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Système d’exploitation agricole mixte à base de maïs


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Ce système de production constitue le grenier de l’Afrique de l’Est et du Sud (voir l’encadré 2.1 pour les données de base du système). Le maïs local et le maïs hybride sont tous les deux cultivés.

En raison de son goût et en dépit de ses rendements plus faibles, le maïs local est souvent préféré pour la consommation des ménages. Les cultures secondaires comprennent les légumineuses et les oléagineux qui, comme le maïs, sont cultivés à la fois pour l’autoconsommation et la vente. Les cultures de rente sont le café, le tabac, l’arachide et le tournesol. Les bovins représentent l’espèce animale la plus importante. L’intégration agriculture élevage est forte; les boeufs sont utilisés pour la préparation de la terre[63], le fumier est collecté et épandu sur les champs et les animaux sont, de plus en plus, nourris à l’étable de résidus de récolte supplémentés de fourrage (branches d’arbres fourragers, haies et parcelles de fourrage). Bien que la densité animale soit plus élevée que dans n’importe quel autre système de production de la région, la plupart des agriculteurs ne peuvent pas se permettre de garder plus de deux bœufs et une vache laitière et un ou deux veaux ou génisses.

Encadré 2.1 Données de base: système d’exploitation agricole mixte à base de maïs

Population totale (m)

95

Population agricole (m)

60

Superficie totale (m ha)

246

Zone agroécologique

Sec à subhumide

Superficie cultivée (m ha)

32

Superficie irriguée (m ha)

0,4

Nombre d'animaux (m)

36

Bien que la production du maïs souffre pendant les grandes sécheresses, la sécheresse n’est pas la cause principale de la pauvreté. Dans les zones à faible densité de population, la plupart des ménages sont capables de produire suffisamment de céréales pour se nourrir eux-mêmes; toutefois, les ménages disposant de moins de 0,5 ha souffrent d’un déficit alimentaire. Les pertes totales de récolte peuvent subvenir lors des années très sèches. La diversification des moyens de subsistance constitue une garantie contre les risques d’aléas climatiques et de commercialisation. Les principales causes de pauvreté sont: la très petite taille des exploitations ou l’absence de terre, le manque d’animaux de traction, les bas revenus en dehors de l’exploitation, et la détérioration des conditions de commercialisation pour les producteurs de maïs. L’encadré 2.2 décrit brièvement un ménage typique du système d’exploitation agricole mixte à base de maïs.

Les différences de richesse ne proviennent pas de différences de revenus agricoles, mais sont partiellement expliquées par les différences de revenus hors exploitation et par les réinvestissements dans des activités agricoles ou commerciales. Néanmoins, la strate supérieure des familles d’exploitants agricoles possède plus de terre de meilleure qualité, plus de bétail amélioré pour la production de lait et de plus grandes superficies de cultures de rente. L’irrigation se rencontre le plus souvent dans les exploitations moyennes et grandes. Ces familles utilisent aussi plus d’engrais, de produits phytosanitaires et de semences hybrides et ont un meilleur accès au crédit. Les ménages pauvres sont représentés par les agriculteurs marginaux ou sans terre, souvent sans bétail (40 pour cent des ménages), sans revenus réguliers extérieurs et sans production de cultures de grande valeur. Ils cultivent surtout du maïs local pour l’autoconsommation et ne peuvent se permettre l’achat d’engrais ou de semences hybrides.

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME À BASE DE MAÏS

On avait d’abord pensé que les petits producteurs de maïs de l’Afrique de l’Est et du Sud pourraient utiliser de fortes doses d’engrais chimiques et des variétés hybrides.

Encadré 2.2 Un ménage typique du système d’exploitation agricole mixte à base de maïs

Un ménage typique de la strate moyenne de ce système se compose d’un chef d’exploitation, de son épouse, de quatre de leurs propres enfants, d’un parent âgé et de plusieurs orphelins laissés par la mort des frères du mari. Ils vivent tous des terres dispersées de leur exploitation. La superficie cultivée est de 1,6 ha dont un hectare de maïs et de sorgho, 0,1 ha de manioc, 0,1 ha de coton et de diverses cultures. La famille possède deux à trois bovins et utilise ses bœufs pour les labours. Elle récolte en moyenne 1,2 tonne/ha de maïs, 900 kg/ha de sorgho, 800 kg/ha de mil et 500 kg/ha de légumineuses. Le maïs et les autres céréales représentent 80 pour cent de la production alimentaire, les légumineuses 9 pour cent, le manioc 8 pour cent et les oléagineux le reste. Le ménage est autosuffisant les bonnes années et déficitaire les années de sécheresse. Un fils travaille en dehors de l’exploitation et envoie parfois de l’argent utilisé pour payer les frais scolaires et d’habillement. Le maïs cultivé est la principale source de subsistance et l’argent liquide provient soit d’activités hors exploitation, soit de la vente de produits agricoles tels que le maïs, le tabac, le café et le lait. Le revenu était auparavant au dessus du seuil de pauvreté.

Un ménage pauvre de la même communauté dispose de moins de 0,5 ha et sa principale source de revenu est le travail occasionnel pour d’autres agriculteurs et la fabrication de bière par l’épouse. Il n’a pas de bovin mais peut posséder une chèvre et quelques poulets. Les femmes, souvent veuves d’ouvriers émigrés morts du SIDA, et laissées avec des enfants à élever, sont à la tête de tels ménages.

La plupart des efforts de vulgarisation des deux dernières décennies ont porté, au Kenya, en Zambie, en Tanzanie et au Malawi, sur la promotion de ces technologies. L’arrêt des subventions et des prix garantis et l’impact des dévaluations ont rendu l’usage d’intrants chers et non rentables sur la culture du maïs. Les agriculteurs se sont alors retournés vers leurs variétés traditionnelles lorsqu’elles étaient disponibles ou même vers des cultures de substitution comme le sorgho et les patates douces.

Dans les zones anciennes de production de maïs pour l’exportation, comme les hautes terres du sud de la Tanzanie et les provinces centrales de Zambie, l’achat de semences et d’engrais a considérablement chuté. Ainsi, les petits producteurs de maïs adoptent des techniques de production plus extensives, en revenant à des stratégies de faible intrant/faible production et la pauvreté semble s’accroître.

Cependant, l’efficacité des systèmes d’appui à l’agriculture, principalement en matière de commercialisation, pourrait être renforcée à l’avenir, ce qui entraînerait probablement un changement vers l’intensification et la diversification.

La libéralisation du commerce et des prix a entraîné, pour le maïs, une constante détérioration du rapport prix intrants/prix produit à laquelle les petits producteurs ont dû s’adapter. La plupart des petits agriculteurs ont dû lutter pour s’adapter à l’augmentation du prix des intrants et à la baisse du prix du maïs qui a fait suite à la disparition des subventions accordées aux intrants, au démantèlement du support du prix des produits, à l’arrêt de l’achat des grains par l’état et à l’abolition du système de prix au niveau national. L’offre d’intrants, de crédit et de services de commercialisation aux petits agriculteurs s’est écroulée sans que le secteur privé ne prenne la relève. Dans le cadre des réformes des politiques agricoles, on a conseillé aux gouvernements de se retirer de la production de semences pour laisser cette activité aux compagnies privées. Les sociétés privées se sont intéressées exclusivement au maïs hybride et aucunement aux variétés en pollinisation libre pour lesquelles les agriculteurs pouvaient conserver leurs semences pendant trois saisons avant de les renouveler. Une solution reste à trouver pour permettre l’accès des petits agriculteurs aux intrants agricoles, au crédit, aux marchés et aux semences de variétés en pollinisation libre de bonne qualité.

En raison de la croissance rapide des populations, la taille moyenne des exploitations est tombée en dessous de 0,5 ha au cours des dernières années. En l’absence de revenu extérieur, cette taille n’est pas viable dans les conditions actuelles d’exploitation. Dans certaines zones communales du Zimbabwe, il n’y a plus de terre de parcours pour faire vivre le bétail nécessaire au labour ou à l’apport de fumure organique. On assiste parfois, dans certains cas d’utilisation prolongée d’engrais chimique, à une baisse importante de la fertilité et à l’accroissement de l’acidité des sols. Les principaux problèmes sont: le prix élevé des engrais chimiques par rapport au prix du maïs, comparé aux niveaux actuels de productivité; la difficulté de maintenir la fertilité du sol; le manque de bétail pour produire du fumier, dû au manque d’alimentation animale; et l’absence de bœufs pour la traction animale. Une réponse bien connue à cette situation est le programme Starter Pack au Malawi, qui en distribuant largement des semences et des engrais subventionnés a réussi à augmenter la production nationale de maïs.

Cette initiative a éliminé les importations de maïs et a même conduit à un surplus de production. On peut toutefois se poser des questions sur la durabilité d’un tel système.

La vulgarisation conduite par des techniciens qui délivraient un message venant d’en haut afin d’assurer la promotion d’une seule composante d’un paquet technologique vite adopté - tel que le maïs et la fertilisation minérale - s’avère incapable de résoudre les problèmes actuels de ce système d’exploitation agricole. Même dans le passé, les messages basés sur l’utilisation importante d’intrants externes se montrèrent souvent peu utiles pour les petits agriculteurs, ces intrants étaient trop chers et leur utilisation ne tenait pas assez compte des risques en conditions pluviales. En pratique, les associations d’agriculteurs et autres organisations de la société civile organisent maintenant la multiplication de semences au niveau des agriculteurs ainsi que la dissémination de l’information technique. Elles commencent ainsi à combler le vide laissé par les services publics de vulgarisation.

A court terme, les problèmes de l’offre des principaux intrants et de la commercialisation des produits sont loin d’être résolus. En l’absence de programmes et de mesures politiques bien ciblées, la dégradation des terres s’étendra probablement et influera négativement sur les rendements. Ces processus vont probablement entraîner l’accroissement de l’incidence et de la sévérité de la pauvreté chronique, et des risques accrus de famines lors de sécheresses désastreuses. La baisse des surplus de maïs commercialisés par les agriculteurs lors des mauvaises saisons menacera la sécurité alimentaire nationale et pourrait forcer les gouvernements à importer de la nourriture pour les populations des villes.

Il existe déjà des signes montrant que certains entrepreneurs vont s’établir en zones rurales. L’accès au transport et au crédit et la présence d’un marché dans les communautés avoisinantes et les petites villes ont encouragé le développement de petites industries de transformation (battage des céréales, extraction d’huile, égrainage, nettoyage, emballage etc.). Par exemple, l’Association de femmes Rwembo à objectifs multiples de Kasese en Ouganda de l’Ouest (comprenant 20 familles) a créé un moulin à maïs en l’an 2000. Une année après, le moulin avait une production de 800 tonnes par an et l’association cherchait à étendre ses activités à la transformation.

PRIORITÉS DU SYSTÈME À BASE DE MAÏS

Bien que ce système soit en crise, ses perspectives à long terme sont bonnes. Dans certains endroits, les stratégies des ménages pour échapper à la pauvreté se concentrent sur l’extension des terres cultivées. Dans d’autres zones, plus densément peuplées et disposant de meilleurs services, l’intensification et spécialement la diversification vers des cultures de plus grande valeur monétaire et vers l’élevage, ainsi que les revenus hors agriculture, constituent les principales stratégies de lutte contre la pauvreté. La mise en œuvre de ces stratégies dépend de l’investissement du secteur privé dans le développement d’une commercialisation viable des intrants et des produits. Il est essentiel de mettre en place des technologies de production rentables et des pratiques de gestion améliorée de la fertilité des sols, et, plus généralement, de meilleure gestion des terres et de diversification. Bien que l’on espère, à moyen terme, une diversification importante vers des cultures non vivrières et vers l’élevage, ce système continuera encore à être le grenier de la sousrégion et a assurer la sécurité alimentaire urbaine.

L’amélioration des pratiques culturales, grâce à la mise en œuvre d’approches comme les pratiques intégrées de conservation (voir encadré 2.3) devrait permettre aux agriculteurs de résoudre les problèmes de déclin de la fertilité des sols. Ces pratiques intégrées de conservation diminuent les coûts de production, épargnent du temps de préparation de la terre, utilisent au mieux la pluviométrie et créent des conditions de croissance végétative optimum en permettant de semer à la bonne date. Elles optimisent aussi la conservation in situ de l’eau en favorisant son infiltration et l’enracinement profond et en utilisant, si possible, des moyens biologiques pour casser les semelles de labour. Elles permettent en même temps d’augmenter la fertilité par: (i) l’usage judicieux des légumineuses pour la fixation biologique de l’azote, spécialement pour l’enrichissement de la jachère et en rotation, ou en culture intercalaire avec des céréales; (ii) l’intégration de l’élevage dans le système de production en optimisant l’usage du fumier, grâce à l’alimentation du bétail à l’étable; (iii) la fabrication de compost; et (iv) la plantation d’arbres pour diminuer l’utilisation du fumier et des résidus de récolte comme combustible. L’application de phosphate ou de chaux peut aussi faire partie d’une stratégie de bonne gestion de la fertilité des sols.

Encadré 2.3 Agriculture de conservation

L’agriculture de conservation a pour principal objectif d’optimiser l’utilisation du sol, de l’eau, des ressources biologiques et des processus naturels par une gestion améliorée du complexe sol-eau-éléments nutritifs des plantes. L’approche d’une meilleure gestion des terres est en parfait accord avec les pratiques intégrées de conservation auxquelles elle fait du reste appel en y ajoutant d’autres aspects de la gestion des sols. Ces pratiques intégrées de conservation contribuent au maintien de l’environnement ainsi qu’à l’amélioration de la productivité agricole.

Les principes essentiels des pratiques intégrées de conservation doivent assurer le recyclage et la restauration des éléments nutritifs du sol et de la matière organique, et l’usage optimal de la pluviométrie grâce à une meilleure rétention de l’eau, une meilleure utilisation de la biomasse, de l’humidité et des éléments nutritifs. L’un des principaux aspects est de maintenir, où cela est possible, une couverture permanente du sol qui permet un travail réduit ou même le non travail du sol et souvent entraîne la culture d’engrais vert. Dans les environnements extrêmes arides ou semi-arides, cela peut se limiter à maintenir les systèmes racinaires sous le sol alors que la biomasse au-dessus de la surface du sol peut être totalement desséchée et perdue. La couverture du sol par la végétation et les résidus, permet d’éliminer ou de réduire fortement l’érosion du sol et la perte d’eau par ruissellement. La production des cultures est ainsi plus sûre et moins vulnérable aux variations climatiques et les rendements obtenus peuvent être plus élevés. Les pratiques intégrées de conservation font appel aux plantations intercalaires systématiques et à des séquences de cultures. Non seulement elles améliorent et surtout stabilisent les rendements dans les environnements à risques, mais elles réduisent aussi les coûts de production, y compris les coûts du travail agricole et de l’énergie, en raison de la réduction ou de l’élimination du travail du sol et des besoins en désherbage une fois la culture établie.

Les pratiques intégrées de conservation sont très courantes au Brésil où elles ont été spontanément adoptées et adaptées pour répondre aux besoins des différentes exploitations et systèmes d’exploitation agricole. Les problèmes d’érosion du sol - et dans les zones plus sèches, de vulnérabilité à la sécheresse - ont diminué d’une façon importante et la production agricole s’est accrue, entraînant une amélioration du niveau de vie et de la sécurité des agriculteurs. Ces pratiques se sont aussi développées en Afrique (Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana, Tanzanie, Ouganda, Zambie et Zimbabwe). Le Réseau africain du travail de conservation du sol contribue à leur développement et à leur expansion dans divers environnements.

La gestion intégrée des ravageurs et, l’utilisation de répulsifs et d’attractifs des ravageurs, qui a fait l’objet de démonstrations récentes[64], sont les meilleurs moyens de lutter contre les ravageurs sans recourir aux traitements pesticides chers et dangereux. Le contrôle des mauvaises herbes (en particulier le striga), par les rotations et les applications de phosphates, combinées à l’utilisation de variétés résistantes aux maladies et à l’amélioration du stockage des grains (contrôle des foreurs des grains) donnent aussi de bons résultats

Dans les zones à faible densité de population où la terre n’est pas un facteur limitant, le travail devient la contrainte majeure. Cette situation renforce l’intérêt de technologies comme le non travail du sol avec traction animale et les pratiques de conservation afin de permettre la préparation des terres en saison sèche quand la demande en travail est faible. Il est aussi possible d’intégrer la culture du soja dans la rotation et de promouvoir la multiplication des semences à la ferme.

Enfin, la gestion durable des terres et l’accumulation des éléments nutritifs des sols dépendent d’un accès sûr et équitable aux ressources, en particulier à la terre et à l’eau. On a essayé, avec des résultas souvent décevants, différents modèles pour assurer l’accès à la terre des agriculteurs pauvres de la région. Parmi les nouveaux modèles fonciers qui ont été testés, un modèle mis en place au niveau communautaire, faisant appel aux règlements fonciers traditionnels et au contrôle de la communauté, semble avoir un avenir prometteur (voir encadré 2.4).

En ce qui concerne les zones à forte densité de population, l’accent est mis sur la maximisation des revenus de la terre en utilisant, en particulier, la main-d’oeuvre disponible et abondante pour accroître la production. Dans de telles zones, il est important d’augmenter chaque année la superficie des terres cultivées (par exemple grâce à l’enrichissement de la jachère à l’aide de Tephrosia)[65]. Il est aussi important, dans la mesure où les marchés le permettent, d’encourager l’abandon du maïs et d’autres cultures de faible valeur pour des cultures plus rentables comme les haricots, le tournesol, le tabac, les cultures maraîchères, les cultures pérennes et les fleurs. La diversification peut aussi impliquer le développement des zones de bas-fonds pour la production maraîchère, irriguée ou pluviale, l’introduction de variétés améliorées de tournesol et de moulins à main pour les oléagineux, la promotion de l’élevage laitier intensif, de la production porcine et de volaille à petite échelle ainsi que de l’aquaculture pour les marchés urbains.

La promotion d’activités hors exploitation ayant des liens étroits avec l’agriculture peut offrir des solutions aux agriculteurs pénalisés par les bas prix du maïs. Les difficultés d’accès des agriculteurs aux intrants, au crédit et aux services commerciaux peuvent être en partie solutionnées par la promotion d’activités de groupe comme l’achat en vrac, l’épargne en rotation ou la commercialisation en commun, ainsi que par l’encouragement d’institutions de microfinancement rurales durables, capables de satisfaire les besoins saisonniers en crédit des agriculteurs.

Encadré 2.4 Réforme foncière fondée sur la Communauté[66]

Les problèmes liés aux droits fonciers et à la propriété sont très courants en Afrique subsaharienne. En plus d’améliorer l’accès au crédit et de limiter les litiges, le développement de systèmes fonciers efficaces peut avoir un impact profond sur la capacité des communautés à avoir recours à des partenariats fructueux et à intensifier leur production. Un programme qui débuta au Mozambique vers le milieu des années 90 a permis de mettre en place une nouvelle politique et des mesures légales pour les petits agriculteurs. Ces mesures visaient à sécuriser les droits fonciers existants et à encourager les nouveaux investissements. La loi sur la terre de 1977 définissait le nouveau concept de «communauté locale» qui permettait l’acquisition de droits d’usage de la terre à une grande majorité selon des «normes et pratiques» coutumières. Ces droits étaient identiques à ceux qui pouvaient être obtenus par des investisseurs privés qui cherchaient à acquérir de la terre en en faisant une demande officielle à l’état (qui est encore le seul propriétaire de la terre selon l’actuelle constitution).

L’utilisation de l’approche des systèmes d’exploitation agricole a été crucial pour mettre en place un nouveau cadre légal protégeant l’ensemble des ressources et non pas seulement les zones physiquement occupées et actuellement sous culture. Le nouveau cadre offre aussi un mécanisme légal pour aider les communautés d’agriculteurs à trouver des arrangements avantageux pour les deux parties avec les investisseurs du secteur agro-industriel. Considérant la nature ouverte des systèmes sociaux ruraux et d’exploitation agricole, un modèle plus ouvert a été adopté au Mozambique pour permettre aux investisseurs d’avoir accès à la terre à l’intérieur de limites fixées par la communauté. Cet accès est réalisé en consultations avec les personnes locales, par des accords sur l’utilisation de la terre, des associations d’entreprises, l’emploi et d’autres ressources concrètes bénéfiques, à la fois, pour la communauté et pour l’investisseur.

On s’aperçoit que ces nouvelles mesures politiques et cette législation établie depuis peu, permettent aux communautés locales de comprendre de mieux en mieux leurs droits fonciers et la valeur réelle et potentielle de leurs ressources. Les systèmes d’exploitation agricole sont non seulement renforcés, mais peuvent ainsi fournir localement de nouveaux revenus et de nouveaux emplois. Cette approche, relativement peu coûteuse, pourrait être particulièrement utile pour les programmes d’appui à l’investissement dans tout le continent africain où l’on rencontre des problèmes semblables de systèmes d’exploitation agricole et d’accès à la terre.

Les problèmes d’accès aux semences de bonne qualité de variétés en pollinisation libre peuvent être résolus en favorisant la multiplication des semences à la ferme (voir l’encadré 2.5).

L’accès des petits agriculteurs à l’information deviendra un facteur essentiel pour leur permettre de diversifier leurs productions. L’adoption de pratiques de conservation des sols et de gestion intégrée des ravageurs fera plus appel à la formation des agriculteurs qu’à la prescription de techniques de la part de la vulgarisation. Chaque agriculteur doit recevoir les moyens de décider des voies d’amélioration de son niveau de vie, compatibles avec son niveau de ressource.

Encadré 2.5 Systèmes de multiplication de semences par les communautés d’agriculteurs[67]

Le secteur semencier de Zambie rencontre les mêmes problèmes que ceux des autres pays de l’Afrique subsaharienne. D’une part, le Ministère de l’agriculture, de l’alimentation et des pêches, responsable de la création des nouvelles variétés, ne dispose pas des ressources pour assurer la collecte et la distribution des semences. D’autre part, le secteur privé n’est pas très intéressé à investir dans les types de cultures préférées par les petits agriculteurs qui, pour la plupart, conservent leurs semences d’une saison à l’autre, limitant ainsi les possibilités de ventes.

L’activité principale du Projet CARE de sécurité alimentaire de Livingstone a été l’introduction de variétés tolérantes à la sécheresse pour un certain nombre de cultures - dont des variétés de maïs, de sorgho et de niébé - grâce à un réseau de collecte et de distribution basé sur des communautés d’agriculteurs. L’information sur les cultures et les sols, sur l’utilisation des semences et sur le stockage après récolte a fait partie des messages de vulgarisation diffusés auprès des agriculteurs. Quelque 330 agriculteurs ont participé à la phase pilote. Durant la saison 1995/1996 plus de 6 800 agriculteurs ont participé à une expérience basée sur les groupes. Une extension ultérieure en 1996/1997 porta le nombre d’agriculteurs participants à 9 600 et à plus de 12 000 en 1997/1998.

Ainsi, le projet a permis, dans un temps relativement court, à un grand nombre d’agriculteurs d’avoir accès à des semences de bonne qualité de nouvelles variétés précoces.

L’expansion rapide de ce programme a été favorisée par deux facteurs: i) la grande priorité des variétés tolérantes à la sécheresse pour les agriculteurs; et ii) la stratégie de faire rassembler et distribuer les semences par des organisations communautaires paysannes.

Ainsi, l’investissement dans la formation des agriculteurs, y compris la revitalisation des instituts de formation agricole et l’éducation complémentaire au village et dans les champs, est-il fortement conseillé.


[63] Parfois on utilise aussi la houe pour une préparation manuelle.
[64] Ces techniques utilisent la combinaison d’attractifs (pour attirer les ravageurs loin des cultures) et de répulsifs (pour les repousser des cultures). Les petits agriculteurs du Kenya sont en train d’adopter cette technique, mise au point à partir de connaissances des agriculteurs indigènes, pour la lutte contre le foreur des tiges de maïs.
[65] Parmi les technologies complémentaires on peut citer le transfert systématique de biomasse des terres non cultivées vers les terres cultivées, afin d’accroître la disponibilité en élément nutritifs.
[66] Tanner., 2001.
[67] Mitti, 2001.

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