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Alimentation des poissons et gestion


Utilisation des déchets animaux en étangs

Ruben Savilleja, José Torres, John Sollows et David Little

Flux des déchets animaux

Utilisation des déchets animaux en étang

Il est bien connu que la valeur alimentaire des déchets à l'état pur est pauvre. Les déchets agissent:

Ces deux procédés sont fortement liés, puisque le phytoplancton est une importante source de détritus pour la production bactérienne. Grâce à la photosynthèse, le phytoplancton est également le principal producteur d'oxygène dissous dans l'étang, utilisé par tous les organismes y compris les poissons.

Facteurs à prendre en considération avant d'utiliser des déchets animaux

1. Des déchets sont-ils disponibles à la ferme? Dans ce cas, sont-ils déjà utilisés? Devraient-ils être détournés pour être utilisés en pisciculture?

Les excréments d'animaux sont souvent importants comme engrais pour les cultures et comme carburant. Prenez en considération leurs coûts d'opportunité.

2. Vaut-il la peine d'élever du bétail spécialement pour produire des déchets destinés à l'aquaculture? Prenez en considération:

Aspects de gestion à prendre en considération

1. Faut-il utiliser tous les déchets pour la pisciculture?

Si des déchets doivent être utilisés également ailleurs, il faudrait pouvoir les rassembler avant de les mettre dans l'étang (utilisez une fosse, par exemple). De même, à certaines époques, les déchets devraient être disponibles en plus grandes quantités alors qu'il faudrait en utiliser moins pour la pisciculture (par ex. pendant la saison froide).

2. Peut-on ramasser tous les déchets?

Le bétail d'élevage intensif est toujours renfermé et il est donc possible de ramasser et utiliser tous les déchets qu'il produit.

Par contre, les agriculteurs à petite échelle laissent souvent leurs animaux paître et fouiller dans les ordures pendant la journée afin qu'ils trouvent leur nourriture et ne le renferment que pour la nuit. Ceci réduit considérablement le coût des aliments et permet souvent de ne donner que des aliments de complément produits à la ferme ou bon marché. En revanche, la quantité de déchets qu'on peut ramasser est moindre.

3. Il arrive parfois que des animaux sont renfermés dans la maison de l'agriculteur pour des raisons de sécurité ou par tradition, ce qui peut réduire les avantages potentiels de l'intégration car, dans ce cas, du travail est alors nécessaire pour recueillir ou préparer leurs aliments.

Aménagement/plans possibles

Sur la digue de l'étang

Au-dessus de l’étang

Enclos à proximité de l’étang afin de réduire les coûts du travail nécessaire pour distribuer les excréments dans l’étang

Enclos plus frais et plus humides

Lorsque vous projetez l'aménagement/plan, tenez compte de:

- taille et nombre d'animaux;
- espace disponible/coût de la terre;
- coût relatif des matériaux.

Aménagez l'étang de manière à en limiter l'accès.

Une clôture autour de l'étang garde les buffles au-dehors.

Une clôture à travers l'étang permet aux buffles d'entrer dans l'eau.

Porcs et poules sont mono-gastriques. Leur alimentation est de haute qualité et leurs excréments sont riches en éléments nutritifs.

Buffles et vaches sont des ruminants. Leur régime alimentaire est pauvre en éléments nutritifs, et donc leurs excréments aussi. Par contre, leur alimentation est bon marché.

4. Les étangs peuvent être polyvalents. Généralement l'accès aux gros animaux est interdit car, en y entrant et en s'y vautrant, ils pourraient détruire les digues et augmenter la turbidité de l'eau réduisant ainsi la production d'aliments naturels.

- la qualité des aliments pour le bétail;
- l'espèce (mono-gastriques et ruminants) et la taille;
- le stade dans le cycle de vie (reproducteur, stade d'engraissement, etc.);
- le fait qu'ils soient uniquement solides ou bien mélangés avec l'urine;
- la quantité de déchets alimentaires;
- la contamination par des matériaux de litière, l'eau de pluie, le sol, etc.;
- la méthode et la durée de stockage.

Divers

Conseils pour une correcte application des excréments

Gestion de la qualité de l'eau

Trop de fumier dans l'étang peut provoquer une diminution de l'oxygène dissous et une mortalité de poissons. Si la quantité de fumier est excessive, il se produit trop de décomposition; par conséquent, la demande biologique en oxygène est élevée et l'oxygène dissous disponible est utilisé.

Le phytoplancton produit de l'oxygène dissous pendant la journée, mais il en consomme la nuit. Une autre source d'oxygène dissous dans l'eau stagnante est la diffusion d'oxygène atmosphérique.

Indicateurs d'oxygène dissous insuffisant

1. De nombreux poissons pipent l'air à la surface de l'eau (cela signifie qu'ils sont en train de prendre l'oxygène de la fine couche superficielle oxygénée de l'eau).

2. Des bulles d'air ou de gaz peuvent être observés dans l'eau.

3. L'eau de l'étang est brunâtre ou verdâtre.

4. L'eau de l'étang a une odeur âcre.

Que faire si la quantité d'oxygène dissous est basse?

Si l'eau est turbide à cause de particules sédimentaires en suspension, épandez sur la surface de l'étang de la paille de riz ou du foin hachés, de manière à ce qu'ils se déposent sur le fond de l'étang en y entraînant le limon. Mais faites attention: trop de foin en décomposition peut également réduire l'oxygène dissous. Le pH ou concentration en ions d'hydrogène indique l'acidité ou l'alcalinité de l'eau. Si l'eau est trop acide (pH 4 ou moins), les poissons peuvent mourir.

Comment mesurer le pH?

Vous pouvez utiliser du papier de tournesol, un pH-mètre ou un kit pour mesurer la qualité de l'eau.

Voici une autre méthode pratique: goûtez l'eau; si le goût est aigre, elle est acide. Vérifiez alors la source de l'eau: l'eau acide vient de marécages, de marais ou de plans d'eau stagnants.

Que faire si l'eau est acide?

Comment découvrir la présence d'hydrogène sulfuré?

L’hydrogène sulfuré est un gaz empoisonné émis du fond de l'étang où il est produit lors de la décomposition et de la putréfaction de substances organiques.

Sa présence est indiquée par:

Que faire en présence d'hydrogène sulfuré?

Causes et remèdes possibles pour les différents problèmes relatifs à la qualité de l'eau

Observations

Causes

Remèdes possibles

Eau verte; peu d'écume en surface; poissons actifs

Pas de problèmes


Eau trouble; les poissons semblent affamés

Densité d'empoissonnement trop élevée

Récoltez quelques poissons; ajoutez de l'engrais

Etangs profonds; digues hautes d'arbres critiques;

Pas d'agitation provoquée par le vent; faible circulation de l'eau

Agitez l’eau lors des périodes entourées enlevez les bise-vent; maintenez le niveau de l'eau élevé

Eau très verte; écume à la surface; bulles de gaz d'empoissonnement utilisée

Surabondance d'éléments nutritifs pour la densité pour faire précipiter l'écume; réduisez apport

Agitez l’eau lors des périodes critiques; ajoutez de petites quantités de chaux vive en éléments nutritifs; maintenez une plus haute densité de poissons et/ou ajoutez des poissons qui se nourrissent de plancton

Temps nuageux et calme

Faible lumière; pas d'agitation naturelle de la surface de l'eau.

Agitez l’eau; ajoutez de l'eau fraîche; récoltez un peu de poissons

Eau brune, décolorée; bulles de gaz; odeur âcre

Abus de fumier

Utilisez moins de fumier et plus d'engrais inorganique

Méthodes pour mesurer la transparence de l'eau (ou turbidité)

Utilisation d'un disque de Secchi

Faites descendre le disque dans l'eau avec une corde calibrée. S'il disparaît à une profondeur inférieure à 30 cm, l'eau est turbide.

Utilisation de votre main

Etendez un bras en repliant la paume de la main vers vous. Dans cette position, plongez lentement le bras dans l'eau jusqu'à ce que vous ne puissiez plus voir votre paume. La transparence est indiquée par la distance entre le poignet et la marque de l'eau sur le bras.

Comment récolter les poissons et enlever le mauvais goût?

Le mauvais goût ou goût boueux des poissons élevés en étangs très enrichis par fumier ou nourris avec des granulés peut être un problème sérieux si les pisciculteurs n'observent pas des procédures correctes de récolte. Personne n'achètera du poisson ayant un mauvais goût ou un goût boueux.

Voici quelques conseils pour enlever le mauvais goût ou le goût de boue:

1. Arrêtez la fertilisation organique au moins deux jours avant la récolte.

2. Drainez partiellement l'étang en laissant environ 40 à 50 cm d'eau

3. Récoltez les poissons à la seine avant de drainer complètement l'étang. Ce faisant, vous réduirez la mortalité des poissons et l'odeur terreuse associée à l'eau boueuse.

4. Transférez les poissons dans un enclos en filet installé dans un étang rempli d'eau propre ou dans des bassins alimentés avec de l'eau courante; gardez-les là pendant au moins quatre à six heures, ou mieux encore, plusieurs jours.

5. Vendez les poissons vivants ou frais.

Autres points à considérer.

Si l'on utilise de grandes quantités de fumier, on peut ratisser périodiquement les sédiments de l'étang tôt l'après-midi, lorsque la concentration d'oxygène dissous est au maximum, de manière à aérer les sédiments du fond et à faciliter le processus de décomposition aérobique.

Il est conseillé d'appliquer la quantité désirée de fumier par petites doses et plus fréquemment. Des applications journalières donnent des résultats bien meilleurs que des applications hebdomadaires ou bimensuelles, car elles aident à contrôler les paramètres de la qualité de l'eau. Des applications fréquentes mais plus petites empêchent la détérioration soudaine de la qualité de l'eau. Il faudrait arrêter l'application de fumier dès que l'on aperçoit les symptômes d'une prolifération d'algues ou d'une diminution de l'oxygène dissous. Le fumier liquide (ou les eaux usées domestiques) maintient les particules de détritus en suspension dans l'eau pendant plus longtemps, permettant ainsi un taux de décomposition bactérienne plus élevé grâce au milieu aérobique. Pendant cette période, ces particules de détritus sont enveloppées d'une population bactérienne en prolifération et elles constituent un aliment de qualité pour les poissons ainsi que pour le zooplancton.

Piscicultures fertilisées par eaux usées

S.D. Tripathi et B.K. Sharma

Les eaux usées sont une ressource riche en éléments nutritifs, disponible à bon marché à proximité des villes. Elles peuvent être utilisées à bon escient pour fertiliser rizières, étangs et champs horticoles. Le recyclage des déchets contribue en outre à maintenir l'environnement propre. Ce document se base sur des pratiques existantes de l'Est de l'Inde.

Riz-poisson/crevette d'eau douce

Dans les zones où de l'eau d'irrigation n'est pas disponible, il est possible d'effectuer une seconde récolte de riz si l'on construit des réservoirs d'eau à l'intérieur du champ. Il peut s'agir de tranchées latérales, centrales ou marginales, ou bien d'étangs unilatéraux/bilatéraux, également utilisés pour l'aquaculture. Sur la base des intrants requis par un champ de 0,4 ha, voici les méthodes utilisées par les agriculteurs:

1. Élevez les digues périphériques en creusant une tranchée le long du périmètre (3 m de large et 1,5 m de profondeur) ou un étang latéral. Si nécessaire, installez des prises d'alimentation et d'évacuation protégées par du grillage à mailles fines.

2. Remplissez la tranchée avec des eaux usées jusqu'à un niveau de 15 à 20 cm.

3. Le riz d'eau profonde (par ex. CN 570, 652; NC 487 ou 492) est semé directement après la première averse de la mousson.

4. Lorsque le niveau d'eau dans la tranchée est d'environ 60 à 70 cm, empoissonnez environ 400 mola arrivés à maturité (Amblypharyngodon mola, 15 à 20 g), une petite espèce locale riche en vitamine A, avec 8 000 bata (Labeo bata) d'un poids moyen de 2 g. Dès que l'on dispose de crevettes d'eau douce de 3 à 4 g (Macrobrachium rosenbergii), on en introduit 2 000 jeunes exemplaires. Poissons et crevettes d'eau douce circulent dans la rizière après que le niveau d'eau de la tranchée ait augmenté et envahit la rizière.

5. Le niveau d'eau dans la rizière et dans la tranchée baisse à la fin de la mousson. Le riz arrive à maturité en novembre/décembre et après 150 jours de croissance l'on récolte environ 500 à 600 kg de riz d'eau profonde. Poissons et crevettes d'eau douces poursuivent leur croissance dans la tranchée. Utilisez l'eau de la tranchée pour une deuxième récolte de riz. Fertilisez-la en ajoutant des eaux usées jusqu'à augmenter le niveau d'environ 10 cm, chaque mois, de décembre à février. Une digue basse est construite tout au tour de la rizière afin d'y maintenir un niveau d'eau de 10 à 15 cm.

6. La rizière est fertilisée avec les eaux usées et en janvier on y repique de jeunes plants de riz à haut rendement (par ex. Ratna ou IET 4094).

7. On répète la fertilisation avec les eaux usées lorsque les jeunes plants on pris racine et une autre fois encore pendant le stade de floraison. Les champs sont irrigués régulièrement et le niveau de l'eau maintenu jusqu'à la maturité du riz. Les pesticides ne sont utilisés que si nécessaire.

8. On fait une récolte partielle de crevettes d'eau douce (50 g), de bata (20 g) et de mola (20 g).

9. En avril, on moissonne le riz avec une production d'environ 2 à 2,4 t.

10. La récolte finale des poissons a lieu fin avril ou début mai. Le total des poissons récoltés est d'environ 112 kg de bata, 50 kg de crevettes d'eau douce et 45 à 50 kg de mola.

FERTILISATION AVEC EAUX USÉES

Avantages

1. La deuxième récolte de riz contribue à une production alimentaire additionnelle, à la création d'emplois et de revenus.

2. Les poissons fournissent un aliment riche en protéines de grande valeur commerciale et augmentent considérablement le revenu de l'agriculteur.

Budget (en roupies) pour la culture riz-poisson-crevette d'eau douce dans une rizière de 0,4 ha

Coûts

Rs

Pour la première (kharif) culture



Semences de riz (44 kg à Rs 3,50/kg)

154


Main d'œuvre (20 journées de travail pour labour, semis, récolte et battage à Rs 18/jour)

360

Pour la deuxième (boro) culture



Semences de riz (32 kg à Rs 3,50/kg)

112


Main d'œuvre (44 journées de travail pour nettoyage, repiquage, récolte, etc.)

792


Pesticides

80

Alevins et transport

2 500

Coûts totaux

3 998

1996: 1US$ = 25,50 Rs

Contraintes

1. Les tranchées/étangs ne sont utiles que dans des sols qui retiennent bien l'eau.

2. Le transport d'alevins est problématique si la rizière se trouve loin de la route principale.

Système d'eaux usées

Horticulture-poisson

L'utilisation d'eaux usées en aquaculture et horticulture entraîne de hauts rendements et permet d'économiser sur le coût des engrais et des aliments, avec en conséquence des profits plus élevés. Sur la base des intrants requis pour un étang de 0,4 ha, les procédures suivantes sont conseillées:

1. Chaulez toute la superficie de l'étang avec environ 200 kg de chaux vive après l'avoir drainé et séché pendant environ 10 à 15 jours.

2. Début juin, fertilisez l'étang avec une couche de 30 cm d'eaux usées qui se diluera avec l'eau de pluie, jusqu'à atteindre un niveau de 1,2 à 1,3 m début juillet.

3. Empoissonnez 3 000 alevins de six espèces (catla, 15 pour cent; carpe argentée, 25; rohu, 25; carpe herbivore, 5; mrigal, 20; et carpe commune, 10) ou 2 000 alevins de trois espèces (catla, 40 pour cent; rohu, 30; mrigal, 30).

4. Utilisez les digues (500 à 1 000 m²) pour faire croître des légumes, en commençant par les cultures de mousson suivies de cultures d'hiver et d'été. Chaque culture est récoltée dès qu'elle est prête. On peut récolter environ 1 500 kg de légumes sur 500 m² de digues. On peut y planter une vaste gamme de légumes de cultures simples, mixtes ou multiples: okra, aubergines, cucurbites, gourdes, choux, choux-fleurs, pommes de terre, radis, tomates, oignons et légumes à feuilles comme Amarantus, Ipomoea, fenugrecs, épinards, etc.

5. Une fois par mois, alimentez l'étang avec des eaux usées, à raison d'un quart ou d'un cinquième du niveau de l'eau. Distribuez tous les déchets de feuilles aux carpes herbivores de l'étang; 80 kg de feuilles produiront environ un kg de poisson.

6. Les poissons commercialisables sont récoltés au filet tous les 15 jours; le total peut atteindre 2.400 kg.

Avantages

1. L'utilisation des déchets et le recyclage d'eaux usées domestiques entraînent une diminution de la demande biochimique d'oxygène et de la concentration en bactéries avant d'être rejetés dans les rivières.

2. Une forte densité d'empoissonnement et des taux de production élevés sont alors possibles, surtout s'il s'agit d'espèces se nourrissant de plancton ou de détritus.

3. Une production à bas coût de poissons et de légumes.

Inconvénients

1. Les parasites copépodes résultant de la forte densité de matières organiques provoquent des mortalités de poissons.

2. Une baisse soudaine de la teneur en oxygène par temps nuageux ou provoquée par une dose élevée d'eaux usées, peut également provoquer la mort de poissons.

Budget (en roupies) pour la production de légumes sur 1 000 m² de digues d'étang.

Légumes

Rendement (kg)

Coût de production

Ventes

Revenu net

Pommes de terre

2 000

1 200

2 500

1 300

Tomates

2 000

1 000

3 000

2 000

Brinjal

2 500

1 000

3 000

2 000

Piments

200 (sec)

1 200

2 800

1 600

Note: Dans une culture simple/mixte ou multiple poussent environ 25 types différents de légumes et l'on obtient une production moyenne de 3 000 kg d'une valeur de Rs 7.260. Le coût de production étant de Rs 5 400, les agriculteurs obtiennent un revenu net de Rs 1 860. Dans de petites fermes, l'agriculteur utilise la main d'œuvre familiale, qui constitue 60 pour cent des coûts totaux de production; son revenu net est donc de Rs 1 860 + Rs 3 240 = Rs 5 100 ou US$ 204 (taux de change de 1992).

Autres points à considérer

On ne sait pas très bien quelle est l'ampleur du système dans l'Est de l'Inde, ni qui sont les principaux pratiquants. Lorsque l'on planifie d'adopter ce système, il est important d'étudier les conditions agroclimatiques et de connaître les principales limites et contraintes. Un système courant est la polyculture de tilapia et de petites carpes indienne dans les élevages extensifs de Calcutta fertilisés par des eaux usées. De graves conflits y ont eu lieu entre les propriétaires absentéistes, qui contrôlent les étangs alimentés par eaux usées, et les paysans sans terre qui veulent y cultiver du riz. La plupart de ces étangs, qui couvrent jusqu'à plus de 40 km², sont gérés de manière à réduire les risques de contamination des eaux usées par les métaux lourds et à produire de petits poissons vivants pour les marchés urbains les plus pauvres. C'est une activité parallèle à l'utilisation des déchets solides et des eaux usées dans la production de légumes qui n'est pas pratiquée par les pisciculteurs. Dans une certaine mesure, horticulteurs et aquaculteurs se font donc concurrence pour l'utilisation des eaux usées.

Un autre système remarquable s'observe dans le district de Tranh Tri au Viet Nam, où les eaux usées de Hanoi sont réutilisées dans des systèmes piscicole et rizipiscicole. Ce système a été étudié par AIT, Bangkok, Thaïlande. Il s'est développé au cours des dernières années, avec un impact particulièrement positif sur les femmes qui ont ainsi obtenu plus d'accès et de contrôle sur les ressources.

Le système est plus approprié aux situations péri-urbaines. L'expérience suggère qu'il peut être appliqué aux petits exploitants, aux entrepreneurs moyens et aux exploitations agricoles commerciales plus grandes.

Si elle est nécessaire et disponible, on peut appliquer de la chaux dans ce système afin d'améliorer et d'assurer la productivité de l'étang.

Pour des problèmes relatifs à la santé liés à l'utilisation d'eaux usées, le lecteur peut consulter le document «L'utilisation des eaux usées en agriculture et en aquaculture: recommandations à visées sanitaires, rapport d'un groupe scientifique de l'OMS (réuni à Genève du 18 au 23 novembre 1987)», OMS Sér. Rapp. Tech. n° 778, 82 p. Genève, OMS, 1989.

Lisier de bio-gaz en pisciculture

S.D. Tripathi et B. Karma

En Inde, la bouse de vache est couramment utilisée pour fertiliser les étangs, mais la production piscicole ne dépasse pas 1 500 à 2 000 kg/ha. Ces rendements peuvent toutefois plus que doubler si l'on fait d'abord passer la bouse dans une installation de bio-gaz et si l'on utilise ensuite le lisier digéré au lieu de la bouse brute. La méthodologie suivante, pour un étang de 0,4 ha, illustre la technologie:

1. Préparez l'étang en utilisant urée et poudre de blanchiment chlorée, ou bien en le drainant et séchant, au mois de juin.

2. Empoissonnez-le avec 2 000 alevins (5 à 8 g) de six carpes asiatiques: catla, 20 pour cent; rohu, 25; mrigal, 20; carpe argentée, 20; carpe herbivore, 5; carpe commune, 10.

3. Fertilisez l'étang quotidiennement avec 30 litres de lisier de bio-gaz. Le lisier est riche en azote et en phosphore et il ne produit pas de gaz toxiques comme la bouse de vache lorsqu'elle se décompose en étang.

Le lisier en excès est utilisé dans les champs, alors que le gaz est utilisé tant pour la cuisine que pour l'éclairage de la maison. Il ne faut pas appliquer le lisier un jour nuageux ou lorsque les poissons viennent à la surface pour piper de l'air.

4. Les poissons qui s'alimentent en surface atteignent le poids individuel d'un kilo en six mois. Les poissons commercialisables sont ensuite récoltés tous les deux mois et substitués avec le même nombre d'alevins. Grâce au bio-gaz, l'on obtient un total de 2 000 kg de poissons au lieu des 800 kg obtenus lorsque l'on utilise la bouse de vache brute.

Budget (en roupies) pour la pisciculture en étang de 0,4 ha fertilisé avec du lisier de bio-gaz.

Dépenses de l'exploitation



Préparation de l'étang

800


Alevins

400


Transport

100


Installation du bio-gaz (deux unités, perte de valeur en 5 ans de vie)

2 000


Chaux (80 kg)

400

Coût de la récolte au filet

500

Dépenses totales

4 200

Vente de 2 000 kg de poisson à Rs 15/kg

30 000

Revenu net

25 800

1992: US$1 = Rs 25,50

Avantages

Contraintes

Autres points à considérer

Le lisier de bio-gaz est une technique appropriée pour l'aquaculture et a été pour cette raison largement encouragé; il semblerait néanmoins qu'il n'ait pas été utilisé de façon durable dans les ménages individuels. Les systèmes pris en exemple ci-dessus étaient expérimentaux. Les digesteurs de bio-gaz ont évolué. Les types conventionnels qui étaient promus en Inde demandaient trop de capital pour pouvoir être adoptés par les plus pauvres. Si l'on considère le nombre limité de digesteurs qui ont été adoptés, il semble évident qu'ils n'ont pas rencontré la faveur de la population. Des études menées par l'AIT à Bangkok, indiquent que les bénéfices apportés par la digestion des déchets sont marginaux, voire négatifs.

Le système tel qu'il a été décrit est peut être plus indiqué pour des éleveurs de bétail travaillant à échelle commerciale et qui veulent intégrer l'aquaculture à leur système agricole.

Les expériences faites dans la diffusion des digesteurs de bio-gaz ont démontré qu'il s'agit d'une technologie plus appropriée pour les groupes, car elle peut plus facilement être exploitée lorsque partagée entre plusieurs ménages qui pourvoient à des quantités adéquates et continues de déchets. Grâce aux améliorations techniques apportées récemment aux digesteurs, un système plus simple et bon marché est maintenant disponible. Au Sud du Viet Nam, où l'utilisation de ce type de digesteurs bon marché a été encouragée et leur adoption suivie, l'application de la technologie en aquaculture est restée néanmoins faible. Les agriculteurs préfèrent utiliser les excréments frais de bétail.

Les femmes tireront également parti de ce système grâce à la possibilité qui leur est offerte de cuisiner avec le bio-gaz.

Les plantes comme source d'aliments pour les poissons

S.D. Tripathi et B.K. Sharma

Cette étude de cas présente deux types de cultures différents: (1) les cultures simultanées (Trapa) ou alternées (Euryale) de macrophytes et de poissons et (2) la culture de graminées terrestres (napier) sur les digues d'un étang et leur utilisation comme aliments pour les poissons.

Plantes aquatiques

En Inde, les cultures de trapa (Trapa bispinosa) et de makhana (Euryale ferox) sont deux cultures aquatiques saisonnières de rente, pratiquées de manière extensive respectivement dans le Madhya Pradesh et au Bihar. Alors que le milieu n'est pas approprié pour les carpes indiennes, la carpe commune s'élève bien avec trapa et les poissons à respiration aérienne avec makhana. Ci-dessous sont indiqués les procédures à adopter, sur la base des intrants requis pour un étang de 0,4 ha.

Trapa bispinosa

Euryale ferox

Culture simultanée trapa-poisson

1. Repiquez de jeunes plants de trapa (Trapa bispinosa) en mai/juin dans un étang pérenne. Ces plantes utilisent les matières organiques disponibles pour leur croissance.

2. En septembre/octobre, empoissonnez 800 alevins (50 g) de carpe commune.

3. Les fruits de trapa arrivent à maturation en hiver et sont récoltés de novembre à janvier. La production est de trois à quatre tonnes de fruits.

4. Les poissons sont récoltés en avril/mai lorsqu'ils ont atteint le poids de 750 à 1000 g. Un total de 400 à 500 kg de poissons est récolté.

Cultures d'euryale et de poisson en rotation

1. Les semences de Euryale ferox germent en février et les feuilles couvrent entièrement l'étang en mai/juin.

2. En août, les plantes commencent à donner leurs fruits; ceux-ci éclatent en octobre, éparpillant les semences sur le fond de l'étang, d'où on les récolte en criblant le fond.

3. Empoissonnez 1 200 poissons à respiration aérienne (Clarias batrachus, 8 à 10 g) en novembre et récoltez-les en avril, lorsque l'on peut en obtenir environ 500 kg.

Herbe Napier

Outres les plantes aquatiques telles que Hydrilla, Ottelia, Potamogeton, etc., les plantes herbacées terrestres jouent un rôle important dans l'alimentation de la carpe herbivore. Une fois semé sur les digues de l'étang, le napier hybride peut être récolté sans interruption pendant cinq ans, nécessitant peu d'irrigation en été. Un nouveau système qui utilise uniquement des plantes aquatiques et des herbacées pour la production de poissons donne des productions élevées à des coûts très bas. Ils sont intensifs en main d'œuvre et très adaptés pour des étang petits et peu profonds (0,06 à 0,15 ha). Les méthodes à suivre, sur la base des apports nécessaires pour un étang de 0,1 ha, sont les suivantes:

1. Préparez l'étang en mai/juin en utilisant de l'urée et de la poudre de blanchiment chlorée, ou bien en drainant l'étang si l'on dispose d'une source d'eau pour le remplir.

2. Sept à dix jours plus tard, empoissonnez l'étang avec 200 carpes herbivores (50 à 60g). Nourrissez-les à satiété avec Hydrilla (système d'alimentation ad libitum: les poissons sont rassasiés lorsque, ayant fini de manger, il reste encore des aliments). Au bout d'environ une semaine, l'étang est également empoissonné avec 40 catla, 40 rohu, 40 mrigal, 40 carpes argentées et 40 carpes communes (5 à 8 g). On habitue graduellement la carpe herbivore à se nourrir d'herbe napier plutôt que d'Hydrilla.

3. La distribution d'aliments a lieu régulièrement, jusqu'à satiété.

4. Carpes argentées, catla et carpes communes sont les premières espèces à atteindre le poids d'un kg. On les récolte l'une après l'autre à partir du cinquième ou sixième mois. Substituez les poissons récoltés avec le même nombre d'alevins.

5. Le napier hybride est planté à raison d'une racine/m² et fertilisé avec 2,5 t de fumier/1 000 m². L'irrigation a lieu à intervalles de 10 à 15 jours. L'herbe est coupée après 75 jours, et ensuite à intervalles de 45 jours. On peut effectuer 10 coupes de chaque plante et obtenir ainsi 12 à 15 t de napier/1 000 m². Une superficie d'environ 2 000 m² produit une quantité de napier suffisante à nourrir les poissons d'un étang de 0,1 ha. Cela signifie que pour avoir suffisamment de napier pour nourrir les poissons, la superficie de culture doit être deux fois plus grande que celle de l'étang.

6. Environ 400 kg de poissons peuvent être récoltés au cours d'une année entière.

Avantages

Contraintes

Autres points à considérer

La production simultanée de macrophytes aquatiques et de poissons est assez bien pratiquée en Asie. On ne comprend pas très bien les motivations qui poussent les agriculteurs à utiliser les étangs à cet effet. Parfois, les contraintes imposées par les saisons empêchent la culture de poissons pendant toute l’année, ou alors les plantes ont une période de production ou de commercialisation saisonnière. A Binh Chan, près de Ho Chi Minh City au Sud du Viet Nam, pendant la saison morte de la reproduction de tilapia, la rotation du lotus avec l’élevage de tilapia est fréquemment pratiquée en étangs peu profonds fertilisés avec des eaux usées.

Il serait important de savoir pourquoi le système d’herbe napier est prédominant puisqu’il s’agit d’un système intensif en ressources. Là où l’élevage de la carpe herbivore représente une activité centrale dans les systèmes des agriculteurs pauvres en ressources, ceux-ci doivent normalement se procurer une grande partie des aliments au-dehors de la ferme, dans les aires de propriété commune (comme au Nord du Viet Nam par ex.). Cela pose des problèmes de concurrence entre les propriétaires de bétail et les pisciculteurs, les exploitations individuelles et la communauté dans son ensemble.

Si l’objectif est la production de gros poissons individuels, ces systèmes devraient être utilisés par des agriculteurs riches en ressources qui peuvent prendre ce risque, en employant probablement des ouvriers qui peuvent satisfaire le besoin considérable de main d’œuvre. L’adoption par des agriculteurs pauvres en ressources de systèmes basés sur des plantes a des nombreuses conséquences, en particulier en ce qui concerne leur travail et leur organisation au sein du ménage, même si cela paraît simple.

Selon les espèces locales, il faut essayer différentes plantes pour l’alimentation directe des poissons ou pour rendre l’eau plus verte (i.e. fertilisation de l’étang).


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