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V. Effets des traitements sur les fourrages


5.1. Aspect
5.2. Composition chimique
5.3. Valeur alimentaire
5.4. Conclusion sur les traitements


L'effet du traitement sur les fourrages va dépendre essentiellement de la qualité du traitement proprement dit, c'est à dire du respect des différents paramètres discutés plus haut. Il va dépendre aussi de la nature du fourrage traité.

L'objet de ce chapitre est de,

· donner les points de repères indicateurs d'un bon traitement permettant d'apprécier l'efficacité d'un traitement donné sur le terrain,

· quantifier l'effet du traitement sur la valeur alimentaire des fourrages traités,

· présenter et discuter des résultats de terrain obtenus sur différents fourrages et dans différentes conditions agro-climatiques.

Il est évident que ce dernier point ne prendra sa véritable signification que lorsqu'on abordera les résultats obtenus sur animaux qui sont finalement les meilleurs "juges" de l'efficacité des traitements dans la mesure où, toutefois, les fourrages traités auront été correctement distribués (rationnement).

Il sera à chaque fois question des traitements à l'ammoniac anhydre et des traitements à l'ammoniac généré par l'urée (appelés traitement à l'urée, pour simplifier, bien que l'urée ne soit pas l'agent direct de traitement).

5.1. Aspect

C'est déjà sur l'aspect du fourrage à l'ouverture du traitement qu'on pourra juger si celui-ci a été réussi ou non. Les caractéristiques d'un bon traitement sont:

Odeur

Le critère odeur s'applique aussi bien pour le traitement à l'ammoniac qu'à l'urée. Une forte odeur piquante d'ammoniac doit se dégager de la masse du fourrage et se maintenir lorsqu'on prélève une poignée de ce fourrage hors de l'enceinte. Une absence ou une faible odeur est équivalente d'échec ou de traitement peu efficace. Dans le cas d'absence d'odeur ammoniacale, il sera même possible de déceler une odeur désagréable de mauvaise fermentation ou de moisissure.

L'odeur ammoniacale peut inquiéter les non avertis qui peuvent se demander comment leurs animaux accepteront ce nouveau fourrage. L'expérience montre que cette odeur n'est pas gênante pour les animaux. L'annexe 2 indique les consignes pratiques à respecter.

Couleur

Des fourrages bien traités prennent une couleur ocre brun à marron (photo 29). Ce changement de couleur est très net dans le cas des pailles parce qu'elles sont plus claires au départ que d'autres fourrages comme les tiges de maïs par exemple. Il est facile déjuger de la qualité d'un traitement au sein de la masse traitée à l'homogénéité de la couleur: des zones plus claires indiquent une moins bonne réaction du fourrage à l'ammoniac à cet endroit. Cela est dû à un sous dosage d'ammoniac localisé à cette zone. Cette observation est surtout faite dans les traitements à l'urée où l'arrosage de la solution d'urée n'a pas été effectué uniformément. On peut d'ailleurs observer dans ce cas des zones plus foncées, à la limite noirâtres, qui correspondent à des surdosages. On contournera cette difficulté en mélangeant les parties claires et les parties foncées avant la distribution du fourrage à l'animal.

Photo 29: effet d'un bon traitement à l'urée sur ta couleur de la paille (pailles de riz, respectivement du Cambodge et de Madagascar). Photo. Kayouli.

Photo 29': effet d'un bon traitement à l'urée sur la couleur de la paille (pailles de riz. respectivement du Cambodge et de Madagascar). Photo. Chenost.

Texture

Un fourrage bien traité devient plus souple. Cela est particulièrement net dans le cas des fourrages traités à l'urée car il y a eu adjonction d'eau. Les fourrages traités à l'ammoniac anhydre sont de toutes façons plus souples après traitement.

Dans le cas de traitements de fourrages humides au départ et/ou s'il y a eu mauvaise répartition de la solution, il est possible de constater des poches non seulement brunes à noirâtres, mais également déliquescentes et dégageant une très forte odeur ammoniacale: elles indiquent un surtraitement consécutif à un surdosage dans une zone très humide où l'ammoniac dégagé a été "piégé" par l'excès d'eau: il conviendra d'éliminer cette partie de fourrage et de ne pas la donner aux animaux.

Toujours dans le cas des traitements à l'urée ayant fait appel à des quantités d'eau importantes, le fourrage situé au fond du silo ou de l'enceinte de traitement peut être plus humide et plus foncé sur une épaisseur de 10-20 cm: il est conseillé de le mélanger au reste pour homogénéiser l'ensemble si ce lit de fourrage n'est pas déliquescent, Il faut l'éliminer s'il est trop mou et trop noir.

Absence de moisissures

Un fourrage bien traité est exempt de moisissures que l'atmosphère ammoniacal empêche en effet de se développer. On peut d'ailleurs utiliser cette propriété de l'ammoniac pour conserver des fourrages humides qu'on ne peut pas ensiler (nous l'avons fait par exemple à grande échelle avec des spathes et des tiges de maïs en région tempérée).

L'absence de moisissures est un indice de bonne herméticité de l'enceinte du traitement. On peut s'en rendre compte dans le cas de traitements de fourrages en vrac à l'urée, pourtant manifestement réussis, mais sur lesquels on peut noter le développement de moisissures blanches en surface et sur les bords parce que ces parties n'étaient plus sous atmosphère ammoniacale. Ces cas, pas graves, sont plus fréquents avec le traitement à l'urée, où il y a eu réhumidification du fourrage, qu'avec le traitement à l'ammoniac anhydre, plus sec. Ces moisissures de pourtour peuvent, paradoxalement, apparaître sur des traitements à l'urée réalisés aussi bien à forte qu'à faible humidité. Elles sont cependant d'autant plus probables que la masse du fourrage est humide. Elles sont inexistantes si la masse, même humide, est enfermée hermétiquement.

Dans certains cas, rares, de traitement/conservation de fourrages humides (MS inférieure à 40 p.100, comme des tiges de maïs ramassées en balles rondes pas assez ressuyées au préalable) en région tempérée, nous avons parfois constaté le développement, suivant des veines bien délimitées au sein de la balle, d'une moisissure verte. Ce cas est rare mais dangereux car cette moisissure est toxique. La distribution d'un tel fourrage est à proscrire car il y a risque d'intoxication rapide et grave.

D'une manière générale on évitera de distribuer aux animaux des pailles ou des fourrages contaminés par des moisissures quelle qu'elles soient: on triera si manifestement le traitement est bon et que les moisissures ne sont observées que dans les parties périphériques de l'enceinte où il y a eu contact avec l'air; on éliminera la totalité du fourrage en cas de contamination trop importante.

5.2. Composition chimique


5.2.1. Cellulose brute de Weende
5.2.2. Fractionnement glucidique de Goering et Van Soest (1970)
5.2.3. Teneur en N ou en N x 6,25 (équivalent azoté ou Matières Azotées Totales, MAT)
5.2.4. Teneur globale en minéraux (cendres)


Les analyses chimiques classiques (bromatologiques) ne permettent pas d'évaluer correctement la qualité nutritionnelle des fourrages pauvres très lignifiés comme, notamment, les pailles. Il en est de même des fourrages traités (CHENOST et REINIGER, 1989).

5.2.1. Cellulose brute de Weende

II s'agit d'un critère très global et hétérogène sur le plan biochimique qui n'est pas suffisamment précis pour renseigner sur la teneur en constituants pariétaux des pailles en l'état et, même, des pailles traitées. La teneur en cellulose brute ne permet pas de distinguer une paille traitée d'une paille non traitée. Or son dosage coûte cher. Il sera donc inutile de le faire.

5.2.2. Fractionnement glucidique de Goering et Van Soest (1970)

Cet ensemble de dosage permet déjà de mieux identifier,

· la teneur globale en éléments pariétaux (c'est l'NDF, neutral detergent fiber),
· et la composition de cette fraction pariétale:

· ADF, acid detergent fiber, représentant l'ensemble lignine + cellulose;
· NDF - ADF, représentant grossièrement les hémicelluloses;
· la lignine ADF, représentant la lignine;
· ADF - lignine ADF, représentant grossièrement la cellulose vraie.

Toutefois, là encore, ces différents critères ne renseignent pas assez sur la nature même de la fraction pariétale des fourrages pauvres: structure et, surtout, répartition de la lignine dans ces parois qui va être responsable en fait de leur dégradabilité donc de leur digestibilité. Ils ne renseignent pas sur la nature des modifications biochimiques entraînées par le traitement. C'est ainsi, comme le montre le tableau 6, que malgré une augmentation de digestibilité consécutive au traitement, les teneurs en NDF des fourrages traités restent inchangées. Comme indiqué au chapitre 1, le traitement agit en effet sur la rupture des liaisons lignines/hémicellulose et cellulose (fig. 10) que ne peuvent pas refléter ces dosages. Ces derniers ne sont donc pas intéressants au niveau de la pratique.

Tableau 6: Effet du traitement à l'urée (5%) sur la composition chimique et la digestibilité in sacco de h paille de blé (n = 16) (BA. 1993)

Composition (en % de la matière sèche)

Paille

Matière Sèche

Matières Minérales

Matières Azotées Totales

Neutral Detergent Fiber (NDF)

Acid Detergent Fiber (ADF)

Scid Detergent Lignin (ADL)

Digestibilité (%)

non traitée

90

9

3

76

47

4

46

traitée

64

7

14

75

49

5

59

5.2.3. Teneur en N ou en N x 6,25 (équivalent azoté ou Matières Azotées Totales, MAT)

L'azote apporté par le traitement, qu'il vienne de l'ammoniac anhydre ou de l'urée, va être retenu en partie par la paille. Le taux de fixation quantifie la proportion de l'azote retenu par rapport à l'azote injecté ou apporté par le traitement (fig. 13). Calculé sur tout un ensemble d'essais réalisés en été sur des pailles, par la méthode des tas en région tempérée, soit en station soit en exploitation, avec des doses d'NH3 comprises entre 3,5 et 5,0 kg par 100 kg de paille et sur des pailles d'origines botaniques très diverses, ce taux se situe à une moyenne de 30 p.100 (DEMARQUILLY et al., 1989).

Figure 13: Représentation schématique des proportions (p.100) respectives de l'azote du traitement perdu, fixé et utilisable par les microorganismes du rumen

De ce taux de fixation dépend la teneur en azote du fourrage traité. C'est un bon indicateur de l'efficacité du traitement.

La partie fixée est elle même composée de deux fractions comme l'illustre la figure 13:

· une fraction (un peu moins de la moitié) est "fixée" par adsorption de l'ammoniac sur le végétal. Cette fraction est cependant labile et sera progressivement perdue après ouverture du traitement si la paille traitée est laissée longtemps à l'air. Cette fraction, soluble dans l'eau, est utilisée par les microbes du rumen;

· une autre fraction, (un peu plus de la moitié), qui n'est plus de l'ammoniac, et qui est fixée chimiquement sur les parois de la paille et insoluble dans l'eau. Une partie (25 à 30 p.100 de l'azote fixé) est soluble dans les détergents neutres et peut être utilisée par les microbes du rumen. L'autre partie (30 à 35 p.100 de l'azote fixé), très solidement fixée aux parois indigestibles, est insoluble dans les détergents neutres, elle n'est pas utilisée par les microbes du rumen.

La revue bibliographique de DEMARQUILLY et al. (1989) montre une augmentation moyenne de la teneur en MA T de:

58 g +/- 20 g par kg de MS de paille.

Cette augmentation est très variable et semble indépendante de la teneur initiale en madères azotées des pailles. Elle dépend relativement peu de la dose d'ammoniac quand celle-ci est comprise entre 3,5 et 5,0 p.100 (le taux de fixation diminue quand la dose augmente) mais elle est en revanche d'autant plus importante que la teneur en humidité est élevée et que la paille reste plus longtemps sous atmosphère ammoniacale, surtout quand la température extérieure est faible. Elle augmente avec la durée du traitement.

En conclusion on retiendra que l'augmentation de la teneur en MAT est un bon indicateur de l'efficacité du traitement

Cas particulier des traitements à l'urée:

La teneur en MAT du fourrage après traitement peut être sujette à discussion et source de mauvaise interprétation suivant que l'uréolyse a été totale ou partielle. Il est bien entendu qu'en traitant avec l'urée on recherche de toutes façons une uréolyse totale pour obtenir un traitement ammoniacal maximal (cf §42 les facteurs de réussite du traitement à l'urée).

Toutefois il se peut que, pour des raisons diverses (§42), l'uréolyse n'ait pas été complète et qu'il reste de l'urée dans le fourrage. Dans ce cas la teneur en azote du fourrage traité sera élevée. Or le traitement "alcalin" du fourrage n'aura été que partiel puisque la "dose" d'NH3 libérée n'aura pas été celle prévue. Cette teneur en N élevée ne sera donc pas un indicateur de l'efficacité du traitement alcalin car elle incluera de l'azote propre à l'urée résiduelle.

Faut-il faire le dosage systématique de l'urée résiduelle? Ce dosage est délicat et cher, il suppose des laboratoires équipés. On ne pourra généralement pas le faire dans la pratique.

Cependant il y a moyen de contourner cette difficulté à partir du seul dosage de l'azote total comme nous allons le montrer par le calcul suivant:

Prenons l'exemple d'une paille ayant une teneur initiale en MAT de 4 p.100 et traitée avec 6 kg d'urée pour 100 kg de MS:

1ère hypothèse, l'uréolyse n'a pas eu lieu: tout l'azote apporté se retrouve sous forme d'urée,

soit 6 x 46/100(1) x 6,25 = 17,25 points de MAT
la paille après traitement a donc une teneur en MAT de 4 + 17,25 = 21,25 p.100

2ème hypothèse, l'uréolyse a été totale: tout l'azote apporté s'est transformé en NH3,

soit 6 x 57/100(2) x 82/10(3) x 6,25 = 17,5 points de MAT (ammoniac)
dont en gros le 1/3(4) a été fixé par la paille, soit 17,5 x 1/3 = 5,8 points de MAT
la paille après traitement a donc une teneur en MAT de 4 + 5,8 = 9,8 p.100

(1) 46 g d'N pour 100 g d'urée
(2) 57 g d'NH3 sont générés par 100 g d'urée (§41)
(3) 82 g d'N pour 100 g d'NH3
(4) ce taux de fixation est sans doute un peu sous-estimé car, dans le cas du traitement à l'urée, on ajoute de l'eau qui favorise le taux de fixation de l'ammoniac.

Ainsi, dans le cas d'un traitement à l'urée dont on ne serait pas sûr de la bonne réussite de l'uréolyse, un dosage de la teneur en N x 6,25 (Kjeldahl) suffira dans une première approche pour renseigner sur l'importance de l'uréolyse:

celle-ci aura été d'autant moins complète que la teneur en MAT sera supérieure à celle (de l'ordre de 9-12 p.100) théoriquement atteinte avec une uréolyse complète et aura même des chances d'avoir été nulle si la teneur en MAT atteint des valeurs supérieures à 20 p.100, du moins avec une paille à 4 p.100 de MAT au départ et avec une dose d'urée de 6 kg par 100 kg de paille.

Cela ne veut pas forcément dire que la paille sera inutilisable mais il faudra veiller à son ingestion régulière et être vigilant sur sa complémentation en énergie fermentescible (apportant des PDIE) car étant riche en urée, donc en azote non protéique (ANP), elle apportera plus de PDIN que prévu (égalité PDIN = PDIE non réalisée).

Cependant, dans les pays tropicaux la température favorise l'uréolyse qui est quasi totale et l'augmentation des teneurs en N x 6,25 observées au tableau 7 (66 g + /- 30 g par kg MS) constitue un bon indicateur de la réussite du traitement.

Tableau 7: Effet du traitement des pailles à l'urée sur l'augmentation de leur teneur en matières azotées totales en zones chaudes

Paille

Urée (%)

N x 6,25

Références

NT

T

Augmentation T-NT

RIZ

5

3.1

6.7

3.6

DOLBERG et al. (1981a)

ORGE

4

4

14

10

ABDOULI et al. (1988)

BLE

4

4

14

10

GUPTA et al. (1986)

BLE

5

5

11

6

NYARKO et al. (1993)

BLE

5

5.5

12

6.5

RAMANA et al. (1989)

RIZ

5

4.8

9.2

4.4

GIHAD et al. (1989)

RIZ

5

4

8

4

WANAPAT et al. (1985)

RIZ

5

4

16

12

GUPTA et al. (1986)

BLE

4

2.4

9.5

7.1

RAHMAN et al. (1987)

RIZ

4

5.9

8.5

2.6

TRUNG et al. (1988)

ORGE

5

3

8

5

KADZERE et MEULEN (1986)

RIZ

5

2.9

6.7

3.8

SAADULLAH et al. (1981a)

RIZ

6

4.1

8.2

4.1

DJAJANEGARA et DOYLE (1989)

RIZ

6

4.5

14

9.5

KAYOULI (1988)

BLE

5

3

14

11

BA (1993)

MOYENNE

4.0

10.6

6.6


écart type

1.0

3.0

3.0


NT Paille non traitée
T Paille traitée

5.2.4. Teneur globale en minéraux (cendres)

La teneur en cendres totales est un élément intéressant qui renseignera sur l'importance de la contamination des fourrages souillés au départ par de la terre ou du sable et de l'importance de la fraction minérale dans le cas des pailles de riz, très riches en minéraux (à cause de la silice). Elle constitue un indicateur de pertes d'éléments solubles au cours du traitement si le fourrage traité a une teneur en cendres nettement supérieure au fourrage non traité.

5.3. Valeur alimentaire


5.3.1. Digestibilité de la matière organique (dMO)
5.3.2. Valeur azotée
5.3.3. Ingestibilité et quantités ingérées


5.3.1. Digestibilité de la matière organique (dMO)

La digestibilité d'une paille ou d'un fourrage pauvre est améliorée par le traitement ammoniacal. La même étude bibliographique que celle utilisée pour étudier l'augmentation de la teneur en azote sur un ensemble de traitements à l'ammoniac anhydre et à l'urée montre que les augmentations de la dMO sont très variables et reflètent les différences dans les techniques, les doses d'incorporation d'ammoniac, la température extérieure, la durée du traitement, le type de fourrage traité, mais aussi la méthode de mesure de la digestibilité (quantité et nature de la complémentation apportée pour l'expression de la digestibilité potentielle, prise en compte des phénomènes de digestibilité associative pour calculer la digestibilité de la paille à l'intérieur de la ration).

L'augmentation D de la dMO est en moyenne d'autant plus importante que la digestibilité du fourrage non traité (dmo.i, digestibilité de la matière organique initiale) est faible et, dans une moindre mesure, que l'augmentation D de la teneur en MAT est importante:

D dmo = 20,32 - 0,247 dmo.i + 0,032 D MAT (%MS) + 3,14
R = 0,591
n = 56

Cette augmentation est de 14,2 11,9 et 9,8 points, respectivement pour des digestibilités initiales de 30,40 et 50 p.100

Comment prédire cette augmentation sur le terrain en l'absence de mesure sur animaux?

Il est important de rappeler que, comme pour les paille non traitées, les analyses chimiques classiques ne permettent pas de prédire la digestibilité des pailles traitées de manière correcte.

Il faudra donc faire appel, chaque fois que possible, aux tests biologiques de laboratoire (CHENOST et REINIGER; 1989).

Sans rentrer dans le détail ici, il est possible de résumer en disant que les seuls tests relativement simples sont:

· les mesures de digestibilité in vitro (DIV),
· les mesures de digestibilité in sacco (sachets de nylon).

Ces deux groupes de mesures impliquant la présence d'animaux porteurs de fistules du rumen (animaux donneurs) consommant une ration "cellulolytique" (dont les microbes du rumen sont capables de dégrader correctement les parois du fourrage testé);

· les mesures faisant appel à des enzymes cellulolytiques (cellulases) dont l'activité doit être parfaitement normalisée, ce sont les digestibilités cellulase.

Ces mesures ne renseignent toutefois que sur les variations relatives de la digestibilité (augmentation par rapport à la digestibilité initiale du fourrage non traité). Les valeurs ne sont donc pas à considérer comme des valeurs réelles de dMO si on n'a pas établi préalablement, sur des fourrages de digestibilité in vivo (mesurée sur animaux) connue, les équations permettant le "passage" de ces valeurs aux valeurs in vivo correspondantes. Ces mesures supposent deux analyses, avant et après traitement.

Le tableau 4 donne les valeurs de N x 6,25 et de digestibilité estimée par les méthodes ci-dessus obtenues sur divers fourrages et pailles traités à l'urée sous différentes conditions climatiques en vraie grandeur chez les paysans. L'augmentation moyenne de digestibilité est de 10 points, valeur tout à fait comparables aux normes généralement admises présentées plus haut.

5.3.2. Valeur azotée

Le traitement augmente la teneur en matières azotées totales ainsi que leur digestibilité apparente. La résultante est une augmentation de la teneur en matières azotées digestibles (MAD) du fourrage qui passe ainsi en moyenne de 0 avant traitement à des valeurs comprises entre 30 et 40 g/kg MS après traitement (tableau 8).

Tableau 8: Augmentation (moyenne, écart) de la valeur alimentaire de pailles de blé et d'orge traitées à l'ammoniac anhydre (traitement en tas. 5 kg/100 kg de paille) (d'après INRA. 1988)

Paramètres

Non traitée

Traitée

MAT(p100 MS)

3-5

9-10

MAD (g/kg MS)

0

30-40

dMO (p100)

35-45

50-60

UFL (par kg MS)

0,40-0,45

0,55-0,65

PDIN (g/kg MS)

22

44

PDIE (g/kg MS)

44

55

MAND (g/kg MS)

40

60

Comment les MAD sont-elles utilisées par l'animal?

Sans trop ici rentrer dans le détail nous résumerons en disant que l'augmentation de la valeur azotée est inférieure à celle qu'on aurait été en droit d'attendre au regard de l'augmentation de la teneur en MAT. En effet, le traitement entraîne une augmentation de l'excrétion fécale azotée (BORHAMI et JOHNSEN, 1981; WINTHER et al., 1983; CHENOST et DULPHY, 1987; RAMIHONE, 1987; DEMARQUILLY et al., 1989; MASON et al., 1989, entre autres), cette augmentation étant due à,

· de l'azote fixé aux parois indigestibles,

· de l'azote microbien provenant de reprises de fermentations microbiennes dans le gros intestin, et n'ayant pas pu être digéré (HASSEN et CHENOST, 1992),

· enfin, d'une mauvaise utilisation par les microorganismes du rumen de l'azote du traitement, pourtant dégradé à 90 p100 (MICHALET-DOREAU et GUEDES, 1989), comme semble l'indiquer la présence d'azote sous forme soluble dans les fèces de fourrages traités (HASSEN et CHENOST, 1992).

En termes plus pratiques, ce dernier point veut dire que,

· on surestime encore très certainement la valeur azotée des fourrages traités si on la calcule par les méthodes classiques qui ne prennent pas en compte ce phénomène. Aussi conviendra t-il, comme on le verra au chapitre 6, d'être vigilant sur la quantité et la qualité de la complémentation azotée des fourrages traités pour les valoriser pleinement et cela d'autant plus que les performances attendues des animaux qui les reçoivent seront élevées,

· les fèces d'animaux consommant des fourrages traités sont plus riches en azote (tableaux 9 et 10).

Tableau 9: Influence du traitement alcalin (soude, ammoniac, urée) sur la teneur en azote des fèces émises par des mouton en digestibilité (d'après INRA, 1988: Demarquilly et al., 1989 et Kayouli. 1994b)

Fourrages (paille, tiges)

MAT p100 MS des fèces correspondantes

INRA, 1988

Non traités

9.5

± 0,6

n = 7

Traités NH3

15.6

± 2,6

n = 7

Traités urée

13.8

± 1,3

n = 4

Traités NaOH

10.8

± 0,9

n = 4


Demarquilly et al., 1989




Non traités

6.3

nd

n = 18

Traités NH3

11.4

nd

n = 18


Kayouli, 1994 b




Non traités

6.4

1.8

n = 5

Traités NH3

11.4

2.6

n = 5

nd = non déterminé

Tableau 10: Influence des traitements alcalins (ammoniac, soude) sur la quantité de matières azotées non digestibles (MAND, rejetées dans les fèces de moutons en digestibilité) par kg de paille ingérée (d'après Demarquilly et al., 1989)

Nature du traitement

g MAT/kgMS

g MAND/kg MS

MAND dues au traitement en p100 des MAT apportées par ce traitement (*)

paille

paille ingérées

Valeurs

Augmentation

Valeurs

Augmentation

Non traitée (NT), n = 18

33.5


38.0



Traitée ammoniac (T NH3) n = 18

97.5

64.0

56.5

(TNH3 - NT) = 18,5

29 (1)





(TNH3 - TNaOH) = 12,1

19 (3)

Traitée soude (T NaOH), n = 18

33.5

0.0

44.4

(TNaOH - NT) = 6,4

10 (2)

(*): la part des MAT apportées par le traitement à l'ammoniac apparemment, non utilisées (I) est due à l'effet alcalin (2) et à la fraction d'ammoniac réellement indigestible (3)

Toutefois, et en définitive, le tableau 8 indique que les pailles, ou tout fourrage pauvre traités à l'ammoniac ou à l'urée, ont une valeur azotée non seulement plus élevée mais presque équilibrée par rapport aux fourrages non traités auxquels il fallait rajouter de l'azote pour en exprimer la valeur PDIE (qui n'était que potentielle).

5.3.3. Ingestibilité et quantités ingérées

L'ingestibilité d'un fourrage est une caractéristique propre au fourrage lui-même qui traduit son aptitude à être volontairement ingéré en quantité plus ou moins importante. Le système INRA (1988) définie une valeur d'encombrement (VEF) exprimée en unités d'encombrement, UE. Plus la valeur d'encombrement d'un fourrage est élevée, moins ce fourrage est ingestible. Elle est indépendante, pour une espèce donnée, de l'appétit de l'animal qu'on exprime par sa capacité d'ingestion, CI (INRA, 1988).

La Capacité d'Ingestion varie suivant la race, le sexe, l'état physiologique (gestation, lactation, engraissement, etc...) et les conditions de milieu dans lequel est placé l'animal.

Ainsi, la quantité d'un fourrage donné que peut ingérer un animal est le quotient,

Capacité d'Ingestion CI (kg MS

/

Valeur d'encombrement (UE)

de l'animal


du fourrage qu'il reçoit à volonté

Les mesures d'ingestibilité et de capacité d'ingestion sont délicates et s'effectuent en station, dans des conditions bien standardisées, sur un grand nombre d'animaux et avec de nombreuses répétitions dans le temps.

On dispose d'assez peu de mesures d'ingestibilité comparée fourrages non traités/fourrages traités. Le traitement des pailles augmente leur ingestibilité (diminue leur VEF) dans des proportions très variables suivant qu'il a été plus ou moins bien réussi et suivant la nature des pailles. Le traitement à l'ammoniac des pailles entraîne une diminution moyenne de leur valeur d'encombrement de 1,80 à 1,30 (INRA, 1988). Leur ingestibilité augmente donc d'environ 40.p.l00.

Sur un plan plus pratique on ne pourra, en fait, parler réellement que d'augmentation des quantités ingérées, avec toutes les sources de variabilité que cela suppose (types d'animaux, conditions d'alimentation: part du complément dans la ration, conditions de milieu, réussite du traitement,...).

Le tableau 11 donne des valeurs, extraites de 17 essais d'alimentation, de quantités de MS ingérées par des bovins et des buffles consommant des pailles de riz traitées ou non. L'augmentation moyenne de MS ingérée/j/animal par rapport à la paille non traitée est de 30 p.100 (valeurs extrêmes comprises entre 15 et 50 p.100). Ces augmentations sont du même ordre de grandeur que celles relevées dans divers essais effectués avec des bovins en croissance en région tempérée (Demarquilly et al., 1989).

Ces chiffres ne sont qu'indicatifs. En effet l'augmentation des quantités ingérées due au traitement est très variable. Elle dépend de,

· la qualité du traitement,

· la part que représente la paille dans la ration totale ingérée: réponse d'autant plus importante que la proportion de paille dans la ration est élevée (chap. 6),

· l'état nutritionnel de l'animal: réponse d'autant plus importante que l'état nutritionnel de l'animal au départ est mauvais.

Point important: l'augmentation des quantités de fourrage ingérées due au traitement est en définitive le meilleur critère de la réussite du traitement en plus du changement de leur aspect examiné au §51.

Le tableau 8 résume les augmentations moyennes de la valeur alimentaire des pailles permises par un traitement à l'ammoniac réussi.

Tableau 11: EFFET DU TRAITEMENT A L'UREE (4 à 6 kg/100 kg de paille) DE PAILLES DE RIZ SUR LES QUANTITES DE PAILLE INSEREES ET SUR LES CROISSANCES DE JEUNES BUFFLES ET BOVINS (à même complémentation NT/T)

En conclusion, l'augmentation des quantités volontairement ingérées d'un fourrage traité par l'animal constituera, avec son changement d'aspect (couleur, odeur, texture), le meilleur critère de réussite du traitement. Ce seront d'excellents points de repère pour l'agent de terrain.

5.4. Conclusion sur les traitements

Les traitements à l'ammoniac, qu'ils soient effectués directement à l'ammoniac anhydre (ou aqueux) ou indirectement à l'urée, permettent d'améliorer la digestibilité et l'ingestibilité des fourrages pauvres. Ils permettent en outre d'en améliorer la valeur azotée, ce qui leur confère un avantage supplémentaire par rapport au traitement à la soude ou aux autres réactifs alcalins. Il n'y a pas de grosses différences entre les deux groupes de techniques dans leurs effets sur les fourrages, du moins lorsque les traitements sont effectués a quantité égale d'ammoniac (c'est à dire, pour le traitement à l'urée, lorsque l'hydrolyse de l'urée ajoutée est totale). L'avantage de l'urée par rapport à l'ammoniac semble être la possibilité de réduire la quantité d'urée par rapport à la quantité théorique sans diminuer l'effet améliorateur, cela sans doute en raison du fait que l'action de l'ammoniac généré est améliorée par l'humidité plus importante du traitement à l'urée. En revanche il semble que la réponse à des doses croissantes d'urée soit moins nette qu'avec l'ammoniac anhydre.

Le traitement à l'ammoniac anhydre suppose l'existence d'ammoniac dans le pays, d'un réseau de distribution de cet ammoniac, du matériel approprié (citernes, camions,...) et du personnel technique formé pour le manipuler. Cette technique ne s'adresse donc qu'à des pays et des exploitations équipés et organisés. La Tunisie et l'Egypte constituent de bons exemples de mise en place d'une telle technique.

Lorsque l'ammoniac fait défaut ou lorsque l'organisation de sa distribution et de sa manipulation serait trop difficile ou trop onéreuse, le traitement à l'urée est une alternative parfaitement valable. Les résultats d'analyse et les observations effectués sur le terrain sont en accord avec les résultats classiques. Ils montrent ainsi que le traitement à l'urée est efficace même quand il a été effectué avec des matériaux locaux. Ils montrent également que les conditions de traitement et les paramètres adoptés étaient corrects, cette technique a été introduite dans de nombreux pays dont la majorité l'utilise maintenant de manière courante. Elle est particulièrement adaptée à la petite exploitation isolée. Elle peut aussi être mise en place dans des exploitations de taille importante ou à l'échelle de la coopérative. Dans ce dernier cas il est même possible de la mécaniser.

Le traitement des fourrages pauvres ne constitue pas le seul moyen d'améliorer leur utilisation par l'animal. Les élément nutritifs manquants dans le fourrage peuvent être apportés par d'autres aliments qui viennent en complément du fourrage pauvre.

Le chapitre suivant étudie les diverses possibilités de cette complémentation, d'une part comme valorisation des fourrages en l'état et, d'autre part, comme apport permettant d'optimiser l'utilisation des fourrages traités.


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