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Définition, intérêt et portée du concept


Photo 2. Microboisements et haies rurales près de Saint-Floret, France. (© Bellefontaine/Cirad)

Le concept de l'arbre hors forêt fait de plus en plus l'objet de réflexion et de discussion. L'éclairage porté sur le rôle joué par les arbres hors forêt dans la gestion durable des ressources naturelles et l'aménagement de l'espace urbain et rural se précise chaque jour davantage. Les arbres hors forêt marquent de leur présence de multiples systèmes, que ce soit ceux de l'agroforesterie, du sylvopastoralisme ou ceux intégrant la foresterie urbaine, rurale ou communautaire.

Définition et typologie

Le terme arbre hors forêt, néologisme apparu en 1995, renvoie dans son expression à la forêt et se détermine par défaut aux espaces forestiers. Par conséquent, la précision de cette appellation passe par une lecture de la définition des forêts, sachant qu'elle varie d'un pays à l'autre, s'adaptant aux enjeux environnementaux, aux intérêts économiques et aux situations locales. Par exemple, des positions différentes ont été adoptées par quelques pays quant à l'intégration ou non des plantations dans la catégorie forêt (ou terres forestières)1 . Au Zimbabwe, les grandes plantations établies à des fins commerciales sont considérées comme des forêts, alors que celles sur des terres préalablement utilisées pour l'agriculture en sont écartées (Moyo, 1999). L'inclusion des plantations dans le décompte des surfaces forestières peut parfois revenir à masquer le défrichement de la forêt. Dans certains pays, comme le Brésil, la Colombie, Haïti, le Honduras ou le Pérou, il n'existe pas de définition légale ni de la forêt ni de l'arbre. Notons cependant que des lois nationales ou des codes, autres que le code forestier, peuvent en donner une définition.

Les critères de définition des forêts se basent le plus souvent sur la notion «d'occupation du sol» ou celle «d'utilisation des terres», parfois sur la combinaison des deux. L'occupation du sol renvoie aux formes de couverture physique du sol observable par des vues aériennes ou satellitaires, et à leur structure; elle inclut la végétation, naturelle ou plantée. L'utilisation des terres, dimension complexe à traiter et plus sensible que l'occupation du sol, fait référence à la fonction et aux modes d'utilisation des terres, c'est-à-dire aux activités entreprises pour produire des biens et des services. Ainsi, une terre, dont l'occupation du sol est uniforme, peut avoir plusieurs usages (FAO, 1997a). Ces deux notions, étroitement liées, peuvent donner lieu à des confusions dans les classifications, d'autant que chacune fait appel à des méthodes différentes et s'inscrit dans des problématiques spécifiques. Etant donné que la gestion de la ressource arborée ou d'un territoire s'appuie sur des informations traitant à la fois de l'occupation du sol et de l'utilisation des terres, la distinction et l'harmonisation de ces deux concepts sont nécessaires.

L'objectif de la définition influe également sur son contenu. Par exemple, les définitions biologiques sont généralement fondées sur des paramètres structuraux, tandis que les définitions légales attestent le statut juridique des terres, tout en ne renseignant pas toujours sur la végétation et la couverture du sol (tableau 1). Nombre de terres relevant du régime forestier sont vides d'arbres, sans pour autant changer de statut.

En raison de la variété des formations boisées rencontrées, de la diversité des modes de caractérisation utilisés et de la multiplicité des buts visés (encadré 1), il se révèle que définir la forêt de façon universelle est une entreprise difficile, voire une gageure. L'évaluation des ressources forestières 2000 a pour la première fois établi le consensus autour d'une définition unique de la forêt à un minimum de 10 pour cent de couvert forestier.

Pour définir les arbres hors forêt, il est alors judicieux de se référer à une définition couvrant de façon similaire et commune les ressources forestières, telle celle proposée par la FAO pour conduire l'évaluation des ressources forestières. Cette définition et ses corollaires (FAO, 1998b) (annexe 1), permettant une certaine classification, constituent des normes pour collecter des données statistiques à l'échelle mondiale, tout en gardant clair à l'esprit que des différences peuvent exister avec les définitions retenues par les pays dans le cadre de leurs politiques et activités forestières. Le premier objectif de l'évaluation des ressources forestières est de permettre une estimation standardisée et comparable des forêts dans le monde.

Tableau 1. Classement des pays selon la référence au couvert dans la définition nationale de la forêt.

 

Pourcentage de couvert forestier

Moins de 10 %

10 %

20 %

30 %

30 % et plus

Espagne

Chili (zone sèche)

Afghanistan

Australie

Afrique du Sud

Iran

Erythrée

Albanie

Autriche

Allemagne

Suède

Etats-Unis

Belgique

Cambodge

Costa Rica

Taïwan

Fidji

Chili (zone humide)

Estonie

Danemark

 

France

Chine

Japon

Ethiopie

 

Gambie

Irlande

Maroc

Jamaïque

 

Grèce

Italie

Russie

Kenya

 

Inde

Kirghizistan

Vietnam

Malawi

 

Israël

Liechtenstein

 

Panama

 

Luxembourg

Lituanie

 

Soudan

 

Malaisie

Mozambique

 

Tanzanie

 

Mexique

Namibie

 

Ukraine

 

Papouasie-

Nouvelle-Zélande

 

Zimbabwe

 

Nouvelle-Guinée

Pays-Bas

   
 

Portugal

Royaume-Uni

   
 

Turquie

Somalie

   
 

Yémen

Suisse

   

Source: FAO (1993).

Encadré 1.

Diversité des définitions de la forêt

Selon l'usage principal du sol: en Bolivie, un terrain forestier est une surface couverte de bois naturels, cultivés, destinés à différents usages; ce sont aussi des terrains sans arbre qui peuvent être reboisés. Les prairies et pâturages, avec des arbres ou des arbustes dispersés, ne constituent pas des terrains forestiers.

Selon le couvert boisé: au Chili, est considérée comme forêt toute zone couverte par des formations végétales (les arbres étant prédominants) de plus de 5 000 m2 et de 40 m de large, et d'une couverture arborée supérieure à 10 pour cent (zones arides et semi-arides) ou 25 pour cent de la surface dans les zones aux conditions plus avantageuses.

Pour les pays faisant référence à la couverture forestière dans leur définition, le seuil retenu pour le couvert est variable, allant de moins de 10 pour cent, comme l'Iran, à 70 pour cent, tel le Costa Rica, voire plus: 75 pour cent en Afrique du Sud (tableau 1).

Selon la loi: au Gabon, la loi n° 1/82 (dite d'orientation en matière des eaux et forêts) distingue deux catégories de forêts: les forêts protégées et les forêts domaniales classées. Les forêts protégées, partie du domaine privé de l'Etat, peuvent être aliénées et sont le lieu d'élection des «droits d'usage coutumier». Les forêts domaniales comprennent les forêts de production à vocation permanente, les périmètres de reboisement, les parcs nationaux à vocation forestière, les forêts de protection, les forêts récréatives, les jardins botaniques, les arboretums et les sanctuaires de certaines espèces végétales, les réserves intégrales d'espèces végétales, les aires d'exploitation rationnelle de la faune. En outre, la loi précise que l'exercice des droits d'usage coutumier est interdit dans les forêts domaniales classées.

Pour la FAO, la définition de la forêt, ou des terres forestières, repose sur la structure de la formation (pourcentage du couvert arboré, hauteur des espèces ligneuses) et sa surface. Les autres terres boisées regroupent les formations arbustives et les jachères forestières. Les arbustes sont «des plantes pérennes ligneuses dont la hauteur à maturité est généralement comprise entre 0,5 et 5 mètres et n'ayant pas de couronne définie. Les limites de hauteur des arbres et des arbustes doivent être interprétées avec flexibilité, notamment en ce qui concerne la hauteur minimum des arbres et la hauteur maximum des arbustes, qui peuvent varier approximativement entre 5 et 7 mètres» (FAO, 1998b). Cette définition englobe donc l'ensemble des formations ligneuses basses. Quant aux systèmes de jachères forestières, ils «se réfèrent à tous les complexes de végétation ligneuse dérivant du défrichement de forêts naturelles pour l'agriculture sur brûlis. Ils consistent en une mosaïque de différentes phases de reconstitution forestière et incluent des bouquets de forêt non défrichée et des champs agricoles qui ne peuvent être distingués, en particulier à partir des images satellitaires. Le système de jachère forestière est une classe intermédiaire entre les forêts et les terres non forestières. Une partie de cette surface peut apparaître comme de la forêt secondaire. Même la partie mise en culture peut parfois paraître comme de la forêt par la présence d'un couvert arboré. Une séparation exacte entre la forêt et la jachère forestière n'est pas toujours possible» (FAO, 1998b). Les jachères «forestières» sont incluses dans les «autres terres boisées» et les jachères «agricoles» font partie des terres agricoles.

La définition de la «forêt» établie par la FAO étant assez précise (annexe 1), la notion d'arbre hors forêt peut donc être approchée. Il s'agit alors des «arbres sur des terres n'appartenant pas à la catégorie des forêts (ou terres forestières) et à celle des autres terres boisées» (figures 1 et 2). Les arbres hors forêt comprennent les arbres et les arbustes présents sur les terres agricoles, sur les terres bâties et sur les terres nues (encadré 2). Ils constituent les systèmes agroforestiers, les vergers, les bosquets de faible superficie et se retrouvent dans les prairies, les espaces pastoraux, les exploitations agricoles et les zones urbaines et périurbaines. Ils peuvent être disséminés le long des rivières, des canaux, des routes ou dans les jardins, les parcs et les villes (figure 3).


Figure 1. Classification des terres émergées et des eaux.


Figure 2. Classification des terres boisées (FAO, 1998b).


Figure 3. Essai de classification des arbres hors forêt.

Encadré 2.

Définition des arbres hors forêt

Les arbres hors forêt se rapportent aux arbres* qui se trouvent sur des terres n'appartenant pas à la catégorie des terres forestières (ou forêts) et autres terres boisées. Ils peuvent donc se retrouver sur les «autres terres», à savoir sur les terres agricoles (incluant prairies et pâturages), sur les terres bâties (incluant établissements humains et infrastructures) et sur les terres nues (incluant les dunes de sable et affleurements rocheux). Ils comprennent également les arbres sur des terres ayant les caractéristiques des forêts et autres terres boisées, mais dont i) la superficie est inférieure à 0,5 hectare; ii) les arbres sont capables d'atteindre une hauteur d'au moins 5 m à maturité in situ mais où le niveau de matériel sur pied est inférieur à 5 pour cent; iii) les arbres n'atteignent pas 5 m à maturité in situ mais où le niveau de matériel sur pied est inférieur à 10 pour cent; iv) les arbres forment des rideaux-abris et des ripisylves de moins de 20 m de large et couvrent une superficie égale ou inférieure à 0,5 hectare.

* L'expression «arbres» hors forêt comprend les arbres et les arbustes.

Source: FAO (2001b).

Les arbres hors forêt peuvent répondre à des fonctions de production (vergers, arbres des champs et autres systèmes agroforestiers), à des fonctions de protection (paysagères et écologiques) ou à des fins ornementales (arbres à proximité des habitations, des parcs, des villes). Ils peuvent être dominés par une dynamique naturelle et ne sont alors pas entretenus: bosquets, galeries forestières, ripisylves étroites. En terme d'organisation spatiale, ils sont soit dispersés sans continuum (arbres situés sur les terres agricoles et pastorales), soit en alignement à continuum linéaire (bordures de parcelles, de routes, de canaux, le long des cours d'eau, autour des lacs, dans les villes), soit en agrégats de dimension réduite présentant un continuum spatial (arbres regroupés en bosquets, bois sacrés, parcs urbains) (Alexandre et al., 1999).

Encadré 3.

Exemples d'ambiguïtés de la définition des arbres hors forêt

En Asie, les paysans défrichent la forêt et plantent ensuite des essences ligneuses productives qui reforment très vite un couvert dense. Au Sri Lanka, les jardins de case malgré leur faible superficie (0,1 à 0,4 hectare) présentent une grande diversité d'espèces; dans les secteurs humides, on relève 46 espèces par unité et 180 par hectare (Sharma, 2000). Leur couvert ou celui des agroforêts d'Indonésie ne permet pas une culture au sol. Les produits exploités (résine des arbres, fruits, bois, etc.), grâce à une longue pratique paysanne, peuvent être qualifiés d'agricoles ou au contraire de forestiers suivant la structure du système. En outre, si on considère le couvert au sol ou l'usage de la terre, les systèmes agroforestiers complexes peuvent être intégrés dans les statistiques forestières ou, au contraire, en être écartés.

Toutefois, cette approche de la définition d'arbre hors forêt, d'emblée claire, montre des limites dès lors qu'il s'agit de sa mise en œuvre pratique. Tout d'abord, elle demande une bonne maîtrise des définitions des forêts et des autres terres boisées dont les frontières, suivant les contextes, ne sont pas toujours nettes. Par exemple, des difficultés d'interprétation surviennent pour des formations végétales telles que les forêts-galeries, les oasis, les brousses tigrées, certaines plantations comme les caféières ou les palmeraies, les jachères agricoles, certains systèmes agroforestiers complexes et plantations d'espèces forestières dans les exploitations agricoles (encadré 3).

Tout aussi délicate est la classification des vergers. Leur objectif principal est la production vivrière (olives, pommes, dattes, feuilles de baobab, etc.). Ils sont généralement considérés comme des cultures agricoles et leurs produits entrent dans les statistiques agricoles. Quant aux prés-vergers2 , ils combinent les avantages des vergers et des pâturages.

Par ailleurs, en Amérique latine, lors des inventaires, les questions de délimitation entre domaine forestier et système arboré hors forêt se posent pour: i) les secteurs des savanes tels que les cerrados au Brésil; ii) les plantations de cacaoyers sous couvert arboré; iii) les plantations de caféier (au Costa Rica, le caféier pousse sous un couvert clairsemé, alors qu'au Honduras les plantations comportent davantage d'arbres, et plus grands); iv) les terres de pâture avec des arbres dont la densité, variable, peut approcher celle d'une forêt; v) les vergers parfois d'apparence semblable à celle des plantations forestières sur des images satellitaires (Kleinn, 1999).

Toutes ces interrogations se révèlent sensibles quand il s'agit d'inventorier des formations ligneuses à des fins de planification, à quelque niveau que ce soit, du local à l'international. Et l'exercice est encore plus complexe et les ambiguïtés plus nombreuses pour une ressource telle que les arbres hors forêt, caractérisée par sa dimension «multiusage», sa diversité de formations boisées et sa gamme d'espèces aux agencements variés dans les environnements urbains et ruraux.

Discuter les définitions n'est donc en rien anodin: inclure ou non des terres dans telle ou telle catégorie n'est pas sans conséquence sur les domaines de compétence des institutions et des structures concernées, sur les mandats et les prérogatives de gestion des acteurs touchés ainsi que sur les modalités d'accès, les types d'usage et les formes d'appropriation des ressources arborées. Une définition des arbres hors forêt intégrant toutes leurs caractéristiques n'est peut-être pas encore envisageable, leur hiérarchisation à partir de critères de classification (superficie, hauteur, taux de couvert arboré, utilisation des terres, occupation du sol) est faisable et leur classification en fonction de leurs usages et de leur organisation spatiale est possible. Les appellations arbres hors forêt ou systèmes ligneux hors forêt ne recouvrent pas totalement leur diversité et leur richesse, l'une parce qu'elle est liée par défaut aux forêts, l'autre parce qu'elle occulte une part de la gamme de ses produits. Faut-il opter pour une autre dénomination? ou faut-il la garder et en préciser la portée? Le terme et déjà largement entré dans l'usage; les confusions n'apparaissent que dans les cas limites (cela est valable dans tous les domaines). Il est donc établi pour durer et aider à clarifier les concepts et les politiques dans la conservation, l'aménagement et le développement des ressources ligneuses dans leur ensemble.


Photo 3. Arbres hors forêt ou forêt de genévriers thurifères? Tizi Bou Zabel, 2 400 m, Maroc. (© Bellefontaine/Cirad)

Intérêt porté aux arbres hors forêt

L'arbre fait partie de nombreux environnements non forestiers: arbres champêtres, arbres des villes, arbres accrochés aux pentes des montagnes ou formant des alignements ou de petits bosquets. Jusqu'à présent les systèmes forestiers ont fait l'objet de plus d'attention que les arbres hors forêt, pourtant si familiers et bien intégrés dans nos paysages. Les législations et les politiques ne considèrent pas encore les arbres hors forêt comme une entité à part entière en dépit de leur importance écologique, économique, sociale (encadré 4). Depuis peu, les points de vue sur cette ressource ligneuse ont changé, voire se sont inversés. Un intérêt croissant, émanant entre autres d'institutions internationales, place les arbres hors forêt dans le champ des discussions scientifiques, économiques et politiques, les inscrivant ainsi dans l'histoire de l'environnement et du développement.

Encadré 4.

Aperçu synthétique des multiples facettes des arbres hors forêt

Parmi tant d'autres caractéristiques, les arbres hors forêt satisfont nombre de besoins des ménages et sont intégrés dans les stratégies de production, de consommation et d'acquisition de revenus des populations. Ils fournissent des produits de première importance au niveau alimentaire tant pour l'homme que pour le bétail (fruits, graines, noix, fourrage, etc.) ou non alimentaire (pharmacopée, bois d'œuvre, de trituration, de feu et de service, fibres, feuilles, etc.). De plus, les arbres hors forêt, à l'égal des arbres des systèmes forestiers, rendent de multiples services directs (qualité de l'environnement, conservation des écosystèmes, ombrage, etc.) et indirects tels la création d'emplois, le développement de secteurs industriels et artisanaux, l'ouverture de marchés.

Dans les années 70, la dégradation climatique dans les divers continents a conduit à une convergence des aides internationales vers les pays frappés par la sécheresse et la désertification. De nombreux reboisements ont été entrepris. Dans les années 80, les recherches en agroforesterie se sont multipliées. Ces travaux ont privilégié le rôle joué par l'arbre dans la fertilité des sols et dans le développement rural. En juin 1992, à Rio de Janeiro, la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) a marqué un tournant dans les approches du développement: les notions d'environnement, de développement durable et de diversité biologique ont été débattues. Les forêts tropicales humides, considérées comme un réservoir de diversité biologique extrêmement menacé par l'exploitation du bois et l'extension des terres agricoles, ont alors bénéficié d'un intérêt sans précédent. Les plantations d'arbres ont été encouragées, notamment pour le stockage de carbone. C'est ainsi que, depuis les années 80, une attention croissante est portée aux produits forestiers non ligneux, jusqu'alors relégués au statut de produits mineurs par rapport au bois, attention qui se conjugue avec des besoins en information de plus en plus vifs sur l'ensemble des ressources arborées.

L'arbre, et en particulier l'arbre hors forêt, est désormais envisagé dans sa contribution au bien-être des populations, à l'économie et à l'environnement. De plus, le développement durable, médiatisé depuis 1987, donne aux arbres hors forêt une nouvelle amplitude, qui dépasse les approches sectorielles, telles l'agroforesterie qui a privilégié les aspects de production et de fertilité des sols ou la foresterie urbaine qui a mis l'accent sur les fonctions ornementales et paysagères. Par leur rôle productif, écologique et social, les arbres des espaces ruraux et urbains se retrouvent sous une même entité et représentent un enjeu du développement durable et un outil de premier plan pour les approches intégrées multisectorielles.

Disciplines et domaines concernés

Les arbres hors forêt poussent dans différents espaces aux vocations diversifiées et couvrent une gamme de formations arborées et arbustives aux espèces infinies. En conséquence, ils intéressent de nombreuses disciplines, allant de l'agronomie à l'urbanisme, de la sociologie à la biologie et ils entrent dans le champ de compétences de secteurs aussi variés que l'agriculture, l'environnement, l'élevage, faisant l'objet d'études dans de nombreux domaines comme l'arboriculture fruitière, les systèmes d'exploitation, l'apiculture. Ils sont une ressource fondamentale des systèmes agroforestiers, cruciale pour le sylvopastoralisme et au cœur de la foresterie rurale, urbaine et communautaire.


Photo 4. Stabilisation d'une dune avec Prosopis spp. et Leptadenia pyrotechnica en Mauritanie. (© Cossalter/Cirad)

Les arbres hors forêt, présents dans la plupart des paysages ruraux, intègrent une grande partie des systèmes agroforestiers. Le Centre international de recherche en agroforesterie (CIRAF) définit l'agroforesterie comme un système dynamique, à visée écologique, de gestion des ressources naturelles (végétales et animales) qui, par l'intégration des arbres dans les exploitations et les espaces agricoles, diversifie et contribue à la production, augmentant ainsi les bénéfices sociaux, économiques et environnementaux en faveur de tous les usagers. Depuis la fin des années 70 et le rapport de Béné et al. (1977) qui a déclenché un intérêt mondial pour l'agroforesterie, de nombreuses recherches traitant de l'association arbres-cultures-animaux ont vu le jour dans presque tous les pays en développement et dans certains pays industrialisés. Malgré quelques échecs soulignés par Budowski (1981) ou Lundgren (1980), des solutions agroforestières ont été fréquemment proposées pour promouvoir le développement agricole en zone tropicale. Les travaux récents sur la valorisation des arbres à usages multiples et la domestication des arbres pour leurs productions autres que le bois (Leakey et al., 1996) ont permis de mieux mesurer et de promouvoir les potentialités d'utilisation des arbres dans des situations non forestières. Même s'il est entendu que l'agroforesterie est une pratique ancienne, l'intérêt accordé à l'arbre et à sa mise en valeur a sans doute provoqué, en partie, la prise de conscience actuelle sur les arbres hors forêt.

Dans les systèmes d'élevage, les arbres jouent un rôle précis constant ou occasionnel, principal ou accessoire; leur présence et leurs dispositions ne sont pas toujours liées au hasard, mais peuvent au contraire être intentionnelles. C'est ainsi qu'en fonction de la présence ou de la disposition de certaines espèces, les arbres hors forêt peuvent marquer sans équivoque l'empreinte de l'élevage dans un paysage. Les systèmes sylvopastoraux se caractérisent souvent par une juxtaposition de parcelles de forêt non pâturées et de pâturages arborés. Les espèces ligneuses présentes sont tantôt spontanées et préservées, tantôt plantées et associées à des espèces locales ou introduites. Les haies et bosquets formant un abri ainsi que les brise-vent sont assez couramment combinés aux pâturages. Chaque paysage agrosylvopastoral a son originalité propre qui se caractérise par les usages de production et les espèces favorisées ou installées.


Photo 5. Parc agroforestier à Faidherbia albida près de Ségou, Mali. (© Faiduti/FAO)

La foresterie, qu'elle soit rurale ou urbaine, privée ou communautaire, intègre également les arbres hors forêt qui dépendent aussi bien des demandes des citadins que des usages paysans. La foresterie urbaine (et périurbaine) comprend la gestion d'arbres isolés ou groupés, plantés ou spontanés en site urbain (Besse et al., 1998). Ce terme recouvre l'arboriculture, les espaces verts ainsi que les boisements périurbains. La qualité de vie dans un environnement construit et inerte ainsi que l'esthétique du paysage dépendent de cette végétation qui doit s'adapter à un grand nombre de contraintes: peu d'espace et de sol, air pollué, agressions des hommes et des animaux, tailles répétées, etc. La foresterie urbaine et périurbaine s'intéresse de plus en plus aux aspects écologiques et paysagers. Si dans la plupart des grandes villes des pays en développement, il n'existe ni budget, ni plan de gestion des arbres urbains, dans les villes des pays industrialisés, les arbres font partie d'un plan d'aménagement intégré du territoire urbain. De son côté, la foresterie sociale a connu des progrès significatifs dans les années 80, principalement pour répondre au problème d'approvisionnement en bois de feu des communautés rurales. Parallèlement, la foresterie rurale est souvent associée au développement rural (Sharma, 1993), comme en Inde, où dès 1961 la politique forestière avait envisagé ce type de foresterie afin de reboiser les terres communautaires et nationales non utilisées. Il en est de même pour la foresterie communautaire qui, de surcroît, met l'accent sur la responsabilisation des populations pour qu'elles soient les véritables gestionnaires des ressources arborées et donc les réelles promotrices de leur développement (Thomson, 1994).

L'arbre hors forêt est une ressource dont les limites, en termes de champs d'intervention et de domaines de compétence, sont quasiment inexistantes étant donné la diversité des secteurs, et donc des acteurs concernés. Cette particularité fait de l'arbre hors forêt un véritable défi pour une gestion intégrée et durable des ressources dans leur ensemble.


1 La catégorie forêt, également appelée terres forestières, inclut les plantations forestières définies comme des peuplements d'arbres établis par plantations et/ou par semis par un processus de boisement ou de reboisement, et composées soit d'espèces introduites soit de peuplements d'espèces locales (une ou deux espèces en plantation, de classe équienne, suivant un espacement régulier) (FAO, 1998b); se référer également à l'annexe 1.

2 Prés-vergers: ce sont des surfaces toujours en herbe, associées à des arbres fruitiers. Leur densité est inférieure à 100 par hectare. La production d'herbe est dominante (Pointereau et Bazile, 1995).

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