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Chapitre 4 - L'augmentation et la diversification de la disponibilité alimentaire

La disponibilité alimentaire doit être suffisante et suffisamment diversifiée toute l'année pour que les ménages puissent satisfaire les besoins nutritionnels de leurs membres.

Le Guide s'intéresse principalement à la production d'aliments complémentaires aux aliments de base, en raison de l'importance de ces aliments dans l'équilibre de la ration.

L'HORTICULTURE ET L'ARBORICULTURE

Les activités maraîchères et fruitières contribuent à la sécurité alimentaire des ménages en mettant à leur disposition des aliments hautement nutritifs qui accompagnent l'aliment de base, ou en leur fournissant une source de revenu.

Les activités ont débuté dans les différents projets par le choix des espèces à vulgariser, les sites de leur implantation, et l'identification des partenaires individuels et collectifs. Les espèces retenues ont été surtout celles à intérêt nutritionnel; pour les partenaires, il s'est agi dans la plupart des cas de groupements féminins exploitant des sites collectifs, et du milieu scolaire impliqué dans l'implantation de jardins scolaires.

Les jardins villageois

Au Niger, dans la zone du projet, l'horticulture était l'apanage des hommes, qui après l'hivernage transformaient les champs de grandes cultures en sites maraîchers. Les femmes n'intervenaient que dans l'écoulement des produits sur le marché. Les activités ont donc débuté par la constitution de groupements de femmes travaillant sur des terres mises à leur disposition par les hommes durant la contre-saison.

Comme les propriétaires récupéraient ensuite ces terres pour les cultures d'hivernage, les femmes ont vite compris qu'il n'était pas rentable pour elles d'investir dans des clôtures ou dans l'aménagement des puits, sur des sites qui n'étaient pas les leurs. Ainsi, en attendant la promulgation par le gouvernement d'un code ou "promulgation de lois" donnant aux femmes l'accès à la possession de terres, le projet a dû opter pour les jardins de case. En général, les femmes ont répondu de manière très dynamique aux activités maraîchères.

Les jardins de case sont de petits espaces aménagés au sein de la concession familiale (environ 4 mètres sur 4 mètres de superficie). Ils constituent une alternative aux sites collectifs, là ou le droit de propriété se pose pour les femmes. Les produits y sont récoltés juste au moment où on les incorpore aux mets, sans grandes distances à parcourir.

L'arboriculture fruitière et les ressources de la forêt

Les activités d'arboriculture fruitière ont été faibles dans les projets. Selon une étude du secteur fruitier au Mali, la croissance sur plusieurs années avant l'entrée en production, la faiblesse des moyens techniques et la recherche d'une économie d'autosubsistance journalière freinent l'intégration de ce secteur dans les activités du milieu rural.

Par contre, les enquêtes de consommation ont mis en évidence une certaine utilisation dans l'alimentation des ménages de fruits et de feuilles obtenus de la cueillette d'arbres et de plantes sauvages, surtout en période de soudure. Bien que les projets n'aient pas développé d'activités dans le domaine de la foresterie, un aide-mémoire No 4.4 soulignant les liens entre foresterie et sécurité alimentaire a donc été ajouté au Guide.

Les jardins scolaires

Dans les différents pays, le programme des écoles primaires prévoit des activités hebdomadaires de production. D'ailleurs, le jardinage présente une valeur didactique certaine dans la maîtrise de disciplines telles que les sciences d'observation et l'économie familiale. Dans les pays du Sahel, le jardinage a sa place à l'école.

Les jardins scolaires rendus fonctionnels par les projets sont peu nombreux et les succès sont à attribuer plus à la bonne volonté et au dynamisme du corps enseignant qu'à une réelle intégration du milieu scolaire à l'approche multisectorielle préconisée. Une implication plus profonde des autorités scolaires (inspecteurs, conseilleurs pédagogiques) aurait favorisé le processus d'intégration des activités maraîchères dans les activités régulières des établissements.

L'implication des autorités scolaires est indispensable pour institutionnaliser l'exploitation didactique des jardins scolaires dans les programmes des disciplines concernées.

Quant aux maîtres eux-mêmes, ils auraient eu besoin d'un suivi et d'un encadrement plus systématique par les vulgarisateurs agricoles.

Le suivi technique des maîtres par les agents de l'agriculture comble l'insuffisance de compétences spécifiques du personnel enseignant dans te domaine du maraîchage et fournit un bon exemple de collaboration intersectorielle.

Le problème de l'eau

Dans certains villages et dans certaines écoles, l'éloignement des points d'eau a pu décourager les participants d'entretenir leurs jardins collectifs, individuels ou scolaires. C'est ainsi qu'au Niger, après avoir déplacé l'accent des jardins collectifs aux jardins de case, le projet s'est orienté vers le creusement de puits villageois.

La disponibilité d'eau est une condition préalable aux activités maraîchères.

Un plan de travail pour les activités horticoles et fruitières, tiré de l'expérience des différents projets est donné dans l'aide-mémoire No 4.1

Le projet du Burkina Faso a élabore un guide pratique sur les techniques de production maraîchère et fruitière destiné aux agents de terrain; le projet du Niger a élaboré un guide sur la tenue d'un jardin de case. Ces deux guides sont décrits à l'annexe 2.

Les schémas donnés dans les aide-mémoire No 4.2 et 4.3 sur les techniques d'implantation d'un jardin potager et d'un verger fruitier sont tirés de ces deux documents.

LA CONSERVATION DES PRODUITS

Corollaire indispensable de la production vivrière, la conservation contribue à la sécurité alimentaire des ménages en rendant les aliments disponibles toute l'année.

Le Mali, le Niger et, dans une moindre mesure, le Bénin ont développé ce volet.

Dans les pays respectifs, les enquêtes ont montré que les villageois avaient une certaine expérience de la conservation des produits horticoles. Le séchage solaire était pratiqué à l'échelle familiale. Mais la méthode traditionnelle d'exposition à l'air libre pose des problèmes d'hygiène, de conservation de la qualité nutritionnelle et des propriétés sensorielles des produits, et des problèmes liés à une altération plus rapide des produits.

Les projets ont proposé la méthode de séchage solaire amélioré, dont les avantages sont résumés dans l'aide-mémoire No 4.5

Les populations ont accueilli favorablement la nouvelle technique. Les contraintes relevées au Niger et au Mali sont surtout liées aux matériaux de construction utilisés, vu les conditions climatiques des zones (difficultés à fabriquer les briques à certaines périodes de l'année, bois et plastique non adaptés à la zone).

Pour pérenniser la nouvelle technologie, les projets ont formé les artisans des villages à la construction et à l'entretien des séchoirs, les animatrices et agents vulgarisateurs à leur utilisation correcte. Un manuel sur le séchage solaire domestique, décrit à l'annexe 2, a été élaboré dans le cadre du projet du Niger.

En considérant le marché potentiel non négligeable des produits sèches, le projet du Niger s'est appuyé sur les commerçantes de feuilles séchées pour vulgariser les avantages du séchoir solaire amélioré par rapport aux pratiques traditionnelles.

En effet, le maintien des propriétés sensorielles et la durée plus longue de conservation qui donnent une plus value monétaire aux denrées, sont des éléments qui favorisent la vulgarisation et la pérennisation de cette technologie. La constitution de petits centres artisanaux de séchage selon la méthode améliorée, avec l'implication des femmes qui pratiquent déjà le commerce des produits horticoles sèches, est aussi une activité à proposer à l'intérieur des projets de nutrition.

Le séchage solaire amélioré est une approche culturellement acceptée, nutritionnellement recommandée et économiquement rentable.

D'autres procédés de conservation telles que la fabrication de confitures, l'extraction et la stérilisation des pulpes de tomates constituent une diversification de la gamme de produits de transformation.

LE PETIT ELEVAGE

L'élevage joue un rôle important dans la sécurité alimentaire des ménages, soit directement à travers la fourniture d'aliments nutritifs, soit indirectement en fournissant des intrants au système de production agricole, en procurant un revenu régulier à l'exploitant, ainsi qu'un capital mobilisable à tout moment.

Parmi les diverses formes d'élevage, celui des petites espèces revêt une importance socio-économique particulière car il est souvent l'apanage des couches les plus vulnérables de la population: femmes et enfants. Là où les femmes sont organisées en groupement, le petit élevage peut tirer profit de l'existence de cette structure qui facilite l'accès aux intrants, ainsi que la transformation et la commercialisation des produits.

Les projets du programme vitamine A, dont les expériences sous-tendent le présent Guide, n'ont pas développé d'activités de petit élevage, bien qu'il s'agisse d'une activité traditionnellement acceptée par les communautés impliquées par les projets. En effet, l'accent avait été mis surtout sur l'augmentation de la production d'aliments d'origine végétale, sources de provitamine A, la composante animale ayant été négligée. Ce choix était motivé par le faible pouvoir d'achat des bénéficiaires et par des considérations sur la complexité et les coûts qu'une telle composante comporterait.

Comme il peut jouer un rôle important dans la sécurité alimentaire des ménages, le petit élevage mérite d'être intégré parmi les activités à promouvoir au niveau communautaire pour améliorer l'état nutritionnel des populations.

Pour cela, deux aide-mémoire ont été ajoutés à la fin de ce chapitre. L'aide-mémoire No 4.6 porte sur le plan de travail pour la mise en oeuvre d'activités de petit élevage au niveau communautaire. L'aide-mémoire No 4.7, porte sur les caractéristiques des petites espèces à intégrer dans un système de production mixte.

Ce qu'il faut retenir

Aide-mémoire No 4.1
Le plan de travail des activités d'horticulture et d'arboriculture

Activités:

- identification des partenaires (groupements, individus, élèves)

- identification des sites (collectifs, individuels, jardins scolaires)

- choix des espèces et moyens d'approvisionnement en intrants

- désignation des encadreurs (animatrices, agents vulgarisateurs de base)

- formation d'encadreurs

- rédaction d'un accord entre le projet et les groupements/individus pour chaque parcelle à mettre en place

- rédaction, là où cela s'avère nécessaire, d'un contrat entre le chef du village ou le propriétaire des terres et les utilisateurs

- creusement de puits, si nécessaire

- formulation des thèmes techniques à vulgariser

- encadrement des paysans

- formation des groupements à la gestion financière

- rédaction de fiches à mettre à la disposition des encadreurs:

- fiches de suivi/observation des cultures

- fiches d'arrosage par culture

- fiches d'utilisation des produits phytosanitaires

- fiches de présence des villageois aux séances d'encadrement

- bilan régulier des cultures avec les groupements/individus

- organisation de visites aux sites du projet à l'intention des villages environnants

Aide-mémoire No 4.2
Les techniques d'implantation d'un jardin potager

Etapes à suivre pour implanter un jardin potager

Choix du site maraîcher

- soi non argileux, non caillouteux
- existence d'un point d'eau permanent

Délimitation

- clôture

Aménagement du terrain

- arrachage des mauvaises-herbes
- déracinement des arbustes

Labour

- hersage et ratissage
- tassement du sol

- Piquetage matérialisation des planches

· longueur: 5 à 10m
· largeur: 1 à 2m
· allée: 0,50 à 1m

Confection des planches

- les planches seront faites soit en creux, soit surélevées selon les saisons

Fumure

- épandre le fumier de ferme sur toute la planche

Semis

- direct ou en pépinière

Entretien

- arrosage, démariage, repiquage, binage, buttage, etc.

Fertilisation

- fumure organique
- fumure minérale (engrais)

Protection des cultures

- contre les facteurs climatiques
- contre les ennemis des cultures

Récolte

- selon le cycle végétatif des différents légumes

Aide-mémoire No 4.3
Les techniques d'implantation d'un verger fruitier

Etapes à suivre pour implanter un verger fruitier

Choix du site

- sol léger, terrain peu accidenté
- existence d'un point d'eau pour couvrir les besoin en eau surtout au stade "jeune plant"

Aménagement du verger

- délimitation du terrain
- arrachage des mauvaises herbes
- décapage des élévations (buttes)
- remblai des trous pour rendre le terrain plan
- mise en place d'un réseau de brise-vent
- choix de la densité de plantation

Piquetage

- matérialisation de l'emplacement des futurs arbres à l'aide de piquets

Trouaison

- faire un trou de 80cm x 80cm x 80cm
- rejeter la terre des trente premiers centimètres d'un côté et le reste du côté opposé
- exposer le trou à l'air libre pendant au moins trois semaines

Rebouchage et butte de plantation

- incorporer du fumier à la terre issue du fond du trou

Plantation

- faire un trou dans la butte
- coucher le plant et couper longitudinalement le film plastique
- mettre le plant dans le trou, le collet du plant étant juste au niveau du sol
- tasser de part et d'autre, tirer pour enlever le plastique
- confectionner une cuvette pour les arrosages

Entretien

- arrosage des plantes (surtout en début de plantation)
- fumure annuelle
- sarclo-binage
- protection phytosanitaire

Récolte

- selon les espèce et les objectifs poursuivis (consommation, commercialisation, transformation)

Conservation et transformation

- séchage
- fabrication de jus, confitures, etc.

Aide-mémoire No 4.4
La forêt et la sécurité alimentaire

Les liens entre la foresterie et la sécurité alimentaire des ménages sont multiples:

Liens d'ordre environnemental

- la forêt contribue à produire les conditions environnementales stables dont dépend une production agricole durable

- la forêt constitue un outil de régénération de la productivité des sols (système de jachère forestière).

- la forêt est un réservoir de diversité génétique important pour la production agricole future

- les arbres dans les exploitations agricoles réduisent les dommages dus au vent, protègent le sol de l'érosion et le régénèrent

Liens d'ordre productif

- la forêt fournit des aliments (feuilles, fruits, racines, gibiers) qui contribuent à diversifier le régime alimentaire

- la forêt offre des aliments de substitution, saisonnière et en cas d'urgence, quand les disponibilités alimentaires courantes s'amenuisent

- les arbres et les arbustes sont une source essentielle de fourrage pour le bétail, surtout en saison sèche

- les arbres que l'on cultive sur les exploitations contribuent à améliorer la fertilité des sols

- la forêt représente la principale source de combustible qu'utilisent les populations rurales pour cuisiner et transformer les aliments

Liens d'ordre socio-économique

- la cueillette, la transformation et la vente de produits forestiers sont une source de revenu qui peut être utilisée pour se procurer des vivres

- les arbres de l'exploitation agricole représentent un capital qui peut être réalisé en période de besoin

- la forêt est une source de plantes médicinales qui, en améliorant l'état de santé de l'individu, augmentent sa capacité productive et son bien-être

Aide-mémoire No 4.5
Le séchage solaire amélioré

Avantages du séchage solaire amélioré

- temps de déshydratation plus court
- moindre altération de la qualité nutritionnelle
- hygiène mieux assurée
- réduction de la période de soudure, grâce à une durée plus longue des aliments conservés
- préservation des propriétés sensorielles

Aide-mémoire No 4.6
Le plan de travail des activités de petit élevage

Activités:

- identification des partenaires (groupements/individus)
- choix des espèces à élever
- identification des structures de soutien pour:

· la fourniture des intrants (jeunes sujets appartenant à des souches améliorées, alimentation)

· l'appui technique (prophylaxie et soins médicaux)

- identification d'un marché potentiel
- formation des encadreurs en

· production
· alimentation
· pathologie
· gestion/commercialisation

- encadrement des éleveurs
- formation des éleveurs en gestion/commercialisation
- rédaction de fiches de suivi

Aide-mémoire No 4.7
L'élevage des petites espèces au sein de systèmes de production mixte

Avantages et contraintes des espèces les plus couramment élevées:

Ovins:

- activité hautement profitable dans certains environnements socio-culturels
- faible productivité de la race traditionnelle

Poulets

- fourniture de produits autres que la viande (oeufs) pour l'autoconsommation et la vente
- taux élevé de mortalité des souches locales
- pertes importantes de poussins dues aux prédateurs

Pintades

- fourniture de produits autres que la viande (oeufs) pour l'autoconsommation et la vente
- conservation des oeufs plus longue que l'oeuf de poule
- faible productivité de la race, taux élevé de mortalité

Lapins

- forte productivité

- élevage aisément intégré à des activités de maraîchage dont il peut valoriser les sous produits

- activité ne demandant pas beaucoup de travail complémentaire

- formation technique des encadreurs indispensable compte tenu des comportements territorial, sexuel, reproductif et alimentaire différents des autres petits animaux

Gros escargots

- revenu substantiel
- activité demandant peu d'investissements et de main-d'oeuvre

Canards

- élevage aisément intégré à la riziculture et à la pisciculture

- difficulté d'acquisition des intrants

- manque de débouché sur les marchés nationaux, la viande de canard ne rentrant pas dans les habitudes alimentaires


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