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Priorités stratégiques de l’Afrique subsaharienne


Cette section finale met en lumière quelques uns des défis majeurs de la région et résume les priorités proposées pour chaque système de production. Etabli à partir des analyses précédentes sur les systèmes d’exploitation agricole, le tableau 2.4 classe les potentialités de chaque système pour la croissance agricole et pour la réduction de la pauvreté, il indique aussi l’importance relative des cinq stratégies majeures des ménages pour échapper à la pauvreté. Ce tableau fournit le cadre pour la consolidation des priorités stratégiques en ce qui concerne les politiques, les marchés, l’information, les ressources naturelles et les technologies, et l’identification d’un certain nombre d’initiatives stratégiques communes pour la région.

Bien que l’Afrique subsaharienne soit relativement bien pourvue en ressources naturelles, l’incidence de la faim et de la pauvreté y est plus importante que dans n’importe quelle autre région en développement, tandis que la croissance de la population y est plus forte et que le nombre de pauvres s’accroît à un taux alarmant. La pauvreté rurale représente encore 90 pour cent de la pauvreté totale et quelque 80 pour cent des pauvres dépendent encore de l’agriculture ou du travail agricole pour leur subsistance. Néanmoins, la politique, l’environnement économique et institutionnel n’incitent généralement pas à une amélioration de la production agricole - plus spécialement à une croissance importante au bénéfice des pauvres. Il existe encore des différences importantes entre le développement des zones urbaines et rurales où l’accès aux biens publics est limité. Les résultats des investissements dans la recherche agricole et dans la vulgarisation ont été décevants dans le passé. De plus la détérioration des conditions de commercialisation, la mauvaise gestion des gouvernements, les guerres civiles, les inégalités entre les sexes, les faibles niveaux de scolarisation et le SIDA sont très préoccupants.

L’analyse des systèmes d’exploitation agricole sélectionnés montre qu’il existe des perspectives de développement pour chacun d’entre eux. Le système à base de maïs, à moyen et long terme, et le système arboricole, à court terme, présentent tous les deux un potentiel moyen à important aussi bien pour la croissance agricole que pour la réduction de la pauvreté. Le système à base de maïs est en crise, mais des solutions existent (intensification et diversification). Ce potentiel de croissance agricole dépend en grande partie de l’existence de ressources sous-utilisées, des possibilités d’intensification et des perspectives de marché. Le système irrigué et le système mixte céréales et racines ont tous les deux un potentiel de croissance important. L’amélioration des infrastructures et l’accès au marché devraient permettre une intensification très importante de l’agriculture et de l’élevage du système mixte céréales et racines. Le cinquième système d’exploitation analysé en détail: le système d’exploitation agropastoral à base de mil et de sorgho, semble avoir une perspective modeste de croissance agricole et de réduction de la pauvreté.

Tableau 2.4 Potentiel et importance relative des stratégies des ménages de réduction de la pauvreté en Afrique subsaharienne




Stratégies de réduction de la pauvreté

Système d'exploitation agricole

Potentiel de croissance agricole

Potentiel de réduction de la pauvreté

Intensification

Diversification

Accroissement de la taille de l'exploitation

Accroissement du revenu hors exploitation

Sortie de l'agriculture

Irrigué

Important

Faible

3,5

2

2,5

1,5

0,5

Arboricole

Moyen à important

Moyen

4

1,5

1,5

2

1

Basé sur la forêt

Faible à moyen

Faible

2,5

2

4

0

1,5

Riz arboriculture

Faible

Faible

1

3

2

2

2

Pérennes des hautes terres

Faible

Faible

1

2

1

2

4

Mixte des Hautes terres tempérés

Moyen

Moyen

1

3

2

1

3

Racines

Moyen

Moyen

2,5

3

2

1,5

1

Mixte céréales-racines

Important

Moyen

3,5

2

3

1

0,5

Mixte maïs

Moyen à important

Important

2

3

2

2

1

Des grandes et petites exploitations

Moyen

Faible à moyen

2

2

3

1

2

Agropastoral mil et sorgho

Faible à moyen

Moyen

2

2

2

1

3

Pastoral

Faible à moyen

Faible

1

1

1

2

5

Dispersé (aride)

Faible

Faible

0

1

0

3

6

Pêche côtière artisanale

Faible à moyen

Faible

1

3

0

4

2

Urbain

Faible à moyen

Faible

1

3

3

3

0

Moyenne pour la région



2,1

2,3

2,1

1,6

1,9

Source: Avis d’experts.

Note: Le total des points pour chaque système d’exploitation agricole est de 10. L’évaluation des stratégies est faite uniquement pour les agriculteurs pauvres. Les pondérations de population agricole par système sont tirées du tableau 2.1.

D’autres systèmes d’exploitation agricole de la région offrent aussi des possibilités de croissance agricole et de réduction de la pauvreté et de la faim. Il existe un potentiel d’expansion de la terre cultivée dans les systèmes d’exploitation basés sur la forêt et sur la culture des racines bien que, dans les deux cas, on constate l’existence de contraintes importantes en matière de sols et d’environnement. Dans d’autres systèmes, les fonds de vallées qui ont habituellement des sols lourds sont les plus sous-utilisés. Le système basé sur la forêt possède de grandes étendues sous-utilisées mais les sols y sont fragiles, l’accès au marché difficile et la pluviométrie souvent excessive. Le système basé sur la culture de racines possède un potentiel modéré de croissance pour approvisionner les marchés urbains avec les racines et pour l’exportation de l’huile de palme.

Parmi les cinq stratégies proposées pour échapper à la pauvreté[74], deux d’entre-elles doivent faire l’objet d’efforts particuliers: i) l’intensification de la production au niveau des exploitations agricoles des ménages pauvres; et ii) la diversification vers des activités rémunératrices, spécialement dans les zones à haut potentiel où se trouve une majorité de pauvres. Le développement de moyens de survie complémentaires - aussi bien emploi local hors exploitation qu’en dehors de l’agriculture - constituera un élément important des programmes de réduction de la pauvreté, spécialement dans les zones où le potentiel est faible. Un effort important devrait aussi être fait en faveur de l’augmentation des revenus des ménages agricoles pauvres.

Les sections suivantes de ce chapitre indiquent les priorités stratégiques majeures et les interventions nécessaires au support du développement de l’agriculture dans la région. Elles commencent par l’identification des priorités d’ajustement national des politiques. Elles considèrent ensuite les principaux axes d’amélioration du fonctionnement des marchés et de l’accès à l’information. Finalement, elles soulignent les besoins essentiels en technologies et en gestion des ressources naturelles.

LIBÉRALISATION DU COMMERCE ET DÉVELOPPEMENT DES MARCHÉS

La libéralisation du commerce est une arme à double tranchant pour de nombreux systèmes d’exploitation agricole. L’expansion des marchés d’exportation est cruciale pour le futur du système d’exploitation arboricole et pour les perspectives de développement à long terme d’autres systèmes d’exploitation agricole à haut potentiel. Cependant, en raison de la libéralisation du commerce, certains accès préférentiels aux marchés seront perdus au cours des prochaines décennies. Dans ces conditions, les gouvernements peuvent avoir besoin d’établir des filets de sécurité ou d’autres mécanismes de réduction de la pauvreté.

Il est important non seulement d’encourager les exportations de cultures non traditionnelles, mais aussi celles à forte valeur ajoutée. Cette stratégie répond au besoin ressenti par les agriculteurs de trouver une solution à la baisse de rentabilité des cultures traditionnelles d’exportation, aussi bien pour le système d’exploitation arboricole que pour les producteurs de coton des zones de savane et des zones semi-arides, et pour les producteurs de café arabica des hautes terres.

Les solutions partielles sont: la diversification vers des cultures d’exportation non traditionnelles; l’amélioration de la qualité des produits d’exportations existants afin d’en obtenir un meilleur prix (réhabilitation des plantations, amélioration de la transformation et du conditionnement) et la recherche de créneaux de marché telles que les produits biologiques.

La priorité pour les éleveurs nomades et sédentaires et pour les agriculteurs éleveurs, y compris ceux des hautes terres, sera de définir et de mettre en œuvre le contrôle des maladies ainsi que des programmes de certification pour l’exportation des animaux vivants et des produits animaux. La région étant une des plus ouvertes du monde, dans le sens où le commerce international y est important par rapport au PIB, l’effet d’une libéralisation plus rapide pourrait y être moins fort que dans d’autres régions. Cependant, le déclin des exportations de la région, devant la concurrence importante du marché mondial, pourrait être accéléré par une libéralisation rapide. Il est peu probable que la région puisse produire à aussi bon marché que les régions asiatiques en raison des coûts de la main-d’œuvre et de transactions plus élevées. Même les produits de grande qualité pour les marchés spécialisés (le cacao et le café arabica cultivés biologiquement) risquent d’être affectés, car les concurrents auront tendance à poursuivre la même stratégie. Le système d’exploitation arboricole devrait être le plus affecté par ces changements. Par contre, les possibilités d’exportation d’aliments africains typiques pourraient s’accroître parmi les communautés d’émigrés dans les pays développés en raison des flux migratoires de la région vers les pays développés; ces marchés pourraient s’élargir au fur et à mesure que d’autres consommateurs se familiariseraient avec ces aliments. De telles opportunités s’appliqueraient surtout au système d’exploitation mixte céréales et racines et au système à base de culture de racines.

Les ex-colonies européennes de la région pourraient perdre leur accès préférentiel aux marchés de l’Union européenne (UE) et pourraient être appelées à faire face à une forte concurrence d’autres régions en développement. L’accès aux marchés des pays développés pourrait continuer à être limité par divers types de réglementations sanitaire, vétérinaire et phytosanitaire. Les changements récents des réglementations de l’UE pour le chocolat vont sans doute réduire les importations de cacao en provenance de la région. L’ouverture des marchés de l’UE aux produits agricoles peut ne pas constituer la panacée car certains concurrents d’Amérique du Nord et du Sud pourraient répondre plus rapidement aux demandes en céréales et produits animaux.

POLITIQUES, INSTITUTIONS ET BIENS PUBLICS

Les difficultés majeures de nombreuses économies ont maintenant été levées par l’application des programmes d’ajustement structurel. Bien qu’il soit nécessaire de continuer les ajustements macro-économiques en cours, il serait particulièrement utile de mettre à nouveau l’accent sur l’amélioration des politiques du secteur agricole. A cet égard il existe deux grandes priorités: i) les droits des utilisateurs aux ressources; et ii) les investissements à long terme en matière de biens collectifs.

Bien que la terre soit abondante en Afrique et que la taille moyenne des exploitations soit relativement élevée par rapport à plusieurs autres régions, il existe des zones où, pour des raisons historiques ou de pression démographique, la petite taille des exploitations est une contrainte à la production. Deux problèmes principaux doivent être résolus pour assurer un accès équitable à la terre et aux autres ressources: i) la protection des droits coutumiers sur les terres des communautés rurales des zones à faible densité de population; et ii) l’assurance d’un accès plus équitable à la terre dans les pays du sud de l’Afrique, où coexistent grandes et petites exploitations. La protection du droit coutumier concerne surtout le système basé sur la forêt, le système basé sur la pêche côtière artisanale, le système pastoral et le système agropastoral à base de mil et de sorgho. L’assurance d’un accès plus équitable à la terre concerne le système à base de maïs et le système des grandes exploitations commerciales et des petits exploitants. La réforme foncière au niveau communautaire[75] est la principale stratégie pour résoudre le premier problème. Les autres stratégies incluent la promulgation de codes pastoraux dans les pays sahéliens arides et semi-arides et un code de conduite pour les pêches artisanales de Afrique de l’Ouest, et des approches «gestion de terroir» ou la résolution des conflits concernant la gestion des ressources naturelles au niveau des communautés.

En raison des faiblesses bien connues des interventions du secteur privé, la mise à disposition de biens collectifs est nécessaire dans un certain nombre de domaines essentiels. Dans ce contexte, il est extrêmement important d’assurer un juste équilibre entre les problèmes à court terme, qui touchent les petits agriculteurs, et l’investissement à long terme en biens collectifs, qui intéresse les gouvernements ou l’humanité dans son ensemble. Bien que les possibilités et les axes stratégiques de chaque système d’exploitation agricole dépendent de son contexte spécifique, on peut citer des exemples d’axes stratégiques: la conservation des ressources de base pour les futures générations; une bonne gestion des sols; une gestion durable des ressources naturelles; la conservation des sols et de l’eau; la protection de l’environnement; la maintenance de la biodiversité; l’éradication de la mouche tsétsé; et la capture des rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère. Le manque de services, y compris transports et éducation (voir ci-dessous), limite sérieusement les systèmes d’exploitation agricole à fort potentiel de croissance. Le défi consiste à fournir de tels biens collectifs d’une manière durable, en s’assurant que les autorités locales et les communautés contribuent à leur maintenance.

INFORMATION ET CAPITAL HUMAIN

L’adoption d’une technologie et la capacité d’exploiter les opportunités de marché sont étroitement liées au niveau scolaire des preneurs de décision sur l’exploitation agricole. Un effort massif est nécessaire en matière d’éducation des femmes et des hommes au niveau des exploitations, et de revitalisation des services d’enseignement primaire. Cette éducation devrait non seulement préparer les enfants à devenir des agriculteurs modernes, mais aussi développer leurs aptitudes aux emplois rémunérés du secteur non agricole.

Le nouveau concept de l’ère de l’information s’applique aussi bien à la petite agriculture qu’aux autres industries. Vers 2030, l’agriculture basée sur le savoir deviendra la norme des systèmes d’exploitation agricole à haut potentiel de la région, de la même façon que ce type d’agriculture prévaut aujourd’hui dans les pays de l’OCDE. Par exemple, l’adoption des pratiques d’agriculture de conservation et de gestion intégrée des ravageurs nécessitera de la part de la vulgarisation une approche éducative plutôt que d’imposer des techniques: chaque agriculteur doit recevoir les moyens de choisir les voies d’améliorer ses moyens de subsistance qui conviennent le mieux à sa dotation en ressources. Ceci implique non seulement la mise à disposition d’informations de grande qualité technique et commerciale, mais requiert aussi des investissements massifs dans la formation des agriculteurs. Cette formation pourrait être donnée dans des instituts agricoles réactivés, complémentée par un enseignement au niveau du village et des champs. Les agriculteurs devraient non seulement être formés à la production agricole, mais certains d’entre eux devraient aussi recevoir une formation d’entrepreneur et de petit commerçant.

Le virus du SIDA est en train d’affecter profondément les communautés rurales d’Afrique. Il est crucial, à court terme, d’arrêter sa dissémination par des campagnes d’information et par la fourniture de préservatifs bon marché. Il est aussi nécessaire d’aider les communautés rurales dans leur assistance aux orphelins du SIDA et de mettre en place des réformes foncières pour empêcher que les veuves ne se voient privées de terres et de foyers après la mort de leurs maris.

Les possibilités d’accroissement de la productivité agricole et de diversification des exploitations de taille moyenne à grande sont très importantes dans la plus grande partie de la région. Ces exploitations ont tendance à devenir plus spécialisées; leur développement accéléré nécessiterait l’amélioration des services.

La privatisation des financements, de l’offre d’intrants et des services de conseil, pourrait être un moyen d’aider au développement de fermes commerciales en mesure de payer ces services. Cependant, l’aide publique à la recherche et à la diffusion des résultats se justifie pleinement pour protéger et conserver les ressources naturelles pour les futures générations. L’égalité d’accès pour les femmes à ces facilités et services est indispensable au futur développement des systèmes d’exploitation agricole de la région.

SCIENCE ET TECHNOLOGIE

La diversification vers des cultures ou des activités d’élevage de plus grande valeur marchande est un axe stratégique majeur pour les systèmes d’exploitation agricole à base de maïs, mixte céréales et racines, mixte des hautes terres tempérées et celui des cultures arboricoles. La diversification vers des cultures et activités moins risquées pour réduire la vulnérabilité à la sécheresse est la principale stratégie à adopter pour les systèmes pastoraux et agropastoraux à base de mil et de sorgho.

Cette diversification apporte aux agriculteurs une réponse partielle aux problèmes suivants: (i) détérioration du rapport entre le prix de intrants et des productions (maïs et blé); (ii) détérioration des conditions de commercialisation pour les cultures traditionnelles d’exportation; et (iii) vulnérabilité aux pertes de récolte dans les zones arides et semi arides. La diversification, axée sur la valeur ajoutée, est également applicable au niveau de la ferme ou de la communauté. L’accès au transport, au crédit et à un marché dans les communautés voisines est souvent suffisant pour encourager le développement de la petite transformation (battage, extraction d’huile, moulins à maïs, nettoyage, empaquetage et petites boulangeries); une bonne gestion de telles entreprises peut leur permettre de se développer rapidement et de fournir de l’emploi local aux agriculteurs[76].

La diversification des sources de revenu (combinaison optimale des cultures et de l’élevage et activités hors exploitation) est la principale stratégie qui puisse permettre de vivre aux agriculteurs dont la taille des exploitations est très petite.

La diversification est particulièrement profitable aux ménages pauvres parce qu’elle accroît leur résistance aux variations du climat ou des marchés.

Les technologies existantes pour réduire la vulnérabilité à la sécheresse doivent être diffusées. Le risque lié à la sécheresse affecte le système d’exploitation pastoral et le système agropastoral à base de mil et sorgho et, dans une moindre mesure, les systèmes à base de maïs et mixte des hautes terres tempérées. Les principales solutions aux problème des cultures sont: (i) l’introduction de variétés précoces, tolérantes à la sécheresse; (ii) l’optimisation de la conservation de l’humidité du sol et de son utilisation par une bonne gestion des sols et de la conservation de l’eau; et (iii) la petite irrigation gérée par les agriculteurs.

Les principales technologies pour l’élevage ont pour objectif: i) de réduire sa vulnérabilité grâce à des politiques appropriées sur l’utilisation des parcours et de l’eau, à la mise en place de procédures d’avertissement à l’avance pour la sécheresse et à des pratiques capables d’atténuer les effets de la sécheresse et de réhabiliter les parcours; ii) de contrôler des maladies épizootiques; iii) de développer des pratiques agricoles de conservation en zones arides et semi arides; et iv) de développer des options de remplacement non pastorales viables pour ceux qui ne peuvent plus vivre de ces ressources.

Il est nécessaire de promouvoir des technologies bon marché et non nocives pour l’environnement. Le contrôle des ravageurs et des mauvaises herbes est plus ou moins nécessaire dans tous les systèmes. Il doit porter sur: i) les dégâts causés aux cultures par les animaux sauvages dans le système basé sur la foret; ii) les criquets pèlerins dans le Sahel; et iii) le striga dans le système mixte céréales et racines et dans le système agropastoral à base de sorgho et de mil. Cependant, des solutions de remplacement aux pesticides onéreux existent pour les producteurs de coton et les producteurs maraîchers en irrigué; elles nécessitent la formation en gestion intégrée des ravageurs pour le contrôle des ravageurs et des mauvaises herbes. La multiplication des semences par les agriculteurs peut contribuer à une distribution efficace de celles-ci à un coût limité (voir l’étude de cas en Zambie).

La mise en place de partenariats productifs entre les secteurs privé, public et les organisations de la société civile, surtout les associations d’agriculteurs, est nécessaire au développement technologique. Cependant, la recherche dans les domaines importants tels que la gestion des ressources à long terme, intéresse peu le secteur privé. Son financement peu nécessiter l’introduction de nouveaux mécanismes.

RESSOURCES NATURELLES ET CLIMAT

Le problème de la dégradation des sols et de leur fertilité se retrouve, avec plus ou moins d’acuité, dans tous les systèmes. Il est particulièrement critique dans les systèmes à base de maïs et mixte des hautes terres tempérées. Les causes de la baisse de fertilité sont complexes mais les essais pour rétablir la fertilité du sol (voir encadré 2.17) par la seule utilisation des engrais chimiques n’ont produit que des effets à court terme et, dans de nombreux cas, paraissent n’avoir eu que peu d’impact sur l’ensemble des rendements moyens - au moins sur les cultures où ils furent essayés. De plus, la libéralisation économique et le retrait des subventions ont entraîné une forte réduction de l’application d’engrais sur le maïs et le blé dans les systèmes d’exploitation agricole à haut potentiel alors que les canaux d’offre d’intrants étaient démantelés et que le rapport entre le prix des intrants et celui des céréales augmentait. Dans les systèmes d’exploitation agricole à base de maïs de certaines régions des hautes terres de Tanzanie les petits agriculteurs spécialisés dans la production de maïs recommencent la culture extensive de variétés traditionnelles sans engrais. Ce phénomène entraîne une recrudescence de la pauvreté.

Encadré 2.17 Reconstitution des réserves du sol en éléments nutritifs

La baisse de fertilité des sols est un élément important de la dégradation des terres. Elle a affecté de nombreux systèmes d’exploitation agricole de la région au cours de ces dernières années. Elle correspond à la destruction de la structure des sols; à la réduction du taux de matière organique, des éléments nutritifs et de la capacité d’infiltration et de stockage en eau.

Les productions intensives impliquent la reconstitution des réserves en éléments nutritifs des sols, or on a souvent considéré la fumure minérale comme une fin en soi plutôt que comme un des éléments faisant partie des pratiques de gestion des sols. L’expérience a montré que l’utilisation d’engrais minéraux seuls n’a souvent pas permis l’intensification des cultures.

Alors que les engrais peuvent produire des accroissements de rendements importants chez les systèmes à haut potentiel lorsqu’ils sont utilisés conjointement avec des semences améliorées, leur utilisation peut ne pas être économiquement viable pour les petits producteurs de cultures vivrières - particulièrement maïs et sorgho - ou bien dans des zones éloignées où les prix des intrants augmentent beaucoup à cause des coûts de transport. Même lorsque l’application d’engrais est rentable, les petits agriculteurs peuvent simplement ne pas disposer du capital nécessaire à leur achat en début de campagne ou bien ne peuvent accepter le risque que cette dépense monétaire implique.

Cependant, en l’absence de reconstitution des réserves en éléments nutritifs, la productivité des sols se dégrade, même avec de bonnes pratiques culturales, entraînant un augmentation de la pauvreté et des problèmes de sécurité alimentaire. Aussi est-il urgent de développer des approches différentes pour la régénération des sols pour les agriculteurs pauvres en ressources. Celles-ci peuvent inclure un recours plus important aux engrais verts, au compost et au fumier, l’utilisation croissante de cultures fixatrices d’azote dans la rotation (y compris en culture intercalaire), et la jachère améliorée.

L’adoption de pratiques culturales améliorées de gestion des sols a fait ses preuves pour lutter contre la dégradation des terres. La description de ses principes est plus utile que celle des paquets technologiques (voir l’encadré 2.18).

Encadré 2.18 Principes de bonne gestion des terres

La bonne gestion des terres implique une approche intégrée et synergique de la gestion des ressources mettant en action la combinaison, adaptée aux conditions locales, des options techniques suivantes

  • Accroissement progressif de la teneur en matière organique des sols et de leur activité biologique à des niveaux optimum durables (pour améliorer le stockage et l’infiltration de l’eau, la structure des sols et assurer l’apport d’éléments nutritifs) par l’utilisation du compost, du fumier de ferme, des engrais verts, du mulch de surface, des jachères améliorées, de l’agroforesterie, des cultures de couverture et de la gestion des résidus de récolte.

  • Gestion intégrée de la nutrition des plantes impliquant l’utilisation d’une combinaison d’éléments nutritifs, organiques et inorganiques, en provenance de l’exploitation agricole et de hors exploitation, à bas prix de revient (fumier, résidus de culture, fixation d’azote par rhizobium, transferts d’éléments nutritifs des couches profondes du sol vers la surface par les racines et la décomposition des feuilles, utilisation de phosphate sous forme de roche, de chaux et d’engrais minéraux).

  • Meilleure gestion des cultures grâce à: (i) l’utilisation des semence améliorées de variétés appropriées, (ii) un meilleur établissement des cultures au début de la saison des pluies (afin d’accroître la couverture protectrice du sol et de réduire les pertes en eau et l’érosion), et (iii) un contrôle efficace des mauvaises herbes et la gestion intégrée des ravageurs.

  • Meilleure gestion de l’eau de pluie pour augmenter l’infiltration et éliminer ou réduire le ruissellement afin d’améliorer les conditions d’humidité du sol autour des racines et de diminuer ainsi le risque de stress hydrique durant les périodes sèches tout en réduisant l’érosion.

  • Augmentation de la profondeur d’enracinement et de la perméabilité du sol en cassant les couches compactes du sol (houe/socle de charrue) par des pratiques de travail du sol de conservation au moyen de sous-soleuses tirées par tracteur, de charrues équipées de chisel tirées par des bœufs, de trous de plantation jumelés exécutés à la houe à main, ou de cultures de plantes pérennes, arbres et arbustes à enracinement profond.

  • Récupération de terres cultivées qui ont été sérieusement dégradées par ravinement, perte de la surface du sol par érosion, compaction, acidification et salinisation, lorsque cela est possible à faible coût.

Sa mise en œuvre peut se faire à l’aide d’un certain nombre de techniques dont le travail de conservation des sols et autres pratiques culturales associées (voir l’encadré 2.17 ci-dessus).

On ne prévoit qu’une expansion lente de l’irrigation au cours des 30 prochaines années. Il existe en effet de grandes réserves de terre pour l’expansion de la production agricole pluviale à faible coût. Ainsi, à la différence d’autres régions où les terres irriguées vont fournir la majeure partie des accroissements de production alimentaire, l’irrigation pourrait ne jouer en Afrique qu’un rôle modeste pendant les trois prochaines décennies.

CONCLUSIONS

La faim et la pauvreté sont largement répandues et en rapide croissance en Afrique subsaharienne. Environ 80 pour cent des pauvres dépendent de l’agriculture pour leur subsistance. Les prévisions disponibles suggèrent un déclin progressif de la faim et de la pauvreté pour les prochaines années[77]; toutefois, ces prévisions sont encore très loin des objectifs de développement internationaux.

En général, les environnements politique, économique et institutionnel à l’intérieur de la région, ne créent pas les stimulants nécessaires à la production agricole et, plus spécialement, à une croissance au bénéfice des pauvres. Les programmes de développement avantagent encore les zones urbaines, l’agriculture est surtaxée et l’offre de biens collectifs ruraux est inférieure à celle des autres régions, alors que les coûts de transaction restent élevés. Les résultats des investissements en recherche agricole et vulgarisation ont été décevants, alors que les conditions de commercialisation se détériorent. De plus, la mauvaise gestion des gouvernements, les guerres civiles, la dégradation du respect de l’ordre et de la loi, l’inégalité entre hommes et femmes, les bas niveaux de scolarisation et le SIDA sont des sujets particulièrement préoccupants.

L’abondance des ressources naturelles dans la région est un bon point de départ pour un développement agricole en faveur des pauvres. Les ajustements des politiques nationales, la réorientation des institutions et la fourniture de biens collectifs et de services seront nécessaires pour stimuler ce développement.

L’analyse des principaux systèmes d’exploitation agricole montre l’importance relative des stratégies des ménages pour échapper à la pauvreté - par ordre d’importance: diversification; intensification; accroissement de la taille des exploitations; sortie du secteur agricole et augmentation des revenus en dehors de l’exploitation. L’objectif stratégique global doit être une croissance agricole importante au bénéfice des communautés les plus pauvres et des groupes les plus pauvres de chaque communauté. La réduction de moitié de la faim et de la pauvreté d’ici à 2015 implique des efforts massifs pour stimuler la croissance, qui en fin de compte dépend de l’initiative et de l’effort des familles d’agriculteurs elles-mêmes à l’intérieur de chaque système de l’exploitation agricole. Il n’est pas possible à partir de cette étude régionale de prescrire des actions spécifiques au niveau national; toutefois, elle montre que cinq initiatives stratégiques liées entre elles peuvent permettre de relever le défi de réduire la faim et la pauvreté dans cette région.

Gestion durable des ressources. La gestion durable des ressources doit prendre en considération la dégradation très générale des terres, le déclin de la fertilité des sols et les bas rendements résultant des faibles pluviométries. Elle doit permettre la récupération des sols et l’augmentation de la productivité. Les éléments de cette gestion comprennent: 1) une bonne connaissance agricole au niveau des agriculteurs et l’existence de systèmes d’information permettant de faire connaître les technologies et les réussites; ii) l’amélioration des ressources telles que la petite irrigation et la conservation de l’eau; iii) la recherche appliquée participative centrée sur des technologies intégrées combinant les connaissances locales et celles des scientifiques, en rapport avec une agriculture de conservation, l’agroforesterie, la gestion intégrée des ravageurs et l’intégration de l’élevage et de l’agriculture; et iv) le renforcement d’associations d’utilisateurs de ressources.

Meilleur accès aux ressources. L’accès des petits agriculteurs aux ressources agricoles doit leur permettre de créer une base de ressource viable pour eux et leurs familles. Ses composantes comprennent: l’ajustement de la législation, le renforcement de l’administration publique des terres et un système foncier communautaire fonctionnel.

Réduction de la vulnérabilité des ménages. La gestion du risque au niveau des ménages réduira leur vulnérabilité agricole vis-à-vis des accidents naturels et économiques, si courant dans l’agriculture en Afrique. Ses composantes comprennent: les variétés précoces résistantes à la sécheresse et les races animales robustes; des pratiques culturales améliorées pour la rétention de l’humidité; des mécanismes d’assurance; et le renforcement des mécanismes traditionnels et autres contre la diffusion des risques.

Réponses au SIDA. Il est nécessaire d’entreprendre une action immédiate pour arrêter le développement et l’impact du SIDA. Cette action doit comprendre: des campagnes d’information; une offre de préservatifs à bon marché; un traitement abordable de la maladie; une réforme foncière pour empêcher que les veuves ne perdent l’accès et le contrôle de la terre et de la propriété du ménage de l’époux décédé; la formation agricole pour les orphelins du SIDA; et des assistance pour renforcer les efforts des communautés rurales qui aident les orphelins du SIDA.


[74] Voir la discussion des cinq stratégies des ménages pour échapper à la pauvreté au chapitre 1.
[75] Tanner 2001.
[76] Steele, 2001, communication personnelle.
[77] FAO 2000a.

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