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TROISIÈME PARTIE - LE DIALOGUE ET LES INITIATIVES DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
À PROPOS DES FORÊTS

La législation internationale concernant la gestion durable des forêts: problèmes et perspectives

HISTORIQUE

La notion de règlements forestiers internationaux est née de deux propositions formulées en 1990: l'une en faveur d'une convention mondiale sur les forêts et l'autre soutenant l'idée d'un protocole forestier établi dans le cadre de la Convention sur les changements climatiques. Cette dernière proposition a attiré un soutien croissant notamment de la part du G7. C'est dans cette optique que l'Organisation mondiale des parlementaires pour la protection de l'environnement (GLOBE) a publié, au début de 1992, une Convention modèle pour la conservation et l'utilisation avisée des forêts. Cependant l'espoir que nourrissaient divers pays de voir la CNUED mettre en place, au courant de la même année, une convention internationale sur les forêts s'est révélé vain; en effet, les désaccords mûris au fil des ans, en particulier entre pays développés et pays en développement, se sont fortement polarisés. Les pays avaient - et ont encore aujourd'hui - des vues très partagées sur le fond des questions forestières mondiales. Cela dépend, d'une part, de l'étendue des forêts qu'ils possèdent et de l'intérêt qu'ils accordent à leur mise en valeur pour en tirer divers revenus et, d'autre part, du fait qu'ils considèrent ces forêts, soit comme un «patrimoine planétaire», soit comme un domaine national propre.

Sans arriver à un accord juridiquement contraignant, la CNUED a tout de même permis la création de plusieurs instruments juridiques, aussi bien «souples» que «contraignants» (voir encadré 26), portant directement, sinon de manière globale, sur l'utilisation et la gestion des forêts. La Déclaration de Rio établit des principes généraux visant à orienter les Etats vers une coopération mondiale équitable en matière d'environnement et de développement. Les principes de Rio précisent que la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du développement et préconisent l'élimination des formes non durables de production et de consommation. Action 21 souligne la nature intersectorielle des forêts et met en évidence aussi bien les avantages socioéconomiques que les services environnementaux qu'elles peuvent offrir. Les principes forestiers réitèrent le droit souverain des Etats d'utiliser leurs propres ressources forestières de manière qu'elles répondent à leurs besoins mais reconnaissent que les coûts additionnels inhérents au développement durable doivent être partagés équitablement par l'ensemble de la communauté internationale. Toutefois, les «Principes forestiers» n'identifient pas les aspects mondiaux de la foresterie durable. Outre les instruments juridiques souples, la CNUED a approuvé les termes de trois conventions (la CBD, la CCCC et la CCD) qui concernent les forêts et la foresterie mais ne leur sont pas exclusivement consacrées.

 

ENCADRÉ 26
Définition de la législation «contraignante» et de la législation «souple»


La législation «contraignante» revêt différentes appellations suivant le type de procédure de négociation et le degré de formalisation. Les termes traité, convention, protocole, accord, arrangement et statut sont en général interchangeables.

Une «convention» est un instrument juridique officiel de caractère multilatéral. Le terme inclut également les instruments adoptés par les organes d'institutions internationales telles que la Conférence internationale du travail. Le terme «convention» est interchangeable avec celui de «traité».

La Convention de Vienne sur le droit des traités définit le traité comme un accord international conclu par écrit entre des Etats et régi par le droit international, que cet accord soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière.

Un «protocole» est normalement considéré comme un organe subsidiaire à une convention, ou un traité supplémentaire conclu à une date postérieure; son objet et sa mise en application sont indépendants de la convention; il est sujet à une ratification distincte.

La législation «souple» telle que les principes intergouvernementaux (les Principes forestiers, par exemple) ou les cadres d'action (les mesures proposées par l'IPF) n'est pas juridiquement contraignante. Toutefois, elle traduit un consensus, un accord négocié, une reconnaissance et un engagement d'ordre politique. Les obligations qu'elle entraîne ne sont donc que morales. Toutefois, largement appliquée, elle exerce par ses effets cumulés une pression sur l'évolution du droit international.

 

Ces accords internationaux sur l'environnement ont préludé à une période de renforcement du consensus sur les questions forestières qui s'est concrétisée par l'établissement de la Commission du développement durable des Nations Unies (CDD). Cette dernière a été chargée par le Conseil économique et social de l'ONU de promouvoir l'incorporation des Principes forestiers dans la mise en œuvre d'Action 21. Lorsque la Commission constitua en 1995 l'IPF, elle lui a demandé de consacrer un de ses cinq thèmes de travail à l'étude de futurs instruments juridiques. Ce n'est qu'à sa dernière session en février 1997 que l'IPF a pu traiter à fond la question. Il devint alors apparent que les prises de position en la matière s'étaient quelque peu modifiées: certains pays qui, auparavant, s'étaient opposés à l'application de nouvelles mesures forestières contraignantes ont non seulement accepté la notion d'instrument juridique, mais l'ont même défendue. Toutefois cette approche n'a pas été unanime. Par la suite la CDD a chargé l'IFF de poursuivre les débats entamés sur la question par l'IPF, en leur consacrant un de ses trois thèmes de travail.

ANALYSE DE LA PERTINENCE DES INSTRUMENTS JURIDIQUES

Au niveau mondial, on a assisté à un net rapprochement de vues sur la définition de la gestion durable des forêts, tant au niveau national que de l'unité d'aménagement. Différents processus internationaux destinés à établir et à appliquer au niveau national des critères et indicateurs de gestion durable des forêts, ainsi que d'autres initiatives visant à identifier des indicateurs au niveau de l'unité d'aménagement, ont abouti à une grande convergence d'opinions sur les aspects pratiques de ce type de gestion. Les progrès réalisés aux deux niveaux ont montré qu'il importe de prendre aussi en compte les dimensions mondiales de cette gestion. En effet, sans une gestion durable globale des forêts, le succès des initiatives nationales et sous-nationales se trouvera compromis.

Il devient dès lors indispensable de se demander quelles sont les questions forestières qui relèvent davantage du droit international, si les instruments utilisés à l'heure actuelle sont adéquats ou s'il faut les améliorer, s'il convient d'en créer de nouveaux et, dans l'affirmative, lesquels seraient les plus appropriés?

Le premier pas consiste à faire la distinction entre les questions purement mondiales et les questions nationales et locales; cela n'est pas évident car les niveaux s'imbriguent. En outre, il convient de bien identifier le «facteur additionnel», à savoir ce qu'un pays (une compagnie ou un groupe) doit faire pour remplir les besoins régionaux et mondiaux au-delà de ce qui aurait été nécessaire pour assurer les biens et les services forestiers nationaux et locaux. Il pourrait être difficile d'arriver à un consensus sur cette question.

Le pas suivant consiste à examiner quelles sont les questions mondiales qui ne peuvent être traitées que par une intervention internationale; et le droit international existant est-il, pour ce faire, suffisant. Autrement, on devra choisir entre trois grandes options:

IDENTIFICATION DES QUESTIONS FORESTIÈRES INTERNATIONALES

Le droit forestier est applicable dans deux circonstances: soit lorsque les produits et les services des forêts ont un intérêt international, soit lorsque, dans la production ou la commercialisation de biens ou des services d'intérêt mondial, régional, national ou local, il y a échanges ou situation «transfrontière». Cet aspect mondial ou transnational est particulier et affecte essentiellement un pays ou un endroit déterminé.

La garantie de la fourniture de biens et de services spécifiques par la forêt est une notion primordiale dans la définition de l'objectif des futurs instruments juridiques internationaux. Plus que la superficie forestière ou les statistiques sur le déboisement (qui ont largement dominé les débats internationaux), ce qui importe c'est ce que l'on tire de la forêt et la répartition équitable des coûts et des avantages connexes.

La sécurité et le maintien des services fournis par la forêt à la planète revêtent une grande importance pour l'humanité tout entière. Ces services comprennent:

Bien que les forêts relèvent de la juridiction nationale, les pays ont reconnu de plus en plus, ces dernières années, leur appartenance au «patrimoine planétaire», du fait que la communauté mondiale prend en charge certaines de leurs fonctions. Les accords internationaux servent à rappeler les obligations nationales et à inciter la promotion des services forestiers favorisant l'ouverture de nouveaux marchés et le versement de paiements compensatoires. A l'heure actuelle, il est difficile de mobiliser individuellement les pays pour payer ces services. La mondialisation du marché pourrait faire pencher la balance en faveur d'une foresterie durable qui garantirait ces services mais que ne peuvent compenser (aujourd'hui) les seuls revenus tirés du bois d'œuvre. Quelques transactions ont récemment vu le jour en ce domaine, notamment en ce qui concerne la contrepartie de la fixation du carbone et la bioprospection; on doit en tirer des leçons.

En vertu d'un principe de droit international bien établi, les pays sont tenus d'assurer que les activités relevant de leur juridiction ne nuisent pas à l'environnement d'autres pays. Les activités transfrontières - comme le commerce, la coopération, les investissements étrangers, les exploitations forestières par des compagnies étrangères et la pollution - peuvent grandement renforcer, ou au contraire compromettre, la sécurité des biens et services forestiers à tous les niveaux, du local au mondial. A l'heure actuelle, l'arsenal juridique international n'est pas suffisant pour garantir qu'aucune des activités entreprises par un pays (voire une société privée) n'a de répercussion défavorable sur un autre, notamment en matière d'environnement. Il est indispensable de déterminer quelles seront les mesures nécessaires en matière de normes et de procédures (études des effets sur l'environnement et codes de pratique, par exemple) ou les accords multilatéraux les plus appropriés pour encadrer les activités forestières. C'est grâce à des accords régionaux (tels que la Convention européenne sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance) que les problèmes transfrontières ont été, pour la première fois, le mieux affrontés.

COMMENT FAIRE PROGRESSER L'ENCADREMENT INSTITUTIONNEL

Cinq conditions préalables favoriseront l'avancement en ce domaine, quelles que soient les solutions adoptées par les gouvernements ou le secteur privé, y compris le maintien du statu quo.

Un accord sur les critères et les indicateurs de foresterie durable

Il convient de classer rationnellement tous les instruments internationaux pertinents quels que soient leur domaine d'application ou leur caractère juridique; et, ensuite, il faut établir des protocoles qui soient cohérents et traitent de chacun des aspects cruciaux de la foresterie durable, par exemple les moyens d'assurer leur diffusion, le paiement (pour les services rendus ou en tant que compensation), la planification, la surveillance et la vérification. En outre, il faudrait continuer à soutenir les efforts déployés actuellement pour définir des critères et des indicateurs de gestion des forêts au niveau national et au niveau de l'unité d'exploitation.

Une analyse de l'efficacité et des lacunes des institutions et des instruments internationaux et de leur capacité à répondre aux besoins nationaux et locaux

Les éventuelles politiques ou procédures inefficaces doivent être particulièrement soulignées.

Une élaboration de programmes forestiers nationaux participatifs et des mécanismes internationaux pour faciliter la diffusion de l'information

Chaque pays doit savoir clairement ce qu'il peut attendre de la communauté internationale et ce qu'il peut lui offrir s'il veut promouvoir un développement durable et équitable sur son propre territoire. Des programmes forestiers nationaux mis en œuvre de conserve entre les parties prenantes ainsi que des processus de multipartenariat joueront un rôle fondamental dans l'avancement des débats intergouvernementaux. Tant que ces processus nationaux n'auront pas démarré et que les arbitrages entre groupes d'intérêt n'auront pas été compris, les pays ne sauront tomber d'accord sur des arbitrages analogues au niveau mondial. Ces programmes ne devront pas consister en une simple liste d'activités souhaitables mais s'appuyer plutôt sur un encadrement des mécanismes locaux efficaces où le pouvoir décisionnel et les moyens sont en accord.

Un engagement résolu à mettre en œuvre des processus nationaux macrosectoriels et extrasectoriels

La durabilité des forêts en dépend étroitement. Il est indispensable de les affronter, quelles que soient les mesures internationales en vigueur.

Une participation à des accords commerciaux et de développement élargis portant sur les causes internationales des problèmes forestiers

Le commerce, l'assistance, les investissements étrangers et la pollution posent des problèmes fondamentaux qui ne seront pas réglés dans le cadre de simples accords forestiers. Les préoccupations mondiales concernant les droits des populations autochtones ou minoritaires entrent dans la même problématique. Il est indubitable que les initiatives forestières internationales devront faire partie du débat sur ces «grands problèmes» traités par la CDD, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), etc., et une coordination entre toutes les actions sera indispensable.

CONSTITUTION D'UN RÉGIME FORESTIER INTERNATIONAL

Quatre options sont présentées ci-dessous en dehors de toute prise de parti. Comme on l'a vu plus haut, il est indispensable que les pays les analysent et en débattent avant de prendre des décisions. Les trois premières options s'appuient sur les moyens existants auxquels d'éventuelles modifications peuvent être apportées. Seule la quatrième a des visées plus ambitieuses et envisage la création d'une convention forestière mondiale.

Agir par le biais de conventions et d'accords existants pour assurer des services mondiaux et neutraliser les activités transfrontières nuisibles

Le maintien et la sécurité de certains services forestiers mondiaux sont assurés au titre d'accords globaux consacrés à la défense de l'environnement, notamment ceux qui traitent de la conservation de la diversité biologique (CBD et CITES), du patrimoine naturel (Convention sur le patrimoine mondial), de l'incidence du carbone et des changements climatiques (CCCC), ou de la lutte contre la désertification (CCD). Les programmes mis en œuvre dans le cadre de ces accords sur l'environnement portent de plus en plus souvent sur le développement.

La Convention sur la diversité biologique envisage la conservation des forêts, notamment par la mise en réserve de zones protégées représentatives, mais aussi sous l'angle de la viabilité de l'exploitation, de la remise en état/restauration des ressources, de l'amélioration de l'accès aux ressources et de leur partage équitable. En tant que telle, elle est compatible avec les principes de la gestion durable des forêts.

Bien que la conservation de la diversité des ressources forestières ne soit pas son unique objectif, la Convention renferme de nombreuses dispositions relatives aux services fournis à la planète par les forêts, qu'un protocole spécial ait été établi ou non à ce titre. La Convention confirme le droit souverain des pays d'utiliser la diversité biologique présente sur leur territoire et préconise une répartition équitable des avantages tirés de l'exploitation de ses ressources génétiques.

Elle impose la mise en place de plans et de procédures nationaux pour incorporer des objectifs de diversité biologique dans les activités sectorielles. Bien qu'elle confirme les aspects de «patrimoine planétaire» de la diversité biologique, ce qui prépare la voie aux paiements compensatoires à l'échelle mondiale, elle ne contient pas encore de mécanismes incitatoires adéquats pour l'utilisation des ressources forestières. On observe d'importants chevauchements entre les dispositions de la CBD et les «Principes forestiers»; il pourrait dès lors être nécessaire d'inscrire un protocole forestier dans le cadre de cette Convention, ce qui rendrait plus astreignante toute obligation touchant à la conservation des forêts et à certains aspects de leur utilisation durable.

La CCCC met en relief le rôle que jouent les forêts comme sources et puits de carbone. Par le biais de son programme de projets conjoints et de son mécanisme pour un développement propre, la Convention prévoit des protocoles réglementant les actions et les paiements de sommes compensatoires pour la fixation du carbone, à la charge des autres Etats parties. Le perfectionnement des critères et des indicateurs de gestion durable des forêts et une meilleure comptabilisation du carbone permettraient de trouver des solutions qui ne se limitent pas aux grands programmes de reboisement ou de mise en réserve mais incluent des plans de gestion des forêts et d'agroforesterie locaux plus complexes en tant que projets de contrepartie de la fixation du carbone. Un protocole pour les forêts au titre de la CCCC pourrait favoriser la régularisation des rapports biomasse/carbone, mais cela ne couvrirait que ce seul aspect des multiples services rendus par les forêts.

La CCD est moins étroitement liée aux questions forestières en tant que telles, mais intégre dans son approche globale certains aspects socioéconomiques, matériels et biologiques des effets de la désertification qui s'y rapportent. Sa recommandation en faveur de plans nationaux et d'une gestion décentralisée des ressources forestières permettrait d'intègrer les besoins locaux et mondiaux. Cependant, la Convention n'est pas applicable à tous les pays ni à tous les biomes et ne couvre pas tous les services dont les forêts du monde ont besoin.

L'Accord international sur les bois tropicaux (ITTA) est un instrument juridiquement contraignant portant sur le commerce des produits des forêts tropicales. En tant que premier accord sur des produits qui s'appuie sur des principes, et désormais des objectifs, de conservation de la ressource (les forêts tropicales) dont proviennent les produits, il contient de nombreux éléments propres à un accord juridique sur la gestion des forêts tropicales (encore que les mécanismes de signalisation ne soient pas rigoureux et qu'il ne comporte guère de mécanisme d'incitations ni de sanctions).

Malgré la valeur indiscutable de ces divers textes, il ne faudrait pas compter uniquement sur eux pour régler le régime forestier international. La plupart des instruments concernant l'environnement sont relativement neufs et ne sont pas pleinement opérationnels.

Plusieurs accords internationaux portent sur divers services rendus à la planète par les forêts, mais tous les services ne sont pas couverts. En outre, les contrôles sur les activités transfrontières - commerce, assistance, investissement étranger, exploitation forestière des sociétés, pollution - sont très insuffisants. Enfin, ces accords sont contradictoires sur divers points, tels que: niveau d'engagement politique, disponibilités financières pour la mise en œuvre, participation aux coûts des services forestiers mondiaux envisagés, efficacité et répartition des obligations et des incitations ou encore rapidité et opportunité des interventions.

De nombreux partenaires ont manifesté leur opposition à l'attribution à l'une des conventions existantes, notamment la CBD ou la CCCC, du rôle de moniteur dans l'élaboration d'un régime forestier international car l'objectif environnemental en matière de forêts n'est pas, pour eux, prédominant. Ils favorisent plutôt la prise en compte de l'approche intégrée des multiples avantages offerts par les forêts et le rôle de monnaie d'échange qu'elles peuvent jouer en fonction de la complexité des besoins. Tel est notamment le cas de pays (et entreprises) qui voient dans les forêts un précieux actif économique à maintenir, développer ou transformer pour en faire un capital qui alimente les besoins du pays. Enfin, la perspective de voir se fractionner la politique et l'exploitation des forêts et de voir chacune des facettes régie par un instrument et des organismes internationaux différents suscite des préoccupations chez ceux qui considèrent que les forêts ont déjà assez souffert de l'application de solutions fragmentaires.

Compter sur une législation «souple» et l'action du secteur privé

On s'oriente actuellement davantage vers une approche non juridiquement contraignante, axée sur une législation «souple» pour conserver une marge suffisante de manœuvre et se laisser une période d'expérimentation. On recherche en fait un cadre pour l'action. Cette approche est particulièrement indiquée en cas d'évolution accélérée, d'incertitude des marchés, d'instabilité sociale ou de fortes variations entre les diverses conditions locales et lorsque aucun consensus ne peut être trouvé. Elle s'applique à de nombreux problèmes qui se posent de nos jours à propos des forêts. Cela explique pourquoi cette législation «souple» a été et est encore l'approche prédominante de cette dernière décennie. Alors que l'on peut les considérer comme faisant partie de la législation «souple» , les «Principes forestiers» et les dispositions d'Action 21 ont été repris dans des conventions postérieures à la CNUED, et ont été incorporés dans certaines lois nationales. Ils sont désormais devenus d'usage au niveau international.

Forger, adapter et/ou mettre en œuvre des mécanismes d'application de cette législation intergouvernementale souple, notamment des «Principes forestiers». Il a été suggéré d'adapter et d'élargir les «Principes forestiers» pour en faire la base d'un régime forestier international. Cette proposition aurait deux avantages: à la différence des autres instruments juridiques internationaux, ces principes concernent exclusivement les forêts; en outre, ils sont le fruit d'un consensus. Cependant, s'ils ne portent que sur les forêts, ils ne traitent pas de manière exclusive (ni particulière) de toutes les questions forestières mondiales. De fait, ces principes touchent à un ensemble de thèmes internationaux, nationaux et locaux divers, mais ne constituent pas une plate-forme de réglementation des questions mondiales. En outre, si ces principes ont fait l'objet d'un consensus, c'est précisément parce qu'ils ne sont pas, et non jamais été censés être, juridiquement contraignants. Bien qu'ils servent à formuler de nouveaux programmes, ils conservent, de par leur nature même, les avantages d'une législation «souple» et ils sont, de ce fait, en contradiction avec toute notion de mesure contraignante.

Les initiatives du secteur privé. Le secteur privé a déjà amorcé la mise au point de systèmes d'incitation à l'amélioration dans le secteur forestier. Il existe un nombre croissant de programmes bilatéraux (entre entreprises et/ou ONG dans les pays industrialisés et entre gouvernements dans les pays en développement, par exemple) pour la conservation de la diversité biologique, la bioprospection et le stockage du carbone. Il faudrait toutefois établir dans quelle mesure cela représente des solutions de rechange à la réglementation et, parallèlement, quelle serait la réglementation nécessaire pour assurer une mise en œuvre efficace et équitable.

Le mouvement en faveur de la certification des forêts s'est développé très rapidement dans certains pays sous forme d'initiatives en multipartenariat, qu'elles soient régies pour l'essentiel par des ONG s'occupant d'environnement, par des négociants et (plus récemment) par des sociétés forestières. On pourrait comparer les initiatives de certification à des «conventions» du secteur privé régissant la foresterie durable et proposant des modes d'action et des moyens pour responsabiliser les gestionnaires.

Alors que la certification a concerné jusqu'ici l'incidence locale des opérations d'exploitation commerciale et leurs retombées sur place, on constate que la certification des forêts pour la compensation des émissions de carbone est désormais amorcée. Certaines administrations locales et des entreprises privées ont également formulé des politiques d'achat de produits forestiers qui exigent la certification. Ces initiatives sont certainement en mesure de s'intégrer dans un processus plus global, mais il est aussi nécessaire de les encadrer au niveau national pour qu'elles se déroulent de façon équitable.

La plupart des initiatives du secteur privé ont préconisé l'application du principe de la «meilleure pratique» tendant par là à encourager les gestionnaires forestiers les plus avancés. Cependant, certaines ONG comme le Forest Watch (organisme de surveillance des forêts) demandent que les mauvaises pratiques soient dénoncées et que la transparence en matière d'activités forestières et d'exploitation soit améliorée.

De nombreux problèmes qui se posent dans le domaine du droit international s'appliquent aussi aux initiatives du secteur privé: différents niveaux d'engagement, de financement affecté à la mise en œuvre, de disposition à payer pour certains services fournis par la forêt, d'efficacité, de répartition équitable, ou de rapidité et d'opportunité des interventions. Pour avancer sur la voie du progrès, c'est-à-dire obtenir un accord ferme et efficace sur les critères de gestion durable des forêts et programmes forestiers nationaux (qui offrent aux initiatives du secteur privé un cadre juridique clairement défini), les mesures énoncées plus haut devront également être appliquées. En outre, il ne faudra pas non plus ignorer les questions d'autorité, de représentativité, de répartition équitable et de compatibilité.

Ces initiatives encore jeunes et souvent expérimentales devraient susciter une certaine compétition qui pourrait s'avérer utile pour mettre en œuvre une véritable gestion durable des forêts.

Les mesures proposées par l'IPF sont le produit à la fois des Etats et du secteur privé. Elles contiennent les éléments nécessaires pour établir des règles pratiques applicables à toutes les activités soumises au droit «souple», qu'elles soient intergouvernementales, nationales ou privées.

Mettre au point et/ou élaborer des accords régionaux sur les forêts

Les accords régionaux sont susceptibles de résoudre les problèmes transfrontières comme l'ont démontré les accords forestiers des pays d'Amérique centrale et d'Amazonie ainsi que le Processus paneuropéen. Ils contribuent à imprimer un élan politique et à créer les conditions institutionnelles propices à l'investissement à long terme dans la gestion durable des forêts. Ils représentent aussi une forme de coopération internationale, partant de la base, respectant une répartition des intérêts particuliers, c'est-à-dire qu'ils sont conçus en fonction d'un objectif précis et dépendent d'un soutien mutuel. Enfin, ils servent de liens efficaces et pratiques entre les programmes forestiers nationaux, indispensables pour accroître la production de biens et de services aux niveaux local, national et mondial. Cependant les accords régionaux n'abordent ni les problèmes entre les régions ni les engagements internationaux qui sont essentiels pour le transfert des ressources entre les bénéficiaires des interventions forestières et ceux qui, au contraire, sont lésés par celles-ci.

Etablir un instrument juridiquement contraignant pour tous les types de forêt

Il a été proposé de créer une convention forestière dont la fonction serait d'inciter les Etats à respecter leurs engagements vis-à-vis de la forêt en général. Ce mécanisme financier et juridique contrôlerait l'acquittement des obligations assumées et identifierait, enregistrerait et évaluerait les progrès accomplis à l'échelon international. Les partisans d'une convention forestière soulignent l'importance d'examiner tout ce qui touche à la forêt de manière globale en évitant la fragmentation des problèmes entre un grand nombre d'initiatives qui ne peuvent que la marginaliser.

Toutefois, il ne semble guère probable que l'on puisse trouver un accord sur la manière d'appréhender le sujet du régime forestier international à brève échéance. Beaucoup de pays ne s'accordent pas sur la priorité à donner à un grand nombre de questions. Les détracteurs d'un instrument juridiquement contraignant font observer que les accords internationaux exigent des délais de négociation et de mise en œuvre, qu'ils entraînent des coûts et des baisses de revenus, qu'ils risquent d'affaiblir d'autres initiatives déjà négociées, réalisées à grands frais et ayant besoin d'être consolidées, voire qu'ils encourageraient des objectifs non durables ou peu respectueux d'une répartition équitable.

En raison de la grande diversité des problèmes soulevés par les forêts et de leurs liens avec différents intérêts environnementaux, économiques et sociaux, il faudra inévitablement combiner la législation «contraignante» et la législation «souple». Il faudrait donc une convention-cadre forestière adaptable qui reconnaîtrait et renforcerait les initiatives existantes, les incorporant dans un cadre global. Elle ne devrait pas modifier les conventions juridiquement contraignantes déjà en vigueur mais s'attacherait plutôt à combler les lacunes actuelles en introduisant graduellement de nouvelles obligations définies ultérieurement. Il est estimé aujourd'hui qu'une telle convention-cadre devrait être:

QUESTIONS CLÉS À PRENDRE EN COMPTE

Un certain nombre de questions clés devront être soulevées lors des délibérations intergouvernementales sur la création d'instruments juridiques internationaux relatifs aux forêts:

Une réflexion sur ces questions stimulerait l'analyse et contribuerait à déterminer s'il est ou non nécessaire d'instituer une nouvelle législation internationale sur les forêts et, le cas échéant, à indiquer les formes qu'elle pourrait revêtir.

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