phénotypes quantitatifs, pour peu que cela ait une incidence positive sur la productivité ou les bénéfices. Dans la plupart des cas, quelle que soit leur importance, ces phénotypes ne sont cependant pas aussi importants que le taux de croissance. Il arrive qu'on soit obligé d'avoir recours à un programme d'amélioration autre que la sélection pour atteindre l'objectif primordial. Ainsi, pour ce qui concerne l'élevage du tilapia, cet objectif consiste dans la maîtrise de la reproduction dans les étangs d'affinage, qui ne peut être obtenue que par hybridation interspécifique et/ou “réversion” sexuelle; s'agissant de l'élevage de la carpe de roseau aux Etats-Unis, l'objectif principal consiste dans la production de poissons stériles, ce qui oblige à recourir à la manipulation chromosomique.

Le présent chapitre a pour objet de présenter des programmes d'élevage sélectif simples et relativement peu coûteux, susceptibles d'être mis en oeuvre dans des fermes piscicoles disposant d'environ 2 hectares d'étangs. On y donne des exemples du genre de données qu'il faut rassembler et de fiches où elles peuvent être consignées. On a choisi de ne pas y traiter des programmes d'élevage sélectif qui sont fondés sur la sélection en tandem ou la détermination d'un indice de sélection, ou encore qui associent la sélection et le croisement, l'autofécondation ou divers autres aspects de la biotechnologie tels que la manipulation chromosomique.

Dans le cadre de la description de ces programmes d'élevage sélectif simples, on indique le nombre d'étangs nécessaires pour élever les poissons qui feront l'objet d'une évaluation. Dans ce nombre n'est pas inclus celui des étangs dont il faut disposer pour y placer ou y faire frayer les géniteurs. De plus, le présent chapitre n'aborde pas la question des installations auxiliaires indispensables (réservoirs-viviers, écloseries, tables de comptage, etc.).

Les programmes d'élevage sélectif qui sont évoqués dans le présent chapitre ont comme principal objectif d'améliorer le taux de croissance par le biais d'une sélection portant sur la longueur. Comme cela a été mentionné au chapitre 4, on peut améliorer la croissance par une sélection portant sur la longueur ou sur le poids. La plupart des exploitants devraient cependant procéder à une sélection en fonction de la longueur, vu qu'il est incomparablement plus facile de mesurer que de peser avec précision des centaines de poissons et qu'en outre bien peu d'entre eux disposent de balances précises.

Dans le présent chapitre sont donnés des exemples de programmes d'élevage sélectif destinés à améliorer deux phénotypes. En ce cas, la sélection visant à améliorer le taux de croissance reste l'objectif principal, mais on y ajoute un deuxième phénotype.

Les programmes d'élevage sélectif évoqués dans le présent chapitre sont destinés à être mis en oeuvre par des exploitants désireux d'améliorer génétiquement leurs stocks pour leur propre usage. Si les exploitants souhaitent mettre en train un programme d'amélioration afin de pouvoir vendre des jeunes poissons bénéficiant d'une amélioration génétique à l'appui d'une branche d'activité locale ou régionale, il faut alors augmenter l'envergure et les coûts des projets présentés, aménager davantage d'étangs, créer plus de cohortes et produire plus de géniteurs sélectionnés. En fait, il est probable que la plupart des exploitants de cette dernière catégorie adapteront la totalité de leur exploitation à la réalisation de l'objectif poursuivi et cesseront de produire des poissons comestibles.

Pour mettre en oeuvre avec succès un programme d'élevage sélectif, l'exploitant doit déterminer combien de géniteurs sélectionnés il lui faut épargner. S'il en épargne trop peu, il ne sera pas en mesure de produire suffisamment de poissons sélectionnés aux fins d'affinage. En ce cas, il lui faudra faire frayer des poissons non soumis à la sélection, ce qui ruinera tous ses efforts.

De plus, le fait d'épargner trop peu de poissons peut accentuer la consanguinité au point de provoquer une dépression consanguine. En ce cas, la plus grande partie des améliorations résultant de la sélection serviront simplement à corriger les effets de cette dépression.

Pour atténuer les risques de dépression consanguine, l'exploitant devrait au moins faire frayer 25 mâles et 25 femelles à chaque génération (il s'agit là d'une indication générale, et non pas d'un effectif à respecter impérativement). Cela signifie que l'exploitant devrait conserver au moins 100 à 200 géniteurs, pour la simple raison que certains d'entre eux mourront avant de pouvoir frayer et qu'en matière de reproduction, le taux de réussite atteint rarement 100 %. Ces principes s'appliquent aussi aux populations témoins.

Le nombre de géniteurs nécessaire est également fonction de l'envergure de l'entreprise, c'est-à-dire du nombre de jeunes poissons qui doivent être déversés dans les étangs d'affinage. Si l'exploitant conserve trop peu de géniteurs, il ne pourra pas empoissonner convenablement ses étangs d'affinage. Si la préservation d'un nombre suffisant de géniteurs sélectionnés peut poser un problème dans les grands établissements piscicoles, il n'en va généralement pas de même dans les fermes piscicoles de moyenne importance (2 ha), notamment si l'exploitant épargne au moins 100 à 200 géniteurs sélectionnés.

Les programmes d'élevage sélectif décrits dans le présent chapitre constituent des aperçus très schématiques visant à démontrer que des programmes de ce type, pour peu qu'ils soient relativement simples et peu coûteux, peuvent être mis en oeuvre par les exploitants et qu'ils s'intègrent sans difficulté dans leurs pratiques d'élevage quotidiennes, dans la mesure où ils sont convenablement exécutés. Les programmes, tels qu'ils sont présentés, n'ont aucun caractère absolu. Ils peuvent et doivent être modifiés en fonction de l'espèce considérée, des revenus de l'exploitant et de l'importance de son établissement.

Les programmes d'amélioration décrits dans le. présent chapitre concernent des espèces ne présentant pas de dimorphisme sexuel. La sélection est donc fondée sur une seule valeur limite.

Si l'espèce élevée par l'exploitant présente un dimorphisme sexuel, il est nécessaire de procéder à de légères modifications des programmes indiqués. Le dimorphisme sexuel peut compliquer la tâche du sélectionneur, car il l'oblige à déterminer le sexe des poissons et à soumettre chaque sexe à une sélection indépendante. C'est l'âge auquel le dimorphisme sexuel se manifeste qui décide de l'emploi d'une seule valeur limite ou encore de valeurs limites distinctes pour les mâles et les femelles. Chez certaines espèces, le dimorphisme sexuel apparaît précocement et il est nécessaire de fixer des valeurs limites distinctes, que la sélection intervienne au stade “jeune poisson” ou au stade “poisson comestible”. Si, par contre, le dimorphisme sexuel ne se manifeste pas chez les jeunes poissons, on peut se borner à une seule valeur limite au stade “jeune poisson”, tout en employant des valeurs limites distinctes pour la sélection intervenant au moment de la capture des poissons comestibles. Enfin, si le dimorphisme sexuel ne se manifeste pas avant l'âge auquel les poissons comestibles sont capturés, on peut s'en tenir à une unique valeur limite pendant les deux phases de sélection.

Le présent chapitre n'aborde pas la question de la création et de l'utilisation d'une population témoin aux fins d'évaluation des résultats de la sélection. A ce sujet, on se reportera au chapitre 4.

Sélection individuelle

La sélection individuelle devrait d'abord servir à améliorer le taux de croissance. C'est une méthode de sélection plus simple et moins coûteuse que la sélection familiale, du fait qu'on peut la mener à bien dans un ou deux étangs seulement et que la quantité de poissons à mesurer est beaucoup plus restreinte.

Sélection portant sur le taux de croissance

Le taux de croissance est le principal phénotype de production. Les programmes mentionnés ci-après donnent un aperçu de la façon dont la sélection individuelle peut servir à améliorer uniquement ce caractère. Dans la mesure où l'exploitant parvient à synchroniser la reproduction, il s'agit d'un mode de sélection relativement simple. Si, par contre, le frai s'effectue de façon asynchrone, il faut alors veiller à ce que les différences de taille liées à l'âge ne masquent ni ne faussent les différences de taille d'origine génétique. Si l'on ne modifie pas le programme d'élevage sélectif pour tenir compte de ce défaut de synchronisation du frai, on sera dans l'impossibilité de distinguer les poissons dont la supériorité est d'origine génétique de ceux dont la supériorité est liée au milieu (qui sont plus âgés, en l'occurrence).

Frai synchrone. Si l'exploitant est capable de synchroniser le frai et de produire au moins 25 familles en une seule journée (ou, au plus, sur une période de 48 heures), il peut alors mettre en oeuvre un programme d'élevage sélectif simple et peu coûteux dans seulement un ou deux étangs. Il doit néanmoins disposer d'un étang supplémentaire où il placera les géniteurs qu'il aura sélectionnés.

Lors de la phase initiale du programme d'élevage sélectif, il faut faire frayer les poissons en ayant recours à des techniques de gestion ordinaires. Il convient, dans la mesure du possible, de recueillir les masses ovigères et de procéder à leur incubation. Si l'incubation est habituellement assurée par les femelles dans les étangs, il faut exercer une surveillance étroite et recueillir les alevins juste après l'éclosion, dès qu'ils commencent à s'éloigner de la femelle.

Il faut si possible égaliser les effectifs des diverses familles avant de les placer en étang, de façon à éviter que les résultats de la sélection ne soient biaisés et à réduire au minimum les risques de consanguinité. Il convient en conséquence d'isoler les familles jusqu'à égalisation des effectifs. Le fait d'isoler les familles jusqu'à ce qu'elles soient placées en étang permet en outre de s'apercevoir de la décimation totale d'une ou plusieurs familles et de le consigner.

Si l'élevage des poissons se déroule de manière classique, c'est-à-dire en deux étapes (la première consistant à placer les alevins en étang et à les y laisser jusqu'à ce qu'ils deviennent de jeunes poissons, ou “fingerlings”, et la deuxième, à placer ces jeunes poissons en étang et à les y élever jusqu'à ce qu'ils deviennent des poissons comestibles), la sélection peut avoir lieu au moment de la capture des jeunes poissons et au moment où les poissons sont capturés afin d'être mis en marché; il faut en ce cas disposer de deux étangs. Si, par contre, l'élevage se déroule en une seule étape (les alevins sont placés en étang et élevés jusqu'à ce qu'ils deviennent des poissons comestibles, sans qu'on intervienne au stade “jeune poisson”), la sélection s'effectue lorsque les poissons sont capturés en vue de leur commercialisation et ne nécessite alors qu'un seul étang.

Si l'élevage se déroule en deux étapes, il convient de déverser les alevins dans un seul étang et d'employer des techniques de production normales jusqu'à ce qu'ils deviennent de jeunes poissons. Juste avant la capture, on prélève un échantillon aléatoire de 100 à 200 jeunes poissons que l'on mesure au millimètre près, de manière à déterminer la valeur phénotypique correspondant au pourcentage limite souhaité (voir figure 20). Lors de la capture des jeunes poissons, il convient d'épargner les 35 à 50 % supérieurs et de les placer dans l'étang de production de poissons comestibles. Quant aux jeunes poissons réformés, ils peuvent être engraissés en vue de leur consommation ultérieure ou vendus. Si on les élève en vue de leur consommation ultérieure, aucun d'entre eux ne doit être sélectionné comme géniteur.

Les jeunes poissons sélectionnés doivent être élevés dans des conditions d'aménagement normal de la production. Avant la capture, on mesurera au millimètre près un échantillon aléatoire de 100 à 200 poissons, afin de déterminer la valeur phénotypique correspondant au pourcentage limite souhaité. Au moment de la capture, les 10 à 20 % supérieurs seront épargnés et deviendront les géniteurs sélectionnés. Quant aux poissons réformés, on peut les manger ou les vendre.

Si l'élevage se déroule en une seule étape, il faut prélever un échantillon aléatoire de 100 à 200 poissons au moment de la récolte afin de constituer une population témoin de géniteurs F1. Cette opération doit avoir lieu avant toute sélection. Si l'élevage se déroule en deux étapes et que la sélection s'effectue lors de la capture des jeunes poissons, puis des poissons comestibles, c'est à la fin du stade “jeune poisson” qu'il convient de prélever les géniteurs F1 témoins. En effet, si l'on prélevait les géniteurs F1 témoins juste avant la deuxième opération de sélection, la population ainsi obtenue ne serait pas une véritable population témoin, puisque sa création interviendrait après une première opération de sélection.

Si l'élevage se déroule en une seule étape, il convient de placer les alevins dans le même étang et d'employer des techniques de production normales. On procède à la sélection lors de la récolte selon les indications fournies précédemment.

Ces programmes d'élevage sélectif d'une relative simplicité sont illustrés aux figures 29 et 30. La figure 29 détaille le processus qu'il convient d'adopter lorsque la sélection s'effectue en deux temps (lors de la capture des jeunes poissons et lors de la capture des poissons comestibles) et la figure 30, le processus qu'il convient d'adopter lorsque la sélection s'effectue en une seule étape, au moment de la capture des poissons comestibles.

Si les pourcentages limites mentionnés correspondent à des intervalles plutôt qu'à des valeurs précises (35 à 50 % pour les jeunes poissons et 10 à 20 % pour les poissons comestibles), c'est parce qu'il n'est pas indispensable de s'en tenir à des valeurs limites exactes. Chaque exploitant a la possibilité de décider de l'intensité de sélection qui lui convient. Il peut obtenir des améliorations plus marquées en restreignant le pourcentage de poissons épargnés; en ce cas, il lui faut veiller à éviter tout problème associé à une trop forte consanguinité et à produire assez de poissons de la génération suivante. Pour peu que les valeurs limites s'inscrivent dans les intervalles indiqués, la plupart des programmes d'élevage sélectif mis en oeuvre dans des fermes piscicoles de moyenne importance susciteront généralement peu de problèmes et donneront les résultats escomptés.

Le ou les étangs que nécessite ce genre de projet doivent avoir une superficie de 0,04 à 0,4 ha. Cette superficie est fonction de la densité d'empoissonnement et de l'intensité de sélection retenues. Une fois définis les pourcentages limites et le nombre de géniteurs sélectionnés, l'exploitant est en mesure d'en déduire la superficie d'étang nécessaire. Cela le renseignera sur la fraction de la superficie de son exploitation qu'il devra réserver à la mise en oeuvre du programme d'amélioration en question. La méthode permettant de définir la superficie d'étang nécessaire est décrite au tableau 14. Les valeurs déterminées dans ce tableau ne sont valables que pour les hypothèses indiquées.

Si l'exploitant dispose déjà d'étangs d'une superficie voisine de la superficie recommandée, il peut se dispenser de les combler et d'en aménager de nouveaux pour mener à bien un programme d'élevage sélectif. Il lui suffit d'ajuster les densités d'empoissonnement et/ou les valeurs limites afin d'obtenir les résultats escomptés. On peut utiliser les formules présentées au tableau 14 pour obtenir ces informations.

Figure 29

Figure 29. Représentation schématique d'un programme d'élevage sélectif simple et peu coûteux destiné à améliorer le taux de croissance par le biais d'une sélection en deux étapes (au moment de la capture des jeunes poissons et de la capture des poissons comestibles). Ce programme peut être mis en oeuvre dans deux étangs. Les poissons réformés au stade “jeune poisson” peuvent être vendus ou engraissés en vue de leur consommation ultérieure. Quant aux poissons qui sont réformés au moment de la récolte, on peut les manger ou les vendre comme produits alimentaires; on peut aussi en garder certains et les utiliser comme géniteurs pour obtenir des poissons de production (poissons élevés et vendus comme denrées alimentaires) si la descendance des géniteurs sélectionnés ne suffit pas aux besoins du programme d'élevage sélectif et de la production en étang.

Figure 30

Figure 30. Représentation schématique du moins coûteux des programmes d'élevage sélectif permettant d'améliorer le taux de croissance. En ce cas, les alevins sont placés dans un étang et la capture n'a lieu qu'au moment où les poissons ont atteint leur taille marchande. On procède à la sélection lorsqu'on draine l'étang et qu'on capture les poissons. Ce programme d'amélioration peut être mis en oeuvre dans un seul étang. Quant aux poissons réformés, on les utilise de la façon indiquée à la figure 29.

Tableau 14. Méthode permettant de déterminer la superficie des étangs nécessaires à la mise en oeuvre d'un programme d'élevage sélectif

Objectif :Disposer de 200 géniteurs sélectionnés.
Données préalables:Limite lors de la capture des poissons comestibles : sélectionner les 10 % supérieurs.
Limite lors de la capture des jeunes poissons : sélectionner les 50 % supérieurs.
Taux de mortalité pendant la phase “alevin” à “jeune poisson” : 50 %
Taux de mortalité pendant la phase “jeune poisson” à “poisson comestible” : 10 %
Densité d'empoissonnement dans l'étang réservé aux jeunes poissons : 200 000/ha
Densité d'empoissonnement dans l'étang réservé aux poissons comestibles : 7 000/ha
Etape 1.Combien faut-il capturer de poissons comestibles pour obtenir 200 jeunes poissons sélectionnés, dans la mesure où l'on épargne les 10 % supérieurs?
nombre de poissons comestibles capturés = effectif épargné/pourcentage épargné = 200/0,1 = 2 000
Etape 2.Combien faut-il déverser de jeunes poissons dans l'étang réservé aux poissons comestibles si le taux de mortalité s'établit à 10 % (et le taux de survie, par conséquent, à 90 %)?
nombre de jeunes poissons mis en étang = nombre de poissons comestibles capturés/taux de survie = 2 000/0,9 = 2 223
Etape 3.Combien faut-il capturer de jeunes poissons dans l'étang qui leur est réservé pour obtenir 2 223 jeunes poissons sélectionnés, dans la mesure où l'on épargne les 50 % supérieurs?
nombre de jeunes poissons capturés = effectif épargné/pourcentage épargné = 2 223/0,5 = 4 446
Etape 4.Combien faut-il déverser d'alevins dans l'étang réservé aux jeunes poissons pour obtenir 4 446 jeunes poissons, si le taux de mortalité atteint 50 % (et le taux de survie, par conséquent, 50 %)?
nombre d'alevins mis en étang = nombre de jeunes poissons capturés/taux de survie = 4 446/0,5 = 8 892
Etape 5.Quelle devrait être la superficie de l'étang réservé aux jeunes poissons, si sa densité d'empoissonnement est de 200 000/ha et qu'on prévoit d'y déverser 8 892 alevins?
superficie de l'étang à jeunes poissons = nombre d'alevins mis en étang/densité d'empoissonnement = 8 892/200 000 = 0,0446 ha (arrondi à 0,045 ha)
Etape 6.Quelle devrait être la superficie de l'étang réservé aux poissons comestibles, si sa densité d'empoissonnement est de 7 000/ha et qu'on prévoit d'y déverser 2 223 jeunes poissons?
superficie de l'étang à poissons comestibles = nombre de jeunes poissons mis en étang/densité d'empoissonnement = 2 223/7 000 = 0,3175 ha (arrondi à 0,318 ha).

Les informations obtenues au tableau 14 peuvent aussi servir à déterminer l'effectif de chaque famille. Par exemple, si l'exploitant a besoin de 8 892 alevins aux fins d'empoissonnement et qu'il ait produit 25 familles, l'effectif de chaque famille s'établira donc à 355,7 alevins par famille (8 892/25). Comme il n'est pas possible d'obtenir 0,7 alevin, il lui faudra compter 356 alevins par famille. Ce nombre étant arrondi au chiffre supérieur, il déversera par conséquent 8 900 alevins dans l'étang. S'il maintient la densité d'empoissonnement à 200 000 alevins par hectare, la superficie de l'étang réservé aux jeunes poissons ne devrait augmenter que de 0,001 ha pour tenir compte des 8 alevins supplémentaires; il n'est donc pas nécessaire d'aménager un étang plus vaste, la superficie de l'étang ayant déjà été arrondie au millième le plus proche. Le fait d'arrondir au chiffre supérieur l'effectif familial signifie en outre que la réforme initiale se traduira par 2 jeunes poissons sélectionnés supplémentaires. Cela influera peu sur la densité d'empoissonnement dans l'étang réservé aux poissons comestibles, ni ne nécessitera un étang plus vaste. Si l'exploitant ne souhaite pas modifier d'un iota la densité d'empoissonnement prévue, il a toujours la possibilité, une fois la population constituée, de réformer au hasard 2 jeunes poissons sélectionnés.

Les géniteurs épargnés doivent être placés dans un étang spécialement réservé à cette intention. Aucun autre poisson ne doit être placé avec les géniteurs sélectionnés. Parvenus à maturité, ces géniteurs se reproduiront pour engendrer la génération F1 sélectionnée. Il ne faut procéder à aucune sélection portant sur des caractères sexuels secondaires ou d'autres critères relatifs aux géniteurs avant la période de reproduction. Ce programme d'élevage sélectif a uniquement pour objet d'améliorer le taux de croissance par le biais d'une sélection portant sur la longueur. Les géniteurs ont été et doivent être sélectionnés en fonction de ce seul phénotype, à l'exclusion de tout autre critère. Ils doivent pouvoir frayer de façon parfaitement aléatoire; s'il est en outre prévu qu'ils soient appariés dans des bassins ou qu'on procède à une ponte artificielle, il importe que cet appariement s'effectue au hasard.

Si l'exploitant dispose d'un nombre suffisant de géniteurs sélectionnés, il peut les utiliser pour produire à la fois la génération F1 sélectionnée et des poissons de production (c'est-à-dire des poissons que l'exploitant place dans des étangs de production afin de les engraisser aux fins de commercialisation). Si la descendance des géniteurs sélectionnés n'est pas assez abondante pour suffire à ces deux usages, les alevins doivent d'abord servir à produire la génération F, sélectionnée; quant aux poissons en surplus, ils peuvent être engraissés en vue de leur consommation ultérieure. En ce cas, l'exploitant doit avoir recours à d'autres géniteurs (des poissons réformés lors de la sélection effectuée au moment de la récolte) pour produire des alevins destinés à assurer le peuplement des étangs de production.

On peut procéder aux cycles suivants de sélection (deuxième, troisième, etc.) de la façon décrite précédemment. Si les géniteurs sélectionnés n'ont pas une descendance suffisamment nombreuse pour satisfaire à la fois les besoins du programme d'élevage sélectif et ceux qui concernent les étangs de production, il est possible de répercuter les améliorations génétiques qui se manifestent dans la population sélectionnée chez les poissons de production à partir du deuxième cycle de sélection; en ce cas, l'exploitant utilise les poissons réformés dans le cadre du programme d'amélioration comme géniteurs destinés à engendrer les alevins nécessaires au peuplement des étangs de production. Même si ces géniteurs ont été réformés, ils l'ont été dans le cadre du programme d'élevage sélectif et comptent parmi les descendants de géniteurs sélectionnés. Cela permet à l'exploitant de transférer le gain génétique aux poissons d'élevage, avec toutefois une génération de retard. De plus, lorsqu'un exploitant remplace les géniteurs sélectionnés d'une génération donnée par leurs successeurs, il peut intégrer les premiers dans la population de géniteurs de production, qui bénéficie ainsi du gain génétique obtenu. La figure 31 illustre certaines des façons dont l'amélioration génétique peut être répercutée dans les populations des étangs de production.

Si la sélection n'a lieu qu'au moment de la récolte des poissons comestibles, l'exploitant n'a plus la possibilité de répercuter l'amélioration génétique dans la population de production aussi rapidement, à moins que les poissons sélectionnés aient une descendance suffisamment nombreuse pour satisfaire les besoins du programme d'amélioration et de l'élevage en étangs de production. Après le premier cycle de sélection, si la descendance des géniteurs sélectionnés permet de satisfaire uniquement les besoins associés au programme d'amélioration, il faut alors utiliser les géniteurs non sélectionnés pour obtenir des alevins destinés à peupler les étangs de production. Après le deuxième cycle de sélection, deux solutions sont possibles : utiliser les géniteurs sélectionnés de la génération F1 ou utiliser les poissons réformés lors de la sélection des géniteurs de la génération F2. Si les poissons de production ne bénéficieront d'aucune amélioration génétique pendant une génération, l'exploitant pourra par la suite répercuter l'amélioration avec une génération de retard.

Frai asynchrone. Si l'exploitant n'est pas en mesure de faire frayer les poissons de façon synchrone, il devra diviser la population en cohortes d'âge et procéder à une sélection portant sur le taux de croissance de façon indépendante au sein de chacune des cohortes. Pour mettre en train le programme d'amélioration, l'exploitant doit faire frayer les poissons en employant des techniques de gestion ordinaires. Comme dans le cas d'un frai synchrone, il est préférable de recueillir les masses ovigères et de les faire incuber. Si l'incubation des oeufs est habituellement assurée par la mère dans l'étang même, il convient de surveiller étroitement les femelles et de recueillir les alevins dès que les oeufs éclosent ou que ces alevins commencent à s'éloigner de leur mère.

Les masses ovigères ou les larves doivent être regroupées en cohortes d'âge journalières (par périodes de 24 heures). S'il n'est pas possible de réunir un nombre suffisant de familles en 24 heures, on peut porter l'intervalle de temps propre à chaque cohorte à 48 heures. Il devrait y avoir au moins 5 cohortes et au moins 5 familles par cohorte. Cela dit, ces chiffres ne sont pas intangibles. L'exploitant n'est pas tenu d'éliminer une cohorte simplement parce qu'elle ne compte que 4 familles. La démarche est fondée sur deux principes fondamentaux : 1 ) chaque cohorte doit être constituée de plusieurs familles et 2) la production de la descendance destinée au programme d'amélioration doit être assurée par 50 parents au moins (25 mâles et 25 femelles).

Comme précédemment, si l'élevage s'effectue d'ordinaire en deux étapes, la sélection portant sur la longueur aura lieu au moment de la capture des jeunes poissons, puis au moment de la récolte des poissons comestibles. Si, par contre, l'élevage s'effectue en une seule étape (sans phase “jeune poisson” intermédiaire), la sélection aura uniquement lieu au moment de la récolte finale. La sélection individuelle permet de sélectionner les meilleurs poissons de chaque cohorte.

Figure 31

Figure 31. Représentation schématique des diverses façons dont l'amélioration génétique peut être transmise des poissons ayant fait l'objet d'une sélection aux poissons de production qui sont élevés à des fins de commercialisation. Si les géniteurs sélectionnés ont une descendance suffisamment nombreuse pour satisfaire les besoins relatifs aux deux populations, le transfert sera immédiat et les moyennes afférentes aux deux populations seront identiques (1). Si la sélection s'effectue en deux étapes, les poissons réformés lors de la deuxième étape peuvent être utilisés comme géniteurs des poissons de production (2). En ce cas, bien qu'une partie de l'amélioration génétique soit immédiatement transmise, la moyenne relative aux poissons de production restera toujours inférieure à la moyenne relative aux poissons soumis à la sélection. Si la sélection s'effectue seulement au moment de la récolte, il faut d'abord utiliser les poissons non sélectionnés pour obtenir la première génération de poissons de production. On aura ensuite recours soit aux poissons réformés dans le cadre du programme d'amélioration, soit aux géniteurs sélectionnés de la génération précédente (3). Dans le premier cas, la moyenne relative aux poissons de production sera légèrement supérieure à la moyenne relative à la génération précédente de géniteurs; dans le deuxième cas, l'amélioration génétique sera transmise avec une génération de retard. Toutes ces hypothèses concernant les moyennes partent du principe que le phénotype n'est pas soumis à l'influence des facteurs du milieu et possède une forte héritabilité.

Ce programme d'amélioration nécessite cinq à dix étangs de 0,04 ha. Le nombre d'étangs est fonction de l'envergure du projet (du nombre de cohortes produites) et du mode d'élevage (en une ou deux étapes). Il est possible de déterminer la superficie exacte des étangs à l'aide de la méthode décrite précédemment (voir tableau 14). S'il n'est pas crucial que cette superficie soit parfaitement exacte, il importe par contre que tous les étangs aient la même superficie. Si l'on préfère les petits étangs, c'est qu'on peut en aménager un grand nombre dans un espace restreint. De plus, cela revient moins cher d'aménager un étang de 0,04 ha qu'un étang de 0,1 ha.

Si la sélection s'effectue en deux étapes, on peut replacer les jeunes poissons sélectionnés dans les étangs où ils ont grandi pour peu qu'on soit en mesure de drainer et de remplir ces étangs en un seul jour. Cela permet de réduire de moitié le nombre d'étangs nécessaires. Seules conditions préalables, il faut que tous les poissons soient capturés et que l'exploitant dispose de viviers où il puisse placer en toute sécurité les jeunes poissons sélectionnés avant de les remettre en étang.

Les exploitants qui n'ont pas les moyens d'aménager les étangs nécessaires peuvent mettre ce programme d'amélioration en oeuvre dans de grands hapas (20 à 40 m2) installés dans un ou plusieurs étangs. Même si cela revient moins cher d'aménager des hapas que des étangs, ces derniers sont préférables, car des poissons élevés en étang devraient être sélectionnés sur la base de leur croissance en étang, et non pas en hapa.

Il convient de placer chacune des cohortes dans un étang distinct; s'il est préférable que les densités d'empoissonnement correspondant aux diverses cohortes soient identiques, cela n'est pas crucial, la sélection s'effectuant indépendamment dans chaque cohorte. S'il n'est donc pas indispensable d'avoir des densités d'empoissonnement identiques dans tous les étangs, il est cependant préférable que ces densités ne diffèrent guère, car sinon la sélection pourrait porter sur des gènes légèrement différents dans les diverses cohortes.

Pour obtenir la population ichtyque destinée à peupler les différents étangs, le meilleur moyen consiste à choisir un nombre égal de poissons de chacune des familles au sein de la cohorte considérée. Ce choix doit être entièrement guidé par le hasard; il ne s'agit donc pas de choisir les poissons les plus longs ou les plus gros. Il convient par conséquent de ne pas mélanger les familles tant que leurs effectifs ne sont pas identiques. Si l'on mélangeait les familles d'une même cohorte avant que leur effectif atteigne le nombre permettant d'obtenir la densité d'empoissonnement voulue, la famille la plus nombreuse serait sur-représentée et la moins nombreuse, sous-représentée.

Au moment de la capture des jeunes poissons, les 35 à 50 % supérieurs de chaque cohorte (étang) doivent être placés dans un unique étang d'affinage. Pour déterminer la valeur limite propre aux jeunes poissons de chaque cohorte, il faut mesurer, au millimètre près, 100 à 200 jeunes poissons prélevés dans chacune des cohortes, puis calculer la valeur phénotypique correspondant au pourcentage limite voulu (figure 20). Il importe de calculer indépendamment les valeurs limites relatives aux diverses cohortes, car celles-ci sont gérées comme des sous-populations temporaires et distinctes durant tout le processus de sélection, qui se déroule indépendamment pour chacune des cohortes.

Comme précédemment, s'il n'est pas indispensable que l'intensité de sélection corresponde à une valeur parfaitement déterminée, il convient qu'elle soit la même pour chaque cohorte. Une fois capturés et mesurés, les jeunes poissons provenant des divers étangs (cohortes) ne doivent pas être mélangés. Après sélection, il faut placer les jeunes poissons retenus au sein de chaque cohorte dans des étangs distincts.

Tout comme dans le cas du peuplement des étangs à jeunes poissons, il importe que les densités d'empoissonnement des étangs à poissons de production soient identiques, ou au moins similaires. Il convient d'employer des techniques de production normales pour élever les jeunes poissons sélectionnés dans chaque cohorte. Juste avant la récolte, on prélèvera un échantillon de 100 à 200 poissons dans chacune des cohortes; la mesure de -ces poissons permettra de déterminer la valeur limite relative à chaque cohorte. Il faut conserver les 10 à 20 % supérieurs de chaque étang (cohorte) pour constituer la population de géniteurs sélectionnés. Là encore, s'il n'est pas indispensable que la densité de sélection corresponde exactement à une valeur déterminée, il convient cependant qu'elle soit la même pour chaque cohorte.

Une fois les géniteurs sélectionnés dans chaque cohorte, on peut les regrouper dans un ou deux étangs. Ces étangs à géniteurs sélectionnés ne doivent pas contenir d'autres géniteurs. Comme précédemment, l'un des principaux objectifs du processus de sélection consiste à obtenir au moins 100 à 200 géniteurs sélectionnés. Les principes d'un programme d'élevage sélectif en deux étapes sont exposés à la figure 32.

Les géniteurs doivent servir à produire des alevins destinés au programme d'amélioration et au peuplement des étangs de production, comme cela a été décrit à la sous-section précédente.

Si ce type de programme d'élevage sélectif était mis en oeuvre dans une station de recherche sous le contrôle d'un scientifique, ce dernier veillerait à ce que la gestion des poissons composant les diverses cohortes soit en tous points identique. Un pisciculteur n'a cependant pas besoin de se préoccuper de cette question. Il serait en effet louable que toutes les cohortes soient gérées de façon identique pendant chacune des étapes de la sélection; toutefois, comme chaque cohorte se trouve dans un étang distinct et fait l'objet d'une sélection indépendante, de minimes différences de gestion entre cohortes n'influeront pas sur la sélection. Ainsi, si la densité d'empoissonnement s'établit à 5 000 jeunes poissons par hectare dans un étang à poissons comestibles alors qu'elle ne dépasse pas 4 000 jeunes poissons/ha dans les autres étangs, il est vraisemblable que cette différence de densité influera sur le taux de croissance moyen des diverses cohortes; elle ne devrait toutefois pas avoir d'incidence sur le processus de sélection, puisque celui-ci s'effectue indépendamment dans chaque étang (cohorte).

Une gestion très disparate des divers étangs peut cependant avoir une incidence sur les résultats. Supposons ainsi qu'un étang à poissons comestibles a une densité de peuplement de 15 000 jeunes poissons par hectare et que sa seule source d'éléments nutritifs consiste dans du fumier de bovins, alors que les autres étangs contiennent 4 000 jeunes poissons/ha et que les poissons y sont nourris avec du son de riz; en ce cas, la sélection peut porter sur des gènes différents selon la cohorte considérée.

Sélection portant sur le taux de croissance et un autre phénotype

Les programmes d'amélioration décrits précédemment peuvent être élargis de manière à inclure un autre phénotype. Si l'exploitant souhaite améliorer d'autres phénotypes que le taux de croissance, il peut facilement intégrer d'autres caractères tels que la conformation du corps et/ou la “facilité de capture”. Pour améliorer simultanément deux phénotypes, les exploitants doivent recourir à la réforme indépendante ou à la réforme indépendante modifiée. Quant aux aquiculteurs des centres de production de jeunes poissons, ils devraient également employer la méthode de la réforme indépendante; ils ont néanmoins la possibilité d'utiliser la méthode de l'indice de sélection si les moyens techniques dont ils disposent le leur permettent et s'ils ont les compétences et la main-d'oeuvre nécessaires pour mener à bien un tel programme.

Figure 32

Figure 32. Représentation schématique d'un programme d'élevage sélectif permettant d'améliorer le taux de croissance par le biais de la sélection individuelle lorsque l'exploitant n'est pas en mesure de synchroniser la reproduction. Ce programme consiste à diviser la population en cohortes d'âge et à procéder à la sélection de façon indépendante au sein de chaque cohorte. Le programme de la figure concerne cinq cohortes (A à E), à raison de cinq familles par cohorte. En l'absence d'une phase de sélection intéressant les jeunes poissons, on saute la première étape, ce qui permet de mener à bien le programme d'élevage sélectif dans cinq étangs. L'accroissement du nombre de familles par cohorte permet de réduire le nombre de cohortes et, par conséquent, le nombre d'étangs nécessaires. Pour ce qui est de l'utilisation des poissons réformés, on se reportera à la figure 29.

L'exploitant qui a recours à la réforme indépendante doit déterminer l'intensité globale de sélection, de façon à pouvoir calculer le pourcentage limite propre à chacun des caractères. La méthode a été décrite au chapitre 4. Il convient d'épargner 10 à 20 % de la population lors de la phase de la sélection concernant les poissons comestibles. Pour déterminer les valeurs phénotypiques correspondant aux pourcentages limites désirés, on emploie la méthode décrite précédemment et illustrée à la figure 20.

La conformation du corps est un phénotype important, dont l'amélioration peut avoir un effet positif sur le rendement. Un poisson à corps plus large ou plus épais a une masse musculaire plus importante et pèse donc plus lourd par centimètre de longueur du corps qu'un poisson normal à l'aérodynamisme plus prononcé.

Si une sélection portant sur le poids peut améliorer la conformation du corps, cette amélioration n'est pas garantie. Cette forme de sélection améliore simplement le poids moyen, et les poissons plus lourds peuvent être des poissons plus longs, à plus grosse tête, etc.

Si bon nombre de programmes d'amélioration concernant les bovins, les porcins, les ovins et les volailles se sont attachés à améliorer la conformation du corps, c'est que des animaux dotés d'une meilleure conformation produisent plus de viande.

L'un des moyens d'améliorer la conformation du corps consiste à faire porter la sélection à la fois sur la longueur et sur la largeur du corps au niveau du bord antérieur de la nageoire dorsale (ou de la première épine de cette nageoire). Comme les programmes d'amélioration évoqués dans le présent chapitre ont pour objectif premier d'augmenter le taux de croissance par le biais d'une sélection portant sur la longueur, il ne reste qu'à ajouter une sélection portant sur la largeur du corps pour intégrer la conformation du corps comme deuxième phénotype.

Il est aussi possible d'améliorer la conformation du corps en opérant une sélection portant sur le rapport longueur du corps/largeur du corps. Ce genre de programme a donné de bons résultats dans le cas de la carpe commune. Toutefois, même si l'on est parvenu à améliorer la conformation du .corps, le poids moyen n'a pas augmenté. Cela a résulté du fait que la sélection a uniquement porté sur le rapport de la longueur à la largeur du corps. En conséquence, de petits poissons à corps large ont été sélectionnés comme géniteurs. Pour améliorer à la fois le taux de croissance et la conformation du corps, il est indispensable de procéder à une sélection qui porte sur les deux caractères.

Si la sélection s'effectue à la fin des stades “jeune poisson” et “poisson comestible” de la production, l'opération de sélection initiale (concernant les jeunes poissons) peut uniquement porter sur la longueur, comme cela a été décrit précédemment. Si la sélection portant sur la largeur du corps n'a lieu qu'à la fin du stade “poisson comestible”, l'amélioration de la conformation du corps (de sa largeur) progressera moins vite que celle du taux de croissance (de la longueur); toutefois, un exploitant qui procèderait deux fois à une réforme indépendante risquerait de n'obtenir qu'un nombre trop restreint de géniteurs sélectionnés.

Lorsque les poissons sont élevés en étang et capturés à l'aide de sennes, la “facilité de capture” est un phénotype que l'exploitant peut souhaiter améliorer. Quiconque a pêché à la senne en étang sait à quel point les poissons excellent à s'échapper. La plupart des exploitants ne prennent jamais les coûts de capture en considération dans leurs budgets annuels de production, alors que ces coûts sont souvent considérables en matière de main-d'oeuvre et de matériel. Il arrive que des sennages répétés traumatisent les poissons difficiles à capturer au point de les tuer. Enfin, les poissons qui ne sont pas capturés ne peuvent être vendus ou consommés.

Si l'exploitant souhaite produire des poissons faciles à capturer, il peut intégrer ce phénotype dans son programme d'élevage sélectif et procéder à une sélection portant à la fois sur le taux de croissance (la longueur) et la facilité de capture par le biais d'une réforme indépendante. S'il décide de faire porter la sélection sur la facilité de capture, il lui faut définir cette dernière comme “la prise obtenue lors du premier coup de senne”. Cela fait, la réforme indépendante s'effectue en deux étapes. La première étape consiste à épargner uniquement les poissons capturés lors du premier sennage et à réformer tous les autres. La deuxième étape consiste à soumettre les poissons épargnés (capturés à la senne) à une sélection portant sur la longueur.

Il arrive que les poissons capturés lors du premier sennage soient si peu nombreux que l'exploitant ne parvienne pas à opérer une sélection efficace en fonction de la longueur. En ce cas, il convient de modifier l'objectif de manière à épargner les poissons capturés lors des deux premiers sennages.

La faculté d'échapper à la senne est un phénotype préjudiciable non seulement parce qu'il augmente les coûts de production, mais aussi parce qu'il peut susciter la production de poissons à croissance lente pour peu que l'exploitant ne procède pas convenablement à la sélection portant sur le taux de croissance. Si l'exploitant pratique la pisciculture en lots multiples, il ne doit effectuer cette sélection qu'au moment de la première capture, après que l'étang a été rempli.

Par la suite, il y aurait en effet confusion des âges et des tailles, notamment lorsque de jeunes poissons sont ajoutés pour remplacer les poissons capturés ou que les poissons peuvent se reproduire dans l'étang.

Si l'exploitant décide de faire porter la sélection sur le taux de croissance et un deuxième phénotype, l'amélioration du taux de croissance sera plus lente que dans le cas d'une sélection portant uniquement sur ce seul phénotype. Si un exploitant peut certes procéder à une sélection fondée sur le taux de croissance, la facilité de capture et la largeur du corps (ou tout autre phénotype qu'il souhaite améliorer) grâce à la technique de la réforme indépendante, il n'obtiendra cependant qu'une amélioration minime de ces trois caractères.

Sélection familiale

On a généralement recours à la sélection familiale lorsque l'héritabilité est faible et/ou que des sources incontrôlées de variance d'environnement masquent les différences génétiques et rendent la sélection individuelle inefficace.

On utilise d'ordinaire la sélection intrafamiliale lorsqu'une importante source de variance d'environnement exerce une forte influence sur la variance phénotypique au plan familial. Au premier rang de ces facteurs figurent le moment du frai et l'âge et la taille de la mère.

Quant à la sélection interfamiliale, on l'emploie habituellement lorsque la variance phénotypique est principalement due à des sources de variance liées au milieu et que ces facteurs se manifestent davantage au plan individuel qu'à l'échelon familial. En ce cas, la valeur phénotypique d'un individu reflète mal sa valeur génétique et la sélection individuelle s'avère donc inefficace, ce qui explique que l'on ait recours à la sélection interfamiliale. En comparant les moyennes relatives aux familles, l'exploitant est en mesure de neutraliser une bonne partie de la composante environnementale de la variance phénotypique et de se fonder sur ces moyennes pour évaluer la valeur génétique moyenne de chacun des poissons des diverses familles.

On utilise aussi la sélection interfamiliale lorsqu'on est obligé de tuer les animaux pour mesurer leur valeur phénotypique. C'est ainsi qu'on a couramment recours à cette forme de sélection pour améliorer les caractères concernant la carcasse, puisqu'on ne peut les mesurer qu'après avoir abattu les animaux.

Sélection intrafamiliale

La sélection intrafamiliale est la forme de sélection familiale la plus simple. En effet, chaque famille est alors considérée comme une sous-population distincte, et la sélection s'opère indépendamment au sein de chaque famille, d'une manière similaire à celle décrite dans le cas de la sélection individuelle lorsque la population est divisée en cohortes d'âge. En l'occurrence, chaque famille peut donc être considérée comme une cohorte. Si les familles ne peuvent être identifiées au moyen de marques permanentes, il faut alors les élever dans des étangs ou des hapas distincts.

La superficie des étangs que nécessite ce type de programme d'amélioration est fonction de la fécondité de l'espèce élevée. Certaines espèces s'accommodent ainsi d'étangs d'une superficie de 100 m2. Par exemple, malgré leur réputation d'extraordinaire prolificité, les tilapias constituent des familles relativement petites. En général, l'effectif des familles varie de 50 à 1 500 selon la taille des femelles. Si la densité de peuplement souhaitée est de 5 000 individus par hectare, il suffit de placer une famille de 50 individus dans un étang de 100 m2 pour satisfaire à ce critère. Si l'effectif familial varie de 50 à 100 poissons, il est souvent plus opportun d'élever les familles dans des hapas de 10 à 20 m2 installés dans un étang de 0,1 à 0,2 hectare.

La mise en oeuvre d'un programme d'élevage sélectif de ce type nécessite la production de 25 à 50 familles et, par conséquent, l'aménagement de 25 à 50 étangs. S'il est possible de drainer et de remplir les étangs en un jour et que la sélection s'effectue en deux étapes, le nombre d'étangs nécessaires peut être réduit de moitié, pour peu que l'exploitant dispose de viviers appropriés. Une fois les étangs remplis, les jeunes poissons de chaque famille peuvent être remis à l'eau dans l'étang où ils ont grandi.

Il faut au minimum 25 familles pour mener à bien ce type de programme d'élevage sélectif, du fait que, pour les raisons indiquées précédemment, la production d'une descendance appropriée nécessite 25 mâles et 25 femelles. Si l'exploitant souhaite utiliser un nombre minimal de familles, il lui faut en produire 27 à 35, compte tenu du fait que, dans certaines familles, la mortalité peut réduire l'effectif au-dessous du seuil permettant d'obtenir le nombre d'alevins nécessaire au peuplement de l'étang considéré.

La reproduction des poissons et la constitution des familles doivent s'effectuer de la même façon que dans le cas d'une sélection individuelle. Il importe de ne pas mélanger les familles, la sélection s'effectuant à l'échelon familial.

Chacune des familles étant considérée comme une sous-population temporaire et la sélection en fonction de la longueur s'effectuant indépendamment au sein de chaque famille, de minimes différences de gestion d'un étang (d'une famille) à l'autre n'auront pas d'influence sur le bon déroulement du programme d'élevage sélectif. Autrement dit, l'exploitant ne doit pas éliminer une famille au motif qu'il ne peut atteindre la densité d'empoissonnement désirée. Comme dans le cas d'une sélection individuelle fondée sur la division de la population en un certain nombre de cohortes d'âge, de minimes différences de gestion d'un étang à l'autre n'auront guère de conséquences, même s'il est préférable que l'exploitant gère de façon similaire l'ensemble des étangs.

Au moment de la capture, il convient de mesurer au millimètre près un échantillon de 30 à 100 poissons au sein de chaque famille (ou tous les poissons de la famille si celle-ci a un effectif restreint), de façon à pouvoir calculer la valeur limite. En ce cas, la valeur limite correspond aux 5, 10, 20, etc. poissons les plus grands. L'exploitant doit conserver les 5 à 10 femelles et les 5 à 10 mâles les plus longs de chaque famille. En l'absence de dimorphisme sexuel au moment de la capture, il peut se contenter de sélectionner les 10 à 20 plus longs poissons de chaque famille. Ce programme d'élevage sélectif est présenté à la figure 33.

Ce type de programme d'élevage sélectif nécessite naturellement davantage d'efforts que la sélection individuelle. Si l'exploitant élève 25 familles et qu'il doive mesurer 30 à 100 poissons par famille, il lui faudra mesurer 750 à 2 500 poissons pour déterminer les valeurs limites, contre 100 à 1 000 poissons dans le cas des programmes de sélection individuelle évoqués précédemment.

De plus, ce type de programme d'élevage sélectif peut avoir un effet traumatisant sur les poissons. En effet, l'exploitant doit mesurer chacun des poissons deux fois pour établir la valeur limite et une fois pour déterminer ceux qui seront épargnés.

Une fois les géniteurs sélectionnés dans chacune des familles, on peut les faire frayer. Il existe à cet effet deux techniques possibles. La première - et la plus simple -- consiste à regrouper tous les poissons dans un seul étang et à les laisser frayer au hasard. La deuxième consiste à les faire se reproduire par rotation, comme cela a été décrit au chapitre 4. Pour ce faire, il est nécessaire soit d'identifier chaque famille au moyen d'une même marque et de regrouper l'ensemble des poissons jusqu'à la prochaine période de reproduction (ils seront alors de nouveau séparés par famille pour frayer), soit de placer les différentes familles dans des étangs distincts. Cette méthode de reproduction par rotation, qui nécessite d'importantes installations et beaucoup de travail, est très onéreuse et augmente considérablement les coûts du programme d'amélioration. On recommande en conséquence à la plupart des exploitants d'employer la première technique.

Pour faire bénéficier les poissons de production de l'amélioration génétique obtenue, on procédera de la façon indiquée précédemment. Dans la mesure du possible, la reproduction des géniteurs sélectionnés devrait permettre de produire à la fois la génération F1 sélectionnée et les alevins destinés à peupler les étangs de production.

Si l'exploitant souhaite améliorer deux phénotypes par sélection intrafamiliale, il peut ajouter un deuxième phénotype tel que la largeur du corps ou la facilité de capture selon la méthode décrite précédemment à propos de la sélection individuelle. L'exploitant doit cependant faire preuve de vigilance lorsqu'il utilise la sélection intrafamiliale aux fins d'amélioration de deux ou trois phénotypes. Si les familles ont un faible effectif, il se peut qu'un ou deux poissons seulement puissent satisfaire à l'ensemble des valeurs limites. En ce cas, l'exploitant se trouvera dans l'obligation d'abaisser considérablement ces valeurs ou d'évaluer 100 à 200 familles.

Figure 33

Figure 33. Représentation schématique d'un programme de sélection intrafamiliale destiné à améliorer le taux de croissance. Il faut évaluer au minimum 25 familles et placer chaque famille dans un étang distinct. La façon dont il convient d'utiliser les poissons réformés est indiquée à la figure 29.

Sélection interfamiliale

La sélection interfamiliale nécessite plus d'étangs et coûte donc plus cher que la sélection individuelle et la sélection intrafamiliale. Comme il s'agit d'épargner ou de réformer des familles entières, l'exploitant doit disposer de 25 à 50 familles. S'il est préférable que l'évaluation porte sur 50 familles, les coûts impliqués décourageront probablement la plupart des exploitants.

Comme la méthode est fondée sur la comparaison des moyennes familiales, l'exploitant sera tenu d'élever chaque famille dans trois étangs au moins, le choix des étangs devant s'effectuer au hasard; en conséquence, il lui faudra disposer de 75 à 150 étangs pour mener ce type de programme à bien. Lorsqu'on mesure les poissons afin d'identifier les familles à épargner et à réformer, on fait la moyenne des moyennes relatives aux trois étangs, et c'est cette moyenne générale qu'on utilise comme moyenne relative à la famille considérée. S'il faut impérativement élever les familles dans des plusieurs étangs (c'est-à-dire “répéter” l'expérience), c'est qu'il s'agit là du seul moyen de distinguer les écarts de taille dus aux particularités des étangs des écarts de taille d'origine génétique. Si chacune des familles n'était élevée que dans un seul étang, la plus grande longueur moyenne affichée par une famille pourrait tout simplement résulter d'une prolifération algale exceptionnelle dans son étang d'élevage.

Pour pallier cet effet secondaire regrettable de la sélection familiale, l'exploitant dispose d'un seul moyen : identifier chaque famille au moyen d'une marque unique. S'il est en mesure de le faire, il peut alors placer l'ensemble des poissons dans un ou deux étangs de 0,1 à 0,25 hectare. En ce cas, il faut cependant placer chaque famille dans un bassin ou un étang distinct jusqu'à ce que le marquage ait eu lieu. De plus, les poissons doivent être de nouveau regroupés par familles au moment de la récolte. L'exploitant doit donc disposer de viviers adéquats.

Comme il s'agit d'épargner ou de réformer des familles entières, il faut procéder à la sélection uniquement lors de la capture des poissons comestibles, même si l'élevage a lieu en deux étapes. Si l'exploitant souhaite soumettre par deux fois les familles à la sélection, il peut réformer les 5 à 10 familles présentant les plus mauvais résultats lors de la phase “jeune poisson” de la sélection. Cela permettra de réduire le coût du processus d'affinage.

S'il y a une forte corrélation génétique entre la taille des jeunes poissons et celle des poissons comestibles, la sélection peut avoir lieu lors de la phase “jeune poisson” plutôt que lors de la phase “poisson comestible”. Cela permet de restreindre les coûts du programme d'amélioration, puisque le fait que seuls les poissons des familles sélectionnés soient engraissés jusqu'à leur taille marchande a pour effet de réduire le nombre d'étangs nécessaires pour mener à bien la phase “poisson comestible”. Cette méthode a été employée dans le cas de la truite arc-en-ciel et a permis d'améliorer la taille au moment de la capture par sélection indirecte.

A la fin de la phase “poisson comestible” de la production, on épargne les 5 à 10 meilleures familles; ce sont les poissons de ces familles qui constituent les géniteurs sélectionnés. L'exploitant peut épargner la famille entière ou une fraction égale et choisie au hasard de chacune des familles. Comme précédemment, il doit conserver au moins 100 à 200 géniteurs sélectionnés. Ce type de programme d'élevage sélectif est présenté à la figure 34.

Figure 34

Figure 34. Représentation schématique d'un programme de sélection interfamiliale destiné à améliorer le taux de croissance. L'évaluation doit porter sur 25 familles au minimum. Comme il s'agit de comparer les moyennes familiales, chaque famille doit être élevée dans au moins trois étangs. C'est sur la moyenne générale relative aux trois étangs qu'on se fonde pour épargner ou réformer chacune des familles. Si l'on peut marquer les familles, les poissons peuvent être élevés tous ensemble dans un même étang. Il faut toutefois reconstituer les familles pour effectuer les mesures et procéder à la sélection. La façon dont sont utilisés les poissons réformés est précisée à la figure 29.

L'un des avantages de la sélection interfamiliale visant à améliorer le taux de croissance est qu'elle permet d'obtenir à moindres frais des données servant à identifier les familles à épargner. Comme la sélection est fondée sur les moyennes familiales, il est possible de peser en lots les poissons de chacun des étangs. Si l'on connaît le nombre de poissons pesés, on peut facilement en déduire le poids moyen. Cela permet à l'exploitant d'améliorer le taux de croissance en faisant porter la sélection sur le poids plutôt que sur la longueur.

La sélection interfamiliale porte rarement sur deux phénotypes ou plus, car seules les familles dont les moyennes atteindraient ou dépasseraient les deux valeurs limites seraient épargnées, et il est fort improbable que les cinq meilleures familles pour l'un des deux phénotypes fussent aussi les cinq meilleures pour l'autre. L'exploitant désireux d'améliorer deux phénotypes peut recourir à la sélection interfamiliale pour améliorer le premier et à une autre sorte de sélection pour améliorer le second.

La gestion et la reproduction des géniteurs sélectionnés s'effectuent de la même façon que dans le cas de la sélection intrafamiliale. Là encore, parce qu'il s'agit de la méthode la moins coûteuse, la plupart des exploitants devraient regrouper les familles retenues et laisser les géniteurs sélectionnés frayer au hasard. Ce faisant, les exploitants ne doivent pas ignorer que la consanguinité atteindra en quelques générations des niveaux tels qu'elle suscitera des problèmes. Cela résulte du fait qu'en cas de sélection interfamiliale, l'effectif reproducteur de la population est bien inférieur au nombre réel de géniteurs. Ce type de programme d'amélioration aboutissant à la sélection des poissons de 5 à 10 familles seulement à chaque génération, l'effectif reproducteur de la génération P1 est rétroactivement ramené à 10–20 et ne cesse par la suite de diminuer.

On combine souvent la sélection interfamiliale et la sélection intrafamiliale. Si l'on a recours à cette combinaison pour améliorer deux phénotypes, la première étape consiste à améliorer le taux de croissance par sélection interfamiliale et la deuxième, à recourir à la sélection intrafamiliale pour améliorer le second phénotype. Il est bien entendu possible de combiner sélection interfamiliale et intrafamiliale dans un programme de sélection en deux étapes destiné à améliorer uniquement le taux de croissance. Une démarche logique, qui a été expérimentée avec succès dans le cas de la truite arc-en-ciel et du saumon argenté, consiste à procéder à une sélection interfamiliale lors de la phase “jeune poisson” et à une sélection intrafamiliale au moment de la récolte.

Cette combinaison de la sélection interfamiliale et de la sélection intrafamiliale s'avère coûteuse. Elle cumule en effet la totalité des coûts d'une sélection interfamiliale et une partie des coûts d'une sélection intrafamiliale.

Tenue de registres

Les programmes d'élevage sélectif ne donnent de bons résultats qu'à la condition que les exploitants tiennent des registres. Il s'agit probablement là de l'aspect le moins apprécié et pourtant le plus nécessaire de tout programme d'amélioration. Sans registres, il n'est pas possible de définir une valeur limite et, par conséquent, d'obtenir une population de géniteurs sélectionnés. Sans registres, il est impossible de s'assurer de la réussite d'un programme d'élevage sélectif. Sans registres, l'exploitant ignorerait quels étangs contiennent des poissons sélectionnés, des géniteurs sélectionnés, des poissons témoins ou des poissons destinés à la vente.

La pisciculture est une activité où la tenue de registres devrait faire partie intégrante de la vie quotidienne. Les exploitants doivent rassembler des informations sur les résultats du frai, les densités d'empoissonnement utilisées, la taille moyenne au moment du peuplement, la quantité d'engrais déversée, la quantité d'aliments pour poissons ajoutée, le taux de survie, le poids moyen au moment de la récolte, le rendement, etc. L'exploitant qui dispose de ces informations sait ce qui se passe et ne se fonde pas simplement sur des suppositions. Il n'ignore pas que le rendement a baissé par suite du mauvais temps et il sait de combien il a baissé. Il n'ignore pas que le rendement a progressé par suite de l'adjonction d'engrais de meilleure qualité et il sait de combien il a augmenté. En l'absence de registres, il ne pourrait faire que des suppositions.

Les exploitants doivent tenir des registres de ces paramètres pour chaque étang. Tout étang a ses particularités. Grâce aux registres, on peut distinguer les bons et les mauvais étangs et se servir de ces renseignements pour adapter la gestion à chacun d'eux.

Bon nombre d'exploitants n'ont pas la volonté ou la capacité de tenir des registres précis. Il vaut probablement mieux les décourager de mettre en oeuvre des programmes d'élevage sélectif. Si un exploitant est incapable de réunir les données qui lui permettraient d'évaluer un programme de ce type, il y a de fortes chances qu'il soit incapable de mettre ce programme en oeuvre convenablement. Cela peut s'avérer néfaste au plan régional, car l'exploitant en question ne manquera pas de dire à ses voisins que l'amélioration génétique est une perte de temps; il omettra bien sûr de leur préciser que s'il n'a pas obtenu les résultats escomptés, c'est qu'il ne l'a pas mise en oeuvre comme il convient.

Les agents de vulgarisation peuvent tenir les registres d'exploitants sérieux et travailleurs, mais néanmoins incapables d'accomplir cette tâche. Si les programmes d'élevage sélectif ne sont pas trop complexes, l'agent de vulgarisation peut même rendre ce service à plusieurs exploitants. Cette façon de procéder présente un seul inconvénient : les exploitants en question deviennent totalement dépendants de l'agent de vulgarisation et attendront l'arrivée de celui-ci pour passer à une phase ultérieure de leurs programmes. Il suffit alors que cet agent soit muté ailleurs ou prenne sa retraite et que le nouvel agent de vulgarisation ait d'autres priorités pour que les programmes d'amélioration génétique engagés soient interrompus.

Quelles sortes de données l'exploitant doit-il noter et quels types de registres doit-il tenir s'il s'emploie à mettre en oeuvre un programme d'élevage sélectif destiné à améliorer le taux de croissance ou tout autre phénotype quantitatif? Il lui faut tout d'abord décrire le phénotype qu'il entend améliorer par le biais de la sélection. Cela suppose qu'il soit capable de le mesurer vite et avec précision, sans traumatiser les poissons.

Les exploitants qui ont l'habitude de relever des données sont très vite en mesure d'intégrer la tenue de registres nécessaire dans leur gestion quotidienne. En fait, si l'exploitant consigne déjà le genre d'informations mentionnées précédemment dans la présente section, il peut relever ces données sur une base régulière, ce qui n'augmentera guère sa charge de travail.

Lorsqu'un exploitant décide de mettre en oeuvre un programme d'élevage sélectif destiné à améliorer le taux de croissance par sélection individuelle, il lui faut recueillir et tenir à jour des données concernant les points suivants : nombre de poissons qui ont frayé, nombre de familles produites et date de cette production; familles dont la descendance a été retenue dans le cadre du programme d'élevage sélectif; nombre d'alevins de chaque famille qui ont été élevés; date et lieu d'empoissonnement; date de capture et de mesure des poissons; valeurs phénotypiques; valeurs limites; taux de reproduction des géniteurs sélectionnés; résultats obtenus par la génération F1 sélectionnée et par la population témoin. Il doit ensuite répéter l'ensemble du processus pour chacune des opérations de sélection. De plus, il doit tenir à jour les données concernant la gestion quotidienne ordinaire de chacun des étangs utilisés dans le cadre du programme d'élevage sélectif.

Des exemples de tableaux de données qu'on peut employer pour réunir l'information nécessaire à la mise en oeuvre d'un programme d'élevage sélectif par sélection individuelle sont présentés aux tableaux 15,16,17,18,19 et 22 ainsi qu'à la figure 20 du chapitre 4 (il n'y a pas d'exemples de tableaux servant à consigner des données relatives à la gestion quotidienne ordinaire). Ces tableaux de données ne sont présentés qu'à titre indicatif et il est donc possible d'y apporter toute modification jugée utile, dans la mesure où leur bonne organisation est préservée et où les données restent faciles d'accès.

Les tableaux 15 et 16 constituent des exemples de tableaux de données servant à consigner des renseignements concernant la reproduction pour chaque cycle de sélection individuelle. Le tableau 15 peut être utilisé pour consigner des données relatives à un programme d'élevage sélectif simple, où l'on peut faire frayer les poissons simultanément et les élever dans un seul et même étang. Le tableau 16 peut servir à consigner des données relatives à un programme d'élevage sélectif où la reproduction ne peut être synchronisée et où les poissons sont élevés et sélectionnés en cohortes. Ces deux tableaux fournissent des renseignements sur la date de chacun des épisodes de frai, l'effectif des diverses familles, le nombre de poissons de chaque famille qui ont été retenus pour le programme d'élevage sélectif, l'étang où chaque famille a été placée et la date d'empoissonnement des étangs.

Les tableaux 17 et 18 sont des exemples de tableaux de données servant à consigner des valeurs phénotypiques aux fins de sélection individuelle. Ils concernent des programmes d'élevage sélectif portant respectivement sur un seul et sur deux phénotypes et fournissent des informations sur le groupe de poissons : date de constitution du groupe, date d'empoissonnement et date de mesure des poissons (aux fins de détermination de l'âge); étang où la population a été placée; nombre de familles représentées dans la population. Ces deux tableaux sont destinés à des espèces qui ne présentent pas de dimorphisme sexuel. Lorsqu'une espèce présente un tel dimorphisme et qu'on est amené à établir une valeur limite distincte pour chaque sexe, on peut diviser ces tableaux en deux parties concernant respectivement les mâles et les femelles ou encore utiliser des tableaux distincts pour chacun des sexes.

Tableau 15. Exemple d'une partie d'un tableau de données servant à consigner des données relatives à la reproduction dans le cadre d'un programme d'élevage sélectif destiné à améliorer le taux de croissance par sélection individuelle (tous les poissons étant placés dans un même étang). Le tableau contient aussi des données concernant le nombre de poissons retenus par famille, l'étang où ils ont été placés et la date d'empoissonnement.

Date : 1er au 15 mai 1995
Etangs : № 1, 2 et 3
Espèce : toute espèce de poisson
Génération : génération P1, On soumettra les poissons élevés à la sélection, de façon à obtenir les géniteurs sélectionnés de la génération F1.
Date d'empoissonnement : 30 avril 1995
DateFraiEtangPoids de la masse ovigére (g)Nombre d'oeufsNombre d'éclosicnsNombre d'alevinsIntégrés dans le programme d'amélioration?Nombre de poissons placés en étang par familleEtang empoissonnéDate d'empoissonnement
5/1123109.3008.3707.633non0--
5/3212627.8606.6816.946oui15085/8
5/3311384.1403,6433.169oui15085/8
5/3411624.6604.3324,116oui15085/8
5/3511474.4103.1762,889oui15085/8
5/36226760326146non0--
5/3722738.1906,8796.641oui15085/8

Tableau 16. Exemple de tableau de données servant à consigner des données de reproduction dans le cadre d'un programme d'élevage sélectif destiné à améliorer le taux de croissance par sélection individuelle (la population étant divisée en cohortes d'âge). Le tableau contient aussi des données concernant le nombre de familles au sein de la cohorte, le nombre de poissons de chaque famille placés en étang, l'étang où la cohorte a été placée et la date d'empoissonnement.

Date : 5 au 15 mai 1995
Etangs : № 3, 4 et 5
Date d'empoissonnement : 1er mai 1995
Espèce : toute espèce de poisson
Génération : génération P1, cohorte A. Les poissons élevés deviendront les géniteurs sélectionnés de la génération F1.
DateFraiEtangPoids de la masse ovigère (g)Nombre d'oeufsNombre d'éclosionsNombre d'alevinsNombre de poissons placés en étang par familleEtang empoissonnéDate d'empois-sonnement
5/51341312,39011,1519,924200125/10
5/52335210.5608,9768,257200125/10
5/5342387,1405.6404,906200125/10
5/5442527,5606.3505,715200125/10
5/5541364.0803,8763,565200125/10
5/5652517,5305,6475,251200125/10

Tableau 17. Exemple de tableau de données servant à consigner les diverses longueurs au moment de la récolte. Ce tableau convient aux espèces qui ne présentent pas de dimorphisme sexuel. Dans le présent exemple, seules 30 longueurs ont été relevées.

Longueur à la capture
Espèce : toute espèce de poisson 
Date : 1er octobre 1995
Date d'empoissonnement : 1er mars 1995
Nombre de jeunes poissons placés en étang : 1 000
Etang 23
Date de frai : 20 avril 1994
Nombre de familles : 27
Longueur (mm)
345354327355330341361357348328
329355359369340351349344348345
352331333336338342347343344355

moyenne: à calculer

Tableau 18. Exemple de tableau de données servant à consigner des données de récolte relatives à deux phénotypes quantitatifs. Ce tableau convient aux espèces qui ne présentent pas de dimorphisme sexuel pour ce qui est des dimensions corporelles. Dans le présent exemple, on s'est contenté de consigner la longueur et la largeur du corps de 4 poissons seulement.

Longueur et largeur du corps à la récolte
Espèce :
Date : 3 octobre 1995
Date d'empoissonnement : 4 mars 1995
Nombre de jeunes poissons placés en étang : 1 230
Etang : 25
Date de frai : 2 avril 1994
Nombre de familles : 29
Poisson №.Longueur (mm)Largeur du corps (mm)
1259127
2265135
3263133
4278139
Moyennedes longueurs = à calculerdes largeurs du corps = à calculer

Les tableaux de données illustrés aux tableaux 17 et 18 contiennent des données recueillies lors de la récolte. On peut utiliser ces tableaux pour consigner des données relatives à n'importe quelle étape entre l'empoissonnement et la capture. Dans les exemples qui nous occupent, les tableaux 17 et 18 ont servi à noter les valeurs phénotypiques relatives aux poissons de l'échantillon, qui ont été mesurées en vue de déterminer la ou les valeurs limites. Il conviendrait ensuite de reporter ces valeurs dans le tableau de données illustré à la figure 20 pour déterminer la ou les valeurs phénotypiques correspondant au pourcentage limite souhaité.

Le tableau 19 est fondé sur les moyennes déduites des tableaux 17 et 18 (déterminées au moment de la récolte, ou à tout autre moment si la sélection a lieu avant) et enregistre les progrès accomplis grâce au programme d'élevage sélectif. On y a consigné les longueurs moyennes relatives à la population sélectionnée et à la population témoin ainsi que l'amélioration génétique obtenue.

Les tableaux 19 à 23 sont des exemples des tableaux de données qui peuvent servir à consigner les données résultant des programmes d'élevage sélectif explicitement fondés sur la sélection. Si certains d'entre eux conviennent à la fois à la sélection individuelle et à la sélection familiale, ceux qui sont illustrés aux tableaux 20,21 et 23 se. rapportent plus particulièrement à cette dernière.

Tableau 19. Exemple de tableau de données servant à consigner les longueurs moyennes relatives à des générations successives et les progrès accomplis grâce à la sélection. Ce tableau peut être utilisé à la fois pour la sélection individuelle et pour la sélection familiale. Dans le présent exemple, seules les données portant sur les deux premières années ont été reportées.

Programme d'élevage sélectif destiné à améliorer le taux de croissance :
DateGénérationMoyenne initialeMoyenne relative à la population sélectionnéeMoyenne relative à la population témoinAmélioration génétique
1994P1315 mm   
1995F1 330 mm321 mm9 mm

Les tableaux 20 et 21 sont des tableaux de données qui peuvent servir à consigner des informations relatives à la reproduction à chaque cycle de sélection familiale. Ils se rapportent respectivement à la sélection intrafamiliale et interfamiliale. L'information réunie dans ces tableaux est similaire, quoique organisée différemment.

Les tableaux de données illustrés aux tableaux 17 et 18 ainsi qu'à la figure 20 peuvent servir à relever les valeurs phénotypiques déterminées dans le cadre de programmes d'élevage sélectif fondés sur la sélection familiale. Seule différence appréciable, on y noterait la famille faisant l'objet des mesures.

Le tableau de données illustré au tableau 19 peut aussi servir à consigner les moyennes annuelles obtenues dans le cadre d'un programme d'amélioration fondé sur la sélection familiale. Il est aussi possible d'utiliser un tableau par famille.

Enfin, les tableaux de données illustrés aux tableaux 22 et 23 peuvent servir à relever le nombre de poissons qui fraient à chaque génération. Le tableau 22 convient plus particulièrement à la sélection individuelle et intrafamiliale et le tableau 23, à la sélection interfamiliale.

Tableau 20. Exemple de tableau de données servant à consigner les données relatives à la reproduction recueillies dans le cadre d'un programme d'élevage sélectif destiné à améliorer le taux de croissance par sélection intrafamiliale. Le tableau contient aussi des informations sur les étangs où ont été placées les diverses familles, le nombre d'alevins déversés dans chacun d'eux et leur date d'empoissonnement. Les étangs 13 et 15 étant plus petits que les autres, moins de poissons y ont été placés.

Date : 1er au 15 mai 1995
Etangs : no* 1, 2 et 3
Date d'empoissonnement : 30 avril 1995
Espèce : toute espèce de poisson
Génération : génération P1. On soumettra les poissons élevés à la sélection, de manière à obtenir les géniteurs sélectionnés de la génération F1.
DateFraiEtanePoids de la masse ovigère (g)Nombre d'oeufsNombre d'éclasionsNombre d'alevinsFamilleNombre de poissons places en étang par familleEtang empoissonnéDate d'empoisson-nement
5/1112858,5507,6096,722A200105/7
5/2222347,0206,4585,812B200115/8
5/23227810310175non utilisé---
5/2422246,7205,6444,458C200125/8
5/2521745,2203,9153,719D190135/8
5/3631574,7104,0503,523E200145/9
5/3732708,1006,0535,447F185155/9

Tableau 21. Exemple de tableau de données servant à consigner des données relatives à la reproduction dans le cadre d'un programme d'élevage sélectif destiné à améliorer le taux de croissance par sélection interfamiliale. Le tableau, qui n'est qu'en partie rempli, contient aussi des informations sur les étangs où ont été placées les différentes familles, le nombre d'alevins mis en étang et la date d'empoissonnement.

Date : 5 au 20 mai 1995
Etangs : nos 4, 5 et 6
Date d'empoissonnement : 1er mai 1995
Espèce : toute espèce de poisson
Génération : génération P1. On soumettra les poissons élevés à la sélection, de manière à obtenir es géniteurs sélectionnés de la génération F1.
DateFraiEtangPoids de la masse ovigère (g)Nombre d'oeufsNombre d'éclosionsNombre d'alevinsFamilleNombre de poissons placés en étang par familleEtang empoissonnéDate d'empoisson-nement
5/5142246,2705,6905,438A200175/12
       A200235/12
       A20085/12
5/5241745,5204,0553,867B200125/12
       B200205/12
       B200115/12

Tableau 22. Exemple de tableau de données servant à noter le nombre de poissons ayant frayé à chaque génération dans le cadre d'un programme d'élevage sélectif fondé sur la sélection individuelle et intrafamiliale. Dans le présent exemple, seules les données relatives à deux années ont été consianées.

Programme d'élevage sélectif destiné à améliorer le taux de croissance
DateNombre de poissons ayant frayéNombre de familles utiliséesNombre de géniteurs retenus pour leur descendance
 femellesmâlestotal femellesmâles
1994272754252525
1995352560343425

Tableau 23. Exemple de tableau de données servant à noter le nombre de poissons ayant frayé à chaque génération, le nombre de familles utilisées et le nombre de familles épargnées dans le cadre d'un programme d'élevage sélectif fondé sur la sélection interfamiliale. Dans le présent exemple, seules les données relatives à deux années ont été consignées.

Programme d'élevage sélectif destiné à améliorer le taux de croissance
DateNombre de poissons ayant frayé Nombre de familles utiliséesNombre de familles épargnéesNombre de géniteurs retenus pour leur descendance
 femellesmâlestotal  femellesmâles
1994272754261055
1995352560321054

Conclusion

Comme le démontre le présent chapitre, il est possible d'améliorer le taux de croissance et d'autres phénotypes quantitatifs au moyen de programmes d'élevage sélectif assez simples et peu coûteux. Dans la mesure du possible, il est préférable de recourir à la sélection individuelle, car il s'agit de la méthode la plus simple et la moins coûteuse. Si la reproduction des poissons peut être synchronisée, on peut mettre en oeuvre un programme d'élevage sélectif destiné à améliorer le taux de croissance dans un ou deux étangs seulement, sans grandes répercussions sur les activités piscicoles ordinaires. Si la reproduction ne peut être synchronisée, le programme en question restera relativement simple, peu coûteux et sans grande incidence sur les activités ordinaires de pisciculture pour peu qu'on puisse constituer plusieurs cohortes d'âge.

Si l'exploitant n'est pas en mesure de maîtriser la reproduction et qu'il ne puisse constituer des cohortes d'âge ou si le phénotype qu'il souhaite améliorer est doté d'une faible héritabilité et subit la forte influence de diverses variables liées au milieu, il lui faut avoir recours à la sélection familiale. Il est préférable d'utiliser la sélection intrafamiliale, car elle est plus simple et moins coûteuse que la sélection interfamiliale. Toutefois, ce sont la biologie de l'espèce, l'héritabilité du phénotype et les facteurs du milieu influant sur l'expression phénotypique qui décident du mode de sélection le plus approprié, et non pas le désir de mettre en oeuvre un programme d'amélioration le moins cher possible.

Le degré de complexité des programmes d'élevage sélectif est lié à un certain nombre de facteurs, dont, en premier lieu, le nombre de phénotypes à améliorer. Pratiquement tous ces programmes devraient viser à améliorer le taux de croissance. C'est le phénotype principal, car des poissons à croissance rapide peuvent être commercialisés plus vite et procurent de meilleurs rendements. S'il est possible de lui adjoindre d'autres phénotypes, l'exploitant doit uniquement retenir ceux d'une réelle importance, car le degré d'amélioration du taux de croissance est inversement proportionnel au nombre des caractères pris en considération dans le programme d'élevage sélectif. Il ne faut pas plus de un ou deux phénotypes additionnels.

Deuxièmement, le degré de complexité et le coût d'un programme d'élevage sélectif sont fonction du mode de production des poissons : système d'élevage en une seule étape, où les alevins sont placés dans un étang et engraissés jusqu'à leur commercialisation; système en deux étapes, où les alevins sont élevés dans un premier étang jusqu'au stade “jeune poisson”, puis dans un deuxième étang jusqu'à ce que les jeunes poissons atteignent leur taille marchande. Les programmes d'élevage sélectif mis en oeuvre dans le cas d'un système d'élevage en une seule étape sont simples et peu coûteux, car ils nécessitent peu d'étangs. En revanche, les systèmes d'élevage en deux étapes permettent de procéder à une double sélection, ce qui augmente les possibilités d'amélioration.

Enfin, le degré de complexité des programmes d'élevage sélectif dépend en partie de la présence ou de l'absence de dimorphisme sexuel relatif à la taille corporelle chez l'espèce considérée. En cas de dimorphisme sexuel, il faut établir une valeur limite pour chacun des sexes, ce qui oblige à déterminer le sexe de chaque poisson en plus des mesures habituelles. Cela a pour effet de doubler les frais de mesure et d'augmenter légèrement la quantité de données à recueillir.

L'un des objectifs ultimes de tout programme d'élevage sélectif devrait consister à épargner 100 à 200 géniteurs sélectionnés à chaque génération. Cela suppose que l'exploitant soit en mesure de faire frayer au moins 25 mâles et 25 femelles par génération. S'il en va ainsi, les problèmes de consanguinité devraient être réduits au minimum durant 5 générations. L'exploitant doit aussi conserver suffisamment de géniteurs sélectionnés pour obtenir une descendance qui permette de soumettre la génération suivante à un processus de sélection adéquat. Bien que cela puisse poser un sérieux problème dans les grands établissements piscicoles, il n'y a pas lieu d'attacher trop d'importance à cette question dans les exploitations de moyenne importance.

Tout programme de ce type, dans la mesure où il est mis en oeuvre convenablement, peut s'intégrer dans les activités piscicoles courantes et les compléter. Cela a son importance, car, en cas de difficultés, le programme d'élevage sélectif sera d'ordinaire délaissé ou abandonné, la priorité de tout exploitant restant la production de denrées alimentaires.

S'il y a suffisamment de géniteurs sélectionnés, ils peuvent servir à engendrer une descendance tant aux fins de la mise en oeuvre du programme de sélection que du peuplement des étangs de production. Cela permet à l'exploitant de répercuter immédiatement l'amélioration génétique résultant de ce programme dans les étangs en question.

Si les géniteurs sélectionnés n'ont pas une descendance suffisamment nombreuse pour satisfaire ces deux besoins, ils doivent d'abord servir à engendrer la prochaine génération de poissons sélectionnés; quant à la descendance en excédent, elle peut être placée en étang de production. En ce cas, on peut se servir des poissons réformés dans le cadre du programme d'élevage sélectif ou des géniteurs sélectionnés de la précédente génération (en commençant par la génération F2 issue de la sélection) pour obtenir des poissons de production. Si cette technique permet de répercuter l'amélioration génétique résultant du programme d'élevage sélectif dans les étangs de production, c'est avec un certain retard (qui peut à l'extrême atteindre une génération). En l'occurrence, l'exploitant doit donc conserver deux groupes de géniteurs : ceux qui servent à produire la génération sélectionnée et ceux qui engendrent les poissons destinés à peupler les étangs de production. Malgré ce retard d'une génération du transfert de l'amélioration génétique, le taux de croissance et le rendement moyens obtenus par le biais du programme d'élevage sélectif permettront à l'exploitant de prévoir le taux de croissance et le rendement sur lesquels il peut à l'avenir tabler dans ses étangs de production. De plus, ces données lui prouveront que l'élevage sélectif contribue à améliorer ses poissons et l'amèneront à prendre conscience que le programme qu'il a mis en oeuvre lui procure de meilleurs poissons, des récoltes plus abondantes et de plus gros bénéfices.


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