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ARTICLE 6 - PRINCIPES GÉNÉRAUX

6.1 Les Etats et les utilisateurs des ressources bio-aquatiques devraient conserver les écosystèmes aquatiques. Le droit de pêcher implique l’obligation de le faire de manière responsable afin d’assurer effectivement la conservation et la gestion des ressources bio-aquatiques.

Responsabilité en matière d’aménagement: Les eaux continentales diffèrent de la plupart des environnements marins en cela que les principales décisions concernant l’environnement et ses éléments aquatiques vivants relèvent rarement des autorités compétentes en matière de pêche et sont du ressort d’autres organismes. La pêche occupe donc une place accessoire lors de la définition des politiques et de l’attribution des ressources dans la plupart des pays. Les observations ci-après s’étendent sur les conséquences d’une telle responsabilité en matière de conservation et de gestion de la pêche.

La valeur des écosystèmes aquatiques tient aux avantages nets pouvant être tirés de manière durable des nombreux biens et services qu’ils fournissent, y compris diverses fonctions écologiques, des produits destinés directement ou indirectement à la consommation humaine, de l’énergie, des bénéfices esthétiques et récréatifs, et une capacité à assimiler les résidus des activités humaines. Il importe généralement d’établir un compromis entre les avantages nets découlant d’une utilisation par rapport à ceux qui peuvent être obtenus grâce à d’autres utilisations. Théoriquement, le meilleur équilibre entre les différentes utilisations consisterait à optimiser l’ensemble des avantages nets durables pouvant être obtenus de l’écosystème dans le temps. Dans la pratique, la connaissance que nous avons d’écosystèmes complexes est insuffisante pour que l’on puisse prédire tous les impacts présents et futurs d’un changement d’utilisation des différentes composantes des écosystèmes. Etant pour l’essentiel une activité non polluante et non détériorante, une pêcherie de capture bien gérée ne diminue généralement pas les avantages que les autres utilisateurs peuvent tirer des écosystèmes aquatiques continentaux. En revanche, le maintien de l’intégrité de cette pêche peut faire obstacle aux autres utilisations de l’écosystème aquatique (production d’énergie, réceptacle à polluants et extraction d’eau d’irrigation). Souvent, la pêche ne bénéficie que d’un degré de priorité peu élevé, les autres modes d’utilisation de l’écosystème étant jugés plus utiles pour le bien-être de la société.

Conservation de l’écosystème aquatique: La conservation des ressources aquatiques des eaux intérieures doit être envisagée dans le cadre de l’utilisation polyvalente des bassins hydrographiques des cours d’eau et des lacs. Dans la plupart des eaux intérieures, les principales contraintes imposées au système et à ses éléments vivants ont pour origine des activités humaines autres que la pêche. L’Etat, à tous les niveaux depuis le gouvernement central jusqu’aux autorités locales, devrait définir, pour la conservation des ressources aquatiques vivantes, des mécanismes qui soient compatibles avec une utilisation durable des bassins hydrographiques, de l’écosystème aquatique et de l’eau à toutes les fins économiques et sociales existantes.

Principe de l’utilisateur-payeur: Les utilisateurs de l’eau et du bassin hydrographique doivent limiter au minimum toute incidence délétère, contribuer à l’atténuation des effets éventuels de leurs activités et remettre en état les systèmes lorsque leur activité se termine. La définition que donne l’OCDE du principe du pollueur-payeur est la suivante:

1. Le principe du pollueur-payeur représente pour les pays membres [de l’OCDE] un principe fondamental consistant à répartir les coûts des mesures de prévention et d’élimination de la pollution, appliqué par les pouvoirs publics dans les pays membres;

2. Selon le principe du pollueur-payeur,..., le pollueur devrait supporter les frais qu’entraîne l’application des mesures, telles qu’elles sont spécifiées au paragraphe précédent, pour garantir le maintien de l’environnement dans un état acceptable. En d’autres termes, le coût de ces mesures devrait être répercuté dans celui des biens et services qui entraîne la pollution dans le domaine de la production et/ou de la consommation;

3. L’application uniforme de ce principe, grâce à l’adoption par les Etats Membres d’une base commune dans leurs politiques en matière d’environnement, encouragerait l’utilisation rationnelle ainsi qu’une meilleure répartition de ressources environnementales limitées et empêcherait les distorsions dans les échanges et les investissements au niveau international.

En théorie, les auteurs des activités endommageant la ressource devraient acquitter la totalité des frais encourus mais un tel principe est rarement applicable. La participation de l’Etat aux mesures d’atténuation doit être perçue comme une subvention au secteur industriel. Une autre forme de subvention généralement peu souhaitable consiste à laisser l’environnement supporter à titre permanent ou temporaire le coût des dégâts; dans ce cas, le coût de la dégradation du milieu se retrouve à deux niveaux: le système aquatique perd de sa valeur pour la société et le coût de sa remise en état ne fait qu’être reportée.

Participation des pêcheurs à la définition des orientations: Les pêcheurs ou leurs représentants devraient participer à la définition des priorités en ce qui concerne l’utilisation du bassin versant en défendant les intérêts de leur secteur et en participant aux mesures d’atténuation des éventuels effets indésirables de leurs propres activités.

6.2 L’aménagement des pêcheries devrait promouvoir le maintien de la qualité, de la diversité et de la disponibilité des ressources halieutiques en quantités suffisantes pour les générations présentes et futures, dans un contexte de sécurité alimentaire, de réduction de la pauvreté et de développement durable. Les mesures d’aménagement ne devraient pas seulement assurer la conservation des espèces visées, mais aussi celle des espèces appartenant au même écosystème que ces espèces, ou qui dépendent d’elles ou leur sont associées.

Nature des ressources halieutiques continentales: Il existe des différences fondamentales entre la pêche dans les lacs et réservoirs et la pêche en rivière. Dans les lacs, la pêche a tendance à être moins tributaire d’incidences climatiques immédiates, à se concentrer sur un nombre d’espèces cibles relativement réduit et à se situer dans des systèmes fermés. A l’inverse, les cours d’eau sont très influencés par les variations annuelles des précipitations, la pêche y est basée sur un grand nombre d’espèces et les systèmes y sont ouverts. La pêche dans les réservoirs représente tout un éventail de possibilités qui se situent entre ces deux extrêmes. Les stratégies d’aménagement doivent tenir compte de ces différences.

Effets généraux de l’aménagement halieutique: Il est impossible de pratiquer la pêche sans toucher à l’équilibre naturel du stock halieutique indigène. De surcroît, une grande partie des techniques modernes d’aménagement ont pour objectif avoué d’influer sur la composition de la faune halieutique en fonction des exigences de la collectivité, en introduisant de nouvelles espèces, en éliminant les espèces jugées indésirables et en repeuplant l’écosystème d’espèces considérées comme utiles.

Types de pêche: Il est possible d’évaluer les activités de pêche pratiquées à l’aide d’engins simples ciblant des ressources aux espèces peu nombreuses et aux régimes hydrologiques stables à l’aide de modèles de dynamique des populations classiques et peu complexes. La réglementation peut donc être fondée sur des critères courants: limitation de la grandeur des mailles, longueur du poisson à la première capture, nombre de pêcheurs, quotas, etc. A l’inverse, la pêche ayant pour cible des espèces nombreuses et pratiquée avec des engins multiples en eaux aux régimes hydrologiques instables, comme c’est le cas dans de nombreuses régions tropicales, ne se prête pas à l’application de tels modèles et nécessite des démarches plus souples - consistant habituellement à limiter l’accès - qui puissent s’adapter aux fluctuations des stocks et aux changements de l’environnement.

6.3 Les Etats devraient empêcher la surexploitation et devraient mettre en œuvre des mesures d’aménagement afin d’assurer que l’effort de pêche soit proportionnel à la capacité de production des ressources halieutiques et leur utilisation durable. Ils devraient prendre, lorsqu’il y a lieu, des mesures afin de permettre autant que possible la reconstitution des populations.

Surexploitation: Sur le plan biologique, il est relativement aisé d’apprécier l’état d’exploitation d’une pêcherie comportant une seule espèce du point de vue du rendement maximum durable ou du rendement économique maximum. La difficulté s’accroît dans le cas des pêcheries comportant plusieurs espèces lorsque le même niveau de capture peut être maintenu pour un large éventail d’efforts de pêche mais lorsque la composition des poissons exploités change de caractéristiques, les espèces et les sujets les plus grands étant progressivement éliminés de la pêcherie, moyennant quoi la taille des poissons capturés tend à diminuer. Dans de telles conditions, le fait qu’il faille consentir un plus gros effort pour obtenir la même prise indique qu’on se trouve en situation de surexploitation économique. L’importance de la dissipation de la rente dépend des valeurs comparatives de la récolte comportant différentes espèces d’individus soit principalement grands soit principalement petits, ainsi que du coût de l’effort de pêche superflu. Dans le cas de la pêche artisanale et de la pêche de subsistance, ce coût peut être réduit en raison du faible coût d’opportunité de la main-d’œuvre, dont une grande partie est employée à temps partiel, et du caractère peu onéreux des intrants. La modification de la valeur de la récolte peut également être réduite, les consommateurs adaptant leurs préférences en fonction des espèces et des classes de tailles disponibles. Dans ces conditions, la dissipation de la rente peut donc être limitée et, en tout état de cause, souvent inévitable pour des raisons de coût en raison de la difficulté soit de définir, d’attribuer et de protéger des droits bien spécifiés sur les ressources halieutiques, soit de limiter l’effort de pêche par des voies administratives. Le régime d’allocation le plus économique pourrait bien être d’attribuer des droits à des groupes ou des communautés de pêcheurs, ce qui permettrait de garantir qu’une partie de la rente tirée de la ressource peut effectivement être acquise. En ce qui concerne la surexploitation biologique, elle peut être définie à l’aide de modèles classiques pour la pêche portant sur une seule espèce. Dans le cas d’espèces multiples, la surexploitation ne peut être définie que par rapport à des groupes cibles assignés. Ce n’est que lorsque l’effort atteint un niveau tel qu’une diminution générale des prises se produit qu’on peut considérer que les espèces dans leur ensemble sont surexploitées. Toutefois, avant que ce stade soit atteint, la surexploitation économique prend généralement la forme d’une capacité de pêche excédentaire et d’une diminution des bénéfices nets.

Capacité de production: Dans de nombreuses eaux continentales, la pêche est aménagée avec l’intention délibérée d’excéder la capacité biologique naturelle. Il est possible d’obtenir ce résultat soit en créant des faunes artificielles (par des introductions, par empoissonnement ou par élimination des espèces non désirées), capables d’utiliser les ressources alimentaires disponibles de façon plus efficace, en fertilisant l’eau ou en modifiant de façon artificielle l’environnement pour mieux l’adapter aux besoins des poissons. Les responsables du développement devraient appliquer ces méthodes avec précaution et les limiter dans un premier temps à des zones fermées dans lesquelles le danger d’endommager des écosystèmes non ciblés est faible. Dans d’autres régions, des efforts en faveur des populations piscicoles menacées devraient être réalisés pour remettre en état les écosystèmes endommagés par pollution et modification de l’environnement, en utilisant des interventions physiques ou l’empoissonnement systématique avec des protocoles bien établis.

6.4 Les décisions portant sur la conservation et l’aménagement dans le domaine de la pêche devraient être fondées sur les données scientifiques les plus fiables disponibles, en tenant compte également des connaissances traditionnelles relatives aux ressources et à leur habitat, ainsi que des facteurs environnementaux, économiques et sociaux pertinents. Les Etats devraient accorder la priorité à la conduite de recherches et à la collecte de données, pour améliorer les connaissances scientifiques et techniques sur les pêcheries, y compris sur leurs interactions avec l’écosystème. En reconnaissant la nature transfrontière de nombreux écosystèmes aquatiques, les Etats devraient, lorsqu’il y a lieu, encourager la coopération bilatérale et multilatérale en matière de recherche.

Données scientifiques disponibles: L’état actuel des connaissances biologiques concernant le fonctionnement des systèmes aquatiques continentaux en matière de pêche est plus que suffisant pour permettre la formulation de politiques de conservation et de gestion généralisées. Néanmoins, en raison du caractère fragmenté et dispersé des écosystèmes continentaux, les connaissances qu’on peut avoir de chacun d’eux sont loin d’être complètes. L’acquisition de données complètes sur les nombreux plans d’eau existants serait d’un coût prohibitif et les experts en limnologie et en biologie des pêches ont défini des modèles généralisés qui permettent de mettre en place des processus de décision de type général au niveau de la pêche par capture. Au fur et à mesure que la quantité d’intrants introduite dans un système donné s’accroît ou lorsqu’il faut déterminer les effets d’une décision de gestion extérieure au secteur de la pêche, il y a lieu de s’assurer du bien-fondé des modèles généralisés dans le cas particulier du lac ou du cours d’eau concerné. La connaissance des facteurs d’ordre social et économique régissant la pêche est habituellement plus rare car, dans ces domaines, les études ont de tout temps été beaucoup plus limitées.

Exploitation des connaissances liées à la tradition: L’un des moyens de surmonter l’inconvénient que représente la nature diffuse de la ressource est de faire appel aux connaissances locales et au savoir attaché à la tradition. La pêche est pratiquée dans la plupart des cours d’eau, lacs et réservoirs, et les pêcheurs connaissent bien la biologie générale des espèces de poisson présentes, les saisons de leur reproduction, leurs comportements migratoires, leurs réactions aux différentes méthodes de pêche, etc. Des systèmes traditionnels similaires tenant compte de l’expérience acquise localement et des besoins des différents groupes concernés se sont imposés dans de nombreuses régions du monde en ce qui concerne la gestion des pêcheries. Malheureusement, le rythme du changement au cours de ces dernières décennies a entraîné la destruction de nombreux systèmes de gestion et de connaissance traditionnels. Des efforts doivent être faits pour étudier et documenter les systèmes de gestion locaux et les bases de connaissances traditionnelles encore existants afin qu’ils puissent être améliorés, adaptés aux nouvelles conditions prévalant dans les différents bassins versants et appliqués.

Cours d’eau, réservoirs et lacs multinationaux: Nombre de lacs, réservoirs et cours d’eau relèvent de l’autorité de plus d’un pays ou, dans un pays donné, sont du ressort de deux ou plusieurs unités administratives. Dans ce cas, des accords devraient être passés pour mettre en place des programmes de recherche communs, des systèmes de compte rendu normalisés, des réseaux d’échange d’informations et, si possible, des politiques de gestion unifiées.

6.5 Les Etats et les organisations sous-régionales et régionales s’occupant de l’aménagement de la pêche devraient appliquer largement l’approche de précaution à la conservation, la gestion et l’exploitation des ressources aquatiques vivantes afin de les protéger et de préserver l’environnement aquatique, en tenant compte des données scientifiques les plus fiables disponibles. L’insuffisance d’informations scientifiques appropriées ne devrait pas être une raison de remettre à plus tard ou de s’abstenir de prendre des mesures pour conserver les espèces visées, celles qui leur sont associées ou qui en dépendent, et les espèces non visées, ainsi que leur environnement.

Effets sur la pêche des autres secteurs: Dans les eaux continentales influencées principalement par des activités étrangères à la pêche, l’approche de précaution devrait être étendue à toutes les activités réalisées à l’intérieur du bassin versant. Ceci suppose la réalisation d’études d’impact précises concernant les projets relevant d’autres secteurs que la pêche. Malheureusement, les dégâts les plus graves ne sont pas toujours occasionnés par un projet unique dont les incidences sont aisées à déterminer mais plutôt par toute une série d’interventions d’ordre mineur dont les effets cumulés ou contraires peuvent être considérables. Il est ainsi relativement facile de quantifier et de compenser l’impact d’un grand barrage ou d’un projet d’irrigation. Il est toutefois beaucoup plus difficile de quantifier et de rectifier la pollution diffuse provoquée par l’agriculture à grande échelle.

6.6 Des engins et pratiques de pêche sélectifs et respectueux de l’environnement devraient être mis au point et utilisés, dans la mesure du possible, pour préserver la biodiversité et conserver la structure des populations et les écosystèmes aquatiques, et protéger la qualité du poisson. Dans le cas où des engins et pratiques de pêche sélectifs et respectueux de l’environnement existent et qu’ils sont appropriés, ces engins et pratiques devraient être reconnus et une priorité leur devrait être accordée lors de l’élaboration de mesures de conservation et d’aménagement concernant la pêche. Les Etats et les utilisateurs des écosystèmes aquatiques devraient réduire au minimum le gaspillage de captures d’espèces visées et non visées de poissons et d’autres espèces ainsi que l’impact sur les espèces associées ou dépendantes.

Nature des engins de pêche: Certaines pêches continentales sont tributaires d’une gamme relativement limitée d’engins de pêche sélectifs à mailles (filets maillants ou sennes, par exemple). Dans ce cas, la solution la plus commune consiste à réduire progressivement la grandeur des mailles pour répondre à la diminution des prises, grâce à la fixation précise de limites de maillage et au lancement parallèle de programmes d’éducation et de vulgarisation. La situation n’est pas aussi claire dans de nombreuses autres pêcheries - de cours d’eau en particulier - où sont utilisés tout un éventail d’engins de pêche adaptés à la nécessité de capturer de nombreuses espèces et divers stades de leur développement pendant des périodes très différentes de l’année. Certains de ces engins sont jugés néfastes par les gestionnaires et les pêcheurs, et la réglementation traditionnelle aussi bien que celle officielle ont souvent tendance à interdire de tels engins. Les engins de pêche utilisés dans le cadre de systèmes fondés sur l’exploitation de plusieurs espèces sont généralement liés à une certaine structure sociale et il est donc difficile de les interdire sans perturber l’équilibre social. Toute décision d’interdiction devrait donc être fondée sur des données biologiques, sociales et économiques valables, tenant compte plutôt du point de vue des populations locales que des ouï-dire (voir aussi 7.2.2 g).

6.7 La capture, la manutention, la transformation et la distribution du poisson et des produits de la pêche devraient être effectuées de manière à préserver la valeur nutritionnelle, la qualité et l’innocuité des produits, à réduire le gaspillage et à minimiser les effets négatifs sur l’environnement.

Préservation du poisson dans les pêcheries continentales: La pêche continentale est caractérisée par l’utilisation de nombreuses petites embarcations effectuant généralement de courts trajets depuis les points de débarquement les plus proches. Dans certains cas, les pêcheurs s’éloignent de leur base et s’installent dans des camps provisoires pour des périodes relativement longues. Etant donné la nature artisanale de la pêche, il est rare que des efforts systématiques soient entrepris pour conserver le poisson sur les courts trajets et le produit arrive fréquemment sur les marchés en mauvais état. Pour les trajets plus longs ou lorsque le produit a plus de valeur, de la glace est utilisée dans certaines régions. Le fumage et le séchage au soleil constituent toutefois les méthodes les plus communes bien qu’ils entraînent des pertes considérables en qualité et en quantité. L’utilisation extensive de bois pour le fumage a été considérée comme responsable de déboisement, en particulier dans les zones riveraines. Il est tout à fait urgent de concevoir de meilleurs systèmes de conservation, compte tenu notamment de la pénurie croissante de bois pour le fumage dans de nombreuses régions.

6.8 Tous les habitats critiques pour les pêcheries dans les écosystèmes aquatiques marins et d’eau douce, tels que les zones humides, les mangroves, récifs, lagons, nurseries et frayères, devraient être protégés et régénérés, autant que possible et là où nécessaire. Un effort particulier devrait être fait pour les protéger de la destruction, de la dégradation, de la pollution et d’autres effets significatifs résultant des activités humaines qui menacent la santé et la viabilité des ressources halieutiques.

Conservation de l’environnement aquatique: La protection des écosystèmes aquatiques ne relève généralement pas du secteur de la pêche. Les Etats devraient donc planifier la conservation des milieux aquatiques dans le cadre de leur exploitation de façon polyvalente. Des activités telles que la construction de barrages pour l’approvisionnement en eau et en électricité, la construction de canaux pour la navigation et la maîtrise des crues, le drainage et la mise en culture de zones humides à des fins agricoles ou pour le développement urbain, le rejet de déchets ménagers, miniers, industriels et agricoles, le prélèvement d’eau pour l’agriculture, l’industrie et l’alimentation en eau des villes ont toutes un impact profond sur l’écosystème aquatique. Nombre de ces activités sont indispensables à la bonne marche d’une société moderne et d’une importance économique telle que les limiter au nom de la conservation paraît problématique. Dans bien des cas, la seule chose qui puisse être faite est de limiter au minimum ce type d’intervention et d’en réduire l’impact. Les utilisateurs infligeant des dommages au système aquatique devraient contribuer à l’atténuation des effets de leurs activités (voir aussi 6.1).

Eléments à préserver: Certains éléments fondamentaux sont nécessaires pour permettre à un écosystème aquatique de conserver ses fonctions:

(a) Maintien et restauration de la connectivité longitudinale et latérale des cours d’eau dans le but de respecter les habitudes migratoires des poissons par la suppression des obstacles transversaux (barrages) ou latéraux (digues) ou la mise en place de passes à poissons.

(b) Restauration ou maintien de la diversité du lit principal des cours d’eau, y compris les méandres, la structure des fonds, la végétation, etc.

(c) Maintien ou restauration des plaines inondables et des zones humides de rivières. Il ne s’agit pas nécessairement de maintenir de tels espaces de façon continue le long du cours d’eau mais il serait souhaitable de créer à certains intervalles des réserves où le régime normal des crues serait respecté.

(d) Elimination et maîtrise de toutes les sources de pollution ponctuelles, notamment sous forme de déchets industriels, ménagers et miniers. Lutte contre la pollution diffuse, en particulier d’éléments fertilisants, dirigée vers les lacs et les cours d’eau.

(e) Maîtrise des processus au niveau des bassins versants, notamment le déboisement, les activités minières menées dans des cours d’eau et la modification des pratiques agricoles qui provoquent un envasement important, capable de réduire la durée de vie des lacs et réservoirs ainsi que de déstabiliser les lits des cours d’eau et les plaines inondables.

6.9 Les Etats devraient s’assurer que leurs intérêts en matière de pêche, y compris la nécessité de conserver les ressources, soient pris en compte dans les utilisations multiples de la zone côtière et soient intégrés dans l’aménagement, la planification et la mise en valeur des zones côtières.

Voir 6.8 ci-dessus. Les articles relatifs à l’aménagement des zones côtières (voir Section 10) s’appliquent aussi à la gestion des bassins fluviaux. Nombre des problèmes de conservation concernant les cours d’eau et les lacs se produisent dans des bassins versants internationaux et supposent des négociations entre Etats, de sorte que les pratiques néfastes appliquées en amont n’aient pas de répercussions en aval, dans d’autres pays riverains.

6.10 Dans les limites de leurs compétences respectives et conformément au droit international, y compris dans le cadre des organisations ou arrangements sous-régionaux ou régionaux concernant la conservation et l’aménagement des pêcheries, les Etats devraient assurer le respect et l’application des mesures de conservation et de gestion, et mettre au point des mécanismes efficaces, lorsqu’il y a lieu, pour surveiller et contrôler les activités des navires de pêche et des navires auxiliaires de la pêche.

Les dispositions de cet article s’appliquent en particulier aux grands lacs et bassins fluviaux là où il n’existe qu’un petit nombre d’importants points de débarquement centralisés. De façon plus générale, il est particulièrement difficile de faire appliquer la réglementation applicable en matière de pêche en eaux continentales en raison de la dispersion linéaire des nombreuses petites pêcheries et points de débarquement peu importants existant le long des cours d’eau et du caractère diffus des pêcheries individuelles sur les petits lacs et réservoirs disséminés. Faire assurer une surveillance par une organisation centralisée devient prohibitif des points de vue financier et pratique. Il est alors généralement préconisé d’intégrer ces fonctions dans les dispositions des accords de cogestion afin qu’elles soient assumées par les communautés de pêcheurs elles-mêmes.

6.11 Les Etats autorisant des navires de pêche et des navires auxiliaires de la pêche à battre leur pavillon devraient exercer un contrôle effectif sur ces navires, de manière à garantir la bonne application du présent Code. Ils devraient veiller à ce que les activités de ces navires ne réduisent pas l’efficacité des mesures de conservation et de gestion prises conformément au droit international et adoptées aux niveaux national, sous-régional, régional ou mondial. Les Etats devraient également veiller à ce que les navires battant leur pavillon s’acquittent de leurs obligations en ce qui concerne la collecte et la fourniture de données sur leurs activités de pêche.

Agences de bassin internationales: La plupart des lacs, des cours d’eau et des réservoirs relèvent de la compétence d’une seule administration. Toutefois, nombre de fleuves et de grands lacs ont un caractère international. Dans ce cas, les Etats sont instamment invités soit à définir des mécanismes internationaux pour planifier la gestion de la pêche et la conservation des systèmes aquatiques des bassins fluviaux ou lacustres, soit d’utiliser les mécanismes de réglementation existants pour les bassins versants et créés à des fins autres que la pêche.

6.12 Les Etats devraient, dans les limites de leurs compétences respectives et conformément au droit international, coopérer aux niveaux sous-régional, régional et mondial dans le cadre des organisations s’occupant de l’aménagement de la pêche, d’autres accords internationaux ou autres arrangements, pour promouvoir la conservation et la gestion, et pour assurer des pratiques de pêche responsables et une conservation et protection efficaces des ressources bio-aquatiques dans toute leur aire de distribution, compte tenu de la nécessité de prendre des mesures compatibles dans les zones s’étendant à l’intérieur et au-delà des limites de la juridiction nationale.

Allocation des ressources des eaux intérieures: Etant donné la nature polyvalente de la gestion des ressources des eaux continentales, des consultations et des négociations entre les différentes parties sont indispensables pour instaurer une politique d’utilisation des ressources cohérente. Une telle politique doit être axée sur la définition d’une répartition claire de l’eau et de l’environnement aquatique entre les utilisateurs ainsi que des intérêts et responsabilités des uns et des autres en ce qui concerne le maintien de la ressource aquatique en bon état. Les systèmes de gestion existants ont tendance à privilégier une ou plusieurs utilisations de l’eau, les autres modes d’utilisation étant tenus de s’adapter. Cette situation revient en fait à faire subventionner de façon involontaire par les autres secteurs le mode d’utilisation principal sous la forme d’une perte d’avantages directs ou indirects (coûts d’opportunité).

6.15 Les Etats devraient coopérer pour prévenir les différends. Tous les différends ayant trait à des activités et à des pratiques de pêche devraient être résolus en temps utile, pacifiquement et dans un esprit de coopération, conformément aux accords internationaux applicables ou comme il peut être autrement convenu entre les parties. Dans l’attente du règlement du différend, les Etats concernés devraient faire tout leur possible pour convenir d’arrangements provisoires concrets qui ne portent pas atteinte au résultat final des procédures de règlement des différends qui ont pu être engagées.

Différends: La plupart des différends liés aux activités de pêche pratiquées dans les eaux continentales découlent de conflits entre le secteur de la pêche et d’autres secteurs tels que l’agriculture, la maîtrise des crues et le drainage, la navigation, la production d’électricité, etc. Des différends peuvent également surgir entre différents groupes de pêcheurs, l’un des plus courants opposant ceux qui pratiquent la pêche à des fins récréatives et ceux qui pratiquent la pêche commerciale. Néanmoins, des divergences de vues apparaissent aussi entre ceux qui pratiquent la pêche de subsistance et les pêcheurs professionnels, entre les pêcheurs sédentaires et les pêcheurs migrants ou entre des groupes utilisant des types d’engins différents. Autrefois, ces conflits étaient généralement résolus dans le cadre traditionnel des communautés de pêcheurs mais ces structures ayant disparu les mécanismes de résolution des conflits ont perdu de leur importance. Les Etats peuvent contribuer à la résolution de tels différends en informant clairement les différentes parties intéressées au sein de la pêcherie de la réglementation et des décisions applicables en matière d’allocation de ressources.

Dans les eaux internationales, des différends sont susceptibles de se produire lorsque les itinéraires de migration des poissons sont interrompus, des perturbations écologiques sont engendrées dans des zones situées en aval, des sites de reproduction sont détruits, etc. Des problèmes apparaîtront également en ce qui concerne la répartition des coûts et des avantages des pêches aménagées lorsque deux Etats ou plus sont en cause. Dans de tels cas, des accords internationaux conclus dans le cadre des bassins fluviaux s’imposent pour protéger l’ensemble des parties concernées.

6.16 Les Etats, reconnaissant qu’il est fondamental pour les pêcheurs et les aquaculteurs de comprendre l’importance de tout ce qui a trait à la conservation et à la gestion des ressources halieutiques dont ils dépendent pour vivre, devraient, par l’éducation et la formation, promouvoir leur prise de conscience de la notion de pêche responsable. Ils devraient veiller à ce que les pêcheurs et les aquaculteurs participent, selon qu’il convient, au processus de formulation des politiques et de leur application, en vue de faciliter la mise en œuvre du Code.

Vulgarisation et formation: La formation et la vulgarisation en matière de pêche continentale sont partout importantes pour permettre aux pêcheurs de participer plus pleinement aux processus de négociation et de décision qui sont une caractéristique des méthodes modernes de gestion de ce type de pêche, principalement dans le cadre des systèmes de cogestion et de gestion décentralisée. D’autant qu’avec le perfectionnement des méthodes de gestion que suppose la pêche aménagée, le rapport coût-efficacité de pratiques telles que l’empoissonnement et la fertilisation revêt une importance essentielle. Lorsqu’il y a lieu, les Etats devraient donc mettre en place des programmes de formation et de vulgarisation pour aider les pêcheurs à passer de systèmes de pêche par capture administrés de façon centralisée à des systèmes de pêche aménagée gérés localement.

6.19 Les Etats devraient considérer l’aquaculture, y compris les pêcheries basées sur l’élevage, comme un moyen de promouvoir la diversification des revenus et du régime alimentaire. Ce faisant, ils devraient veiller à ce que les ressources soient utilisées d’une manière responsable et que les effets nuisibles sur l’environnement et sur les communautés locales soient réduits au minimum.

Nature des aménagements: Toute une série de pratiques sont adoptées dans les eaux continentales pour en améliorer la productivité et notamment la production de certaines espèces. Ces pratiques sont notamment les suivantes:

Equilibre entre conservation et gestion: Il est indéniable que les méthodes d’aménagement de ce type sont conçues dans le seul but de modifier la productivité de l’eau et la nature du stock piscicole. A ce titre, elles vont à l’encontre des prescriptions du Code en matière de conservation. Toutefois, comme c’est le cas pour l’aquaculture, elles sont destinées à accroître les revenus nets et, accessoirement, le volume général des disponibilités en poisson destiné à la consommation humaine. La plupart de ces méthodes d’aménagement exigeant des niveaux élevés d’intrants (alevins, aliments, engrais, etc.), elles ne peuvent être considérées comme durables qu’au sens où toute activité agricole est durable; en d’autres termes, que l’activité peut se poursuivre d’année en année avec les mêmes niveaux d’intrants et de prélèvements, sans dégradation perceptible du système naturel de base. De surcroît, tout devrait être fait pour isoler les plans d’eau faisant l’objet de mesures d’aménagement de manière à limiter au minimum les effluents riches en nutriments et les fuites de poissons introduits.


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