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Éditorial

Décentralisation et délégation de pouvoir en foresterie

Les termes «décentralisation» et «délégation de pouvoir» apparaissent de plus en plus souvent dans les discussions sur les politiques et les pratiques d'aménagement durable des forêts. Les définitions de ces deux termes foisonnent. On peut commencer par définir la décentralisation comme le déplacement des fonctions administratives du niveau central à un autre niveau, alors que la délégation est le déplacement du pouvoir du niveau central à un autre niveau, le pouvoir étant entendu ici dans le sens de la capacité ou de l'autorité codécisionnelle.

Les deux termes sont si souvent utilisés ensemble que l'on croit facilement que l'un ne va pas sans l'autre. Or, comme on le verra dans les articles de ce numéro d'Unasylva, la décentralisation et la délégation peuvent certes se produire simultanément, mais c'est loin d'être toujours le cas.

Les tentatives de déplacement des fonctions et des pouvoirs de gestion peuvent prendre un nombre incalculable de formes. Le présent numéro d'Unasylva examine plusieurs thèmes liés à la redistribution de l'autorité et des pouvoirs dans le domaine des forêts et de la foresterie, principalement pour donner suite au Séminaire international sur la décentralisation et la délégation de la gestion des forêts dans la Région Asie et Pacifique, qui a eu lieu à Davao (Philippines), du 30 novembre au 4 décembre 1998. Un certain nombre d'articles présentés dans ce numéro ont été auparavant soumis à ce séminaire, dont les organisateurs ont apporté une contribution majeure, et appréciée, à ce numéro d'Unasylva.

Dans l'article d'ouverture, l'un des organisateurs du séminaire, R.J. Fisher, résume les thèmes et les enseignements généraux qui y ont été mis en avant. Il concentre son attention sur des approches pragmatiques conduisant à une délégation réussie des pouvoirs décisionnels.

Á chaque objectif principal de la gestion des forêts correspond une «vision» différente de la décentralisation et de la délégation. Si l'un des objectifs clés est la conservation de la diversité biologique, les populations locales et leurs activités économiques sont souvent considérées comme un risque pour le bon fonctionnement des écosystèmes naturels; elles ont donc souvent été, non seulement exclues des processus décisionnels, mais aussi physiquement éloignées des zones protégées. Les tentatives faites pour mettre un frein à ces pratiques et pour transférer la responsabilité de la conservation de la diversité biologique aux populations locales posent toutefois de nouveaux problèmes. L'article de T. Enters et J. Anderson conteste les idées reçues qui veulent que les populations locales soient toujours intéressées par l'utilisation durable et la conservation des ressources forestières, et que seuls les systèmes de tenure, de connaissances et de gestion des communautés locales soient adaptés à la conservation de la diversité biologique et à la gestion des forêts. Les arguments des auteurs sont corroborés par un bref article de R. Badola qui met le doigt sur quelques inconvénients de la gestion forestière conjointe et de l'écodéveloppement dans le réseau indien de zones protégées. Un autre court article complémentaire de C.S. Encarnación présente une étude de cas sur le Projet de développement des forêts paysannes de Kalahan (Philippines), du Réseau de conservation de la biodiversité.

À propos de la décentralisation et de la délégation des pouvoirs, l'une des grandes questions est de savoir à qui transférer l'autorité et le pouvoir. Pour J. Ribot, qui s'appuie sur des exemples venus d'Afrique pour défendre vigoureusement sa thèse, l'administration locale élue est l'institution à laquelle doit être confiée la charge de représenter les populations locales pour tout ce qui concerne l'utilisation des ressources publiques. L'article suivant de A. Onibon, B. Dabiré et L. Ferroukhi démontre qu'il existe des disparités importantes entre la décentralisation de l'autorité et la délégation du pouvoir dans les programmes d'aménagement forestier d'Afrique occidentale francophone.

Le droit a un rôle fondamental à jouer dans les initiatives visant à déplacer les pouvoirs sur les ressources forestières. À partir de l'analyse d'une initiative de promotion de la gestion communautaire des mangroves de la péninsule Fumba, à Zanzibar (République-Unie de Tanzanie), J.M. Lindsay attire l'attention sur les points faibles des principes juridiques de la foresterie communautaire, dans pratiquement tous les pays.

Deux articles de ce numéro se concentrent sur des exemples issus de pays développés. M. Clarke examine les effets de la privatisation (autre forme de délégation) des forêts et de l'industrie forestière, en Nouvelle-Zélande. A.S. Inglis se penche sur les faits nouveaux politiques récents survenus en Écosse et sur leur impact potentiel sur la gestion des forêts, en particulier en ce qui concerne la participation des communautés locales.

Un numéro précédent d'Unasylva avait pour thèmes centraux la conciliation des intérêts multiples en foresterie et le concept de pluralisme. Dans l'article final de ce numéro lié au thème principal, A. Fernández-González et B. Aylward opposent au concept de pluralisme défendu par Unasylva, la notion de «polycentrisme», et en analyse quelques expressions concrètes telles qu'appliquées dans un bassin versant du Costa Rica.


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