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Inventaire et évaluation sur grande surface des arbres hors forêts

C. Kleinn

Christoph Kleinn est le chef de la Sous-Unité des statistiques du Centre agronomique tropical de recherche et d'enseignement (CATIE), à Turrialba (Costa Rica), ainsi que le coordonnateur technique d'un projet d'évaluation des ressources arborées hors forêts, financé par l'Union européenne.

Définitions et formes d'enquête possibles pour un inventaire et une évaluation sur grande surface des arbres hors forêts.

Les arbres hors forêts sont des for-mations arborées allant de sim-ples éléments isolés aux arbres faisant l'objet d'un aménagement systématique au sein de systèmes agroforestiers. À cette dernière extrémité de l'éventail, ils revêtent de multiples fonctions écologiques et économiques, similaires en principe à celles des forêts mais différentes néanmoins quant à leur ampleur. Les arbres hors forêts sont rarement pris en compte dans les évaluations des ressources naturelles, notamment dans celles qui portent sur de grandes surfaces, et ils ne représentent que depuis peu un thème de recherche important.

Le présent article aborde la question de l'inventaire et de l'évaluation des arbres hors forêts - l'inventaire étant le processus d'identification quantitative et qualitative d'une ressource, tandis que l'évaluation consiste à situer les données ainsi obtenues et à attribuer des valeurs à la ressource visée. L'accent est placé sur les inventaires effectués sur de grandes surfaces, par exemple à l'échelle des provinces, des pays ou des régions, par opposition à des zones d'étude plus courantes et moins vastes comme les exploitations ou les groupes d'exploitations. Après s'être penché sur la définition et la classification des arbres hors forêts, l'article présente les différentes formes d'enquête possibles. On trouvera notamment quelques expériences et exemples relatifs à l'Amérique latine.

La ressource à inventorier: les arbres hors forêts

Une définition claire de la ressource à inventorier est toujours nécessaire par souci de cohérence et de compatibilité avec d'autres études et afin que les résultats puissent être diffusés sans difficultés. Selon la définition de la FAO, les arbres hors forêts sont les «arbres situés sur des terres ne rentrant pas dans les définitions de forêts et autres terres boisées» (Institut finlandais pour la recherche forestière, 1996; FAO, 1998). Les arbres hors forêts sont donc définis en relation avec les forêts et les autres terres boisées. Un récapitulatif des définitions de la FAO concernant la notion d'arbre, de forêt et de terre boisée, et celle d'arbre hors forêt (Institut finlandais pour la recherche forestière, 1996; FAO, 1998), fait l'objet de l'encadré.

Définitions

La FAO a défini la catégorie «arbres hors forêts» par référence aux arbres et aux systèmes arborés occupant des terres autres que celles définies comme des «forêts et autres terres boisées». À cet égard, les définitions pertinentes de la FAO sont les suivantes:

Arbre

Plante ligneuse pérenne avec un seul tronc, ou dans le cas d'un taillis avec plusieurs souches, ayant une couronne plus ou moins définie.

Sont inclus: les bambous, palmiers et autres plantes ligneuses répondant aux critères ci-dessus.

Forêts

Terre avec un couvert arboré (ou une densité de peuplement) supérieur à 10 pour cent et d'une superficie supérieure à 0,5 ha. Les arbres doivent être capables d'atteindre une hauteur minimale de 5 m à maturité in situ. Cela comprend soit les formations forestières fermées où les arbres de différents étages et sous-étages couvrent une grande partie du terrain, soit les formations forestières ouvertes avec un couvert végétal continu dans lesquelles le couvert arboré excède 10 pour cent. Les jeunes peuplements naturels et toutes les plantations établies dans un objectif forestier, qui ont déjà atteint une densité de couverture de 10 pour cent ou une hauteur de 5 m, sont inclus dans la catégorie des forêts. Il en est de même des surfaces faisant normalement partie des superficies forestières qui ont été temporairement déboisées à la suite d'interventions humaines ou de causes naturelles, mais qui doivent retourner à la forêt.

Sont inclus: les pépinières et les vergers à graines qui forment une partie intégrante des forêts; les routes forestières, les chemins, les coupe-feu et autres petites superficies ouvertes au sein de la forêt; les forêts des parcs nationaux, des réserves naturelles et d'autres zones protégées ayant plus particulièrement un intérêt scientifique, historique, culturel ou spirituel; les brise-vent et les rideaux-abris arborés avec une superficie supérieure à 0,5 ha et une largeur supérieure à 20 m; toutes les plantations établies dans un objectif forestier, y compris les plantations d'hévéas et les peuplements de chênes-lièges.

Sont exclues: les terres utilisées de manière prédominante pour les pratiques agricoles.

Aures terres boisées

Terres ayant soit un couvert arboré (ou une densité de peuplement) de 5 à 10 pour cent d'arbres capables d'atteindre une hauteur de 5 m à maturité in situ, soit un couvert arboré (ou une densité de peuplement) de plus de 10 pour cent d'arbres d'une hauteur inférieure à 5 m à maturité in situ (c'est-à-dire les arbres nains ou rabougris), ou de plus de 10 pour cent d'arbustes et formations arbustives.

Arbres hors forêts

Arbres situés sur des terres ne rentrant pas dans les définitions de forêts et autres terres boisées.

Sont inclus: les arbres situés sur des terres répondant aux critères de définition des forêts et autres terres boisées, mais dont la superficie est inférieure à 0,5 ha; les arbres pouvant atteindre une hauteur d'au moins 5 m à maturité in situ lorsque la densité de peuplement est inférieure à 5 pour cent; les arbres d'une hauteur de moins de 5 m à maturité in situ lorsque la densité de peuplement est inférieure à 20 pour cent; les arbres dispersés situés sur des prairies et des pâturages permanents; les cultures arbustives permanentes telles qu'arbres fruitiers et cocotiers; les arbres situés dans les parcs et les jardins, autour d'édifices et en bordure de rues, de routes, de voies ferrées, de rivières, de petits cours d'eau et de canaux; les brise-vent arborés ayant une largeur de moins de 20 m et une superficie inférieure à 0,5 ha.

Sources: Institut finlandais pour la recherche forestière, 1996; FAO, 1998.

La définition d'arbre hors forêt étant liée à celle de la forêt et autre terre boisée, il est évident que des définitions différentes se répercuteront sur l'évaluation quantitative de cette ressource dans une région donnée. Divers facteurs influent sur la mesure dans laquelle les résultats varient selon les définitions, notamment la disposition dans l'espace des arbres et du territoire forestier (Kleinn, 1991), la précision des données et le mode d'exploitation des terres. La délimitation est parfois difficile. La plupart des définitions n'indiquent pas clairement comment la ligne de démarcation entre une forêt et une terre non boisée doit être tracée.

Vue aérienne de différentes configurations d'arbres hors forêts: un paysage à couvert arboré, mais presque non boisé - CATIE

L'élaboration d'un système de classification pour une ressource aussi variée que les arbres hors forêts est appelée à rester un enjeu important dans les années à venir. Cette classification est fondamentale pour mieux comprendre la structure et la composition de la ressource. Elle en facilite ainsi l'évaluation et rend possible une comparaison entre les différentes études. Un système de classification structuré est indispensable, notamment aux fins de la présentation sous forme de cartes sur lesquelles la représentation de chaque arbre devient impossible dès qu'il s'agit de grandes surfaces.

Des systèmes de classification détaillés ont été mis au point pour le secteur agroforestier (par exemple Nair, 1987; Sinclair, 1999), mais il n'existe encore aucun système de classification applicable à la totalité des arbres hors forêts. La question principale est de savoir si les arbres hors forêts constituent une surface (c'est-à-dire s'ils sont géométriquement définis) ou si, en raison de sa désagrégation, la ressource doit être exprimée sous une autre forme, par exemple en tant que biomasse par unité de surface sur une terre agricole. Les deux options sont valables et permettent une représentation cartographique de la ressource, utilisable à des fins diverses.

L'une des principales difficultés de la classification des arbres hors forêts et des terres sur lesquelles ils se trouvent est que l'on devrait tenir compte à la fois de la couverture terrestre (biophysique: quelle est la superficie couverte par les couronnes des arbres?) et de l'utilisation du sol (socioéconomique: la terre est-elle utilisée principalement pour la foresterie?). Les possibilités de confusion sont multiples. Ainsi, bien des cacaoyères, des plantations de café et des pâturages seraient qualifiés de forêts s'ils étaient classés en fonction de leur couvert arboré . La possibilité d'effectuer une telle distinction dépend de la connaissance de la zone et des sources de renseignements disponibles. De plus, dans les premières années, les plantations forestiè res sont utilisées occasionnellement comme pâturages, la foresterie se trouvant ainsi temporairement mêlée à d'autres formes d'utilisation du sol.

Aux fins d'un inventaire sur grande surface, la classification se doit avant tout d'être pratique, pour permettre la prise de décisions claires et cohérentes sur la base des sources d'informations disponibles. À cet effet, deux critères généraux sont considérés comme utiles (voir les exemples indiqués dans l'encadré 2):

Exemples de classifications des arbres hors forêts

Selon la terre sur laquelle ils se trouvent

    - Arbres situés dans des zones urbaines et périurbaines
    - Arbres associés à des cultures perma-nentes
    - Arbres associés à des cultures annuelles
    - Arbres associés à des pâturages
    - Arbres situés en bordure d'«éléments linéaires» tels que contours de propriété, routes, voies ferrées, canaux, petits cours d'eau
    - Groupes d'arbres (ne répondant pas aux conditions de superficie indiquées pour les forêts)
    - Arbres situés sur des terres non cultivées ou non aménagées (portions de savane, régions montagneuses, tourbières)

Selon la géométrie

Interactions directes limitées ou inexistantes entre les arbres :

    - Arbres isolés et dispersés

En zones, au contour plus ou moins net (Sinclair, 1999):

    - Arbres en layons
    -Groupes d'arbres

Bien entendu, ces deux critères ne sont pas incompatibles, mais ils peuvent et doivent être intégrés dans un système de classification unique, l'un ou l'autre étant alors considéré comme le critère principal, selon les besoins en information.

Dans le cadre des efforts déployés pour élaborer un système de classification des arbres hors forêts, il est important aujourd'hui de dresser une liste d'attributs caractérisant la ressource (arbres) sur le plan physique et fonctionnel, ainsi que la terre sur laquelle celle-ci se trouve, afin que la classification puisse être effectuée en fonction des besoins de l'inventaire considéré.

La classification des arbres hors forêts doit tenir compte du couvert arboré et de l'utilisation du sol: ainsi, bien des plantations de café seraient considérées comme des forêts si elles n'étaient classées que sur la base de leur couvert arboré - ici, une plantation de café au Costa Rica, avec au fond des arbres élagués - E. SOMARRIBA

Pourquoi effectuer une évaluation sur grande surface des arbres hors forêts?

Les évaluations des ressources naturelles sont coûteuses et doivent donc avoir une raison d'être objective, qui tient généralement au rôle économique et écologique de la ressource, à l'utilisation potentielle des informations et à leurs utilisateurs potentiels.

Les fonctions économiques et écologiques des arbres forestiers et des arbres hors forêts se confondent dans une large mesure: ils procurent, les uns comme les autres, des produits ligneux et non ligneux; ils assurent un espace vital aux animaux et aux végétaux, jouant ainsi un rôle dans la conservation des espèces et pour la protection du sol et des ressources en eau; ils contribuent au pittoresque du paysage et favorisent le piégeage du carbone. Bien entendu, c'est dans la mesure dans laquelle ces différentes fonctions sont exercées qu'ils diffèrent, sachant que bien des fonctions de l'écosystème sont propres à la forêt et ne peuvent être assurées par les arbres hors forêts.

Il est toutefois intéressant aussi d'étudier les arbres hors forêts sans effectuer une comparaison directe avec les arbres forestiers. Les arbres hors forêts sont souvent indépendants de la forêt et constituent un élément important du paysage non forestier dont il convient de tenir compte au moment de la planification des ressources naturelles sur grande surface, dans une optique à la fois écologique et économique.

Dans certains pays (en Colombie et au Costa Rica, par exemple), la législation forestière s'applique également aux arbres hors forêts (notamment pour ce qui concerne les autorisations d'abattage). S'il existe une certaine tradition et expérience en matière de gestion durable des forêts, ainsi qu'un besoin reconnu dans ce domaine, en revanche la dynamique de la ressource arborée hors forêts est mal connue. Il est donc important de disposer de données qui puissent servir de base pour la mise au point de stratégies de gestion en faveur du couvert arboré. De telles informations sont également utiles à des fins de planification, par exemple celle de la production de bois à partir des arbres hors forêts.

En Amérique centrale, à titre d'exemple, des renseignements sur grande surface concernant les arbres hors forêts sont nécessaires pour pouvoir répondre aux questions suivantes:

Au-delà de ces justifications techniques, divers accords internationaux (comme les Principes forestiers d'Action 21, la Convention sur la diversité biologique et la Convention-cadre sur les changements climatiques) indiquent que l'existence d'une base de données solide est une condition essentielle pour une gestion judicieuse des ressources naturelles de la planète. Bien que ces accords se réfèrent en général explicitement aux forêts, le concept de gestion durable des ressources naturelles s'applique également aux arbres hors forêts. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) a recommandé des inventaires pour toutes les terres (Lund, 1996).

Formes d'enquête possibles et exemples

Le type d'inventaire et d'évaluation à effectuer est fonction des objectifs visés. Pour répondre à des besoins d'information, un inventaire des arbres hors forêts peut fournir des données quantitatives ou des cartes de la ressource. Des statistiques à l'échelle mondiale ou par région sont intéressantes pour ce qui concerne le piégeage du carbone, par exemple; la cartographie du couvert arboré (les configurations dans l'espace et la diversité) quant à elle est essentielle pour l'évaluation des arbres hors forêts dans les couloirs biologiques, pour ne prendre là encore qu'un exemple. Des différentes approches possibles aux fins d'un inventaire des ressources naturelles, il semble que les plus appropriées pour les arbres hors forêts soient les évaluations biophysiques et l'analyse des autres sources d'informations disponibles, voire l'association des deux. D'autres méthodes telles que l'extrapolation à partir d'inventaires précédents, les estimations d'experts ou les enquêtes effectuées par des experts ou les gestionnaires des terres sont moins prometteuses, étant donné l'expérience limitée sur le terrain.

Les arbres hors forêts comme composante des inventaires sur grande surface: évaluation directe

Peu d'études comportant une évaluation directe des arbres hors forêts sur grande surface, ont été publiées. Comme pour les inventaires forestiers, on peut présumer que bon nombre d'enquêtes ne le sont pas non plus et sont inaccessibles.

Sylvander (1981) a présenté un rapport sur une opération de cartographie du couvert forestier conduite au Costa Rica en 1967 et en 1977 dans le cadre d'un projet d'inventaire forestier. Cinq classes (strates) ont été distinguées et cartographiées, en prenant pour critères le couvert arboré et l'utilisation du sol, avec une classification de la forêt en cinq catégories, d'après la FAO (1974). Le pourcentage du couvert foliacé a été déterminé pour chaque strate, tous arbres confondus, forestiers ou hors forêts. Les résultats ont indiqué que 23,7 pour cent en 1967 et 30,4 pour cent en 1977 du couvert arboré ne rentraient pas dans la catégorie des grandes forêts denses. En outre, 13,4 pour cent en 1967 et 18,1 pour cent en 1977 appartenaient à la catégorie couvrant les territoires dotés de peuplements forestiers plus importants, y compris les zones d'agriculture et de pâturage, c'est-à-dire seulement en partie boisés.

L'approche cartographique adoptée par Sylvander est intéressante parce qu'il s'est concentré sur les arbres et non pas sur les forêts, et que sa cartographie et son estimation du couvert n'étaient pas limitées à certains types de forêts, mais touchaient l'ensemble du pays.

Holmgren, Masakha et Sjöholm (1994) ont inventorié les ressources arborées situées dans les exploitations agricoles du Kenya, analysant l'état et les tendances de la biomasse ligneuse hors des forêts conventionnelles sur les quelque 20 pour cent du territoire national ayant un potentiel agricole élevé et accueillant environ 80 pour cent de la population du Kenya. Ils ont effectué un inventaire biophysique direct selon le modèle d'inventaire forestier classique qui prévoit un échantillonnage en deux temps: utilisation de photographies aériennes pendant la première phase, et mesurages sur le terrain pendant la seconde. Cette méthode a été jugée appropriée pour l'inventaire de la biomasse arborée éparse dans les fermes forestières. En complétant leurs résultats par d'autres sources d'informations, les auteurs sont parvenus à la conclusion qu'au Kenya un tiers seulement de la biomasse ligneuse se trouvait dans des forêts vives.

Paysage avec forêt et arbres isolés près de la côte Pacifique, dans la province de Puntarenas, au Costa Rica - C. KLEINN

Renseignements sur les arbres hors forêts à partir de données recueillies par té lédétection

En ce qui concerne les arbres hors forêts, on peut distinguer trois niveaux d'intervention: la classification et la cartographie de l'utilisation du sol; l'identification des strates du couvert arboré; et le mesurage des caractéristiques des arbres. L'imagerie satellitaire et les photographies aériennes constituent un instrument particulièrement approprié dans les deux premiers cas. La nouvelle génération d'imagerie par satellite à haute résolution devrait permettre l'identification des arbres (ou couronnes) isolés et constituer ainsi une source prometteuse de données pour l'inventaire des arbres hors forêts sur grande surface.

Étant donné que pour les arbres hors forêts, il s'agit d'observer à la fois l'utilisation du sol et la couverture terrestre, les règles de classification doivent être établies en fonction du contexte, en tenant compte des alentours de la zone à classer. La classification sera souvent difficile. La vérification sur le terrain et/ou la validation à l'aide de photos aériennes à grande échelle sont indispensables lorsque l'on utilise des images prises par satellite à résolution standard, comme les données du dispositif de cartographie thématique (capteur TM) Landsat. Comme pour le mesurage des caractéristiques des arbres, la télédétection ne permet de mesurer qu'une série limitée d'attributs, et seulement lorsque la résolution spatiale est adéquate. Le couvert foliacé, la densité des arbres et leur disposition (ou mieux encore, celle des couronnes) dans l'espace peuvent être facilement déterminés si la résolution géométrique de l'image le permet. D'autres attributs importants comme l'essence et les dimensions du tronc et de la couronne sont relevés avec plus de précision sur le terrain, tandis que les variables non biophysiques telles que la propriété et le mode d'exploitation des arbres ne peuvent être observées que sur place.

Groupe d'arbres, San Andrés Semetabaj, département de Sololá, au Guatemala - G. GÓMEZ

Données sur les arbres hors forêts provenant d'autres sources d'informations

Une étude pilote conduite dans six pays d'Amérique latine (Kleinn, 1999) a montré que les données provenant d'évaluations directes sont l'exception dans cette région - ou qu'elles ne sont pas accessibles. Toutefois, les arbres hors forêts intéressent plusieurs secteurs - le secteur agricole avant tout, mais aussi le secteur urbain, le secteur forestier et celui de la conservation - dont on peut obtenir des données diverses susceptibles d'être utilisées pour une estimation sur grande surface.

Ainsi, les données concernant la superficie des plantations de café se trouvent dans les statistiques agricoles et dans celles des instituts nationaux du café. Cela dit, le couvert des arbres d'ombrage dans les plantations de café est hétérogène, aussi bien du point de vue de la densité que de celui du pourcentage de la superficie couverte et par rapport à la composition des espèces. De plus, les données concernant de grandes surfaces ne sont pas immédiatement disponibles et devraient être tirées d'une multitude d'études de recherche portant d'ordinaire sur un petit nombre d'exploitations agricoles. Ces études sur faible surface fournissent souvent des données détaillées et de bonne qualité sur la composition des espèces, la taille, le volume, la biomasse, le carbone piégé et la disposition dans l'espace de la composante arbre, ainsi que des infor-mations sur son importance socioéconomique. Il est toutefois difficile de juger si les recherches disponibles sont représentatives de la situation dans une région plus vaste et si leur utilisation à des fins de modélisation et d'extrapolation serait valable d'un point de vue méthodologique.

Dans le même ordre d'idées, on trouve des informations concernant la superficie des pâturages permanents dans les statistiques de l'utilisation du sol, mais les données relatives à la composante arbres sont dispersées. Guevara, Laborde et Sánchez (1998) ont indiqué la quantité moyenne d'arbres par hectare sur 45 pâturages choisis à Los Tuxlas (Mexique), soulignant l'existence de différences marquées selon l'inclinaison. Van Leeuwen et Hofstede (1995) ont dénombré les arbres situés dans les exploitations agricoles de la région atlantique du Costa Rica; ils ont noté qu'il était impossible d'évaluer le nombre moyen des arbres parsemant les pâturages par le biais d'entrevues avec les cultivateurs, car ceux-ci tendaient généralement à le sous-estimer. Il s'agit là d'une découverte intéressante, car les enquêtes agricoles ont été en grande partie basées sur des entrevues avec les agriculteurs.

À elles seules, les données disponibles ne fourniront probablement pas un cadre complet et cohérent de la ressource arbres hors forêts sur de grandes surfaces, car elles proviennent des sources d'informations et des études les plus diverses, portant d'ordinaire sur un nombre restreint de zones de faible surface. Il convient toutefois de les analyser et de les utiliser comme des informations auxiliaires pour la planification des évaluations. Cela est d'autant plus vrai pour les statistiques et les cartes de l'utilisation du sol, ainsi que pour les modèles arbre tels que les fonctions volume utilisées dans les inventaires forestiers et agroforestiers.

À quoi doit ressembler une évaluation sur grande surface?

La structure finale d'une évaluation des arbres hors forêts sur grande surface est explicite: une carte de l'utilisation du sol, rapidement utilisable ou produite par exemple à partir d'images satellite, identifie les classes ou strates où se trouvent des arbres hors forêts. Les efforts sont ensuite concentrés sur l'estimation des attributs voulus des arbres hors forêts dans ces classes, avec l'emploi de techniques différentes selon les objectifs visés.

Considérant les caractéristiques particulières de la ressource, un inventaire efficacement conçu s'appuiera donc probablement sur des images satellite, des photographies aériennes (ou d'images satellitaires à haute résolution) et des placettes sur le terrain. Les images satellite constituent la base d'une classification des terres, en relation éventuellement avec la présence d'arbres hors forêts. En outre, elles fournissent une couverture complète et permettent d'élaborer des cartes de la région inventoriée par le biais d'une extrapolation modélisée. Les photographies aériennes, lorsque leur échelle est appropriée, ou les images satellite à haute résolution permettent d'identifier les arbres hors forêts et leurs configurations, et facilitent la cartographie et l'analyse spatiale ainsi que la planification des travaux sur le terrain. Un échantillonnage détaillé de terrain, c'est-à-dire allant au-delà d'une vérification de la classification de l'image satellite, est nécessaire si l'inventaire est appelé à fournir plus qu'une simple cartographie du couvert arboré . Si la composition des espèces, les dimensions de l'arbre, les modalités d'exploitation, la propriét& eacute;, etc. figurent parmi les variables à déterminer, des placettes devront alors être établies.

La propriété et la géométrie des arbres hors forêts sont des objets importants de l'enquête sur le terrain. La distribution spatiale variée de ces arbres (isolés et dispersés, en layons, en bouquets) rend nécessaire une nouvelle conception des placettes-échantillons, associant par exemple des placettes à surface définie, des échantillons de layons et des échantillons de distance, sur le modèle des enquêtes écologiques et les inventaires forestiers. L'élaboration d'un tel programme d'échantillonnage fait actuellement l'objet d'un projet de recherche financé par l'Union européenne et placé sous la coordination technique de l'auteur. On pourrait croire que le travail d'inventaire des arbres hors forêts sur le terrain serait plus facile que celui des forêts, en raison d'un accès physique plus aisé et d'une visibilité bien meilleure. Or, les arbres hors forêts sont situés pour la plupart sur des terres cultivées et se trouvent donc sur des propriétés privées. L'obtention des autorisations nécessaires pour accéder à des terrains privés et procéder à des opérations de mesurage, s'avère être une opération particulièrement longue, surtout lorsque les exploitations agricoles sont de petite taille et que les mesurages sur le terrain intéressent plusieurs d'entre elles. Il s'agit là d'un inconvénient majeur par rapport aux recherches sur faible surface qui comportent habituellement un travail prolongé en un même lieu et qui tirent de ce fait avantage d'une familiarité avec la zone d'étude et ses occupants. L'inventaire des arbres hors forêts sur grande surface présente à l'évidence de nombreuses difficultés dordre organisationnel.

Les parcelles-échantillons peuvent être réparties sur la base d'une classification des terres (à partir de l'interprétation d'une image satellite ou des cartes existantes), ou bien - en l'absence d'une stratification préalable appropriée - être distribuées sur toutes les terres quel qu'en soit le couvert arboré ou forestier, selon une approche similaire à celle de Sylvander (1981). Le couvert arboré du paysage est alors considéré comme un ensemble homogè ne et aucune catégorie de couvert n'est exclue à priori. Cette approche permet des inventaires de paysage extensifs.

Paysage avec arbres dispersés, San Andrés Semetabaj, département de Sololá, Guatemala - G. GÓMEZ

Vue d'ensemble

Les évaluations des arbres hors forêts présentent des différences notables avec les inventaires forestiers traditionnels. La principale est leur plus grande hétérogénéité, qui rend difficile de parvenir à des conclusions généralisées. La ressource elle-même, sa distribution dans les différentes catégories d'utilisation des terres, les secteurs touchés et sa dynamique sont hétérogènes. La taille de la propriété et le mode d'exploitation de la terre sur laquelle se trouvent les arbres hors forêts sont eux aussi hétérog& egrave;nes, et généralement très différents de ceux des terres forestières.

Qui devrait alors intervenir dans les inventaires des arbres hors forêts sur grande surface? Un certain nombre d'organismes publics, d'institutions, de projets et d'organisations non gouvernementales (ONG) sont indiqu& eacute;s d'emblée s'il s'agit de recueillir des informations de base sur les arbres hors forêts situés sur toutes les terres non forestières. Une solution pourrait être l'intégration dans des inventaires forestiers sur grande surface, à savoir l'extension des inventaires forestiers aux terres non forestiè res. Une autre solution tout aussi raisonnable, du moins pour les terres cultivées, pourrait être l'int& eacute;gration dans les recensements agricoles, c'est-à-dire d'étendre les variables cibles au-delà des cultures. Toutefois, la meilleure solution serait peut-être d'effectuer un inventaire de paysage auquel participeraient tous les secteurs intéressés (même si cela aurait sans doute quelques inconvénients pratiques - par exemple un coût supérieur et des divergences d'opinion quant à la propriété des données). Grâce à leur expérience en matière d'inventaire forestier et de mesurage des arbres, les membres du secteur forestier peuvent jouer un rôle clé dans ces activités.

Les activités transversales représentent toujours un défi. Dans les inventaires des arbres hors forêts, toutefois, leur synergie est essentielle pour obtenir des résultats qui soient d'utilité générale. Il est donc de bon usage, dans la planification d'un inventaire des arbres hors forêts, de contacter d'autres parties susceptibles d'être intéressées. Celles-ci peuvent avoir dans leurs archives des informations utiles - ou être désireuses de prendre une part active au nouvel inventaire.

Les inventaires des arbres hors forêts s'appuient sur une multiplicité d'informations auxiliaires, dont ils tirent grand avantage. Des systèmes d'information vastes et accessibles jouent donc un rôle clé - qu'il s'agisse de systèmes numériques ou de centres nationaux ou régionaux recueillant des informations sur les ressources naturelles.

Dans leur étude sur les arbres hors forêts au Kenya, Holmgren, Masakha et Sjöholm (1994) déclarent qu'il doit y avoir des implications pour ce qui est des politiques forestières lorsqu'une partie considérable des ressources ligneuses d'une région se trouve hors forêts. Cela est certainement vrai pour bien des régions du monde et peut être appliqué en général aux politiques concernant les ressources naturelles. Ce qui fait encore défaut à l'heure actuelle est une base de données solide et une bonne compréhension de la dynamique caractéristique de la ressource arbres hors forêts sur grande surface.

Bibliographie


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