Page précédente Table des matières Page suivante


Système d’exploitation agricole mixte arboricole


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Ce système couvre 85 millions d’ha, principalement en Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie; de plus petites zones se rencontrent aussi au Cambodge, aux Philippines, au Vietnam, dans le sud de la Chine et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Sa population totale est de 48 millions d’habitants, dont 30 millions sont considérés comme agricoles (voir encadré 6.4). L’environnement tropical de cette zone est surtout humide (270 à 365 jours de période végétative), avec quelques extensions en zone humide subhumide (180 à 269 jours de période végétative). Les cultures arboricoles, mises en place sous forme de plantations ou de grands domaines, servent à l’approvisionnement en produits industriels, en boissons et en condiments. Elles sont pratiquées principalement sur des sites plats ou ondulés aux sols acides de faible fertilité au départ.

Encadré 6.4 Données de base: système d’exploitation agricole mixte arboricole

Population totale (m)

48

Population agricole (m)

30

Superficie totale (m/ha)

85

Zone agroécologique

Humide - subhumide

Superficie cultivée (m/ha)

18

Superficie irriguée (m/ha)

2

Population bovine (m)

19

La surface cultivée totale est estimée à 18 millions d’ha dont quelque 2 millions d’ha seulement sont irrigués. Au XIXe siècle, de grandes superficies de cultures arboricoles furent implantées dans le cadre de grands domaines privés en Malaisie et en Indonésie, d’abord pour la production du caoutchouc et plus tard de l’huile de palme. Il existe aujourd’hui, d’importantes surfaces aux mains de petits planteurs. Les plantations de cultures arboricoles des petits exploitants ont, en général, une surface maximum de 2 à 3 ha selon le type de culture. Les plantations de cocotiers sont très répandues dans toute l’Asie du Sud-Est et le Pacifique; elles sont aujourd’hui principalement gérées par des petits agriculteurs.

Les plantations de thé et de café sont confinées aux zones agroécologiques d’altitude. Les cocotiers sont, en général, cultivés en culture intercalaire dans les basses terres tropicales humides. Les condiments, clou de girofle, poivre, etc., sont généralement produits par des petits agriculteurs. Les cultures arboricoles sont dominantes dans ce système de production; toutefois, un certain nombre de petites exploitations sans cultures arboricole, dispersées à travers tout le système, produisent des cultures vivrières (riz et maïs), de rente (soja) et pratiquent l’élevage (voir encadré 6.5). Le gros bétail est peu présent dans ce système; toutefois, dans de nombreux endroits, les plantations abritent un nombre considérable de petits ruminants. Les revenus des petits agriculteurs sont moyens et la pauvreté, peu fréquente, se rencontre surtout parmi les petits agriculteurs et les ouvriers agricoles sans terre.

Encadré 6.5 Un ménage typique du système d’exploitation agricole mixte arboricole

Un petit agriculteur typique est producteur de caoutchouc sur 0,75 ha de terre concédé par le grand domaine central planté en hévéa. La gestion des hévéas est étroitement supervisée par le personnel du domaine. Le caoutchouc est la source principale de revenu du ménage. De plus, le ménage produit des cultures vivrières, dont le riz pluvial et le maïs sur 0,9 ha supplémentaire. Aucun engrais n’est utilisé sur les cultures vivrières, aussi, les rendements sont-ils faibles et la famille doit-elle acheter un complément de riz. Cette famille est constituée de sept personnes; elle possède aussi un perkarangan, jardin familial étagé, avec une variété de fruitiers, d’herbes, d’épices et de cultures maraîchères qui complémente le régime alimentaire, en améliore sa qualité nutritionnelle et procure un petit revenu grâce à la vente de fruits. Le ménage élève deux bovins et leur descendance, six chèvres et une douzaine de poulets en liberté; la vente des animaux génère aussi quelques revenus. Les dommages climatiques sur les productions sont rares; toutefois, le système est directement soumis aux variations des cours mondiaux.

Dans un certain nombre de pays, les gouvernements ont établi des stations de recherche ou des instituts spécialisés par produit pour améliorer les cultures arboricoles; les services gouvernementaux de recherche et de vulgarisation assistent les petits agriculteurs.

Les rendements des cultures ont augmenté avec l’introduction de variétés améliorées développées grâce à la recherche publique ou, dans certains cas, par de grandes compagnies multinationales impliquées dans l’industrie des plantations. De nouvelles variétés naines de palmier à huile et de cocotiers ont été développées ces dernières années, elles ont permis d’augmenter de façon significative les rendements de ces cultures. Dans les plantations bien gérées, l’engrais est appliqué régulièrement et le contrôle des mauvaises herbes est réalisé de façon efficace. Toutes ces cultures nécessitent une main-d’œuvre importante pour la récolte et la transformation, aussi la rentabilité dépend-elle directement du coût local du travail. Dans certains pays, tel que la Malaisie, les hausses des salaires affectent aujourd’hui sérieusement la profitabilité des plantations d’hévéa, entraînant un changement vers la culture des palmiers à huile.

Les compagnies privées et les gouvernements ont installé de grandes usines avec de gros investissements pour la transformation du caoutchouc, de l’huile de palme, du thé et du café. Les petits agriculteurs fournissent à ces usines la matière première ou les produits partiellement transformés. Il y a peu de coopératives de petits agriculteurs, aussi ceux-ci n’ont-ils souvent par d’autre possibilité que d’accepter les prix offerts par les intermédiaires ou les usines pour leur produits bruts. Des cultures intercalaires sont mises en place pour accroître et diversifier les revenus, aussi bien durant les premières années d’installation des nouvelles plantations que dans les plantations adultes. Dans certains systèmes de cultures arboricoles (caoutchouc et plantation de cocotiers) la production des cultures industrielles a été associée à l’élevage. On a assisté, ces derniers temps, au développement de nouveaux produits afin de diversifier et d’augmenter les revenus de certaines plantations, comme par exemple les produits du bois d’hévéa et de cocotiers disponibles au moment de la coupe des vieux arbres et de la replantation.

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME MIXTE ARBORICOLE

Les principaux facteurs pouvant influer sur l’avenir du secteur des cultures arboricoles sont: i) le volume de la demande internationale et les prix des produits des cultures industrielles; ii) la mécanisation des opération de récolte et de transformation, gourmandes en main-d’œuvre et coûteuses pour certaines cultures comme le caoutchouc, le palmier à huile et le thé; iii) le développement et l’adoption de technologies améliorées de production; iv) la plantation de variétés à rendement beaucoup plus élevé; et v) les changements qui pourraient se produire dans le rapport entre le nombre de compagnies privées et de petits producteurs. Malgré le ralentissement de la croissance de la population mondiale, la demande en produits des cultures industrielles (oléagineux, caoutchouc, boissons, fibres naturelles, condiments, etc.) devrait continuer à être forte. Cependant, le prix de ces produits, qui entrent en compétition avec des produits synthétiques, sera, à l’avenir, fortement déterminé par les prix du pétrole.

Les croissances annuelles de production d’ici 2030 devraient être de 3,4 pour cent pour l’huile de palme, 2,8 pour cent pour le caoutchouc, 3,4 pour cent pour la noix de coco, 1,8 pour cent pour le café, et 3,8 pour cent pour le thé. Ces augmentations de production devraient venir à la fois de l’expansion des surfaces et de l’accroissement des rendements. L’accroissement de la taille des domaines privés dépendra de leur profitabilité d’ensemble; à moyen terme, le secteur des petits agriculteurs devrait rester important. Certaines plantations industrielles continueront à être en grande partie gérées par des petits exploitants.

Les discussions qui suivent sur les problèmes du système d’exploitation agricole mixte arboricole concernent uniquement les petits agriculteurs. Les principaux problèmes à résoudre pour augmenter la productivité et le revenu des petits planteurs sont les suivants: faiblesse des rendements, absence de productions de remplacement; qualifications des agriculteurs inadéquates; technologies et gestion des cultures inadéquates; première transformation des produits bruts; et mécanismes de commercialisation.

Les services de recherche et de vulgarisation gouvernementaux et privés ont été responsables du développement de variétés à haut rendement possédant une résistance accrue aux maladies et aux ravageurs. Ces efforts ont surtout concerné l’hévéa et le palmier à huile; l'attention portée à l’amélioration de la production des autres cultures arboricoles a généralement été insuffisante. Les politiques gouvernementales ont pour but d’aider la production des petits planteurs; toutefois, cette assistance doit être faite à partir d’une analyse en profondeur de la demande future des produits afin d’éviter la surproduction et la baisse des prix.

Les prix des produits des cultures industrielles sont sujets aux grandes variations des cours mondiaux. De nombreux pays ont mis en place, sans grands résultats, des comités par produit afin de stabiliser les prix. Au niveau local, les petits agriculteurs doivent, en général, accepter des prix inférieurs à ceux du marché, en raison de leur besoin immédiat en argent. L’amélioration de la transformation au niveau de l’exploitation et la commercialisation groupée des productions par des associations de petits exploitants, pourraient permettre d’augmenter les revenus des petits agriculteurs. Les gouvernements ont essayé de créer des coopératives pour les petits planteurs. Les agriculteurs n’ayant généralement tiré aucun avantage de ces coopératives, celles-ci ne se sont pas développées ou même ont fait faillite. Néanmoins, l’achat collectif d’intrants, la collecte, la distribution et la commercialisation groupés des produits, peuvent se montrer financièrement très intéressants. Il sera nécessaire de définir de nouvelles modalités pour le fonctionnement des coopératives, des associations d’agriculteurs ou des petites sociétés commerciales. Le niveau de formation des agriculteurs impliqués dans la production des cultures industrielles est généralement bas. Dans de nombreux cas, l’identification participative des problèmes, des contraintes et des opportunités pour le développement des produits est inadéquate, de plus, l’aide qu’elle reçoit de la part des services gouvernementaux de vulgarisation et des services de recherche spécialisés est insuffisante. La collaboration entre la recherche publique et la vulgarisation pour la diffusion de l’information et le développement technologique est généralement insuffisante. Le transfert de technologie des compagnies privées (multinationales) vers les petits agriculteurs se fait très mal, même si celles-ci possèdent souvent leurs propres services de recherche et de vulgarisation orientés vers la plantation des cultures arboricoles.

PRIORITÉS DU SYSTÈME MIXTE ARBORICOLE

Les options stratégiques pour le secteur des petits agriculteurs sont les suivantes: accroissement de productivité, diversification des activités et organisation de groupes pour l’achat d’intrants et la commercialisation. Des mesures permettant d’accroître la production des plantation (caoutchouc, huile de palme, noix de coco, etc.), comme l’introduction de variétés clones modernes, permettraient aux petits agriculteurs de réaliser de grands progrès. Comme nous l’avons déjà mentionné, il existe de nouveaux clones, très productifs pour un certain nombre de cultures telles que le palmier à huile et le cocotier; de plus, les instituts spécialisés créent continuellement de nouveaux clones. On devrait assister au remplacement progressif et accéléré des vieux clones par des nouveaux clones à haut rendement.

Il est possible lors de la régénération des vieilles plantations de mettre en place des cultures intercalaires capables de procurer un revenu immédiat durant les premières années d’installation. On devra accorder une importance toute particulière à la transformation locale capable d’apporter de la valeur ajoutée aussi bien pour les productions que pour les produits ligneux. Il est aussi possible d’étendre les cultures intercalaires aux plantations arrivées à maturité afin de stabiliser les revenus et de réduire les risques liés à la fluctuation des prix; ces pratiques permettraient aux ménages de cultiver des petites surfaces de cultures vivrières et d’élever des petits ruminants, telles les chèvres, en utilisant les surplus alimentaires et les fourrages produits autour des plantations. Les programmes de recherche devraient faire une part plus importante aux cultures mineures. Les capacités de recherche devraient être accrues pour tirer profit des progrès en biotechnologie et en génie génétique afin d’améliorer les rendements et la résistance aux maladies et aux ravageurs.

La mise en route de coopératives de commercialisation, d’associations ou de sociétés devrait se faire graduellement afin d’éviter de surcharger des institutions fragiles avec des fonctions multiples. Aussi est-il préférable de commencer par une activité importante, comme par exemple la commercialisation des intrants ou des produits. Lorsque les canaux de commercialisation et un solide réseau de clients auront été établis, il sera temps de diversifier les activités à d’autres domaines et d’adjoindre, par exemple, la fourniture d’intrants et le crédit. Il est nécessaire d’élargir la panoplie des services financiers fournis aux agriculteurs par les institutions financières formelles et informelles. Les coopératives de commercialisation, les associations d’agriculteurs ou les petites sociétés pourraient graduellement étendre leurs activités à la médiation financière et jouer un rôle important dans la mobilisation de l’épargne, source de fonds pour l’offre de crédit.

Dans de nombreux pays, les efforts du gouvernement en matière d’aide à la vulgarisation et à la recherche destinés aux producteurs des cultures industrielles ont été insuffisants. La possibilité de créer des services privés d’appui à la vulgarisation doit être étudiée; leurs financements pourraient être assurés par les coopératives de commercialisation des petits exploitants. Le renforcement des connaissances techniques des petits agriculteurs ne devrait pas se limiter à la production végétale, il devrait englober également les méthodes et pratiques de contrôle après récolte et de transformation des produits afin de maximiser la qualité et les prix de leurs productions. Une approche enseignement des agriculteurs au champ, associée à des programmes de formation technique destinés aux agriculteurs, devrait permettre la promotion de nouvelles technologies.


Page précédente Début de page Page suivante